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05/12/2011 | FRANCE | N°09/03569

France | France, Cour d'appel de metz, Cour d'appel, 05 décembre 2011, 09/03569


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ
RENVOI APRES CASSATION
ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2011

ARRÊT No 11/ 00634

RG 09/ 03569

Conseil de prud'hommes de Saverne 17 novembre 2006
Cour d'appel de Colmar 22 avril 2008
Cour de cassation 23 septembre 2009

DEMANDERESSE A LA REPRISE D'INSTANCE APPELANTE :
Madame Gilberte X... épouse Y...... 67790 STEINBOURG
Comparante en personne, assistée de Me WELSCH (avocat au barreau de STRASBOURG)
DEFENDERESSE A LA REPRISE D'INSTANCE INTIMEE :
CAISSE DE CREDI

T MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE prise en la personne de son représentant légal 8, Rue de la Gare 67700 SAVERNE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ
RENVOI APRES CASSATION
ARRÊT DU 05 DECEMBRE 2011

ARRÊT No 11/ 00634

RG 09/ 03569

Conseil de prud'hommes de Saverne 17 novembre 2006
Cour d'appel de Colmar 22 avril 2008
Cour de cassation 23 septembre 2009

DEMANDERESSE A LA REPRISE D'INSTANCE APPELANTE :
Madame Gilberte X... épouse Y...... 67790 STEINBOURG
Comparante en personne, assistée de Me WELSCH (avocat au barreau de STRASBOURG)
DEFENDERESSE A LA REPRISE D'INSTANCE INTIMEE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE prise en la personne de son représentant légal 8, Rue de la Gare 67700 SAVERNE
Représentée par Me RICHERT (avocat au barreau de SAVERNE)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
PRÉSIDENT : Madame Monique DORY
ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller Madame Gisèle METTEN, Conseiller

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Madame Myriam CERESER, greffier
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 10 octobre 2011, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 14 novembre 2011 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ et ledit jour prorogé au 05 décembre 2011.

EXPOSE DU LITIGE

Gilberte X... épouse Y... a été engagée à compter du 1er avril 1977 par la Caisse mutuelle de dépôts et de prêts de Steinbourg, devenue ensuite la Caisse mutuelle de dépôts et de prêts de la Zinsel. A partir du 1er janvier 1998, son contrat de travail a été transféré à la Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne. Elle exerçait depuis le 1er décembre 1991 des fonctions de chargé de clientèle.
Après avoir été en arrêt maladie de manière ininterrompue du 8 avril 2002 au 12 avril 2004, elle a été déclarée par le médecin du travail, lors d'un premier examen médical du 1er juillet 2004, " inapte temporaire tout poste secteur de Saverne avis spécialisé en cours ". Lors d'un second examen médical du 15 juillet 2004, le médecin du travail a conclu comme suit " inapte tout poste région de Saverne, proposition de reclassement à poste chargée de clientèle ou autre poste hors région de Saverne ".
Par lettre recommandée du 21 août 2004, elle a été licenciée en raison de son inaptitude à tout poste dans la Caisse région de Saverne après avoir refusé un poste à la Caisse de crédit mutuel Bièvre et Vosges situé à Niderviller.
Suivant demande enregistrée le 15 octobre 2004, Gilberte X... épouse Y... a fait attraire son ex employeur devant le conseil de prud'hommes de Saverne.
La tentative de conciliation a échoué.
Dans le dernier état de ses prétentions, Gilberte X... épouse Y... a demandé à la juridiction prud'homale de :
DIRE et JUGER que le licenciement de Gilberte Y... est nul (article L 122-49 du Code du travail) ;
En conséquence,
CONDAMNER la partie défenderesse au paiement des montants suivants :
-55 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;-6 813, 18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe ;-681, 32 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, avec intérêts légaux à compter de la la réception par l'employeur de la convocation par le greffe ;
A titre très subsidiaire,
DIRE et JUGER que le licenciement de Madame Gilberte Y... est sans cause réelle et sérieuse (art. L. 122-14-4 du Code du Travail) ;

