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17/08/2024 | FRANCE | N°24/06690

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 17 août 2024, 24/06690


N° RG 24/06690 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3L7



Nom du ressortissant :

[U] [W]



[W]

C/

PREFET DE LA LOIRE



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 17 AOUT 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Aurore JULLIEN, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 12 Août 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application de

s articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Emeraude LOLLIA, g...

N° RG 24/06690 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3L7

Nom du ressortissant :

[U] [W]

[W]

C/

PREFET DE LA LOIRE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 17 AOUT 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Aurore JULLIEN, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 12 Août 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Emeraude LOLLIA, greffier,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 17 Août 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [U] [W]

né le 30 Avril 1993 à [Localité 3]

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5]

comparant assisté de Maître Arnaud BOUILLET, avocat au barreau de LYON, commis d'office et de [J] [N], interprète en langue arabe, liste CESEDA, serment prêté à l'audience

ET

INTIME :

M. PREFET DE LA LOIRE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Eddy PERRIN, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

Avons mis l'affaire en délibéré au 17 Août 2024 à 17 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant arrêté du 22 mars 2022, pris par le Préfet de la Loire, une mesure portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de [U] [W] né le 30 avril 1993 à [Localité 3] (Algérie) a été prise.

Conduit à l'aéroport de [6] aux fins d'éloignement le 26 janvier 2023, l'intéressé a refusé d'embarquer, étant placé en garde à vue pour soustraction à l'exécution d'une mesure d'éloignement.

À l'issue, il a été placé sous assignation à résidence par arrêté du 27 janvier 2023, un procès-verbal de carence étant dressé le 14 mars 2023.

Suite à une autre mesure de garde à vue, [U] [W] a bénéficié à nouveau d'une assignation à résidence par arrêté du 28 mars 2024, un procès-verbal de carence étant dressé le 15 avril 2024.

Par ordonnance du 13 juin 2024, délivrée par le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Saint-Etienne, le Préfet de la Loire a été autorisé à requérir les forces de police pour conduire [U] [W] à l'aéroport aux fins d'éloignement le 17 juin 2024. Il a été indiqué par procès-verbal de cette date que l'adresse donnée par l'intéressé, à savoir chez sa mère, n'était plus valable depuis plus de deux mois.

Le 10 août 2024, [U] [W] a été placée en garde à vue pour des faits de violences aggravées et détention et vente de médicament psychotrope.

Dans ce cadre, l'intéressé a dit être parti en Espagne puis au Portugal, et quoi qu'il en soit, ne pas vouloir retourner dans son pays de naissance. Il a indiqué être domiciliée chez sa compagne, Mme [G], laquelle était l'objet des violences ayant mené à la garde à vue.

Par arrêté du 11 août 2024, [U] [W] a été placé au centre de rétention administrative de [Localité 4].

Par requête du 13 août 2024, M. [W] a saisi le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lyon d'une demande de remise en liberté au motif de l'irrégularité de l'arrêté de placement en rétention.

Par requête du 14 août 2024, le Préfet de la Loire a saisi le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lyon d'une demande de prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 26 jours.

Il a indiqué qu'étant en possession du passeport de la personne retenue, il a pu obtenir un routing avec un départ programmé le 3 septembre 2024 à destination de l'Algérie.

Il a estimé nécessaire de maintenir M. [W] en rétention, étant relevé qu'il s'est soustrait à ses dernières mesures d'assignation à résidence mais aussi qu'il n'a jamais respecté la décision portant obligation de quitter le territoire prise à son encontre.

Par ordonnance du 15 août 2024 à 16h05, le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lyon a rejeté les moyens de nullité soulevés par M. [W] et a ordonné la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 26 jours.

Par acte du 16 août 2024, [U] [W] a interjeté appel de cette décision.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 17 août 2024 à 10h30.

Dans ce cadre, le conseil de [U] [W] a fait valoir que l'arrêté de placement en centre de rétention administrative est irrégulier en ce qu'il n'a pas procédé à un examen sérieux et individuel de sa situation, notamment quant au fait qu'il dispose d'un hébergement stable et doit se marier bientôt avec sa compagne chez qui il vit.

Il a également fait valoir que son placement en centre de rétention administrative a été ordonné alors que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire ne dispose plus d'un caractère exécutoire ce qui ne permet pas de prendre de mesure de contrainte à son encontre, sauf à faire rétroagir les textes nouvellement entrés en vigueur, suite à la loi du 26 janvier 2024, sauf à aller à l'encontre de l'article 2 du code civil qui prohibe toute rétroactivité des lois.

Enfin, il a conclu à l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, indiquant qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public, les interpellations ne démontrant pas une menace actuelle quant à celui-ci, et toujours sur ce fondement, il a rappelé le fait qu'il dispose de garanties de représentations stables, ce qui rend disproportionné son placement en centre de rétention administrative. Il a également maintenu les autres moyens soulevés dans le cadre de l'appel.

Le conseil de la Préfecture a fait valoir que M. [W] ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes puisque le seul domicile qu'il donne est celui de sa compagne qui a déposé plainte pour violences à son encontre ce qui ne permet pas d'envisager une assignation à résidence.

Il a pointé le risque de soustraction de l'appelant à ses obligations en rappelant que celui-ci n'avait déjà pas respecté deux mesures d'assignation à résidence alors même qu'elles étaient prises dans son intérêt, des procès-verbaux de carence étant dressé à chaque fois.

