N° RG 24/06626 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3HW
Nom du ressortissant :
[M] [X]
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
C/ [X]
PREFET DE LA SAVOIE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND
EN DATE DU 14 AOUT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Aurore JULLIEN, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 12 aout 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Charlotte COMBAL, greffière,
En présence du ministère public, représenté par Jean- Daniel REGNAULD, Avocat général, près la cour d'appel de Lyon,
En audience publique du 14 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de judiciaire de Lyon
représenté par le parquet général de Lyon
ET
INTIMES :
M. [M] [X]
né le 07 Mai 2001 à [Localité 2]
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5]
Non comparant, représenté par Maitre Nathalie LOUVIER, avocat au barreau de LYON, commis d'office
M. LE PREFET DE LA SAVOIE
[Adresse 3]
[Localité 1]
non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître N'DIAYE Alexis, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Avons mis l'affaire en délibéré au 14 Août 2024 à 16 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant décision du 22 mars 2024, le Préfet de Savoie a pris un arrêté portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de [M] [X], avec interdiction de revenir sur le territoire pendant une durée de trois ans, réputée notifiée le 25 avril 2024, l'intéressé ayant refusé de se présenter devant les personnels de la direction interdépartementale de police de Savoie les 27 mars 2024 et 25 avril 2024 aux fins de notification.
Il convient d'indiquer que sur ce temps, [M] [X] était incarcéré dans le cadre de l'exécution d'une peine d'emprisonnement.
À sa levée d'écrou, un arrêté de placement en centre de rétention administrative a été pris le 13 juillet 2024, et l'intéressé a été conduit au centre de rétention administrative de [5].
La prolongation de la mesure de rétention le concernant a été ordonnée pour une durée de 28 jours suivant ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention de Lyon en date du 15 juillet 2024.
Par requête du 11 août 2024, le Préfet de la Savoie a saisi le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lyon d'une demande de renouvellement de la mesure de rétention pour une durée de 30 jours, en indiquant qu'il avait saisi les services du consulat d'Algérie avant même la levée d'écrou de l'intéressé et que son identité avait été fiabilisée et qu'elle était établie comme étant celle de [M] [X] né le 5 mai 2001 à Annaba (Algérie).
Il a indiqué qu'une audition consulaire a pu se tenir le 19 juillet 2024 dans les locaux de l'Hôtel de Police de [Localité 4]. Enfin, il a précisé avoir sollicité à nouveau les autorités consulaires le 8 août 2024.
Par ordonnance du 12 août 2024 à 14 heures 30, le Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal Judiciaire de Lyon a rejeté la demande de prolongation de la mesure de rétention et a ordonné la mainlevée de la mesure.
Par acte du 12 août 2024, le Procureur de la République près le Tribunal Judiciaire de Lyon a interjeté appel de cette décision, et a demandé que son appel soit déclaré suspensif, estimant que les critères d'une deuxième prolongation étaient remplis, notamment par l'interrogation concernant la suite de l'interrogatoire par le consulat, mais aussi eu égard au fait que la personne retenue ne dispose d'aucun document de voyage ni d'une résidence stable sur le territoire français.
Par ordonnance du 13 août 2024, la juridiction du Premier Président de la Cour d'appel de Lyon a déclaré l'appel du Procureur de la République près le Tribunal Judiciaire de Lyon recevable, et l'a déclaré suspensif.
Les parties ont été convoquées régulièrement à l'audience du 14 août 2024 à 10 heures 30.
Un procès-verbal de carence a été dressé et régulièrement transmis aux parties, M. [X] refusant d'être extrait.
Dans ce cadre, le Procureur Général a sollicité l'infirmation de la décision déférée et a fait valoir que les autorités préfectorales ont respecté l'obligation de moyens mise à leur charge concernant les diligences aux fins d'éloignement. Il a rappelé qu'il ne saurait être procédé comme l'a fait le premier juge à une appréciation personnelle des chances d'éloignement mais aussi des relations diplomatiques entre les différents Etats concernés.
Le conseil de la Préfecture de la Savoie a fait valoir que les autorités algériennes ont indiqué par courriel du 13 août 2024 accepter de délivrer un laissez-passer concernant M. [X] et a demandé qu'une demande de routing soit établie afin de pouvoir convenir d'une date ce qui démontre que la levée d'obstacle ne pouvait être écartée au motif d'un échec plus ancien des mesures d'éloignement.
Le conseil de M. [X] a indiqué s'en rapporter eu égard à la délivrance d'un laissez-passer et la mise en oeuvre d'un routing.
MOTIVATION
Attendu que l'article L. 742-4 du même code dispose que «Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.»;
Attendu qu'il convient de rappeler que le juge judiciaire ne peut fonder sa décision relative à la seconde prolongation de la mesure de rétention administrative sur son appréciation personnelle quant à l'existence ou pas de perspective d'éloignement sauf à se déterminer par des présupposés personnels sur la survenance d'éléments futurs et nécessairement aléatoires concernant la réponse qui peut être apportée par le consulat d'Algérie, et ce, même si une précédente procédure a été diligentée vainement contre la même personne ;
Que l'évolution des relations diplomatiques entre la France et l'Algérie ou tout autre pays relève de considérations sur lesquelles le juge judiciaire n'a pas à se prononcer sauf à méconnaître son office ; Que l'appréciation de la situation doit se faire in concreto par le juge, sans qu'il ne sorte de son office ;
Attendu que le premier juge a procédé à une appréciation personnelle et in concreto de la situation en évoquant des situations antérieures à la présente procédure mais également en faisant état des relations internationales entre la France et l'Algérie, soit en sortant de son office ; Qu'il convient dès lors de procéder à une appréciation in concreto de la situation ;
Attendu que la Préfecture rapporte la preuve des différentes démarches qui ont été faites notamment avec une audition de [M] [X] le 19 juillet 2024 par les autorités consulaires du pays de renvoi ; Qu'en outre, il rapporte la preuve que par courriel du 13 août 2024 les autorités consulaires algériennes ont accepté la délivrance d'un laissez-passer, demandant la mise en oeuvre d'un routing aux fins de mise en oeuvre ;
Attendu qu'il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée dans sa totalité, et d'ordonner la prolongation de la mesure de rétention à l'encontre de [M] [X] pour une durée de 30 jours.
PAR CES MOTIFS
Infirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,
Statuant a nouveau,
Ordonnons la prolongation de la mesure de rétention de [M] [X] pour une durée de 30 jours
Le greffier, Le conseiller délégué,
Charlotte COMBAL Aurore JULLIEN