En conséquence,
CONDAMNER la partie défenderesse au paiement des montants suivants :-55 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (art. L. 122-24-4 du Code du Travail), avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;-6 813, 18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe ;-681, 32 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe ;
En tout cas,
CONDAMNER la partie défenderesse au paiement de la prime " médaille du travail " à hauteur de 3 503, 83 € avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe en application de l'article 1153-1 du Code Civil ; RAPPELER le caractère exécutoire de plein droit de la décision à intervenir en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés, et ce, en application des dispositions des articles R. 516-37 et R. 516-18 du Code du Travail, dans la limite de neufs mois de salaire ; INDIQUER dans le jugement à intervenir la moyenne des trois derniers mois de salaire conformément à l'article R. 516-37 du Code du Travail ; ORDONNER l'exécution provisoire en ce qui concerne les dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 515 du N. C. P. C ; CONDAMNER la partie défenderesse au règlement d'une indemnité à hauteur de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du N. C. P. C. augmentés des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir en application des dispositions de l'article 1153-1 du Code Civil ; CONDAMNER la partie défenderesse aux éventuels frais et dépens y compris l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement sans exclusion du droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du créancier.
La Caisse de crédit mutuel de Saverne s'est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de la défenderesse à payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens.
Le conseil de prud'hommes de Saverne a, par jugement du 17 novembre 2006, statué dans les termes suivants :
" DIT que le harcèlement moral n'est pas établi à l'encontre de Madame Y... ;
DEBOUTE la demanderesse de ses chefs de demande à ce titre ;
DIT que le licenciement de Madame Y... repose sur une cause réelle et sérieuse ;
DEBOUTE la demanderesse de ses chefs de demande à titre subsidiaire ;
DEBOUTE la demanderesse de sa demande au titre de la prime « médaille du travail » ;
DEBOUTE la demanderesse de sa demande au titre de l'article 700 du NCPC ;
CONDAMNE Madame Y... à payer à la Caisse du Crédit Mutuel de la Région de SAVERNE :- la somme de 500, 00 euros au titre de l'article 700 du NCPC.
DIT que les éventuels frais et dépens seront à la charge de la demanderesse ".
Suivant déclaration de son avocat expédiée le 13 décembre 2006 au greffe de la cour d'appel de Colmar, Gilberte X... épouse Y... a relevé appel de ce jugement.
Gilberte X... épouse Y... a demandé à la cour d'appel de Colmar de :
DECLARER l'appel régulier, recevable et bien fondé ; INIRMER la décision rendue par le Conseil de Prud'Hommes de SAVERNE en date du 17 novembre 2006 ;
statuant à nouveau,
DECLARER la demande régulière, recevable en tout cas bien fondée ; à titre principal, DIRE et JUGER que le licenciement de Madame Gilberte Y... est nul (art. L. 122-49 du code du Travail) ;
en conséquence,
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE au paiement des montants suivants :-55 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;-6 813, 18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du Conseil de Prud'Hommes ;-681, 32 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du Conseil de Prud'Hommes ;
à titre très subsidiaire,
DIRE et JUGER que le licenciement de Madame Gilberte Y... est sans cause réelle et sérieuse (art. L. 122-14-4 du Code du Travail) ;
en conséquence,
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE au paiement des montants suivants :-55 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (art. L. 122-24-4 du Code du Travail), avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;-6 813, 18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du Conseil de Prud'Hommes ;-681, 32 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du Conseil de Prud'Hommes ;
en tout cas,
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE au paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1147 du Code Civil, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ; CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE au paiement de la prime " médaille du travail " à hauteur de 3 503, 83 €, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du Conseil de Prud'Hommes en application de l'article 1153-1 du Code civil ; RAPPELER le caractère exécutoire de plein droit de la décision à intervenir en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés payés, et ce, en application des dispositions des articles R. 516-37 et R. 516-18 du Code du Travail, dans la limite de neufs mois de salaire ; INDIQUER dans le jugement à intervenir la moyenne des trois derniers mois de salaire conformément à l'article R. 516-37 du Code du Travail ; CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE au règlement d'une indemnité à hauteur de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du N. C. P. C. augmentés des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir en application des dispositions de l'article 1153-1 du Code Civil ; CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE aux éventuels frais et dépens.
