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22/08/2024 | FRANCE | N°24/06795

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 22 août 2024, 24/06795


N° RG 24/06795 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3SV



Nom du ressortissant :

[J] [D]



PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

C/

[D]

PREFET DE LA LOIRE



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 22 AOUT 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers







Nous, Pierre BARDOUX, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date d

u 20 aout 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en Fran...

N° RG 24/06795 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3SV

Nom du ressortissant :

[J] [D]

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

C/

[D]

PREFET DE LA LOIRE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 22 AOUT 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Pierre BARDOUX, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 20 aout 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assisté de Céline DESPLANCHES, greffier,

En présence du ministère public, représenté par Jean- Daniel REGNAULD, Avocat général, près la cour d'appel de Lyon,

En audience publique du 22 Août 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon

représenté par le parquet général de Lyon

ET

INTIMES :

M. [J] [D]

né le 08 Août 2000 à [Localité 3]

de nationalité Syrienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 4] [5]

Comparant assisté de Maitre Mylène LAUBRIET, et avec le concours de Monsieur [P] [B], interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts près la Cour d'Appel de RIOM

M. PREFET DE LA LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Mathilde COQUEL, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 22 Août 2024 à 14h30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 21 juin 2024, prise à l'issue d'une mesure de garde à vue, l'autorité administrative a ordonné le placement en rétention de X se disant [J] [D], dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours édictée et notifiée à l'intéressé le 12 septembre 2023 par l'autorité administrative qui, par décision du 21 avril 2024, notifiée à la même date, a prononcé en sus une interdiction de retour pendant une durée de 3 ans.

Par ordonnances des 23 juin et 21 juillet 2024, confirmées en appel les 25 juin et 23 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de X se disant [J] [D] pour des durées de vingt-huit et trente jours.

Suivant requête du 19 août 2024, le préfet de la Loire a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 20 août 2024 a dit n'y avoir lieu de faire droit à cette requête en prolongation exceptionnelle.

Le ministère public a relevé appel de cette ordonnance le 21 août 2024 à 14 heures 44 avec demande d'effet suspensif en soutenant la régularité de la rétention administrative en l'état de l'absence d'obligation de faire figurer sur le registre prévu par l'article L. 744-2 du CESEDA un placement à l'isolement uniquement destiné à garantir l'intégrité physique de X se disant [J] [D], qui était la cible de nombreuses autres personnes retenues. Il affirme que l'article 17 du règlement intérieur type des centres de rétention administrative qu'en cas de trouble à l'ordre public ou de menaces pour la sécurité des autres retenus et ajoute que la circulaire du 14 juin 2010 n'a pas de force juridique contraignante et ne peut conduire à une obligation d'informer le procureur de la République d'un tel placement à l'isolement. Il relève enfin que X se disant [J] [D] ne fait était d'aucun grief en conséquence de son isolement.

Le ministère public a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a débouté le préfet de sa demande de prolongation de la rétention administrative.

Par ordonnance du 21 août 2024, la déléguée du premier président a déclaré recevable et suspensif l'appel du ministère public.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 22 août 2024 à 10 heures 30.

Par courriel reçu au greffe le 22 août 2024 à 9 heures 48, M. l'Avocat général a produit et communiqué aux avocats de la préfecture et de la personne retenue différents documents dont notamment une copie du registre prévu par l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) comportant deux pages et mentionnant une mise à l'écart de l'intéressé entre le 26 juillet 2024 à 18 heures 25 et le 28 juillet 2024 à 14 heures 15.

X se disant [J] [D] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat. Il a été porté à sa connaissance le contenu des pièces nouvelles produites par le ministère public.

Le ministère public a de nouveau sollicité l'infirmation de l'ordonnance déférée et la prolongation de la rétention administrative en s'en rapportant à la requête d'appel du procureur de la République.

Le conseil de X se disant [J] [D] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir la confirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et a soulevé l'irrecevabilité de la requête préfectorale à défaut de jonction à la requête en prolongation de la rétention administrative une copie complète du registre, comportant la seconde page qui mentionne la mise à l'écart de son client.

