N° RG 24/06871 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3XS
Nom du ressortissant :
[V] [J] [M]
[J] [M]
C/
PREFETE DU RHONE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 27 AOUT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Stéphanie ROBIN, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 22 aout 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Charlotte COMBAL, greffier,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 27 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [V] [J] [M]
né le 26 Décembre 1997 à [Localité 3] CUBA
de nationalité Cubaine
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [2]
Non comparant, représenté par Maître Isabelle ROMANET-DUTEIL, avocat au barreau de LYON, commis d'office
ET
INTIME :
MME LA PREFETE DU RHONE
non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Morgane MORISSON CARDINAUD, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON
Avons mis l'affaire en délibéré au 27 Août 2024 à 16 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Une obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour pour une durée de douze mois a été notifiée à [V] [J] [M] le 13 septembre 2023 par le préfet de la Haute Savoie.
Par décision en date du date 22 août 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement de [V] [J] [M] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 22 août 2024.
Suivant requête du 24 août 2024, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le 24 août 2024 à 17 heures 29, [V] [J] [M] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par la préfète du Rhône.
Suivant requête du 24 août 2024, reçue le 24 août 2024 à 14 heures 09, la préfète du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 25 août 2024 à 13 heures 40 a :
' ordonné la jonction des deux procédures,
' déclaré recevable en la forme la requête de [V] [J] [M],
' l'a rejetée au fond,
' déclaré régulière la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de [V] [J] [M],
' déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,
' déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de [V] [J] [M],
' ordonné la prolongation de la rétention de [V] [J] [M] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 1] pour une durée de vingt-six jours.
[V] [J] [M] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 26 août 2024 à 13 heures 04 en faisant valoir que la décision de placement en rétention était insuffisamment motivée en droit et en fait, au regard de sa vulnérabilité, invoquant une dysphasie et des troubles psychiatriques et que celle-ci était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de son état de vulnérabilité et de ses garanties de représentation.
[V] [J] [M] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée, de déclarer irrégulière la mesure de placement en rétention administrative prise par la préfète du Rhône le 22 août 2024 et d'ordonner sa remise en liberté.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 27 août 2024 à 10 heures 30.
[V] [J] [M] a refusé de comparaître à l'audience, tel qu'il ressort du procès verbal dressé par la police aux frontières du centre de rétention administrative de [2]. Il a été représenté par son avocat.
Le conseil de [V] [J] [M] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel et faire état d'un défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention et d'une erreur manifeste d'appréciation de la vulnérabilité et des garanties de représentation.
La préfète du Rhône, représentée par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de [V] [J] [M] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est recevable.
Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d'examen de la situation individuelle au regard de la vulnérabilité
Il résulte de l'article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée.
Cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.
Pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.
En application de l'article L 741-4 du CESEDA, la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le conseil de [V] [J] [M] prétend que l'arrêté de placement en rétention du préfet du Rhône est insuffisamment motivé en droit et en fait, en l'absence de motivation spécifique au regard de la vulnérabilité.
En l'espèce, l'arrêté de la préfète du Rhône a retenu au titre de sa motivation que :
- [V] [J] [M] se maintient en France en situation irrégulière en connaissance de cause n'ayant pas volontairement exécuté la mesure d'éloignement prise à son encontre,
- il a été écroué le 6 février 2024 après révocation de son contrôle judiciaire et condamné le 7 mars 2024 à la peine de deux ans d'emprisonnemment dont un an avec sursis probatoire pendant deux ans par le tribunal correctionnel de Thonon les Bains pour des faits de violences avec arme, port d'arme de la catégorie D et dégradation du bien d'autrui ayant causé un dommage léger,
- il a déjà fait l'objet d'une assignation à résidence en date du 8 novembre 2023 qu'il n'a pas respectée,
- il a refusé d'être auditionné par l'unité d'identification de la police aux frontières,
- il a déclaré à l'administration pénitentiaire être sans domicile fixe,
- il est sans hébergement stable et établi et ne justifie pas de moyens d'existence légaux, ayant déclaré lors de son audition du 8 novembre 2023 être domicilié 'en Haute Savoie' sans précision d'adresse et être sans profession,
- il a déclaré être en couple avec [E] [R], mais ne plus la voir physiquement étant observé qu'il a été condamné pour des violences commises à son encontre,
- il a déclaré avoir eu un enfant avec elle sans justifier de l'âge de ce dernier ou d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant,
- que sa demande de titre de séjour a été classée sans suite, en l'absence de nouvelles de sa part et qu'il n'a pas présenté de demande en qualité de parent d'enfant français,
- il est dépourvu de document d'identité et de voyage,
- il a fait l'objet d'une évaluation de son état de vulnérabilité et de la prise en compte d'un handicap éventuel préalable à la décision de placement en rétention administrative et qu'il a indiqué entendre des voix, mais être en fin de traitement psychiatrique, ces éléments n'étant pas susceptibles de faire obstacle à un placement en rétention.
