N° RG 24/06668 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3KZ
Nom du ressortissant :
[S] [M]
[M]
C/
PREFETE DU RHÔNE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 15 AOUT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Aurore JULLIEN, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 12 août 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de William BOUKADIA, greffier,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 15 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [S] [M]
né le 11 Février 1985 à [Localité 2]
de nationalité lybienne
Actuellement retenu au Centre de rétention administrative 1 [1]
Comparant et assisté de Maître Maéva ROSSI, avocat au barreau de LYON, commis d'office
ET
INTIMEE :
Mme la PREFETE DU RHÔNE
Non comparante, régulièrement avisée, représentée par Maître Cherryne RENAUD AKNI, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Avons mis l'affaire en délibéré au 15 Août 2024 à 18 heures et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant jugement du Tribunal Correctionnel de Lyon du 21 février 2023, X se disant [S] [M] né le 11 février 1985 à [Localité 2] (Libye) a été condamné, à une peine de 12 mois d'emprisonnement pour des faits de vol en réunion et recel, et détention frauduleuse de faux documents administratifs ainsi que détention de stupéfiants ainsi qu'à une interdiction du territoire national français pendant une durée de 5 ans.
Par arrêté du 9 août 2024, le Préfet du Rhône a ordonné le placement en centre de rétention administrative de X se disant [S] [M] pour une durée de quatre jours, la décision lui étant notifiée le même jour même s'il a refusé de signer.
Par requête du 12 août 2024, le Préfet du Rhône a saisi le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lyon d'une demande de prolongation pour 26 jours de la mesure de rétention.
À l'appui de sa demande, il a fait valoir que l'intéressé représente une menace à l'ordre public ayant été incarcéré pour une durée de huit mois suite à deux condamnations à des peines de quatre mois d'emprisonnement prononcées par le Tribunal Correctionnel de Lyon les 31 octobre 2023 et 2 juin 2022, sans compter qu'il a été interpellé suite à des faits de tentative de vol.
Il a indiqué que l'intéressé ne bénéficie d'aucune résidence stable sur le territoire, disant habiter un squat, et ne semble pas avoir de famille à charge, tenant des propos changeant concernant l'existence d'une épouse et d'un enfant de 7 ans qu'il a pu dire ne pas avoir à charge.
Il a rappelé que la personne retenue a fait l'objet d'une mesure portant obligation de quitter le territoire le 13 août 2023, non contestée, qu'il n'a pas exécutée, ne respectant pas non plus les assignations à résidence et obligations de pointage mises à sa charge.
Il a indiqué avoir saisi les autorités libyennes dès le 9 août 2024 puisque M. [M] est dépourvu de documents de voyage.
Par requête du 12 août 2024, M. [M] a saisi le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lyon d'une demande de nullité de l'arrêté de placement en rétention et de remise en liberté.
Par ordonnance du 13 août 2024 à 15h20, le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lyon a rejeté les moyens soulevés pas M. [M] et a ordonné la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 26 jours.
Par acte du 14 août 2024 à 15h12, M. [M] a interjeté appel de cette décision.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 15 août 2024 à 10h30.
Dans ce cadre, le conseil de M. [M] a fait valoir la durée excessive de transfert de M. [M] au centre de rétention administrative, soit 1h25, ce qui a entraîné la tardiveté de la notification de ses droits mais surtout de l'effectivité de ceux-ci, et a fait valoir que la décision de placement en rétention était irrégulière car il est père d'un enfant de trois ans et vit avec sa femme depuis 5 ans dans un logement sis à [Localité 3]. Il a indiqué qu'au regard des délais contraints, il a été impossible de fournir une attestation d'hébergement et des éléments concernant l'enfant commun.
Il a estimé que le Préfet n'avait pas fait un examen sérieux de sa situation individuelle en ne tenant pas compte de sa situation familiale mais aussi du fait qu'il dispose d'une résidence stable. Il a également estimé de ce fait que la décision prise était entachée d'une erreur d'appréciation.
Le conseil de la Préfecture a fait valoir que des difficultés d'acheminement ont été rencontrées en raison de l'absence d'effectifs de police en nombre suffisant mais aussi de l'encombrement des routes.
Concernant la motivation de l'arrêté de placement en rétention, il a fait valoir qu'il a été tenu compte des différentes peines d'emprisonnement prononcées à l'encontre de M. [M]. Il a rappelé que dans une audition du 25 juillet 2024, ce dernier disait vivre avec sa femme dans un squat et a donné différents âges concernant son enfant.
