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05/12/2011 | FRANCE | N°09/004411

France | France, Cour d'appel de metz, S1, 05 décembre 2011, 09/004411


Minute no 11/ 00657
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05 Décembre 2011
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RG 09/ 00441
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Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ
19 Décembre 2008
06/ 993 E
---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

cinq décembre deux mille onze

APPELANTE :

Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine, prise en la personne de son représentant légal
...
57000 METZ

Représentée par Me EIS

ELE (avocat au barreau de METZ)

INTIME :

Monsieur Jacques Y...
...
57155 MARLY

Représenté par Me VANMANSART (avocat au barreau de ME...

Minute no 11/ 00657
-----------
05 Décembre 2011
-------------------------
RG 09/ 00441
-----------------------
Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de METZ
19 Décembre 2008
06/ 993 E
---------------------- RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU

cinq décembre deux mille onze

APPELANTE :

Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine, prise en la personne de son représentant légal
...
57000 METZ

Représentée par Me EISELE (avocat au barreau de METZ)

INTIME :

Monsieur Jacques Y...
...
57155 MARLY

Représenté par Me VANMANSART (avocat au barreau de METZ), substitué par Me HAXAIRE (avocat au barreau de METZ)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

PRÉSIDENT : Madame Monique DORY, Président de Chambre

ASSESSEURS : Madame Marie-José BOU, Conseiller
Madame Gisèle METTEN, Conseiller

GREFFIER (lors des débats) : Madame Céline DESPHELIPPON, Greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 novembre 2011, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 05 décembre 2011 par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ.

EXPOSE DU LITIGE

Né le 10 janvier 1949, Jacques Y...a été embauché en qualité d'employé au sein des services comptables par le Crédit Agricole de la Moselle le 1er mars 1971. Après plusieurs promotions, il a été nommé, le 1er juillet 1993, responsable de la comptabilité et de la fiscalité de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine, ci-après la CRCAM, à Metz. A partir du 1er juillet 2004, il a occupé les fonctions de responsable du service des études et réalisations immobilières à Nancy. Au cours d'un entretien du 29 mars 2005 et dans des courriers ultérieurs, la CRCAM a fait part à Jacques Y...de sa volonté de l'affecter au poste de responsable épargne sur le site de Bar Le Duc, affectation que Jacques Y...a refusé d'accepter à plusieurs reprises. Alors qu'il était en arrêt de travail pour maladie depuis le 30 mars 2005, Jacques Y...a été victime d'un accident à son domicile le 17 mai 2005. A la suite d'un courrier du médecin du travail du 31 mars 2006 l'informant qu'une reprise du travail par Jacques Y...serait envisageable dans le courant du mois de mai suivant et que les déplacements quotidiens en voiture sur Nancy ou Bar le Duc étaient contre indiqués, la CRCAM a informé Jacques Y...de son affectation comme responsable logistique immeuble et budget technologique à Laxou à compter du 18 mai 2006. Jacques Y...s'y est opposé et a refusé, par courrier du 21 juin 2006, la nouvelle proposition de son employeur de l'affecter sur le site de Metz au poste de responsable logistique immeuble du bâtiment Saône (Laxou) et des budgets technologiques de la Caisse Régionale.

Suivant demande enregistrée le 19 juillet 2006, Jacques Y...a fait attraire son employeur devant le conseil de prud'hommes de Metz.

Par lettre du 20 juillet 2006, la CRCAM a affecté Jacques Y...au poste de responsable administratif et financier de la filière immobilière du Crédit Agricole à Metz, poste que l'intéressé a effectivement occupé.

La tentative de conciliation a échoué.

Dans le dernier état de ses prétentions, Jacques Y...a demandé à la juridiction prud'homale de :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

- lui allouer les sommes suivantes :
* 13 050 euros bruts au titre du préavis ;
* 1 305 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;
* 110 000 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;
* 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail et harcèlement ;
* 220 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- condamner la CRCAM aux entiers frais et dépens et à la délivrance sous astreinte des bulletins de paie, certificat de travail, attestation Assedic conformes au jugement à intervenir.

La CRCAM s'est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de Jacques Y...au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Le conseil de prud'hommes de Metz a, par jugement du 19 décembre 2008, statué dans les termes suivants :

- prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Jacques Y...aux torts exclusifs de l'employeur ;

- condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine, prise en la personne de son Président, à payer à Jacques Y...les sommes suivantes :
* 168 710, 64 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 24 101, 52 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et harcèlement ;
avec intérêts de droit, au taux légal, à compter du 19 décembre 2008, date de prononcé du jugement ;
* 12 050, 76 euros bruts au titre du préavis ;
* 1 205, 07 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;
* 27 636, 40 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement ;
avec intérêts de droit, au taux légal, à compter du 19 décembre 2008, date de prononcé du jugement ;
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonne la remise des documents légaux conformes au présent jugement, bulletins de paie, certificat de travail, attestation Assedic ;

- déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- ordonne l'exécution provisoire sur l'intégralité des condamnations du jugement hormis les dépens ;

- condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine aux entiers frais et dépens de l'instance y compris les éventuels frais d'exécution du jugement.

Dans l'intervalle, par lettre du 26 mai 2008, la CRCAM a notifié à Jacques Y...sa mise à la retraite, lui précisant que celle-ci serait effective le 31 janvier 2009 au soir.

Suivant déclaration de son avocat enregistrée le 16 janvier 2009 au greffe de la cour d'appel de Metz, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine a relevé appel de ce jugement dont elle a reçu notification le 22 décembre 2008.

Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la CRCAM demande à la Cour de :

- déclarer son appel tant recevable que bien fondé ;

y faisant droit,

- annuler le jugement entrepris pour violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

- dire et juger qu'il n'y a pas eu inexécution des obligations résultant du contrat de travail de Jacques Y...par la CRCAM ;

- dire et juger qu'il n'y a pas eu de harcèlement de Jacques Y...par la CRCAM ou par ses salariés ;

- rejeter la demande d'annulation de la décision de mise à retraite d'office présentée par Jacques Y...plus de deux ans et demi après sa prise de retraite alors qu'il ne l'avait pas contestée auparavant ;

- dire et juger sans objet la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Jacques Y...du fait de son départ en retraite ;

- dire et juger tant irrecevables que mal fondées, du fait de son départ en retraite, la demande d'indemnité compensatrice de préavis augmentée des congés payés, la demande d'indemnité de licenciement et la demande en dommages et intérêts pour licenciement abusif présentées par Jacques Y...;

- rejeter l'appel incident de Jacques Y...;

- débouter Jacques Y...de toutes ses fins et conclusions et le condamner à restituer les sommes perçues en application du jugement entrepris ;

- le condamner aux entiers frais et dépens de la procédure, ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- à titre subsidiaire, condamner Jacques Y...à restituer à la CRCAM la somme de 29 101, 58 euros brut qu'il s'est vu remettre à l'occasion de son départ à la retraite.

Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, Jacques Y...demande à la Cour de :

- recevoir les appels principal et incident en la forme ;

- dire que seul l'appel incident de Jacques Y...est bien fondé ;

y faisant droit en infirmant partiellement le jugement entrepris,

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à Jacques Y...la somme de 109 382, 44 euros au titre de l'indemnité de licenciement, avec intérêts de droit à compter du jour de la rupture du contrat de travail ;

- confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

- débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

très subsidiairement et au cas où la Cour jugerait n'y avoir lieu à statuer sur la demande de résiliation judiciaire de Jacques Y...en raison de sa mise à la retraite,

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à Jacques Y...la somme de 343 586, 83 euros ;

- la condamner à payer à Jacques Y...la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE L'ARRET

Vu le jugement entrepris ;

Vu les conclusions des parties, déposées le 4 novembre 2011 pour l'appelante et le 3 novembre 2011 pour l'intimé, présentées en cause d'appel et reprises oralement à l'audience de plaidoirie, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises ;

Sur l'annulation du jugement

La CRCAM sollicite l'annulation du jugement pour violation de l'article 455 du Code de procédure civile. Elle fait valoir que les premiers juges se sont prononcés au visa de motifs hypothétiques et sans fondement.

Jacques Y...conclut au rejet de cette demande en rétorquant que lui-même a complètement exposé ses motifs au conseil de prud'hommes et justifié de ses allégations par la production de pièces. Il estime que le jugement est particulièrement motivé.

* * *

Il résulte de l'article 455, alinéa premier, et de l'article 458 du code de procédure civile que le jugement doit être motivé et que la méconnaissance de l'obligation de motiver est sanctionnée par la nullité du jugement, la nullité étant aussi encourue en cas d'une insuffisance de motivation résultant notamment de motifs dubitatifs ou hypothétiques.

En revanche, le caractère non fondé des motifs du jugement n'est pas de nature à entraîner la nullité du jugement mais son éventuelle réformation.

En l'espèce, pour prononcer la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, le jugement retient notamment que le nouveau poste où Jacques Y...a été affecté à partir du 1er juillet 2004 " semblait beaucoup moins important " que le précédent, " qu'en organisant une telle déchéance des conditions de travail de Monsieur Jacques Y..., la défenderesse se devait d'avoir de bonnes raisons et surtout une énorme rancoeur vis-à-vis de ce dernier " et que " la dégradation des conditions de travail de Monsieur Jacques Y...est vraisemblablement la suite de la révélation des faits litigieux " par l'intéressé.

Toutefois, si ces motifs ont un caractère dubitatif ou hypothétique, force est de constater que le Conseil de Prud'hommes ne s'est pas déterminé par ces seules énonciations. En effet, pour retenir les agissements fautifs de l'employeur, les premiers juges ont également relevé que le poste de Nancy n'avait aucun rapport avec celui que Jacques Y...occupait auparavant, qu'il s'agissait d'une mutation forcée, qu'avoir menacé le salarié d'une sanction, dans un courrier du 3 novembre 2004, sans lui avoir laissé le temps de prendre l'entière possession d'un poste tout à fait inédit pour lui relevait du harcèlement, que neuf mois après l'avoir affecté dans un nouveau poste, l'employeur avait une nouvelle fois unilatéralement muté son salarié sur un poste encore plus éloigné sans tenir compte du refus justifié de Jacques Y..., que l'employeur n'avait ensuite nullement pris en considération les recommandations de la médecine du travail pour reclasser son salarié et avait achevé son oeuvre de destruction en le mutant dans une de ses filiales au mépris de toutes les règles régissant le monde du travail.

Ce faisant, le jugement apparaît suffisamment motivé, abstraction faite des motifs critiqués par la CRCAM. Il convient donc de rejeter la demande visant à voir annuler le jugement entrepris.

Sur la mise à la retraite

La CRCAM estime que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est devenue sans objet dès lors que ce contrat a pris fin par la mise à la retraite de Jacques Y...avant qu'intervienne une décision de justice définitive.

Elle précise qu'en application de l'article L 122-14-13 du Code du travail en vigueur au moment des faits, une convention ou un accord collectif antérieur au 22 décembre 2006 pouvait autoriser jusqu'au 31 décembre 2009 la mise à la retraite des salariés âgés de 60 à 65 ans et que tel est le cas de l'accord du 9 janvier 2006 sur la mise à la retraite dans les caisses régionales de Crédit Agricole et les organismes adhérant à la convention collective du Crédit Agricole. Elle ajoute que ledit accord prévoit des contreparties à ces mises à la retraite en termes d'emploi, voire de formation professionnelle, ceci constituant selon elle un objectif légitime de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et soutient qu'elle a respecté ses engagements en matière de contreparties.

Elle fait valoir qu'en 2008, 32 collaborateurs ont bénéficié d'une retraite à taux plein comme Jacques Y..., ce qui exclut d'après elle toute discrimination. Elle explique avoir, jusqu'au 31 décembre 2008, systématiquement proposé leur mise à la retraite à ses salariés ayant atteint l'âge requis car l'indemnité n'était alors pas soumise à charges patronales, ajoutant que les conditions financières de son départ en retraite ont été particulièrement favorables pour l'intéressé dans la mesure où la prime qu'il a perçue était défiscalisée.

Elle estime que la mise à la retraite de Jacques Y...s'est opérée dans le strict respect de la loi, de la convention collective et de l'accord du 9 janvier 2006 et relève que sa contestation est tardive.

Jacques Y...souligne que pour la première fois dans des écritures du 27 juillet 2011, la CRCAM a invoqué sa mise à la retraite pour en déduire que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail était devenue sans objet. Il explique que c'est ainsi qu'il en est venu à contester sa mise à la retraite.

Il soutient que sa mise à la retraite prématurée à l'âge de 60 ans est intervenue de façon discriminatoire et par fraude, afin d'empêcher la Cour d'appel de se prononcer sur la résiliation judiciaire du contrat et ses conséquences. Il se réfère à un arrêt rendu le 16 février 2011 par la chambre sociale de la Cour de cassation dans une espèce où la SCNF avait mis d'office à la retraite une de ses salariés.

Il relève que la mise à la retraite des 32 personnes citées par son ancien employeur est intervenue en 2008 alors qu'il affirme avoir lui-même été mis à la retraite en 2009, époque à laquelle la CRCAM admettrait de ne plus avoir mis d'office de salariés à la retraite.

Il ajoute que la possibilité pour les branches de conclure de tels accords a été supprimée depuis le 23 décembre 2006 alors que sa mise à la retraite d'office est intervenue postérieurement.

Enfin, il sollicite l'annulation de sa mise à la retraite d'office en arguant du non respect de l'article 2 de l'accord collectif du 9 janvier 2006. En effet, il se plaint de n'avoir pas bénéficié d'un entretien au sens des dispositions précitées et de n'avoir pas été informé de la possibilité qu'il avait de saisir la commission paritaire pour contester cette décision.

* * *

Lorsque, au moment où le juge statue sur une action du salarié tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le contrat de travail a pris fin par la mise ou le départ à la retraite du salarié, sa demande de résiliation judiciaire devient sans objet.

En l'espèce, Jacques Y...a été mis à la retraite avec effet au 31 janvier 2009, avant qu'il ne soit statué par une décision passée en force de chose jugée sur sa demande de résiliation judiciaire puisque tel est précisément l'objet du litige dont la Cour est saisie. Aussi, il convient d'examiner préalablement sa demande tendant à voir annuler sa mise à la retraite.

Il résulte des articles 1132-1 et 1132-4 du code du travail qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son âge et que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié au mépris de cette règle est nul.