Au regard de ces éléments, il convient de retenir que le préfet a pris en considération les éléments de la situation personnelle de [V] [J] [M] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée et qu'il fait référence aux déclarations de ce dernier concernant une vulnérabilité, aucune omission ne pouvant lui être reprochée contrairement à ce qui est prétendu.
Il ne peut dans ces conditions être retenu une insuffisance de motivation au regard des éléments précités.
En conséquence le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut être accueilli.
Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation et de la vulnérabilité présentée par l'étranger
L'article L. 741-1 du CESEDA dispose que «L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.» ;
L'article L. 741-4 ajoute que «La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.»
La régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause.
Le conseil de [V] [J] [M] soutient tout d'abord que l'autorité administrative a commis une erreur d'appréciation s'agissant de l'examen de la vulnérabilité de ce dernier, lui reprochant de ne pas avoir tiré les conséquences de cette vulnérabilité.
Toutefois, si ce dernier a fait état d'une dysphasie devant le juge des libertés et de la détention et dans la requête d'appel, il n'a pas évoqué cette difficulté dans ses auditions, et cet élément n'était pas connu de l'autorité administrative, aucune erreur d'appréciation ne peut donc être retenue à ce titre, étant précisé que cet élément n'est de plus pas de nature à faire obstacle à un placement en rétention.
En outre, s'il a déclaré qu'il entendait des voix et être en fin de traitement psychiatrique dans le cadre de l'évaluation relative à la détection des vulnérabilités en application de l'article L 741-4 du CESEDA, ses déclarations sont expressément reprises dans l'arrêté de placement en rétention et il est également mentionné qu'il n'est pas justifié que ces éléments constituent un obstacle au placement en rétention et qu'en tout état de cause l'intéressé peut toujours solliciter un examen médical par le médecin du centre de rétention pendant sa rétention administrative.
Il n'est donc pas démontré que l'autorité administrative a commis une erreur manifeste d'appréciation de la vulnérabilité au regard des éléments dont elle disposait, étant observé au surplus qu'il est procédé par voie d'allégations, sans élément justificatif.
Il est invoqué ensuite une erreur manifeste d'appréciation sur les garanties de représentation, en soutenant que [V] [J] [M] peut être hébergé chez sa mère.
Il convient cependant de relever qu'il n'avait pas fait état d'un hébergement chez sa mère à l'autorité administrative, qu'il avait déclaré à l'administration pénitentiaire être sans domicile fixe et qu'il avait évoqué être en couple avec [E] [R] sans la voir physiquement. De plus, il n' a pas respecté précédemment une assignation à résidence. L'attestation d'hébergement, présentée ultérieurement lors de l'audience devant le juge des libertés et de la détention est sans incidence sur la régularité de l'arrêté de placement en rétention.
Il ressort de ces éléments que l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation concernant ses garanties de représentation, en prenant une décision de placement en rétention au regard des éléments dont elle disposait lors de l'édiction de la mesure.
Ce moyen ne peut donc pas prospérer.
En conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par [V] [J] [M],
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Charlotte COMBAL Stéphanie ROBIN