Le préfet de la Loire, représenté par son conseil, a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et qu'il soit fait droit à sa demande de prolongation de la rétention administrative. Il a soutenu la recevabilité de sa requête au regard de l'absence de grief de l'absence de fourniture de la page 2 du registre au moment de son dépôt.

M. l'Avocat général a soutenu la recevabilité de la requête préfectorale en relevant que jusqu'à présent la transmission de la première page du registre suffisait et que seule l'existence d'un moyen fondé sur l'existence d'un placement à l'isolement conduit à ce que l'autorité administrative produise la page 2, aucun texte ne faisant spécifiquement mention de cette seconde page.

X se disant [J] [D] a eu la parole en dernier.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de la requête du préfet de la Loire

Attendu qu'il résulte de l'article R. 743-2 du CESEDA que :

«A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.» ;

Que cette fin de non-recevoir est à examiner primordialement en ce qu'elle conditionne l'examen de pièces fournies par l'autorité administrative lors de l'audience devant le juge des libertés et de la détention ou devant le délégué du premier président en appel ;

Attendu qu'aux termes de l'article 123 du Code de procédure civile «Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.» ;

Attendu que le conseil de X se disant [J] [D] a soutenu l'irrecevabilité de la requête préfectorale lors de l'audience, à la suite de la production dans les minutes qui ont précédé cette audience, d'une copie du registre de rétention administrative comportant deux pages, en relevant que cette requête n'avait été accompagnée que d'une seule page de ce registre ;

Attendu que ce moyen d'irrecevabilité ne pouvait être relevé auparavant et résulte d'une évolution du litige par la production en cause d'appel de pièces qui n'ont pas été soumises au premier juge ;

Attendu que contrairement à ce que soutient le ministère public, le texte susvisé du CESEDA ne précise nullement le nombre de pages destiné à composer le registre, qui est présumé comme constituant dans son intégralité une pièce utile ;

Que le ministère public n'est pas plus fondé à considérer que, comme dans le cas présent où une mesure d'isolement ou de mise à l'écart est établie comme ayant été mentionnée sur le registre, l'autorité administrative peut se dispenser de fournir une copie complète de ce document dès lors que de telles mentions figurent sur l'une ou l'autre de ses pages ;

Attendu qu'il appartient à l'autorité administrative de fournir un tel document complet, prévu par l'article L. 744-2 du CESEDA pour permettre au juge judiciaire d'exercer son contrôle tel que prévu par l'article L. 743-9 de ce code ;

Attendu que le conseil de la préfecture ne peut invoquer une absence de grief pour contrer la fin de non-recevoir soulevée par le conseil de la personne retenue, en ce que l'irrecevabilité invoquée ne suppose pas un tel examen d'une atteinte aux droits pour pouvoir être retenue ;

Qu'au surplus et en l'espèce, il ressort sans équivoque du registre complété que la mise à l'écart ou placement à l'isolement était consécutif à une «possession de stupéfiants», sans rapport avec la protection de l'intégrité physique invoquée par l'autorité administrative devant le juge des libertés et de la détention et par le procureur de la République dans sa requête d'appel ;

Attendu que la production d'une copie de registre incomplète, ainsi que viennent d'être établies les circonstances mêmes du placement à l'isolement, rend dès lors irrecevable la requête préfectorale ;

Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer en ce sens l'ordonnance entreprise ;

Qu'en tant que de besoin, il est ordonné la mise en liberté de X se disant [J] [D] ;

PAR CES MOTIFS

Infirmons l'ordonnance déférée et statuant à nouveau,

Déclarons irrecevable la requête en prolongation exceptionnelle de la rétention administrative présentée le 19 août 2024 par la préfecture de la Loire,

Ordonnons en tant que de besoin la mise en liberté de X se disant [J] [D],

Rappelons à X se disant [J] [D] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français, et l'informons qu'en application de l'article L. 824-9 du CESEDA que tout étranger qui se soustrait ou de tente de se soustraire à l'exécution d'une interdiction administrative du territoire français, d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une décision d'expulsion ou qui refuse de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l'exécution d'office de la mesure dont il fait l'objet encourt une peine de trois années d'emprisonnement.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Céline DESPLANCHES Pierre BARDOUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/06795
Date de la décision : 22/08/2024
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-22;24.06795 ?
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