N° RG 24/06856 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3WQ
Nom du ressortissant :
[R] [C] [L] [H] [W]
PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
C/
[H] [W]
PREFET DU PUY DE DOME
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND
EN DATE DU 25 AOUT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Bénédicte LECHARNY, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué(e) par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 22 août 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assisté(e) de Ouided HAMANI, greffier,
En présence du ministère public, représenté par Christine LACHAUD-BAUDRY, substitut, près la cour d'appel de Lyon,
En audience publique du 25 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon
représenté par le parquet général de Lyon
ET
INTIMES :
M. [R] [C] [L] [H] [W]
né le 08 Janvier 2001 à [Localité 4] - ( USA )
de nationalité Américaine
Actuellement retenu au Centre de rétention administrative [3]
comparant et assisté de Maître Anne-Julie HMAIDA, avocat au barreau de LYON, commis d'office,
M. PREFET DU PUY DE DOME
[Adresse 1]
[Localité 2]
Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Manon VIALLE, avocat au barreau de l'Ain substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON
Avons mis l'affaire en délibéré au 25 Août 2024 à 17H00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire assortie d'une interdiction de retour sur le territoire national d'une durée de cinq ans a été prise le 6 août 2024 par le préfet du Puy-de-Dôme et notifiée à M. [R] [H] [W] le 7 août 2024.
Le 20 août 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement de M.[R] [H] [W] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
À sa levée d'écrou, il a été conduit au centre de rétention administrative de [3].
Suivant requête du 21 août 2024, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le 22 août 2024 à 15 heures 47, M. [R] [H] [W] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet.
Suivant requête du 22 août 2024, reçue le même jour à 14 heures 44, le préfet du Puy-de-Dôme a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours.
Par acte reçu au greffe le 24 août 2024 à 13 heures 19, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon a relevé appel de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le 23 août 2024 à 18 heures 35 ayant déclaré la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de M. [R] [H] [W] irrégulière, ordonné sa mise en liberté et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative.
Par ordonnance du 24 août 2024 à 19 heures, le délégataire du premier président a déclaré l'appel recevable et suspensif.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience de ce jour à 10 heures 30.
M. [R] [H] [W] a comparu, assisté de son avocat.
Mme l'avocate générale a sollicité l'infirmation de l'ordonnance, reprenant et développant les termes de la requête d'appel, et demandant la prolongation de la rétention administrative.
Le préfet du Puy-de-Dôme, représenté par son conseil, s'est associé aux réquisitions du ministère public et a estimé que les conditions d'une assignation à résidence ne sont pas réunies.
Le conseil de M. [R] [H] [W] a été entendu en sa plaidoirie pour solliciter la confirmation de l'ordonnance déférée et, subsidiairement, l'assignation à résidence de l'intéressé.
M. [R] [H] [W] a eu la parole en dernier.
MOTIVATION
Sur l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et le défaut d'examen de sa situation individuelle
Il résulte de l'article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée.
Cette motivation doit retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.
Pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.
Le premier juge a considéré que l'arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé en droit et en fait, au motif qu'il ne fait aucune mention d'une précédente mesure d'assignation à résidence et de l'éventuel irrespect d'une telle mesure.
Toutefois, force est de relever que le préfet a énoncé de manière complète les motifs qui I'ont conduit à prendre sa décision de placement en rétention administrative, procédant à un examen particulièrement sérieux de sa situation, aussi bien en ce qui concerne la menace portée à l'ordre public que la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
Il ne peut être reproché à l'autorité préfectorale de ne pas avoir motivé sa décision de placement au regard d'une précédente assignation à résidence de 2022 prise en exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire, dès lors que cette décision d'éloignement a fait l'objet d'une annulation, privant d'effets la mesure d'assignation à résidence.
En conséquence, le jugement est infirmé en ce qu'il a fait droit au moyen tiré de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux et loyal de sa situation.
Sur l'erreur manifeste d'appréciation
L'article L. 741-1 du CESEDA dispose que « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. »
La régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause.
En l'espèce, au vu de l'absence de production d'un passeport américain en original lors de son audition du 24 juillet 2024, de son souhait exprimé de rester vivre en France, des aléas affectant son domicile réel (puisqu'il a déclaré résider tantôt chez sa concubine, tantôt chez sa grand-mère, tantôt chez son père, et n'a produit à l'autorité préfectorale aucun justificatif pour confirmer ces hébergements) et de ses diverses condamnations pénales entre 2020 et 2024 pour des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants et de menaces, le préfet du Puy-de-Dôme a pu considérer sans commettre une erreur manifeste d'appréciation que M. [R] [H] [W] ne présentait pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et apprécier qu'aucune autre mesure que le placement en rétention n'apparaissait suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut donc pas être accueilli et il convient d'infirmer l'ordonnance déférée sur ce point.
Sur l'assignation à résidence
Il ressort des pièces de la requête que les autorités consulaires américaines ont répondu au préfet du Puy-de-Dôme qu'aucun des passeports de M. [R] [H] [W] n'est en cours de validité, le passeport original produit par ce dernier lors de son arrivée au centre de rétention n'étant plus valable, pour avoir été déclaré perdu ou volé.
Si M. [R] [H] [W] indique qu'il n'est pas à l'origine de cette déclaration de vol ou de perte, il demeure qu'en l'absence d'un passeport en cours de validité, la cour ne peut prononcer une assignation à résidence.
PAR CES MOTIFS
Infirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Déclarons l'arrêté de placement en rétention administrative régulier,
Ordonnons la prolongation de la rétention administrative de M. [R] [H] [W] pour une durée de 26 jours.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Ouided HAMANI Bénédicte LECHARNY