N° RG 24/06770 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3RA
Nom du ressortissant :
[C] [V]
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
C/
[V]
PREFET DE LA SAVOIE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND
EN DATE DU 21 AOUT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Thierry GAUTHIER, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 12 aout 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assisté de Céline DESPLANCHES, greffière,
En présence du ministère public, représenté par Jean-Daniel REGNAULD, Avocat général, près la cour d'appel de Lyon,
En audience publique du 21 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon
représenté par le parquet général de Lyon
En la personne de Monsieur Jean-Daniel REGNAULD, avocat général près la Cour d'Appel de LYON
ET
INTIMES :
M. [C] [V]
né le 20 Mai 1999 à [Localité 4]
de nationalité Tunisienne
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [3]
comparant assisté de Maître Valentin CARRERAS, avocat au barreau de LYON, commis d'office et avec le concours de Monsieur [W] [P], interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts près de la cour d'appel de RIOM
M. PREFET DE LA SAVOIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Cherryne RENAUD AKNI, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Avons mis l'affaire en délibéré au 21 Août 2024 à 15h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Par arrêté du 20 juin 2024, notifié le même jour, le Préfet de la Savoie a fait obligation de quitter le territoire sans délai, avec interdiction de retour pendant une durée de trois ans, à X, se disant [C] [V] (ci-après [C] [V]), né le 20 mai 1999 à [Localité 4] (Tunisie).
Par arrêté du même jour, le Préfet de la Savoie a ordonné le placement en centre de rétention administrative de [C] [V].
Par ordonnances du 22 juin 2024 et du 20 juillet 2024, cette dernière ayant été confirmée en appel le 22 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la prolongation de la mesure de rétention de [C] [V] pour des durées respectives de 28 et 30 jours.
Par requête du 18 août 2024, le Préfet de la Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon d'une demande de prolongation exceptionnelle de 15 jours de la mesure de rétention administrative.
Par ordonnance rendue le 19 août 2024, à 12 heures 55, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a rejeté la requête présentée par l'autorité préfectorale et ordonné la remise en liberté de [C] [V].
Par acte reçu au greffe le 19 août 2024 à 17 heures 21, le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon a relevé appel de cette décision et a demandé que son appel soit déclaré suspensif.
Par ordonnance du 20 août 2024, le magistrat délégué par la première présidente de la cour d'appel a déclaré l'appel du ministère public suspensif.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 21 août 2024 à 10 heures 30.
[C] [V] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat.
Le ministère public a été entendu en ses observations. Il sollicite l'infirmation de la décision attaquée et qu'il soit fait droit à la requête de l'autorité préfectorale.
Le préfet de la Savoie, représenté par son conseil, a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et qu'il soit fait droit à sa demande de prolongation.
Le conseil de [C] [V] a été entendu en sa plaidoirie aux fins de confirmation de l'ordonnance.
[C] [V] a eu la parole en dernier.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel du ministère public a été relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Il est recevable.
Sur le bien-fondé de la requête
L'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.
L'article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public. ».
À l'appui de son appel, le ministère public fait valoir que [C] [V] constitue une menace à l'ordre public eu égard aux différentes condamnations que comporte son casier judiciaire notamment celle prononcée par le tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains le 14 novembre 2017 à une peine d'un an d'emprisonnement avec interdiction de séjour dans le département de la Haute-Savoie pendant 5 ans pour agression sexuelle par une personne en état d'ivresse manifeste, celle du 15 janvier 2019 à une peine de deux mois d'emprisonnement pour des faits d'infraction à une interdiction de séjour et celle du 12 mars 2020 à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour les mêmes faits, en état de récidive légale.
Le ministère public fait également état d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Chambéry du 17 mars 2023 à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des faits de non-justification d'adresse par une personne enregistrée dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles.
Le conseil de [C] [V] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond aux conditions de la troisième prolongation.
Il sera relevé qu'il n'est plus discuté que la condition prévue par le texte susvisé, concernant la justification par l'autorité administrative de la délivrance d'un laissez-passer à bref délai, n'est pas remplie en l'espèce, comme l'a retenu le premier juge.
En ce qui concerne la menace à l'ordre public que représenterait le retenu, il y a lieu de relever que le casier judiciaire du retenu comporte les trois condamnations dont fait état l'appelant. La plus récente date de quatre ans et il y a lieu de relever que les deux dernières concernent la violation d'une interdiction de séjour dans le département de la Haute-Savoie qui a été prononcée lors de la première condamnation.
Les faits les plus graves pour lesquels le retenu a été condamné constituent l'objet de la décision du tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains du 14 novembre 2017.
Comme le tribunal, la cour considère la relative ancienneté de ces faits.
En cet état et en considération de la nature des faits pour lesquels le retenu a été condamnée et de la pluralité de condamnations, la menace pour l'ordre public qui résulte de ces condamnations est établie mais n'est pas actuelle.
Toutefois, à hauteur d'appel, le ministère public justifie de ce que le retenu a été plus récemment condamné par le tribunal correctionnel de Chambéry, le 17 mars 2023, à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des faits de non-déclaration de changement d'adresse par une personne enregistrée dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles.
Etant rappelé que les trois dernières condamnations dont le retenu a fait l'objet établissent son incapacité à respecter des mesures qui visent à prévenir la récidive des faits délictueux, de nature grave, qui ont été commis en 2017, cette dernière condamnation, récente, réactive le risque que présentait le retenu.
Il y a lieu de relever en outre que les décisions pénales de 2019 et 2020 ont prononcé des peines d'emprisonnement de deux mois et 4 mois, qui ont été exécutées sur mandat de dépôt prononcée par la deuxième et que la dernière condamnation de 2023 consiste en une peine d'emprisonnement délictuel, non aménagée, de quatre mois.
La nature et les conditions d'exécution de ces peines caractérisent la gravité qui leur a été reconnue par la juridiction pénale, en fonction de la personnalité du retenu.
Dès lors, des circonstances dans lesquelles ont été rendues ces différentes condamnations, au regard de la nature des faits sanctionnés et de la persistance de l'attitude délinquante du retenu qui en résulte, conduisent à retenir que l'intéressé représente une menace à l'ordre public qui doit être considérée comme réelle et actuelle.
Par ailleurs, il résulte des circonstances de l'affaire que la mesure d'éloignement peut encore être mise à exécution dans un délai raisonnable.
L'ordonnance attaquée sera ainsi infirmée et il y a lieu d'ordonner la prolongation exceptionnelle de la mesure de rétention pour une durée de quinze jours.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lyon ;
Infirmons l'ordonnance déférée ;
Ordonnons le maintien en rétention de [C] [V] pour une durée exceptionnelle de quinze jours supplémentaires ;
Le greffier, Le conseiller délégué,
Céline DESPLANCHES Thierry GAUTHIER