La Caisse de Crédit Mutuel de la Région de Saverne a sollicité la confirmation du jugement et le rejet de toutes les demandes de Gilberte X... épouse Y....
Par arrêt du 22 avril 2008, la cour d'appel de Colmar a statué comme suit :
Déclare l'appel de Mme Gilberte Y... régulier et recevable ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Gilberte Y... de sa demande au titre de la prime " médaille du travail " ;
Statuant à nouveau sur ce seul chef de demande,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de la Région de Saverne à payer la somme de 3. 503, 83 € en quittances ou deniers à Mme Gilberte Y... ;
Confirme le jugement déféré ;
Déboute Mme Gilberte Y... de ses entières demandes ;
Condamne Mme Gilberte Y... aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
Par arrêt du 23 septembre 2009, la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, cet arrêt, remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Metz.
Au visa des articles L 1152-1 à L 1152-3 du Code du travail, la Cour de cassation a relevé que pour débouter la salariée de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement pour harcèlement moral et tendant à se voir allouer des dommages-intérêts pour licenciement nul, une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et des dommages-intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail par l'employeur, l'arrêt retenait que la salariée faisait valoir que le directeur l'avait brutalement rétrogradée en mars 2002 pour l'affecter à un poste de guichetière en lui retirant son portefeuille clients alors qu'elle occupait les fonctions de chargée de clientèle depuis 1991 mais que le directeur soutenait dans sa lettre du 10 mai 2002 n'avoir fait que redistribuer les portefeuilles de clientèle sans changement de la classification, du lieu d'affectation et de la rémunération. Or la Cour de cassation a estimé qu'en se déterminant ainsi par des motifs inopérants, sans analyser l'ensemble des faits, y compris la rétrogradation invoquée par la salariée, la cour d'appel, qui n'avait pas précisé si ces faits étaient de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, n'avait pas donné de base légale à sa décision.
Gilberte X... épouse Y... a saisi la cour d'appel de Metz par déclaration de son avocat au greffe de ladite Cour enregistrée le 20 octobre 2009.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Gilberte X... épouse Y... demande à la Cour de :
DECLARER l'appel régulier, recevable et bien fondé ;
INFIRMER la décision rendue par le Conseil de Prud'Hommes de SAVERNE en date du 17 novembre 2006 ;
statuant à nouveau,
DECLARER la demande régulière, recevable en tout cas bien fondée ;
à titre principal,
DIRE et JUGER que le licenciement de Madame Gilberte Y... est nul ;
en conséquence,
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE au paiement des montants suivants :-60 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;-6 813, 18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du Conseil de Prud'Hommes (23 septembre 2005) ;-681, 32 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du Conseil de Prud'Hommes (23 septembre 2005) ;
à titre très subsidiaire,
DIRE et JUGER que le licenciement de Madame Gilberte Y... est sans cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE au paiement des montants suivants :-60 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;-6 813, 18 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du Conseil de Prud'Hommes, soit le 23 septembre 2005 ;-681, 32 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, avec intérêts légaux à compter de la réception par l'employeur de la convocation par le greffe du Conseil de Prud'Hommes, soit le 23 septembre 2005 ;
en tout cas,
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE au paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1147 du Code Civil, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE au règlement d'une indemnité à hauteur de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile augmentés des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir en application des dispositions de l'article 1153-1 du Code Civil ;
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA REGION DE SAVERNE aux éventuels frais et dépens.
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne demande à la Cour de :
- déclarer l'appel mal fondé ;
- confirmer le jugement entrepris ;
- débouter la demanderesse de ses prétentions ;
- la condamner à payer à la défenderesse une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu le jugement entrepris ;
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 23 septembre 2009 ;
Vu les conclusions des parties, déposées le 9 septembre 2011 pour l'appelante et le 23 septembre 2011 pour l'intimée, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Sur la nullité du licenciement