Selon la directive no 2000/ 78/ CE du 27 novembre 2000, les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime, notamment de politique de l'emploi, et lorsque les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Le fait que Jacques Y...ait attendu de conclure de 13 octobre 2011 pour solliciter l'annulation de sa mise à la retraite est indifférent quant au bien fondé de sa demande, lequel doit s'apprécier au regard des dispositions susvisées.

La mise à la retraite d'un salarié en raison de l'atteinte par celui-ci de l'âge de 60 ans entre dans le champ d'application de l'article 1132-1 susvisé prohibant les discriminations fondées sur l'âge.

Dès lors, la circonstance justifiée par la CRCAM que d'autres salariés âgés de 60 ans aient aussi été mis à la retraite de manière quasi concomitante à Jacques Y...est indifférente.

La seule invocation par la CRCAM que l'accord du 9 janvier 2006 sur la mise à la retraite dans les caisses régionales de Crédit Agricole et les organismes adhérant à la convention collective du Crédit Agricole, pris en application de l'article L 122-14-13 du Code du travail alors en vigueur et en vertu duquel Jacques Y...a été mis à la retraite, ait prévu que la mise à la retraite des salariés à partir de 60 ans était conditionnée à la mise en oeuvre de contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle est insuffisante à justifier d'un objectif légitime au sens des dispositions précitées, s'agissant d'une formulation très générale ne comportant aucun engagement précis.

Certes, il résulte de l'exemplaire complet dudit accord produit par Jacques Y...que l'article 3. 1 de l'accord précise que la mise à la retraite s'accompagne des contreparties en matière d'embauche selon les modalités suivantes :
- soit deux recrutements en contrat à durée indéterminée pour trois salariés mis à la retraite jusqu'au 31 décembre 2008 puis un recrutement en contrat à durée indéterminée pour deux salariés mis à la retraite au delà ;
- soit deux embauches sous forme de contrat de formation en alternance à durée déterminée pour deux salariés mis à la retraite ;
et que compte tenu de la diversité des situations démographiques des Caisses régionales, cet engagement est pris au niveau de la branche professionnelle. Dans l'article 3. 2 du même accord, les parties signataires réaffirment que la formation doit contribuer à l'adéquation de chacun à son poste de travail et faciliter la construction du projet professionnel de tous et qu'une attention particulière sera portée aux salariés en deuxième partie de carrière.

Néanmoins, s'agissant des embauches, il y a lieu d'observer que les contreparties convenues autorisent en fait les caisses régionales et les organismes employeurs à globalement diminuer leurs effectifs sans que les embauches, notamment celles en contrat à durée indéterminée, visent un public particulier connaissant des difficultés spécifiques d'insertion professionnelle. L'engagement en termes d'embauches pris par branche et non par caisse permet en outre à certains employeurs des suppressions plus importantes de postes au détriment des bassins d'emploi dont ils relèvent. Par ailleurs, s'agissant de la formation professionnelle, la formulation de l'accord est extrêmement vague et ne comporte en tout cas aucune obligation précise pesant sur les employeurs ni qualitativement, ni quantitativement. Il n'apparaît donc pas que la mesure discriminatoire en cause se rattache à un objectif légitime de politique sociale.

La CRCAM verse aussi aux débats un compte rendu succinct de la réunion de son comité d'entreprise tenue le 11 juin 2009 auquel est annexé un projet de bilan social 2008 dont il résulte qu'elle a réalisé 192 embauches en 2008. Toutefois, ce seul élément est insuffisant pour apprécier la réalisation des contreparties prévues par l'accord alors que l'article 6 dudit accord mentionne qu'un bilan des embauches prévues à l'article 3. 1 précité sera effectué au plus tard 12 mois après son entrée en vigueur puis tous les ans dans le cadre de la commission nationale de l'emploi et de la formation professionnelle et qu'il n'est pas produit de tels bilans. Ainsi, contrairement à ce que soutient la CRCAM, le respect des engagements pris en termes de recrutement et d'embauches n'est nullement établi, étant rappelé qu'aux termes du préambule de l'accord, la mise à la retraite des salariés concernés par l'accord est conditionnée par la mise en oeuvre des contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle.

Les éléments fournis n'établissent donc pas que la mise à la retraite de Jacques Y...ait été justifiée par un objectif légitime de politique sociale tenant à des embauches ou à des mesures en matière de formation professionnelle et qu'elle ait été accompagnée des contreparties en matière d'embauche conventionnellement prévues.

Quant à l'explication donnée par l'intimée suivant laquelle elle a systématiquement proposé, jusqu'au 31 décembre 2008, leur mise à la retraite à ses salariés ayant atteint l'âge de 60 ans car l'indemnité n'était alors pas soumise à charges patronales, force est de constater qu'un tel motif ne saurait être considéré comme un objectif légitime au sens des dispositions susvisées.

Enfin, la non soumission à l'impôt de l'indemnité de mise à la retraite au contraire de l'indemnité de départ volontaire à la retraite est indifférente au regard de l'appréciation de l'existence d'une discrimination.

Il s'ensuit que la mise à la retraite de Jacques Y...est constitutive d'une discrimination fondée sur l'âge. Il convient donc de dire et juger que cette mise à la retraite est nulle.

Par voie de conséquence, la CRCAM est fondée à réclamer la restitution par Jacques Y...de l'indemnité de mise à la retraite qu'elle lui a versée et dont il n'est pas contesté qu'elle s'est élevée à la somme de 29 101, 58 euros. Ainsi, il y a lieu de condamner Jacques Y...à payer à la CRCAM cette somme.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

La CRCAM conclut à l'absence d'objet de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Jacques Y...du fait de son départ en retraite.

Elle conteste tout agissement de harcèlement moral.

Elle fait valoir que la mutation de Jacques Y...du 1er juillet 2004 a été acceptée librement et sans contrainte par l'intéressé et s'est faite sur un poste de même niveau hiérarchique, avec des responsabilités plus larges. Elle soutient que l'envoi d'une lettre de rappel à l'ordre le 3 novembre 2004 à son salarié était justifié par le non respect des consignes données par son supérieur hiérarchique. Elle note que la proposition de mutation faite ensuite n'entraînait pas de perte de salaire, correspondait au profil de Jacques Y...et portait sur un poste structurel, soulignant qu'en tout état de cause Jacques Y...n'a jamais été muté à Bar le Duc du fait de son refus. Elle considère qu'en 2006, il n'y a pas eu mutation mais recherche d'une affectation après un congé maladie qui tienne compte des recommandations de la médecine du travail. Elle fait état de l'importance égale des postes proposés à Jacques Y...en 2006 au regard des fonctions qu'il occupait précédemment et de ses contraintes tenant au petit nombre de postes ou de fonctions identiques à ceux de Jacques Y.... Elle prétend que le poste de responsable administratif et financier de sa filiale immobilière occupé en dernier lieu par Jacques Y...était très similaire au poste de responsable de la comptabilité qu'il avait antérieurement. Elle nie l'avoir mis à l'écart, ajoutant que c'est Jacques Y...lui-même qui a pratiqué une politique d'opposition systématique vis-à-vis de l'entreprise et s'est isolé de ses collègues de travail.