Il a rappelé que les différentes assignations à domicile n'ont pas été respectées et qu'il n'y a donc pas de disproportion dans la mesure prise.
M. [M] a eu la parole en dernier n'a rien souhaité ajouter. Sur question du président, il a confirmé les propos tenus concernant la notification d'un renvoi vers la Libye à savoir qu'il souhaite retourner en Libye.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que l'appel de X se disant [S] [M] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable ;
Sur le moyen pris de la non-exécution des droits notifiés en raison de la durée du transfert en centre de rétention administrative ;
Attendu que la décision de placement en rétention a été notifiée à l'appelant le 9 août 2024 à 16h00 et que celui-ci n'est arrivé au centre de rétention administrative qu'à 17h25,
Que si le trajet est long entre le lieu de garde à vue et le lieu de rétention, il convient toutefois de tenir compte des circonstances de fait, à savoir une journée de départ en vacances et un encombrement des routes, mais aussi du fait que l'appelant a été mis en mesure de faire valoir ses droits dès son arrivée au centre de rétention administrative, aucun grief n'étant constitué,
Que la procédure est donc régulière,
Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d'examen de la situation individuelle
Attendu qu'il résulte de l'article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée ;
Que cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté ;
Que pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée ;
Attendu qu'il convient de retenir que le préfet du Rhône a pris en considération les éléments de la situation personnelle de M. [M] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée,
Qu'il a ainsi rappelé les différentes contradictions de celui-ci concernant ses lieux de vie mais aussi l'existence ou l'âge d'un enfant, et l'absence de résidence stable,
Qu'il a rappelé que M. [M] a déjà été condamné en 2022 et 2023 pour des faits de vols, ayant été incarcéré pour une durée de 8 mois, ce qui constitue une menace à l'ordre public, sans compter que par jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 21 février 2023, il a été condamné à une peine de 12 mois d'emprisonnement pour des faits d'infraction à la législation sur les stupéfiants et usage de faux documents administratifs ainsi que pour vols et recel, et à une interdiction du territoire national pour une durée de 5 ans,
Qu'en outre, il n'a pas respecté la mesure portant obligation de quitter le territoire qui lui a été notifiée le 13 août 2023, et n'a pas non plus respecté la mesure d'assignation à résidence mise en oeuvre,
Que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne pouvait donc être accueilli ;
Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation
Attendu que l'article L. 741-1 du CESEDA dispose que «L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.» ;
Attendu que la régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause ;
Attendu que M. [M] a tenu des propos changeant concernant sa situation personnelle en France, disant vivre dans un squat avec sa compagne, être père d'un enfant de 7 ans pour dire par la suite qu'il avait 3 ans,
Qu'il n'a fourni aucun élément à l'appui de ses propos,
Qu'il a, en outre, indiqué souhaiter retourner en Libye, propos réitérés à l'audience,
Attendu que la motivation de l'arrêté a tenu compte des propos tenus par M. [M] et de ses contradictions, mais aussi de son souhait de retourner en Libye,
Que dès lors, en l'absence de garanties de représentation, mais aussi des propos de la personne concernée, aucune erreur manifeste d'appréciation ne saurait être retenue,
Sur le bien-fondé de la requête en prolongation
Attendu que l'article L741-3 du CESEDA dispose que un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration exerce toute diligence à cet effet,
Attendu que l'article L742-1 du CESEDA dispose que le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative,
Que l'article L742-3 du même code dispose que Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l'expiration du délai de quatre jours mentionné à l'article L. 741-1,
Attendu que la Préfecture justifie avoir réalisé les démarches auprès des autorités libyennes afin d'obtenir la délivrance d'un laissez-passer au profit de M. [M] qui est dépourvu de documents de voyage, la demande étant faite dès le 9 août 2024,
Qu'il est rappelé que M. [M] constitue une menace à l'ordre public et fait l'objet d'une interdiction du territoire national français pendant une durée de 5 ans, et a été condamné à plusieurs reprises,
Attendu qu'au regard de l'intégralité des éléments qui précèdent, il convient de confirmer la décision déférée dans son intégralité,
Attendu que ce moyen ne peut donc pas être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par X se disant [S] [M]
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
Le greffier, Le conseiller délégué,
William BOUKADIA Aurore JULLIEN