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, anciennement codifié à l'article L 122-49 du même code, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L 1152-2 du code du travail, anciennement codifié au même article, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.
L'article L 1152-3 du code du travail, anciennement codifié au même article, dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles précités est nulle.
Il résulte de l'article L 1154-1 du code du travail, anciennement codifié à l'article L 122-52, qu'en cas de litige relatif à l'application des articles précités, le salarié doit établir des fait qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
* * *
Gilberte X... épouse Y... précise n'avoir rencontré aucune difficulté avec son employeur jusqu'à l'arrivée en janvier 1999 d'un nouveau directeur, Philippe Z..., dont elle qualifie les méthodes d'humiliantes. Elle soutient avoir subi des agissements de harcèlement répétés de la part de celui-ci ayant consisté en des reproches non fondés exprimés en des termes insupportables, en des remontrances multiples formulées de manière tout aussi détestables, en l'attitude de son supérieur à l'égard de sa famille et en une rétrogradation, l'appelante affirmant qu'il lui a retiré ses responsabilités ainsi qu'une partie de ses fonctions. A cet effet, elle fait état de plusieurs entretiens avec ce directeur et se prévaut de plusieurs écrits de celui-ci, de réponses de sa part ainsi que de différents éléments médicaux établissant selon elle que l'attitude de son employeur a eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail ayant altéré sa santé.
La Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne conteste tout harcèlement moral en faisant valoir que les remarques faites à Gilberte X... épouse Y... ne témoignent d'aucune marque de mépris ou de pressions particulières mais sont fondées sur des faits précis et objectifs. Elle nie l'existence d'une rétrogradation de l'intéressée en soulignant qu'avant l'arrivée du nouveau directeur, sa salariée faisait aussi un service au guichet.
Au soutien de ses dires, Gilberte X... épouse Y... verse aux débats :
- un courrier électronique que Philippe Z... a adressé le 16 novembre 2000 à Giberte Roll épouse Luttaman dans lequel il indique reprendre les différents points abordés lors de leur entretien de ce jour, à savoir : * que le développement de son fonds de commerce et les résultats obtenus par elle depuis le 1er janvier 2000 sont nettement insuffisants alors qu'après 23 années d'expérience passées sur la zone de chalandise et près de 5 années passées à Hattmann, ses résultats devraient aboutir à une meilleure productivité. Il compare les réalisations de la salariée aux réalisations attendues d'un chargé de clientèle, laissant apparaître que Gilberte X... épouse Y... est loin d'atteindre les objectifs fixés et ce, alors que selon lui, elle dispose de tous les moyens nécessaires ; * qu'elle a la responsabilité de l'agence à Hattmatt et doit communiquer sur les évolutions positives de l'entreprise alors qu'elle semble à l'écart de ces préoccupations ; * que le seul sentiment de penser donner le meilleur de soi-même ne suffit pas et qu'il lui appartient de remettre en cause ses méthodes de travail et de s'attacher à créer une relation avec ses clients, ne se limitant plus aux seules opérations de guichet ou aux files d'attente ;
- une note établie le 25 juillet 2001 par Philippe Z... à l'attention de Gilberte X... épouse Y... dans laquelle il indique reprendre certains points ne donnant pas satisfaction, à savoir : * de veiller au respect des règles en matière de clients associations à la suite d'un mauvais traitement en partie lié à une transmission hasardeuse du dossier ayant conduit à une réclamation en recommandé d'un tel client ; * de se rapprocher de son binôme pour une bonne gestion des tâches durant les absences respectives de l'un et de l'autre, ledit binôme s'étant plaint, durant ses congés, de la transmission d'instances qu'elle aurait pu elle-même régler ; * de répondre par écrit à toute demande écrite de clients et, notamment à une réclamation d'un client pour le 4 août prochain ; * de respecter les dispositions réglementaires en matière de suivi des débiteurs, la liste " scrivener " du 10 juillet montrant qu'elle n'a pas respecté certaines d'entre elles ; * de respecter la qualité Auto des contrats, ce qui n'a pas été fait pour un contrat en juillet alors que ce n'est pas la première fois qu'elle est concernée ; * de faire en sorte que les comptes des membres de sa famille fonctionnent normalement, Philippe Z... notant que certains d'entre eux apparaissent ponctuellement en situations irrégulières et que ses nombreuses relances visant à ce qu'elle fasse bénéficier ces personnes d'autorisations de découvert ou leur demande de respecter le bon fonctionnement de leur compte n'ont été suivies d'aucun effet ; * de redoubler d'efforts pour compléter rapidement ses connaissances techniques dans les domaines de la bancassaurance, l'intéressée ayant obtenu 25, 5 sur 45 aux tests de connaissance passés en vue de sa candidature à la prochaine session de l'école des ventes ;
* d'assurer le remplacement de son binôme au guichet de Dossenheim durant son absence, Philippe Z... relevant que durant l'année où elle ne l'a pas fait, ses résultats n'étaient pas plus performants et que son binôme a les mêmes contraintes qu'elle, avec plus de journées de remplacement du fait des absences de Gilberte X... épouse Y... ;
- la réponse faite par Gilberte X... épouse Y... à cette note dans laquelle : * elle conteste toute transmission hasardeuse de dossier ; * elle décrit les instances laissées à son binôme ; * elle conteste l'existence d'une réclamation écrite que lui aurait adressée le client cité par Philippe Z... ; * elle indique que sur les 7 comptes de la liste scrivener du 10 juillet, 3 comptes n'ont pas encore été réglés dont un titulaire de compte décédé avec un faible montant ; * elle reconnaît simplement la non transmission d'un relevé d'information pour un des contrats de juillet et mentionne que sur les 22 contrats auto du 1er janvier au 22 juin, un seul avait un problème de qualité ; * elle fait valoir que les comptes des membres de sa famille sont ceux de ses enfants, tous majeurs, et qu'elle leur laisse le soin de prendre les mesures qui s'imposent ; * elle indique qu'elle n'a pas sollicité son inscription à l'école des ventes ;
- un courrier électronique adressé le 12 septembre 2001 par Philippe Z... à Gilberte X... épouse Y... dans lequel il indique notamment que le compte de Stéphane Y... et celui de Gilberte X... épouse Y... sont en situation irrégulière de couverture des positions titres et demande à sa salariée de procéder à une régularisation selon les règles usuelles dans les 5 jours ;
- une lettre adressée le 18 septembre 2001 par Bernard Y..., mari de l'appelante, à Philippe Z... dans lequel il s'étonne de ce son épouse soit incriminée pour la gestion du compte de leur fils majeur âgé de 22 ans et demande à Philippe Z... les éléments qui lui ont permis de conclure à " une situation irrégulière de couverture des positions titres " ainsi que de lui préciser ce qu'il entend par " régularisation selon les règles usuelles " ;
- la lettre adressée le 15 avril 2002 par Geneviève X... épouse Y... au directeur de la Caisse de crédit mutuel de Saverne rédigée comme suit : " Je fais suite à nos entretiens du 13 février et 28 mars 2002, lors desquels vous m'avez fait savoir que vous ne pouviez plus me confier un poste à plein temps comme chargée de clientèle, sans motif précis. Je demande avec insistance de me notifier par écrit mes nouvelles fonctions ainsi que les motifs et les faits générateurs de ce changement. J'ai pris acte que vous m'avez délibérement, unilatéralement et sans m'en référer enlevé le portefeuille client de la CCM Steinbourg. Par ailleurs, j'ai pris note que lors de notre entretien, vous m'avez menacé de poursuites en diffamation, alors que je vous rappelais vos pressions psychologiques intolérables qui ont déjà amené le départ de nombreux autres collègues de notre caisse. De même, lorsque je vous ai demandé de me donner les raisons de ma rétrogradation, la seule réponse était de me dire " c'est moi le Directeur et c'est moi qui décide ", que je n'avais qu'à aller voir ailleurs si cela ne me plaisait pas. " ;