Elle considère que l'affirmation du conseil de prud'hommes selon laquelle elle aurait entendu se venger des accusations portées à l'encontre de sa hiérarchie par Jacques Y...est dépourvue de tout fondement. Elle relève que celui-ci n'a jamais porté dans l'intérêt de l'entreprise quelque fait délictueux que ce soit à la connaissance de quelque autorité que ce soit. Au fond, elle conteste toute irrégularité, estimant que les faits dénoncés par Jacques Y...soit ne reposent sur aucune preuve, soit correspondent à des opérations parfaitement régulières. Elle se prévaut à cet effet de rapports de l'inspection générale de CASA, d'un avis de rectification fiscale, d'un rapport annuel de contrôle interne et de courriers de commissaires aux comptes.

Jacques Y...affirme qu'en 2002 et 2003, il a fait part au directeur financier de ses inquiétudes quant :
- à la prise en charge par le Crédit Agricole de dépenses de voyages de l'épouse du directeur général ;
- à l'interdiction qui lui a été faite de contrôler les dépenses effectuées avec la carte personnelle du directeur général destinée aux dépenses professionnelles de l'intéressé ;
- à l'existence d'irrégularités dans la tenue du livre journal et à la demande qui lui a été faite de comptabiliser des écritures d'inventaire inexactes ;
- à la comptabilisation en frais généraux d'une fausse facture dans le but de présenter des résultats plus conformes à la prévision ;
- aux conditions de la vente du véhicule de fonction du directeur général adjoint parti en retraite fin 2003 ;
- à la comptabilisation d'une prestation touristique aux fins de masquer cette dépense intervenue sur un seul exercice fiscal en la comptabilisant sur plusieurs exercices ;
- à la modification d'un procès-verbal du conseil d'administration susceptible d'avoir d'importantes répercussions sur le plan fiscal.

Il prétend que les préoccupations qu'il a ainsi exprimées ont conduit la direction générale de l'époque à l'écarter en 2004 du poste qu'il occupait. Il fait valoir qu'il n'a pas signé l'avenant à son contrat de travail qui était annexé à la lettre de notification de sa mutation mais que craignant pour son avenir professionnel, il a pris ses fonctions à Laxou le 1er juillet 2004. Il relève que la CRCAM ne fournit aucune explication sérieuse justifiant sa mutation géographique dans un poste à mille lieux de ses compétences fiscales et comptables et ce, hors de toute formation continue.

Il conteste la pertinence de la lettre de rappel à l'ordre du 3 novembre 2004 qu'il analyse en un avertissement, estimant n'avoir fait que rappeler les règles applicables à la ventilation des dépenses sans instaurer une nouvelle procédure de saisie des factures, et souligne qu'elle a été portée à la connaissance de ses collègues dans le but, selon lui, de l " humilier.

Il soutient qu'à l'issue d'un entretien d'évaluation du 29 mars 2005 et en dépit de son refus, il a été muté à Bar le Duc en remplacement d'un collègue absent.

Il analyse ses mutations successives en moins d'un an comme un déclassement humiliant et prétend qu'elles sont à l'origine d'une dépression nerveuse pour laquelle son médecin traitant a préconisé, le 30 mars 2005, une hospitalisation immédiate qu'il a refusée pour des raisons familiales.

Il explique que lorsqu'il a souhaité reprendre son travail en 2006 après une longue convalescence liée à son accident du 17 mai 2005, il a refusé à trois reprises les mutations qui lui étaient proposées dans la mesure où elles ne correspondaient pas à ses compétences et ne tenaient aucun compte des préconisations du médecin du travail. Il prétend que le but de l'employeur était de le contraindre à la démission et relève que son affectation comme responsable administratif et financier de la filière immobilière du Crédit Agricole ne lui a été proposée qu'après qu'il a menacé de saisir la juridiction prud'homale.

Il souligne que ce détachement est intervenu sans consentement de sa part et soutient qu'il a, dans ce poste, été isolé et mis à l'écart.

* * *

En application de l'article 1184 du code civil, un salarié peut demander au juge de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement grave par ce dernier à ses obligations.

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, anciennement codifié à l'article L 122-49 du même code, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de l'article L 1154-1 du code du travail, anciennement codifié à l'article L 122-52, qu'en cas de litige relatif à l'application de l'article précité, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, la mise à la retraite de Jacques Y...ayant été déclarée nulle, son contrat de travail n'a en fait jamais pris fin de sorte que sa demande de résiliation judiciaire dudit contrat de travail conserve un objet.

Jacques Y...ne verse aux débats absolument aucune pièce de nature à étayer ses allégations suivant lesquelles il a, en 2002 et 2003, exprimé ses préoccupations auprès du directeur financier sous l'autorité duquel il était placé au sujet d'irrégularités dont la réalisation lui aurait été demandée ou qu'il aurait constatées dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de responsable de la comptabilité et de la fiscalité au sein de la CRCAM. En effet, il se contente de produire des documents relatifs à certaines des opérations en cause, lesquels au demeurant ne permettent pas à eux seuls d'établir l'existence d'irrégularités, sans justifier d'une quelconque manière du fait qu'il aurait attiré l'attention du directeur financier sur lesdites opérations et les risques qu'elles comportaient. A cet égard, il convient de constater que le compte rendu de réunion qu'il invoque pour démontrer le refus qui lui aurait été opposé à sa demande visant à contrôler les dépenses effectuées avec la carte personnelle du directeur général ne fait nullement état d'un tel refus.

Ainsi, les mesures dont Jacques Y...a fait l'objet à partir de l'année 2004 ne peuvent en tout état de cause être considérées comme destinées à sanctionner un salarié jugé trop indocile par sa direction.

Il n'en demeure pas moins qu'il convient d'examiner les faits invoqués par Jacques Y...au soutien de ses allégations de harcèlement moral et, en premier lieu, sa mutation le 1er juillet 2004 à Nancy en qualité de responsable du service études et réalisations immobilières.

Il n'est pas discuté que cette mutation n'a entraîné ni rétrogradation, ni diminution de la rémunération de l'intéressé.

En outre Jacques Y..., qui prétend qu'un avenant à son contrat de travail était annexé à sa lettre de notification de sa mutation et qu'il a refusé de le signer, ne justifie nullement que son employeur ait soumis à sa signature un avenant modificatif, étant observé que la lettre de la CRCAM du 18 mai 2004 qu'il produit lui confirmant sa nomination dans son nouveau poste à compter du 1er juillet 2004 n'évoque pas un tel document.

En revanche, il est incontestable que cette mutation a constitué pour Jacques Y...un changement complet de fonctions. En effet, il résulte des fiches de poste produites par l'employeur qu'en tant que responsable de la comptabilité et de la fiscalité, il avait en charge le pilotage du système comptable de la Caisse et l'optimisation de sa gestion fiscale auxquels s'ajoutaient l'animation et la formation de son personnel alors que comme responsable de la logistique et de l'immobilier, il devait participer à la définition ainsi qu'à l'élaboration de la politique immobilière de la Caisse et assurer la conduite des opérations immobilières tout en gérant le personnel du service. Il s'agissait donc de missions totalement différentes hormis celles de management, ne faisant pas appel aux mêmes technicités et ne nécessitant pas les mêmes connaissances, auquel s'est ajouté un changement de lieu de travail de plus de 50 kilomètres. Il s'ensuit que cette mutation constituait une modification du contrat de travail qui nécessitait l'accord exprès du salarié.

