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16/08/2024 | FRANCE | N°24/06674

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 16 août 2024, 24/06674


N° RG 24/06674 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3LA



Nom du ressortissant :

[X] [M]



PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

C/

[M]

PREFET DE LA SAVOIE



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 16 AOÛT 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers







Nous, Stéphanie LE TOUX, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en

date du 12 août 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en ...

N° RG 24/06674 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3LA

Nom du ressortissant :

[X] [M]

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

C/

[M]

PREFET DE LA SAVOIE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 16 AOÛT 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Stéphanie LE TOUX, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 12 août 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Charlotte COMBAL, greffière,

En présence du ministère public, représenté par Jean- Daniel REGNAULD, Avocat général, près la cour d'appel de Lyon,

En audience publique du 16 Août 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon

représenté par le parquet général de Lyon

ET

INTIMES :

M. [X] [M]

né le 13 Juillet 1991 à [Localité 2]

de nationalité Marocaine

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [6]

comparant assisté de Maitre Arnaud BOUILLET, avocat au barreau de LYON, commis d'office

M. LE PREFET DE LA SAVOIE

[Adresse 3]

[Localité 1]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître N'DIAYE Alexis, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

Avons mis l'affaire en délibéré au 16 Août 2024 à 15 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement du tribunal correctionnel de THONON-LES-BAINS du 25 octobre 2018, [X] [M] a notamment été condamné à une interdiction du territoire national pour une durée de 10 ans et une décision du préfet de l'Aisne notifiée à l'intéressé le 5 juillet 2023 a fixé le pays de renvoi.

Par décision du 31 mai 2024, notifiée à l'intéressé le jour même, le préfet de la Savoie a ordonné le placement de [X] [M] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 31 mai 2024.

Par ordonnances des 2 juin 2024, 30 juin 2024 confirmée par la cour d'appel le le 2 juillet 2024 et du 30 juillet 2024 confirmée par la cour d'appel le 1er août 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [X] [M] pour des durées successives de vingt-huit, trente et quinze jours.

Suivant requête du 13 août 2024, le préfet de la Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de LYON aux fins de voir ordonner une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.

Dans son ordonnance du 14 aout 2024 à 15 heures 10, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de LYON a rejeté les moyens d'irrecevabilité, déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative du préfet de la Savoie, a déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de [X] [M], mais a dit n'y avoir lieu à la prolongation exceptionnelle du maintien en rétention de [X] [M] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire en l'absence de toute perspective raisonnable d'éloignement.

Le 14 août 2024 à 17 heures 09, reçu au greffe de la cour à 17 heures 16, le procureur de la République de LYON a interjeté appel avec demande d'effet suspensif de cette ordonnance qui lui avait été notifiée à 15 heures 15.

Par ordonnance en date du 15 août 2024 à 12 heures, le magistrat délégué par ordonnance du premier président de la cour d'appel de LYON a déclaré recevable l'appel du procureur de la République, déclaré suspensif son appel et dit en conséquence que [X] [M] restera à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond à l'audience de la cour du 16 août 2024.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 16 août 2024 à 10 heures 30.

[X] [M] a comparu et a été assisté de son avocat. Il confirme son identité et être de nationalité marocaine. Il déclare être arrivé en France depuis 17 ans alors qu'il était encore mineur, démuni de documents d'identité. Il affirme que lorsqu'il a été interpellé, il s'apprêtait à quitter la France pour aller en Italie où il a une copine.

À l'audience, Monsieur l'avocat général a sollicité l'infirmation de l'ordonnance déférée au motif que le seul fait d'avoir une interdiction du territoire national est une menace pour l'ordre public persistante qui n'a pas à être caractérisée dans les 15 derniers jours, que la préfecture de Savoie a justifié de cette menace et qu'il s'agit d'une des conditions alternatives permettant d'ordonner une prolongation exceptionnelle.

Le préfet de la Savoie, représentée par son conseil, a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée pour des motifs similaires à ceux de Monsieur l'avocat général.

Le conseil de [X] [M] a été entendu en sa plaidoirie et sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée.