- la réponse que Philippe Z... a adressée le 10 mai 2002 à Gilberte X... épouse Y... ainsi libellée : " La note du 28 mars 2002, faisant suite aux entretiens que nous avons eus et dont vous faites état, vous informait des nouvelles tâches qui vous ont été confiées dans le cadre de la bonne organisation du service tant sur le site de Hattmatt que de Dossenheim. Ces tâches ne constituent nullement une modification de votre fonction et n'opèrent bien évidemment aucun changement sur votre classification, votre lieu d'affectation-qui reste la CCM région de Saverne-et votre rémunération. Elles ont été motivées par le besoin impératif de satisfaction de la clientèle, au travers d'une modification dans l'organisation de la Caisse de crédit mutuel, et qui a nécessité une redistribution des portefeuilles de clientèle. A ce titre, il convient d'ailleurs de remarquer que cette clientèle n'appartient pas à tel ou tel salarié de la CCM région de Saverne ou de l'agence de Steinbourg. D'un point de vue juridique, vous n'ignorez pas non plus que de simples changements dans les conditions de travail décidées par l'employeur dans le cadre de l'organisation de son pouvoir de direction n'opèrent pas de modification du contrat de travail de sorte que vos remarques sont non fondées, notamment quant à une prétendue rétrogradation. De simples changements de conditions de travail dictés par les besoins du service ne peuvent être refusés par vos soins. Je n'insisterai donc pas sur les propos que vous m'avez imputés, dont les termes ne correspondent à aucune réalité et considère qu'ils sont liés à une digression inopportune. " ;
- un avis d'aptitude concernant Gilberte X... épouse Y... établi le 7 juillet 2003 par le centre de pathologie professionnelle et de médecine du travail mentionnant que l'intéressée a développé une véritable haine dirigée contre ce directeur, évoquant même des idées de meurtre si elle devait à nouveau travailler avec lui, mais qu'il existe une souffrance vraie et réelle, se traduisant par des idées de suicide, étant conclu à un état psychique non compatible avec la reprise du travail dans l'agence d'Hattmatt au contact du directeur impliqué ;
- un certificat établi le 9 juin 2004 parle médecin traitant de Gilberte X... épouse Y... qui indique que celle-ci dit avoir l'intention de retravailler mais est angoissée à l'idée de reprendre dans les mêmes conditions ; qu'elle n'accepte pas l'idée d'avoir à changer d'elle-même son poste de travail estimant être la victime de la situation ;
- un certificat établi le 9 juin 2004 par le psychiatre la traitant qui indique que l'agressivité de sa patiente à l'endroit de son directeur dont elle se dit la victime, cohabite bien avec des éléments de la série dépressive (atteinte narcissique, sentiments de non valeur et d'échec de sa vie, envahissement de sa pensée par ce problème, absence de projet en dehors de sa réintégration), des troubles anxieux et des troubles du sommeil ;
- un certificat établi le 9 juin 2004 par le psychiatre ayant suivi Gilberte X... épouse Y... du 19 avril au 8 mai 2004 qui indique qu'elle présentait alors un trouble anxio-dépressif majeur avec dévalorisation, blessure narcissique et idées suicidaires ;
- douze attestations de salariés ou d'anciens salariés de la Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne faisant pour certains état des méthodes dictatoriales de Philippe Z... et se plaignant chacun d'avoir personnellement été victime de pressions psychologiques, de remarques humiliantes et/ ou de rétrogradations de la part de Philippe Z... ;
La Caisse de Crédit mutuel de Saverne verse quant à elle aux débats :
- des lettres de salariés adressées en septembre 2002 au Président du conseil d'administration de la Caisse de crédit mutuel dans lesquelles ils se déclarent satisfaits de leurs conditions de travail et se désolidarisent du courrier envoyé le 3 septembre 2002 à cette même personne par Yves A... et Gilberte Y..., en qualité respectivement de délégué du personnel et délégué du personnel suppléant, faisant état des pressions psychologiques, des agressions verbales, des brimades exercées sur Philippe Z... sur les salariés de la Caisse et exerçant leur droit d'alerte à ce titre ;
- les décisions rendues à la suite de la saisine du conseil de prud'hommes de Saverne par Yves A... et Gilberte X... épouse Y..., en leur qualité de délégué du personnel titulaire et suppléant, sur le fondement de l'article L 422-1-1 du Code du travail pour faire procéder à la désignation d'un expert " aux fins de rassembler les éléments qui, sur le plan de l'organisation et du management, sont responsables de la dégradation des relations du travail et, par voie de conséquence, d'atteinte à la santé des salariés ", la cour d'appel de Colmar ayant, par un arrêt du 15 janvier 2004, infirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Saverne du 17 mars 2003 qui avait ordonné une expertise psychologique ;