Or, la CRCAM ne prouve pas avoir obtenu un accord exprès de la part de Jacques Y.... Celui-ci ne peut résulter du fait que Jacques Y...ait travaillé aux conditions modifiées ou qu'il n'ait pas émis de contestation formelle quant à cette mutation au moment où elle s'est réalisée et dans les mois qui ont suivi.

Par ailleurs, la CRCAM n'établit nullement que la mutation de Jacques Y...était justifiée par l'intérêt de l'entreprise ou la bonne organisation de celle-ci.

En effet, il n'est pas contesté par l'employeur et il résulte d'ailleurs d'une évaluation de Jacques Y...établie en mai 2004 mentionnant une appréciation globale de l'intéressé de 4 sur une échelle de 6 que celui-ci donnait satisfaction dans l'exercice de ses fonctions de responsable de la comptabilité et de la fiscalité. Il convient d'observer d'ailleurs que cette évaluation, antérieure de moins de deux mois à la mutation de Jacques Y..., ne fait état d'aucun souhait d'évolution exprimé par l'agent. Quant à l'affirmation de la CRCAM suivant laquelle " cette mobilité s'inscrit dans le parcours de carrière naturel de tout cadre qui doit s'ouvrir et développer ses compétences ", elle n'est pas, compte tenu de la généralité d'un tel motif qui ne s'appuie sur aucun élément précis se rattachant au salarié concerné, de nature à justifier ni de la nécessité, ni même du caractère opportun du départ de Jacques Y...de son poste de responsable de la comptabilité et de la fiscalité.

En outre, la CRCAM ne démontre ni même n'allègue que la tenue du poste de responsable du service études et réalisations immobilières justifiait la venue de Jacques Y...dès lors qu'elle ne fournit pas la moindre information quant à la situation de ce poste et de ses effectifs dans les mois ayant précédé la mutation de Jacques Y...et que la seule expérience acquise par celui-ci dans les domaines de la comptabilité et de la fiscalité depuis son embauche au Crédit Agricole à l'âge de 22 ans ne le prédestinait nullement à occuper un tel poste qui, d'après la fiche de poste fournie par l'appelante, supposait un diplôme d'architecte, de technicien du bâtiment ou autres avec expériences et connaissance dans le bâtiment, ce qui n'était absolument pas le cas de Jacques Y....

En conséquence, il apparaît que la CRCAM a réalisé une modification du contrat de travail de Jacques Y...dans des conditions illicites, sans que cette modification puisse être reliée à l'intérêt de l'entreprise et alors que, pour le salarié, elle impliquait un changement de fonctions ne correspondant pas du tout à son profil.

Par lettre du " 3 novembre " 2004, le directeur adjoint fonctionnement de la CRCAM a reproché à Jacques Y...d'avoir, au travers d'un message envoyé le 1er décembre aux responsables de service de la direction logistique, imposé à ceux-ci une nouvelle procédure sur la saisie des factures alors qu'il aurait été convenu avec d'autres collaborateurs de la CRCAM d'une concertation en vue de l'optimisation des procédures. Ce faisant, il lui était fait grief d'avoir commis un acte d'insubordination et demandé d'annuler sans délai ces règles, Jacques Y...étant menacé d'une sanction disciplinaire prévue à l'article 12 de la convention collective en cas d'attitude similaire à l'avenir.

Dans le message du 1er décembre 2004 que l'intimé est seul à produire, Jacques Y...précise aux destinataires que le service comptable procédera à l'envoi des factures sous leur propre CER. Or, il n'est nullement prouvé par la CRCAM que cette indication constituait une nouvelle procédure, ce que conteste Jacques Y..., ni non plus qu'une concertation préalable sur ce point avait été décidée.

La CRCAM ne justifie donc pas du bien fondé du rappel à l'ordre qu'elle a ainsi notifié à Jacques Y..., la lettre datée du 3 novembre 2004 s'analysant en un simple rappel à l'ordre dès lors qu'elle ne fait que menacer l'intéressé d'une sanction disciplinaire future. En revanche, rien n'établit que ce courrier ait été diffusé à d'autres personnes que Jacques Y...hormis le supérieur hiérarchique de ce dernier, ce qui constitue une information normale.

Par lettre recommandée du 6 avril 2005, le directeur des services bancaires et logistiques de la CRCAM a rappelé à Jacques Y...qu'au cours d'un entretien du 29 mars 2005, il lui avait fait part de son intention de le nommer, à compter du 18 avril 2005, responsable du service épargne comptabilité et bourse sur le site de Bar le Duc et lui a indiqué que cette nomination était justifiée par la désorganisation de ce service résultant de l'absence prolongée de son responsable, par sa propre connaissance de la finance et des services de production et par le bilan en demi teinte des 9 premiers mois passés à la tête du service immobilier. Il a indiqué que sa classification et sa rémunération resteraient inchangées. En conséquence, il lui a demandé de reconsidérer son refus exprimé lors de l'entretien et de régulariser l'avenant au contrat de travail remis le 29 mars 2005 en cas d'accord de sa part. Suivant un courrier du 15 avril suivant, Jacques Y...a confirmé son refus en estimant que cette affectation constituait une modification substantielle de son contrat de travail alors qu'il pensait pas avoir démérité dans ses fonctions de responsable du service des études et réalisations immobilières, pour lequel il soulignait n'avoir reçu aucune formation ou intégration, et que la nouvelle affectation consistait à suppléer une absence pour maladie de sorte qu'elle était temporaire. Dans une lettre du 29 avril 2005, le directeur des ressources humaines a répliqué que l'affectation au poste de responsable du service épargne de Bar le Duc était un simple changement des conditions d'exécution du contrat, qu'un passage de relais avait eu lieu durant une journée et demi entre son prédécesseur au service immobilier et lui-même et qu'il lui appartenait de demander toute formation qui lui paraissait utile. Selon une nouvelle lettre du 16 mai 2005, le même directeur des ressources humaines a informé Jacques Y...que le poste de responsable du service épargne était définitivement disponible par suite du départ de son titulaire de la CRCAM.

Il résulte de la fiche de ce poste qu'il consistait à gérer les activités d'épargne, de comptabilité et de bourse destinées à la clientèle et supposait notamment de connaître les techniques relatives à l'épargne, aux titres et aux marchés financiers. Il s'agissait donc pour Jacques Y...d'un changement complet de fonctions par rapport à celles de responsable du service immobilier, auquel s'ajoutait un changement non négligeable de lieu de travail. En outre, il convient de relever que la CRCAM a pris l'initiative de proposer un avenant modificatif au salarié. En considération de ces éléments, il apparaît que cette nouvelle affectation constituait, nonobstant le maintien de la rémunération et de la classification du salarié, une modification du contrat de travail nécessitant l'accord exprès de Jacques Y..., lequel ne l'a jamais donné.