[X] [M] a eu la parole en dernier. Il déclare souhaiter qu'on lui laisse une dernière chance pour quitter seul le territoire français.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé de la requête

L'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

L'article L. 742-5 du même code dispose que 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

(...)

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours'. 

Le conseil de [X] [M] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond aux conditions de la prolongation exceptionnelle dès lors que la menace pour l'ordre public doit s'apprécier au regard d'un risque de fuite, outre le fait que sans réponse des autorités consulaires sollicitées, il n'est pas établi que la délivrance des documents de voyage interviendra à bref délai.

L'autorité administrative fait valoir dans sa requête et justifie que :

- [X] [M], démuni de tout document d'identité ou de voyage, se déclare de nationalité marocaine, mais suite aux démarches consulaires engagées par le préfet de l'Aisne durant son précédent placement en rétention sur la base de ses photos et empreintes digitales, les autorités consulaires marocaines ont indiqué par procès-verbal réceptionné le 23 février 2024 à l'ambassade de France au Maroc qu'aucune correspondance n'avait pu être établie avec un ressortissant marocain.

- en outre, au cours de sa garde à vue du 31 mai 2024, les policiers ont consigné par procès-verbal que l'interprète en langue arabe qui l'assistait les avait informés qu'au vu de son accent et des mots employés, il serait de nationalité algérienne et non marocaine.

- ainsi, dès le 31 mai 2024, les autorités consulaires algériennes à [Localité 4] ont été saisies d'une demande de laissez-passer consulaire à son nom. Le 27 juin 2024, leur a été adressé en complément la photo de l'intéressé et le relevé de ses empreintes issues du Système biométrique National Agdref (SBNA) outre la réitération d'une demande d'audition. Des relances ont été effectuées les 29 juillet 2024 et 13 août 2024 et une réponse est attendue.

- une demande similaire a été adressée aux autorités consulaires tunisiennes, mais n'a pu aboutir car elles ont sollicité une photo et le relevé original de ses empreintes, l'intéressé refusant ce relevé à 2 reprises, les 31 mai 2024 et 27 juin 2024.

- enfin, la présence de [X] [M] sur le territoire français représente une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a été condamné à au moins 5 reprises et notamment le 25 octobre 2018 à [Localité 7] à une peine de 3 ans d'emprisonnement et 10 ans d'interdiction du territoire français pour de multiples vols et tentatives de vols aggravés, notamment avec violence.

La préfecture fonde sa demande en prolongation de la rétention notamment sur la menace pour l'ordre public que représente [X] [M]. Le conseil de [X] [M] soutient que la menace à l'ordre public n'est pas un critère autonome, mais doit s'apprécier au regard du risque de fuite de la personne retenue.

Dans son ordonnance contestée, le juge des libertés et de la détention souligne que 'la menace à l'ordre public est parfaitement caractérisée et demeure réelle, actuelle et suffisamment grave quand bien même ladite menace n'est pas apparue dans les 15 derniers jours, étant au demeurant relevé que l'interdiction du territoire français est toujours valable'. Il n'a pas pour autant tiré les conséquences de cette argumentation puisqu'il estime au final que force est de constater l'absence de toute perspective d'éloignement et qu'en conséquence, la prolongation exceptionnelle de la rétention administrative de [X] [M] doit être rejetée.

Or, le seul fait d'être frappé d'une interdiction du territoire par une juridiction pénale caractérise la menace pour l'ordre public qui permet à elle-seule la prolongation de la rétention administrative, sans que le moyen tenant à la délivrance des documents de voyage à bref délai par les autorités consulaires saisies n'ait pas à être examiné.

En conséquence, l'ordonnance entreprise est infirmée.

PAR CES MOTIFS

Infirmons l'ordonnance déférée et statuant a nouveau,

Déclarons recevable la requête en prolongation de la rétention administrative de monsieur le préfet de Savoie à l'égard de [X] [M],

Déclarons régulière la procédure diligentée à l'encontre de [X] [M],

Ordonnons la prolongation de la rétention de [X] [M] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 5] pour une durée exceptionnelle de 15 jours.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Charlotte COMBAL Stéphanie LE TOUX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/06674
Date de la décision : 16/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-16;24.06674 ?
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