Concernant le débat sur la rétroactivité ou non de la loi nouvelle, il a rappelé que la loi est d'application immédiate et ne prive pas M. [W] de droit. Il a rappelé qu'au bout d'un an, la mesure portant obligation de quitter le territoire n'est pas caduque et que la personne concernée doit toujours quitter le territoire. Il a indiqué que cette loi confiait uniquement de nouveaux pouvoir au Préfet.

[U] [W] a eu la parole en dernier et a fait valoir qu'il n'avait pas frappé sa compagne qui a d'ailleurs retiré sa plainte. Il a indiqué que celle-ci est enceinte et qu'ils ont pour projet de se marier, un rendez-vous étant pris à la mairie le 6 septembre 2024. Il a dit vouloir être libéré, s'engageant à respecter une mesure d'assignation à résidence.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que l'appel de [U] [W] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable ; 

Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d'examen de la situation individuelle

Attendu qu'il résulte de l'article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée ;

Que cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté ;

Que pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée ;

Attendu que l'arrête querellé tient compte de la situation personnelle de M. [W] et pointe le fait que ce dernier a déjà bénéficié à deux reprises d'assignation à résidence qu'il n'a pas respecté et maintient sa volonté de ne pas exécuter une décision lui interdisant de se trouver sur le territoire français en dépit des explications déjà données en ce sens,

Que le préfet a motivé l'absence de garanties de représentation en ce que le seul domicile de l'appelant est chez sa compagne qui a déposé plainte contre lui, le retrait de plainte étant indifférent, ce qui ne permet pas d'envisager une autre mesure que le placement en centre de rétention administrative,

Qu'enfin, la situation de vulnérabilité ou non de l'appelant a également été appréciée,

Attendu qu'il convient de retenir que le préfet de la Loire a pris en considération les éléments de la situation personnelle de [U] [W] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée ;

Que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne pouvait être accueilli ;

Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation

Attendu que l'article L. 741-1 du CESEDA dispose que «L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.» ;

Que l'article L. 741-4 ajoute que «La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.

Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.»

Attendu que la régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause ;

Attendu que le seul domicile revendiqué par M. [W] est celui de sa compagne qui a déposé plainte contre lui, étant rappelé que le retrait de plainte est indifférent,

Qu'il n'a évoqué aucune autre possibilité de logement permettant d'envisager une éventuelle assignation à résidence,

Que toutefois, une assignation à résidence ne pouvait qu'être difficilement envisagée étant donné que l'appelant avait déjà mis en échec par deux fois ce type de mesure,

Que de fait, le Préfet, en tenant compte des éléments à sa disposition lors de l'édiction de l'arrêté n'a commis aucune erreur d'appréciation manifeste de la situation de l'appelant,

Que ce moyen ne pouvait donc être retenu,

Sur le moyen tiré du défaut de caractère exécutoire de la mesure d'éloignement et de base légale de l'arrêté de placement en rétention

Attendu qu'il résulte de l'article L741-1 dans sa version en vigueur depuis le 28 janvier 2024 que : « l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. » ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L731-1 modifié par LOI n°2024-42 du 26 janvier 2024 que l'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans le cas, notamment de l'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

Attendu que l'expiration du délai d'un an visé par l'article L. 731-1 du CESEDA dans sa version antérieure au 28 janvier 2024 n'a nullement pour effet de rendre caduc l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français qui continue à produire des effets, l'étranger restant d'ailleurs toujours tenu de l'exécuter, ainsi qu'il résulte de l'article L. 711-1 du CESEDA ;

Attendu que les dispositions de la loi du 26 janvier 2024 ont eu pour effet de modifier le délai pendant lequel une exécution d'office pouvait être décidée par l'autorité administrative et que ce délai qui était de un an avant la Loi a été fixé à trois ans ; Que ces dispositions ne sont pas rétroactives, en ce qu'elles ne s'appliquent pas antérieurement à son entrée en vigueur, puisque seule une décision d'assignation à résidence ou de placement en rétention administrative prise postérieurement à la loi nouvelle est susceptible d'avoir pour base légale un arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris depuis moins de trois ans ;

Attendu qu'ainsi les dispositions de l'article L 731-1 du CESEDA telles qu'elles résultent de la loi immigration du 26 janvier 2024 sont d'application immédiate ce dont il se déduit qu'une obligation de quitter le territoire français de moins de trois ans au jour de la parution du texte peut fonder une décision de placement en rétention ;

Que tel est le cas en l'espèce l'obligation de quitter le territoire français ayant été édictée le22 mars 2022 à l'encontre de M. [W],

Sur le bien-fondé de la requête

Attendu que l'article L741-3 du CESEDA dispose que un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration exerce toute diligence à cet effet,

Attendu que l'article L742-1 du CESEDA dispose que le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative,

Que l'article L742-3 du même code dispose que Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l'expiration du délai de quatre jours mentionné à l'article L. 741-1,

Attendu qu'il convient de rappeler que [U] [W] a parfaitement connaissance de la mesure portant obligation de quitter le territoire prise à son encontre, ayant déjà refusé deux fois d'embarquer dans l'avion qui devait le ramener dans son pays de naissance,

Qu'il a par la suite démontré le non-respect des règles mises en oeuvre en mettant en échec deux mesures d'assignation à résidence,

Que par ailleurs, la Préfecture a entamé les démarches nécessaires à son éloignement puisqu'elle a transmis aux autorités consulaires algériennes le passeport en cours de validité de l'appelant, un routing ayant été obtenu avec un vol programmé le 3 septembre 2024, la demande de laissez-passer consulaire étant en cours,

Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer la décision déférée dans son intégralité,

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [U] [W]

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Emeraude LOLLIA Aurore JULLIEN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/06690
Date de la décision : 17/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-17;24.06690 ?
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