Certes, il est acquis aux débats que Jacques Y...s'est trouvé en arrêt maladie à compter du 30 mars 2005 et qu'il n'a recommencé à travailler qu'à l'été 2006 sur le site de Metz de sorte qu'il n'a jamais pu de fait exercer les fonctions de responsable épargne, comptabilité et bourse. Cependant, Jacques Y...verse aux débats :
- une note du directeur général de la CRCAM du 9 mai 2005 diffusée à toutes les unités les informant notamment de ce que la direction du service épargne était confiée à Jacques Y...à compter du 1er mai 2005, l'organigramme joint à cette note mentionnant d'ailleurs ce dernier comme tel ;
- trois notes datées des 11 mai 2005, 29 septembre 2005 et 21 octobre 2005 destinées en particulier aux agences de la CRCAM, émises par le service épargne/ titres et mentionnant Jacques Y..., responsable du service épargne et titres, comme étant leur signataire avec une signature " PO " ;
- une lettre du 1er juin 2005 du directeur des ressources humaines de la CRCAM dans laquelle celui-ci se réfère aux courriers des 29 mars 2005 et 16 mai 2005 à propos de l'affectation de Jacques Y...en qualité de responsable du service épargne à Bar le Duc et informe celui-ci de sa radiation à la MSA Moselle ainsi que de son inscription à la MSA de la Meuse à compter du 1er juin 2005.

Il se déduit de ces éléments que la CRCAM a procédé au changement d'affectation de Jacques Y...sur le poste de responsable épargne à Bar le Duc à compter du 1er mai 2005 en dépit du refus explicite de ce dernier et alors qu'un tel changement devait au contraire recueillir son accord exprès.

En outre, là encore, la CRCAM n'établit nullement que cette mutation était légitimée par l'intérêt de l'entreprise ou la bonne organisation de celle-ci.

En effet, elle ne démontre pas que la tenue du poste de responsable du service épargne justifiait la venue de Jacques Y...dans la mesure où elle ne fournit aucun élément relatif à ses effectifs dans les mois ayant précédé la mutation de l'intéressé ainsi qu'au moment de celle-ci et alors que si Jacques Y...était un habitué des procédures comptables, en revanche il ne disposait d'aucune connaissance ou expérience en matière de techniques relatives à l'épargne, aux titres et aux marchés financiers exigées aux termes de la fiche de poste.

En outre, le " bilan en demi teinte " de Jacques Y...à la tête du service immobilier ne saurait être valablement invoqué par la CRCAM. Il convient de rappeler à cet égard que Jacques Y...n'a été muté comme responsable de ce service que le 1er juillet 2004 et que son arrivée a été immédiatement suivie de la période des congés d'été. Il s'ensuit que c'est seulement au bout d'environ 8 mois d'exercice effectif par le salarié de ses nouvelles fonctions que la CRCAM a manifesté sa volonté de le changer d'affectation. Or, compte tenu des responsabilités attachées à un tel poste et des activités du service en cause, un tel délai était manifestement insuffisant pour permettre à Jacques Y..., dont l'expérience professionnelle se limitait jusqu'alors à la comptabilité et à la fiscalité, de parvenir à une bonne maîtrise d'un poste qui mettait en jeu des technicités complètement nouvelles pour lui. Partant, la CRCAM ne peut avoir sérieusement pu juger de la capacité de Jacques Y...à tenir ce poste à l'issue d'un délai aussi court. Qui plus est, il résulte clairement de l'échange de courriers ci-dessus visés que lors de son arrivée à la tête du service immobilier, Jacques Y...a simplement reçu des explications sur les dossiers en cours de la part de son prédécesseur durant une journée et demi sans s'être vu proposer et avoir suivi la moindre formation alors que la CRCAM n'ignorait pas son manque total de connaissances techniques sur l'activité du service et qu'il appartient à tout employeur d'assurer l'adaptation de ses salariés à l'évolution de leur emploi.

La CRCAM n'a donc pas mis en mesure Jacques Y...d'exercer convenablement ses fonctions de responsable du service immobilier et lui a imposé de manière illicite, à peine neuf mois après sa mutation, une modification de son contrat de travail qui n'était pas justifiée par l'intérêt de l'entreprise.

Le 31 mars 2006, le médecin du travail a écrit à la CRCAM pour lui faire savoir qu'une reprise du travail par Jacques Y...serait envisageable dans le courant du mois de mai 2006, que les déplacements quotidiens de l'intéressé sur Nancy ou Bar le Duc étaient contre indiqués compte tenu de son état de santé et qu'il était donc souhaitable qu'il soit affecté à un poste de travail au plus proche de son domicile, lequel était situé à Marly. Par lettre du 15 mai 2006, la CRCAM a informé Jacques Y...de son affectation comme responsable logistique immeuble et budget technologique, poste basé à Laxou, en précisant que pour limiter ses déplacements, elle lui proposait la prise en charge de ses frais de déménagements et lui rappelait la possibilité d'utiliser les transports en commun. Suivant un courrier du 18 mai 2006, Jacques Y...a répondu qu'il s'étonnait de cette affectation au regard des préconisations du médecin du travail et qu'il refusait d'imposer à sa famille un déménagement. Le 22 mai 2006, le médecin du travail a indiqué que la visite de reprise de Jacques Y...avait eu lieu ce jour, qu'il était apte au travail mais qu'il était émis les mêmes réserves que celles notées dans le courrier du 31 mars 2006, à savoir un poste au plus proche de son domicile afin d'éviter les déplacements quotidiens. Par lettre du 30 mai 2006, la CRCAM a informé Jacques Y...que pour tenir compte de ces réserves, il était affecté dès réception de la lettre sur le site de Metz au poste de responsable logistique immeuble du bâtiment Saône (Laxou) et des budgets technologiques. Aux termes d'un courrier du 21 juin 2006, Jacques Y...a refusé ce poste en sollicitant à être replacé dans son poste de responsable de la comptabilité et de la fiscalité. Par une lettre du 20 juillet 2006, la CRCAM a rappelé à Jacques Y...que ce dernier poste était occupé par un autre salarié, s'est étonné des objections exprimées par celui-ci quant au poste de responsable logistique immeuble et budgets technologiques et l'a informé de son affectation au poste de responsable administratif et financier de la filière immobilière du Crédit Agricole de Lorraine, lui précisant que ce poste lui était confié dans les mêmes conditions de rémunération.

Il apparaît donc qu'alors que la CRCAM connaissait les préconisations du médecin du travail, elle a, le 15 mai 2006, fait part à Jacques Y...de sa volonté de l'affecter sur un poste situé à Laxou, c'est-à-dire éloigné de son domicile. Le fait que la CRCAM ait proposé à Jacques Y...de prendre en charge ses frais de déménagement est indifférent puisque celui-ci ne pouvait être contraint de déménager. Quant à son rappel relatif à la possibilité d'utiliser les transports en commun, il était de toute évidence déplacé dès lors que la contre-indication indiquée par le médecin du travail portait sur les trajets quotidiens et pas uniquement sur ceux effectués en voiture particulière.

En outre, Jacques Y...fait valoir que ce poste ne correspondait pas à ses attributions et compétences, précisant s'être demandé s'il ne s'agissait pas d'un poste de " concierge ". La CRCAM se contente de répondre que ce poste était similaire à celui précédemment occupé par son salarié sans étayer ses affirmations. Or, selon la fiche du poste en cause produite par Jacques Y..., le poste consistait, pour la partie budgets technologiques, à assurer sous la responsabilité du responsable de l'informatique privative l'élaboration, la gestion et le suivi du budget technologique de la CRCAM et, pour la partie logistique immeuble (bâtiment Saône à Laxou), à assurer la sécurité et la protection des biens et personnes dudit bâtiment. Il ressort de cette description que ce poste réservait à son titulaire une autonomie limitée et ne comportait aucune responsabilité en termes de management, les fonctions, notamment celles portant sur la logistique de l'immeuble, relevant de celles d'un technicien. Ainsi, même si le coefficient hiérarchique et la rémunération de Jacques Y...étaient maintenus, une telle affectation constituait pour celui-ci, qui était responsable d'un service d'une dizaine de salariés depuis 1993, un déclassement.

