N° RG 24/06852 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3WM
Nom du ressortissant :
[U] [J] [V]
PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
C/
[V]
PREFET DE L'ISERE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND
EN DATE DU 25 AOUT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Bénédicte LECHARNY, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué(e) par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 22 août 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assisté(e) de Ouided HAMANI, greffier,
En présence du ministère public, représenté par Christine LACHAUD-BAUDRY, substitut, près la cour d'appel de Lyon,
En audience publique du 25 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon, représenté par le parquet général de Lyon
ET
INTIMES :
M. [U] [J] [V]
né le 25 Août 2003 à [Localité 4] -TUNISIE
de nationalité Tunisienne
Actuellement retenu au Centre de rétention administrative [1]
comparant et assisté de Maître Mylène LAUBRIET, avocat au barreau de Lyon, commis d'office,
M. PREFET DE L'ISÈRE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Manon VIALLE, avocat au barreau de l'Ain substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Avons mis l'affaire en délibéré au 25 Août 2024 à 14h30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Le 6 mars 2023, une décision de rejet de la demande d'admission au séjour formée par M. [U]-[J] [V] et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours avec interdiction de retour pendant deux ans et assignation à résidence, a été édictée par le préfet du Loir-et-Cher et notifiée à l'intéressé le 8 octobre 2023.
Par jugement du 11 décembre 2023, le tribunal correctionnel de Grenoble a condamné M. [U]-[J] [V] à huit mois d'emprisonnement pour des faits d'infractions à la législation sur les stupéfiants et a prononcé à son encontre une interdiction du territoire national d'une durée de cinq ans.
Le 24 juin 2024, le préfet de l'Isère a ordonné le placement de M. [U]-[J] [V] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par ordonnances dès 26 juin et 26 juillet 2024, confirmées en appel les 28 juin et 28 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a prolongé la mesure de rétention pour des durées de vingt-huit et trente jours supplémentaires.
Le 22 août 2024, le préfet de l'Isère a déposé une requête aux fins de prolongation de la rétention administrative de M. [U]-[J] [V] pour une durée de quinze jours.
Par acte reçu par le greffe le 23 août 2024 à18 heures 16, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon a relevé appel de l'ordonnance rendue le 23 août 2024 à 16 heures 39 par le juge des libertés et de la détention qui a rejeté la requête du préfet de l'Isère, la déclaration d'appel étant accompagnée d'une demande d'effet suspensif.
Par ordonnance du 24 août 2024 à 18 heures, le délégataire du premier président a déclaré l'appel recevable et suspensif.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience de ce jour à 10 heures 30.
M. [U]-[J] [V] a comparu, assisté de son avocat.
Mme l'avocate générale a sollicité l'infirmation de l'ordonnance, reprenant et développant les termes de la requête d'appel du procureur de la République de Lyon et demandant la prolongation de la rétention administrative.
Le préfet de l'Isère, représenté par son conseil, s'est associé aux réquisitions du ministère public.
Le conseil de M. [U]-[J] [V] a été entendu en sa plaidoirie pour solliciter la confirmation de l'ordonnance déférée.
M. [U]-[J] [V] a eu la parole en dernier.
MOTIVATION
Sur le bien-fondé de la requête en prolongation exceptionnelle
L'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.
Et l'article L. 742-5 du même code dispose qu'à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
En l'espèce, il ressort de la requête du préfet et des pièces produites par l'autorité administrative que :
- M. [U]-[J] [V] étant démuni de tout document transfrontière mais possédant une reconnaissance des autorités tunisiennes, une copie de passeport et un extrait d'acte de naissance, l'autorité administrative a saisi le 25 avril 2024 les autorités tunisiennes afin d'obtenir un laissez-passer consulaire ;
- une audition était prévue le 26 juin 2024, qui a été annulée car le centre de rétention administrative n'était pas en mesure d'assurer l'escorte ; l'autorité administrative est en attente d'une nouvelle proposition de date d'audition ;
- des relances ont été faites, dont la dernière le 22 août 2024 ;
- M. [U]-[J] [V] a présenté une demande d'asile qui a fait l'objet d'un rejet le 5 juillet 2024 ;
- il a été condamné le 11 décembre 2023 par le tribunal correctionnel de Grenoble à une interdiction de territoire ainsi qu'à huit mois d'emprisonnement pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et des blessures involontaires.
Il ressort de ces éléments circonstanciés que l'autorité préfectorale a effectué des diligences certaines et utiles en vue de la délivrance d'un laissez-passer et que la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé, étant rappelé que le préfet ne dispose d'aucun pouvoir de coercition sur les autorités relevant d'un autre État.
Ces diligences doivent permettre la délivrance d'un laissez-passer consulaire à bref délai et il ne peut être présumé que l'absence formelle de réponse actuelle des autorités consulaires tunisiennes exclut toute réponse positive dans le délai de 15 jours de la prolongation exceptionnelle sollicitée.
En outre, le seul fait d'être frappé d'une interdiction du territoire de cinq ans prononcée par une juridiction pénale caractérise la menace pour l'ordre public qui permettait à elle-seule la prolongation de la rétention administrative.
Au vu de ce qui précède, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise.
PAR CES MOTIFS
Infirmons l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Ordonnons la prolongation exceptionnelle de la rétention administrative de M. [U]-[J] [V] pendant une durée de quinze jours.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Ouided HAMANI Bénédicte LECHARNY