- une ordonnance de non lieu rendue le 1er avril 2005 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Saverne dans laquelle il estimait qu'il ne résultait pas de l'information charges suffisantes contre quiconque d'avoir, courant 2001 et 2002, harcelé moralement Gilberte X... épouse Y... ;
- un arrêt rendu le 11 août 2005 par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar confirmant cette ordonnance.
Il n'y a pas lieu de prendre en considération les attestations produites par l'appelante, ni les lettres de salariés versées par l'intimée pas plus qu'il ne convient de s'attacher à la procédure initiée par Yves A... et Gilberte épouse Y... sur le fondement de l'ancien article L 422-1-1 du Code du travail dans la mesure où ces éléments n'ont pas directement trait au comportement de Philippe Z... vis-à-vis de Gilberte X... épouse Y... et aux conditions de travail personnelles de celle-ci.
En ce qui concerne les décisions pénales, elles n'empêchent nullement la reconnaissance éventuelle d'un harcèlement moral subi par Gilberte X... épouse Y... dès lors qu'il ne s'agit pas de décisions de relaxe mais de non lieu et ce, d'autant plus que l'arrêt de la chambre de l'instruction est motivé par la circonstance que la loi ayant créé le délit de harcèlement moral est entrée en vigueur à compter du 1er septembre 2002 de sorte que ne peuvent être pris en compte, comme éléments matériels de l'infraction, que des agissements postérieurs au 1er septembre 2002 et qu'il n'est pas trace à partir du 8 avril 2002, date de la mise en arrêt de travail de l'intéressée, d'agissements répétés de Philippe Z... à l'encontre de Gilberte X... épouse Y....
Si l'existence de remarques à caractère déplacé, menaçant ou humiliant formulées par Philippe Z... à l'endroit de Gilberte X... épouse Y... lors d'entretiens n'est pas corroborée par des éléments objectifs et précis tels que des attestations de personnes y ayant assisté et si un supérieur hiérarchique est fondé à souligner à un de ses collaborateurs l'insuffisance de ses résultats en l'invitant à remettre en cause ses méthodes de travail, étant relevé que Gilberte X... épouse Y... n'a pas discuté les chiffres cités dans le courriel du 16 septembre 2000, force est de constater en revanche qu'elle a contesté de manière précise et argumentée plusieurs des points pour lesquels son directeur se déclarait insatisfait dans sa note du 25 juillet 2001. Or, la Caisse de crédit mutel de la région de Saverne ne remet pas en cause les éléments de réponse donnés par Gilberte X... épouse Y.... Il s'ensuit dès lors que plusieurs des remarques faites par Philippe Z... dans cette note s'avèrent infondées. Quant à celle portant sur le fonctionnement de comptes de membres de sa famille, elle apparaît manifestement déplacée, s'agissant de personnes majeures dont l'état des comptes ne regarde pas Gilberte X... épouse Y..., et tend à la rendre fautive de l'éventuelle situation irrégulière de ces comptes alors qu'elle n'en est pas la titulaire et qu'elle ne saurait être chargée de leur suivi compte tenu du conflit d'intérêt existant dans une telle situation.
Or, le courriel du 12 septembre 2001 de Philippe Z... démontre que quelques semaines plus tard, celui-ci a persisté à rendre Gilberte X... épouse Y... responsable d'une situation éventuellement irrégulière d'un compte de son fils. En outre, il lui a également reproché une situation irrégulière de couverture des positions titre de son propre compte en lui demandant une régularisation au plus vite mais il n'est justifié par la Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne d'aucun élément en réponse aux observations de Bernard Y... qui cherchait à comprendre en quoi la situation était irrégulière. Dès lors, cette remarque apparaît aussi injustifiée.
Si, dans sa lettre du 10 mai 2002, Philippe Z... a contesté toute rétrogradation ou toute modification du contrat de travail de Gilberte X... épouse Y..., il convient de relever qu'il a reconnu un changement des tâches affectées à celle-ci et qu'il n'a pas expressément remis en cause les affirmations de sa salariée suivant lesquelles il ne lui confiait plus un poste à plein temps comme chargée de clientèle et lui retirait le portefeuille de client de la CCM Steinbourg. Sur ce dernier point, il a même fait remarquer qu'un portefeuille de clients n'appartient à aucun salarié, corroborant l'affirmation de Gilberte X... épouse Y....