Et force est de constater que la CRCAM n'établit nullement qu'elle était dans l'impossibilité de proposer une autre affectation à Jacques Y...alors qu'elle se devait de rechercher pour celui-ci un poste conforme aux préconisations du médecin du travail et, autant que possible, similaire à l'emploi précédent. En effet, d'une part, l'échéancier des postes à pourvoir au siège et réseau entreprises au 5 mai 2006 que la CRCAM se borne à verser aux débats n'est pas probant alors que seule la production du registre d'entrée et de sortie du personnel est de nature à justifier des postes vacants. D'autre part, le fait que la CRCAM ait le 20 juillet 2006, soit seulement deux mois après sa lettre du 15 mai 2006 informant Jacques Y...de sa volonté de le muter sur le poste responsable logistique immeuble et budgets technologiques situé à Laxou, pu affecter Jacques Y...sur un poste totalement différent tant fonctionnellement que sur le plan géographique, à savoir celui de responsable administratif et financier de la filière immobilière du Crédit Agricole à Metz, démontre son absence de recherche sérieuse préalable à sa proposition du 15 mai 2006 dès lors qu'elle ne prouve pas que ce dernier poste se soit soudainement libéré après cette date.

Ainsi, la CRCAM a, lorsque la reprise du travail par Jacques Y...a été envisagée, proposé à celui-ci un poste ne tenant aucun compte des préconisations du médecin du travail et impliquant un déclassement pour le salarié sans justifier aucunement de l'impossibilité dans laquelle elle se serait alors trouvée de l'affecter sur un autre poste.

Quant à la proposition ultérieure de la CRCAM, faite le 30 mai 2006, consistant à affecter Jacques Y...sur le même poste de responsable logistique immeuble (bâtiment Saône à Laxou) et budgets technologiques mais en le positionnant à Metz, elle manque à l'évidence de sérieux dans la mesure où Jacques Y...aurait été par là-même chargé de gérer au quotidien un immeuble situé près de Nancy depuis Metz et alors que la CRCAM ne justifie nullement de l'existence des prétendus collaborateurs qui se seraient situés à Laxou pour l'aider dans cette tâche, étant observé que la fiche de poste de responsable logistique immeuble soumise à la Cour ne fait absolument pas état de l'appui de salariés implantés sur place. Ce faisant, la CRCAM a persisté dans sa volonté de déclasser Jacques Y...et lui a en outre proposé des conditions de travail rendant impossible la bonne exécution d'une partie des tâches qui lui étaient confiées, alors que comme cela a déjà été relevé, elle n'établit aucunement l'impossibilité dans laquelle elle se serait trouvée d'affecter Jacques Y...sur un autre poste.

S'agissant enfin de l'affectation de Jacques Y...au poste de responsable administratif et financier de la filière immobilière, force est de constater préalablement qu'elle est intervenue sans accord exprès de l'intéressé alors qu'il est acquis aux débats qu'il s'agissait d'une mutation dans une filiale constituant, de ce seul fait, une modification de son contrat de travail. En outre, la fiche du poste en cause ne fait apparaître aucun collaborateur placé sous l'autorité du titulaire du poste. Certes, la CRCAM produit un témoignage de Sophie A...qui indique que lors de son embauche, il était convenu qu'elle devienne progressivement l'assistante de Jacques Y...mais que celui-ci a toujours refusé de travailler avec elle. Toutefois, il s'agit de l'unique élément attestant de l'existence prévue de collaborateurs pour Jacques Y...et, en tout état de cause, il ne porte que sur un seul collaborateur alors que les services comptable puis immobilier que Jacques Y...avait auparavant dirigés comptaient chacun une dizaine de salariés. Cette mutation est donc intervenue dans des conditions illicites, faute d'avoir été expressément acceptée par l'intéressé, et alors que la CRCAM ne prouve pas plus qu'à cette date, elle était dans l'impossibilité de proposer à Jacques Y...un poste plus conforme à ses précédents emplois, notamment du point de vue de ses responsabilités managériales.

En ce qui concerne les conditions de travail de Jacques Y...au sein de cette filiale, si une mise à l'écart complète de celui-ci n'est pas avérée en l'état des pièces produites qui contredisent une partie des affirmations de Jacques Y...(ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, il figure sur l'organigramme de l'entreprise et est destinataire des compte rendus de comité de direction), en revanche l'intimé prouve qu'il a été exclu des réflexions menées sur le projet d'entreprise du Crédit Agricole Lorraine en 2007 sans que la CRCAM justifie d'un motif légitime à ce titre. En effet, dans un message du 11 juin 2007, Jacques Y...s'est plaint d'être le seul chef de service de la caisse régionale non retenu pour faire partie des groupes de travail constitués à ce titre. Or, dans sa réponse du 17 juin 2007, le directeur général adjoint ne l'a pas démenti formellement, se contentant d'indiquer que certains acteurs de l'entreprise devaient s'impliquer sur le projet en s'appuyant sur leur responsable, " dans le cadre de la nécessaire démutiplication de ce projet ". Et il est manifeste qu'une telle réponse ne justifie pas d'une raison objective à la mise à l'écart de Jacques Y...desdits groupes de travail. Jacques Y...établit encore que le 25 octobre 2007, il n'a pas été destinataire d'un courriel largement diffusé sur le projet d'entreprise et s'en être immédiatement plaint. Le 14 novembre 2007, le directeur général de la CRCAM lui a fait savoir que ce message avait été adressé aux seuls cadres exerçant des responsabilités opérationnelles au sein de la caisse régionale. Or, Jacques Y...figure bien dans l'organigramme de la CRCAM à la date du 1er novembre 2007 comme étant responsable de l'administratif et du financier de la filière immobilière et la CRCAM n'explique pas en quoi de telles responsabilités ne seraient pas opérationnelles. En conséquence, une mise à l'écart non justifiée de Jacques Y...concernant ce projet d'entreprise est bien caractérisée, étant observé que les trois attestations fournies par la CRCAM sont insuffisantes, compte tenu de leur petit nombre et du fait qu'elles émanent de salariés se trouvant dans un lien de subordination hiérarchique, à prouver la prétendue volonté délibérée de celui-ci de s'opposer à l'entreprise et de s'isoler de ses collègues, lesdites attestations comprenant celle de Sophie A...susvisée et mentionnant pour le reste que Jacques Y...quittait toujours son travail à 17 heures, n'informait pas ses collègues de ses absences et ne les saluait pas en partant en fin de journée. De plus, la CRCAM peut d'autant moins se prévaloir du comportement de Jacques Y...tel que ci-dessus décrit qu'il ne saurait être détaché des agissements dont celui-ci avait préalablement fait l'objet de la part de la CRCAM, lesquels peuvent expliquer un certain manque d'investissement de Jacques Y...dans le dernier service où il a été affecté.

