N° RG 24/06660 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3KK
Nom du ressortissant :
[R] [K] [E]
[E]
C/
PREFETE DU RHÔNE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 15 AOÛT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Aurore JULLIEN, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 12 août 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de William BOUKADIA, greffier,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 15 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
X se disant [R] [K] [E]
né le 10 Janvier 1993 à [Localité 2]
de nationalité Lybienne
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [1]
Comparant et assisté de Maître Noémie FAIVRE, avocat au barreau de LYON, commis d'office
ET
INTIMEE :
Mme PREFETE DU RHÔNE
Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Cherryne RENAUD AKNI, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Avons mis l'affaire en délibéré au 15 Août 2024 à 18 h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du 25 avril 2023 rendu par le Tribunal Correctionnel de Lyon, X se disant [R] [K] [E] né le 10 janvier 1993 à [Localité 2] (Libye), a été condamné à une peine d'emprisonnement de 12 mois pour agression sexuelle, outrage sexiste dans un moyen de transport outre une peine complémentaire d'interdiction du territoire pour une durée de deux ans.
Par décision du 30 mai 2024 l'autorité administrative a fixé le pays de renvoi, décision notifiée à l'intéressé le même jour.
Par décision du 30 mai 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement de [R] [K] [E] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par ordonnances des 01 juin 2024 et 29 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [R] [K] [E] pour des durées de vingt-huit et trente jours.
Suivant requête du 28 juillet 2024, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 29 juillet 2024 a fait droit à cette requête.
Cette décision a été confirmée par ordonnance de la juridiction du Premier Président en date du 31 juillet 2024.
Par requête du 12 août 2024, le Préfet du Rhône a saisi le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lyon d'une demande quatrième prolongation de la mesure de rétention.
Il a fait valoir que [R] [K] [E] représente une menace à l'ordre public eu égard à la condamnation prononcée à son encontre le 25 avril 2023, l'ayant condamné à une peine d'emprisonnement de 12 mois pour agression sexuelle, outrage sexiste dans un moyen de transport outre une peine complémentaire d'interdiction du territoire pour une durée de deux ans.
Il a indiqué en outre que l'intéressé ne dispose pas d'un hébergement stable ni de ressources légales.
Il a rappelé que par le passé, le retenu n'a jamais respecté ses obligations de pointage. Il a indiqué avoir saisi les autorités libyennes dès le 30 mai 2024 en vue de la reconnaissance de M. [E] et aux fins de délivrance d'un laissez-passer, autorités ne l'ayant pas reconnu, ce qui a entraîné la saisine des autorités algériennes et tunisiennes les 30 mai et 11 juin 2024 puisque la personne retenue donne plusieurs identités et nationalités, les empreintes et photographies de l'intéressé ayant été transmises les 10 et 11 juin 2024.
Il a indiqué que des relances ont été faites auprès du consulat algérien les 26 juin, 22 juillet et 9 août 2024, et que des relances ont été faites auprès du consulat tunisien les 26 juin, 22 juillet et 12 août 2024.
Il a estimé le recours au délai de 15 jours nécessaire en raison de l'obstruction de M. [E] qui refuse de donner sa véritable identité et constitue une menace à l'ordre public.
Par ordonnance du 13 août 2024 à 14h27, le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lyon a fait droit à cette demande.
Par acte du 14 août 2024 à 10h36, [R] [K] [E] a interjeté appel de la décision rendue.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 15 août 2024 à 10h30.
Dans ce cadre, le conseil de l'appelant a fait valoir que les conditions relatives à une quatrième prolongation n'étaient pas réunies en ce que la preuve de la délivrance d'un laissez-passer à bref délai n'est pas rapportée sans compter que aucune menace à l'ordre public ne peut être caractérisée concernant les 15 derniers jours au vu de son comportement au centre de rétention administrative, la menace à l'ordre public devant constituer un danger réel et actuel pour l'ordre public. Il a fait valoir que M. [E] n'a pas fait obstacle à son éloignement.
Le conseil de la Préfecture a fait valoir que la personne retenue fait obstacle à son éloignement en ne donnant pas sa véritable identité étant rappelé que les autorités libyennes ne l'ont pas reconnu comme un de leurs ressortissants.
Il a rappelé que la menace à l'ordre public ne doit pas être apprécié sur les 15 derniers jours mais au regard du comportement de la personne retenue et que dans le cas de l'appelant, une interdiction du territoire national a été prononcée pour une durée de 5 ans ce qui caractérise une menace à l'ordre public.
Enfin, il a été rappelé que de nombreuses démarches ont été mises en oeuvre auprès des différentes autorités consulaires et qu'il est impossible d'exercer la moindre pression sur elle.
M. [E] a eu la parole en dernier et a fait valoir qu'il a déjà passé 80 jours au centre de rétention administrative et qu'il souhaite quitter la France. Il a estimé qu'il n'était pas reconnu par la Libye car il a quitté ce pays lorsqu'il avait 14 ans.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que l'appel de X se disant [R] [K] [E] relevé dans les formes et délais légaux prévus est recevable ;
Sur le bien-fondé de la requête
Attendu que l'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ;
Attendu que l'article L. 742-5 du même code dispose que « A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.»
Attendu qu'en la présente espèce, il est constaté que l'appelant fait l'objet d'une interdiction du territoire national pendant une durée de 5 ans suite à des faits de nature délictuelle,
Que cette interdiction démontre que l'appelant constitue une menace à l'ordre publique actuelle et future, décidée par le tribunal correctionnel, étant rappelé que l'appréciation concernant cette menace ne porte pas sur les derniers 15 jours, passés de fait en centre de rétention administrative sauf à vider le texte de tout sens,
Qu'il convient de relever l'obstruction de M. [E] à son éloignement étant rappelé que la Libye ne l'a pas reconnu comme un de ses ressortissants, et qu'il n'a pas donné sa véritable identité,
Qu'enfin, il est rappelé que la Préfecture démontre la réalité de ses démarches auprès des différentes autorités consulaires, remplissant son obligation de moyens, et qu'aucun élément ne laisse présager que l'obstacle à la délivrance d'un laissez-passer ne sera pas levé dans un futur proche,
Qu'au surplus, il sera rappelé que la Préfecture ne peut d'aucune manière faire pression sur des autorités étrangères pour obtenir des réponses quant à ses demandes,
Attendu, au regard de l'ensemble de ces éléments, qu'il convient de confirmer la décision déférée dans son intégralité,
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par X se disant [R] [K] [E]
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
Le greffier, Le conseiller délégué,
William BOUKADIA Aurore JULLIEN