Au demeurant, il résulte des conclusions de la Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne qu'avant la réorganisation, la salariée gérait le portefeuille de clientèle de Hattmatt ainsi que celui d'une autre agence et qu'après la réorganisation, elle a conservé le seul portefeuille de Hattmatt.
La Caisse de crédit Mutuel de la région de Saverne fait valoir néanmoins qu'il n'y a jamais eu de rétrogradation de Gilberte X... épouse Y... dès lors que celle-ci a toujours fait un service de guichet.
Elle argue à cet effet d'un tableau établissant le service de guichet de Gilberte X... épouse Y... avant le changement et de la note du 28 mars 2002 relatif aux nouvelles tâches de celle-ci. Or, elle ne produit ni l'un, ni l'autre.
Cependant, les seules explications de la Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne sont édifiantes. En effet, elle indique qu'avant l'arrivée de Philippe Z..., Gilberte X... épouse Y... faisait des opérations de guichet à Hattmatt les mardis matin, mercredis après-midi, vendredis et samedis matin et que la note du 28 mars 2002 lui a attribué les opérations de guichet de Hattmatt les mardis et vendredis ainsi que le guichet d'une autre agence les mercredis, jeudis et samedis. Il apparaît ainsi qu'alors qu'elle n'assurait avant les opérations de guichet que deux jours et demi par semaine, Gilberte X... épouse Y... a été affectée constamment aux opérations de guichet, soit 5 jours par semaine, à compter de la réorganisation.
Il en ressort que l'intéressée est passée d'un mi temps au guichet avec en charge la gestion de deux portefeuilles de clientèle à un temps plein de guichet avec en charge la gestion d'un seul des portefeuilles qu'elle avait auparavant. La rétrogradation de Gilberte X... épouse Y... est ce faisant parfaitement caractérisée, peu important qu'elle ait conservé une part réduite d'activité de chargée de clientèle et cette qualification.
Gilberte X... épouse Y... établit donc avoir fait l'objet de la part de Philippe Z..., en l'espace de seulement neuf mois, de critiques infondées sur l'exécution de son travail, de remarques réitérées sur le fonctionnement de comptes de membres de sa famille, remarques déplacées et tendant à lui imputer à tort la responsabilité de la situation irrégulière ponctuelle desdits comptes, de remarque injustifiée quant à la situation d'un de ses comptes et d'une rétrogradation dans ses fonctions, laquelle n'est légitimée par aucune circonstance.
Si l'agressivité et la haine développées par Gilberte X... épouse Y... envers Philippe Z... telles que constatées dans les éléments médicaux produits apparaissent très excessives, il n'en demeure pas moins que la Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne ne saurait en tirer argument dès lors qu'elles trouvent manifestement leur origine dans les agissements injustifiés de son directeur de caisse et que ceux-ci ont généré chez la salariée une réelle et grave souffrance morale se traduisant par des troubles dépressifs et des idées suicidaires.
Il apparaît ainsi que Gilberte X... épouse Y... a subi des agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail ayant altéré sa santé mentale.
La Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne relève que l'organisme de sécurité sociale a rejeté les demandes de Gilberte X... épouse Y... visant à être prise en charge au titre d'un accident de travail puis d'une maladie professionnelle.
Toutefois, cette circonstance est indifférente dès lors que les dispositions du Code du travail sont autonomes par rapport au droit de la sécurité sociale en sorte qu'il appartient au juge de rechercher l'existence d'un lien de causalité entre l'état de santé du salarié et son activité. Or, en l'espèce, il résulte des éléments médicaux produits par Gilberte X... épouse Y..., notamment de l'avis établi le 7 juillet 2003 par le centre de pathologie professionnelle et de médecine concluant à un état psychique non compatible avec la reprise du travail dans l'agence d'Hattmatt au contact du directeur impliqué et de l'avis du 15 juillet 2004 du médecin du travail déclarant la salariée " inapte tout poste région de Saverne. Proposition de reclassement à poste chargée de clientèle ou autre poste hors région de Saverne ", que l'inaptitude de Gilberte X... épouse Y... est liée au harcèlement moral dont elle a victime de la part de son directeur de caisse. La rupture du contrat de travail prononcée en raison de l'inaptitude de la salariée ainsi que de l'impossibilité de la reclasser est donc elle-même liée au harcèlement moral subi par celle-ci du fait des agissements de Philippe Z... dont l'employeur est responsable vis-à-vis de sa salariée.
En conséquence, il convient de dire et juger que le licenciement de Gilberte X... épouse Y... est nul, le jugement étant infirmé.