De ces énonciations, il se déduit que Jacques Y...a subi, de juillet 2004 à novembre 2007 :
- une première mutation réalisée dans des conditions illicites, non sollicitée par lui et non justifiée par l'intérêt de l'entreprise ;
- un rappel à l'ordre non fondé ;
- une deuxième mutation s'analysant en une modification de son contrat de travail qui lui a été imposée en dépit de son refus exprimé à plusieurs reprises et qui est intervenue quelques mois après la première alors que son employeur ne lui a donné ni le temps, ni les moyens suffisants pour s'adapter à sa première mutation qui constituait un changement complet de fonctions ;
- lors de la reprise de son travail à la suite d'un long congé maladie, une première proposition de poste ne tenant aucun compte des préconisations du médecin du travail et impliquant un déclassement ainsi qu'une deuxième proposition maintenant ce déclassement et comportant des conditions de travail rendant impossible la bonne exécution d'une partie des tâches qui lui étaient confiées et ce, sans justification par l'employeur de l'impossibilité dans laquelle il se serait trouvé de l'affecter sur un autre poste conforme aux recommandations du médecin du travail et similaire à celui qu'il occupait précédemment ;

- une nouvelle mutation à nouveau réalisée dans des conditions illicites, le privant totalement ou quasiment de toute responsabilité managériale sans justification par l'employeur de son impossibilité de l'affecter sur un autre poste davantage similaire à son précédent emploi ;
- une mise à l'écart injustifiée par rapport aux réflexions sur le projet d'entreprise menées en 2007.

L'ensemble de ces faits sont constitutifs d'agissements répétés de harcèlement moral ayant pour effet une dégradation des conditions de travail de Jacques Y...susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé mentale et de compromettre son avenir professionnel. Compte tenu de la gravité d'un tel manquement par l'employeur à ses obligations contractuelles, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, le jugement étant donc confirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur

La résiliation judiciaire du contrat de travail étant prononcée en raison du harcèlement moral imputable à l'employeur, elle produit les effets d'un licenciement nul par application de l'article L1152-3 du code du travail.

Le salarié dont le licenciement est nul est en droit de prétendre à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice subi et au moins égale à celle prévue à l'article L 1235-3 du code du travail, c'est-à-dire au moins égale aux salaires des six derniers mois.

Jacques Y...ne justifie pas de ses revenus et notamment de la ou des pensions de vieillesse qu'il perçoit depuis sa mise à la retraite, intervenue le 31 janvier 2009. Il convient de relever cependant qu'au jour du jugement et de sa mise à la retraite, lesquels sont quasiment concomitants, il était âgé d'environ 60 ans de sorte qu'il aurait pu encore travailler pendant plusieurs années et avait une ancienneté de 37 ans.

En considération de ces éléments, il y a lieu d'infirmer le jugement et de lui allouer des dommages et intérêts à hauteur de 120 000 euros pour licenciement nul et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Jacques Y...est fondé à réclamer une indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents au préavis. La CRCAM ne contestant pas les montants qui ont été alloués à ces titres par les premiers juges et les modalités de calcul retenus par ceux-ci n'appelant aucune critique, il convient de confirmer le jugement sur ces points.

D'après l'article 14 de la convention collective du Crédit Agricole produit par Jacques Y..., hormis en cas de licenciement pour faute grave, il est alloué aux agents titulaires licenciés une indemnité distincte du préavis, tenant compte de leur ancienneté et qui ne saurait être inférieure à :
- un quart de mois de salaire par semestre entier d'ancienneté, pour les 6 premières années de service ;
- un demi mois de salaire par semestre entier d'ancienneté, pour les années suivantes ;
l'indemnité ne pouvant être supérieure à deux années de salaire et étant calculée en fonction du salaire annuel brut de l'année précédente ayant fait l'objet de la dernière déclaration fiscale sur les traitements et salaires, y compris l'évaluation des avantages en nature.

Le bulletin de salaire de Jacques Y...pour le mois de décembre 2007 mentionne un cumul brut fiscal sur l'année de 54 691, 22 euros.

Compte tenu de son ancienneté de 37 années, Jacques Y...est en droit de prétendre à une indemnité égale à deux ans de salaire, soit 109 382, 44 euros. Au demeurant, la CRCAM ne conteste pas le quantum de cette indemnité mais fait simplement valoir qu'elle ne tient pas compte de la somme de 27 636, 40 euros déjà payée par elle à titre d'indemnité de licenciement dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement. Dès lors, il convient d'infirmer le jugement du chef de l'indemnité de licenciement et de condamner la CRCAM à payer à Jacques Y...la somme de 109 382, 44 euros, étant souligné que ce titre se substitue mais ne s'ajoute pas à celui en vertu duquel la CRCAM a versé la somme de 27 636, 40 euros et que cette dernière somme n'aura lieu d'être déduite de celle de 109 383, 44 euros que dans le cadre de l'exécution du présent arrêt.

Sur les dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail et harcèlement

Outre l'indemnité prévue à l'article L1235-3 du code du travail, le salarié est en droit de solliciter des dommages et intérêts supplémentaires en cas de préjudice distinct de la rupture proprement dite et de circonstances particulières entourant la rupture.

En l'espèce, Jacques Y...a subi des agissements répétés de harcèlement moral dont la CRCAM doit répondre et qui lui ont causé un préjudice moral certain en raison de la destabilisation et de l'humiliation qu'elles ont généré chez l'intéressé, le préjudice étant d'autant plus important que celui-ci avait une grande ancienneté et s'était investi dans son activité professionnelle comme en témoignent les promotions qu'il avait connues depuis son entrée au Crédit Agricole en 1971.

Les dommages et intérêts alloués par les premiers juges apparaissant comme une juste réparation de ce préjudice, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la remise des bulletins de paie, certificat de travail et attestation Assedic conformes au jugement

Le jugement étant confirmé en l'essentiel de ses dispositions, notamment quant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, il y a lieu de confirmer la disposition du jugement ayant ordonné la remise de tels documents.

Sur les dépens et l'article 700 du Code de procédure civile

La CRCAM, qui succombe, doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de ses demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Jacques Y...les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés. La CRCAM sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros à ce titre, le jugement étant par ailleurs confirmé sur les frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire :

Reçoit l'appel principal de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine et l'appel incident de Jacques Y...contre un jugement rendu le 19 décembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Metz ;

Rejette la demande visant à voir annuler le jugement entrepris ;

Dit et juge que la mise à la retraite de Jacques Y...est nulle ;

Condamne en conséquence Jacques Y...à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine la somme de 29 101, 58 euros à titre de remboursement de l'indemnité de mise à la retraite ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à Jacques Y...les sommes de :
-168 710, 64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-27 636, 40 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Statuant à nouveau dans cette limite :

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à Jacques Y...les sommes de :
-120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
-109 382, 44 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

Ajoutant,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine à payer à Jacques Y...la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande ;

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été prononcé par mise à disposition publique au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de METZ le 05 décembre 2011, par Madame DORY, Président de Chambre, assistée de Madame DESPHELIPPON, Greffier, et signé par elles.

Le Greffier, Le Président de Chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de metz
Formation : S1
Numéro d'arrêt : 09/004411
Date de la décision : 05/12/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.metz;arret;2011-12-05;09.004411 ?
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