Sur les conséquences financières du licenciement nul

Le salarié dont le licenciement est nul est en droit de prétendre à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice subi et au moins égale à celle prévue à l'article L 1235-3 du Code du travail, anciennement codifié à l'article L 122-14-4 du même code, c'est-à-dire au moins égale aux salaires des six derniers mois ce qui représente la somme de 13 492, 05 euros.
Gilberte X... épouse Y... ne justifie ni de sa situation au regard de l'emploi, ni de ses revenus depuis son licenciement, étant néanmoins observé que par jugement du 18 novembre 2005, le tribunal du contentieux de l'incapacité de Strasbourg a dit qu'à la date du 28 juillet 2004, elle présentait un état d'invalidité réduisant au moins des deux tiers sa capacité de travail ou de gain lui permettant de prétendre à l'attribution d'une pension d'invalidité de 1ère catégorie. Il convient de relever qu'au moment de son licenciement, elle était âgée de 49 ans et avait une ancienneté de 27 ans. Par ailleurs, elle justifie d'un préjudice moral certain.
En considération de ces éléments, il y a lieu de lui allouer des dommages et intérêts à hauteur de 40 000 euros et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La nullité du licenciement ouvre automatiquement droit à l'indemnité compensatrice de préavis, peu important que le salarié se soit trouvé dans l'incapacité de l'effectuer. La Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne contestant seulement le principe de cette indemnité mais non ses modalités de calcul, à savoir un montant correspondant à trois mois de salaire, il convient d'accueillir la demande de Gilberte X... épouse Y... portant sur la somme de 6 813, 18 euros et celle portant sur la somme de 681, 31 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents, lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2005 comme il est demandé, cette date étant postérieure à la première convocation de l'employeur devant le Conseil de Prud'hommes.

Sur le paiement de la prime de médaille du travail

En l'absence de tout moyen développé quant au chef du jugement ayant débouté Gilberte X... épouse Y... de cette demande, le jugement sera confirmé à ce titre, étant observé que comme il sera ci-dessous indiqué, ladite prime a depuis lors été payée.

Sur les dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat par l'employeur

Gilberte X... épouse Y... fait valoir que depuis le 1er juin 2004, il lui était dû une prime équivalente à deux mois de salaire pour ses 35 années d'activité. Or, elle soutient que l'employeur a tardé à communiquer le dossier au représentant de l'Etat alors qu'il était en possession de tous les documents depuis août 2005 et que cette prime ne lui était toujours pas versée au mois de juin 2007.
La Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne réplique que cette prime est allouée sous réserve de la délivrance du diplôme, que la demande de médaille d'honneur a été réceptionnée par le représentant de l'Etat le 28 juillet 2004 mais que celui-ci a demandé des renseignements ainsi que pièces complémentaires et que lorsque Gilberte X... épouse Y... a fourni le diplôme, soit le 30 janvier 2008, elle a aussitôt effectué le paiement.
* * *
La convention collective de travail des Caisses de crédit mutuel prévoit qu'il est alloué aux salariés comptant 35 années de travail une prime de médaille de travail et que celle-ci est versée à la date d'échéance, sous réserve de la délivrance du diplôme.
Gilberte X... épouse Y... justifie qu'elle a obtenu la médaille d'honneur du travail pour 35 années de service le 14 juillet 2005 et que son diplôme a été envoyé par la sous-préfecture au Crédit Mutuel de Saverne durant le mois d'août 2005. Or, la prime de médaille ne lui a été payée qu'en février 2008, soit avec près de deux ans et demi de retard.
La Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne ayant ainsi tardé dans l'exécution de ses obligations, Gilberte X... épouse Y... est fondée à demander la réparation du préjudice qu'elle a subi ce faisant. La Cour est en mesure d'évaluer à la somme de 150 euros l'indemnisation due à ce titre, ladite somme produisant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne, qui succombe, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de ses demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'à hauteur d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Gilberte X... épouse Y... les frais non compris dans les dépens. La Caisse de crédit mutuel sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire :
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 23 septembre 2009 ;
Reçoit l'appel de Gilberte X... épouse Y... contre un jugement rendu le 17 novembre 2006 par le conseil de prud'hommes de Saverne ;
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Gilberte X... épouse Y... de sa demande en paiement de la prime médaille du travail ;
Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant :
Dit et juge que le licenciement de Gilberte X... épouse Y... est nul ;
Condamne la Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne à payer à Gilberte X... épouse Y... les sommes de : * 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; * 6 813, 18 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2005 ; * 681, 32 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2005 ; * 150 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du versement tardif de la prime de médaille du travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; * 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la Caisse de crédit mutuel de la région de Saverne aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 05 décembre 2011, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.
Le greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : Cour d'appel
Numéro d'arrêt : 09/03569
Date de la décision : 05/12/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2011-12-05;09.03569 ?
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