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12/08/2024 | FRANCE | N°24/06593

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 12 août 2024, 24/06593


N° RG 24/06593 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3FM



Nom du ressortissant :

[W] [R] [G] [M]



[R] [G] [M]

C/

PREFETE DU RHÔNE

COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 12 AOUT 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Françoise BARRIER, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du30 juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en ap

plication des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de C...

N° RG 24/06593 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P3FM

Nom du ressortissant :

[W] [R] [G] [M]

[R] [G] [M]

C/

PREFETE DU RHÔNE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 12 AOUT 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Françoise BARRIER, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du30 juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Charlotte COMBAL, greffière,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 12 Août 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [W] [R] [G] [M]

né le 21 Décembre 1998 à [Localité 2] (Niger)

de nationalité nigérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [1]

comparant assisté de Maître Karima SAIDI, avocat au barreau de LYON, commis d'office

ET

INTIMEE :

MME LA PREFETE DU RHÔNE

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Cherryne RENAUD AKNI, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 12 Août 2024 à 16 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Le tribunal judiciaire de Grenoble a condamné le 29 juillet 2022 [W] [R] [G] [M] pour les faits de détention et offre ou cession de stupéfiants, rébellion, recels de vol et de bien provenant de la cession de stupéfiants et port sans motif légitime d'arme blanche, commis les 4 novembre 2021, 8 juin 2022 et 26 juillet 2022, à la peine de 12 mois d'emprisonnement, avec maintien en détention, assortie de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français durant cinq ans et de la confiscation du produit des infractions. Il a aussi révoqué en totalité le sursis simple prononcé par le même tribunal le 13 mai 2022, s'agissant d'une peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une amende de 500 euros prononcée pour des faits de délit de fuite, conduite sans permis, conduite sous l'empire d'un état alcoolique, refus d'obtempérer commis le 5 avril 2022. [W] [R] [G] [M] a exécuté ces peines aux centres pénitentiaires de [Localité 4] puis de [Localité 5] jusqu'au 19 mai 2023.

Par décision du 17 mai 2023, la préfète du Rhône indiquait qu'il sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou dans tout pays dans lequel il est admissible.

Assigné à résidence par la préfecture de l'Isère selon arrêté du 2 novembre 2023, cette décision lui étant notifiée le 4 novembre 2023, il ne se présentait plus pour pointer aux services de police postérieurement au 7 novembre 2023.

[W] [R] [G] [M] était placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 11 juin 2024 à 15 heures.

Sa rétention administrative a été prolongée pour vingt-huit jours puis trente jours par décision de la juridiction du premier président de la cour d'appel du 15 juin 2024 (infirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon du 13 juin 2024) et par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon du 11 juillet 2024.

Par requête du 9 août 2024, la préfète du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de sa rétention pour une durée de quinze jours.

Par ordonnance du 10 août 2024 à 15 heures 13, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à cette requête, déclarée recevable, la procédure étant régulière.

[W] [R] [G] [M] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 11 août 2024 à 15 heures 48 en faisant valoir que les critères définis par le CESEDA ne sont pas réunis puisque l'administration n'établit pas qu'un laissez-passer consulaire va être délivré à bref délai, malgré les diligences effectuées par la préfecture du Rhône envers les autorités consulaires nigériennes, qui restent silencieuses, en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement, et que par ailleurs l'administration ne peut déduire de la seule condamnation dont il a été l'objet l'existence d'une menace à l'ordre public. Il demande l'infirmation de l'ordonnance déférée, le rejet de la demande de prolongation et sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 12 août 2024 à 10 heures 30.

Lors de cette audience, [W] [R] [G] [M] a comparu en personne, assisté de son avocat.

Le conseil d'[W] [R] [G] [M] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel, en évoquant notamment l'absence de perspective raisonnable d'éloignement, eu égard à l'absence de réponse des autorités consulaires aux demandes préfectorales, et compte-tenu de la dégradation des relations franco-nigériennes et de la fermeture de l'ambassade de France à [Localité 2].

La préfète du Rhône, représentée par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée, eu égard à la menace à l'ordre public caractérisée par l'interdiction du territoire français prononcée par jugement du tribunal judiciaire de Grenoble le 29 juillet 2022. Elle détaillait les diligences effectuées par l'administration à l'égard des autorités consulaires nigériennes, puis estimait que les relations diplomatiques entre les deux pays pourraient évoluer avec le temps.

[W] [R] [G] [M] a eu la parole en dernier, se disant prêt à retourner à [Localité 2] ou à refaire sa vie dans un autre pays, bien que sa famille réside en France où il dit travailler comme peintre en bâtiment.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel d'[W] [R] [G] [M], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), est recevable.

Sur le bien-fondé de la requête

L'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

L'article L. 742-5 du même code dispose que «à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

(...) Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours ».

Le conseil d'[W] [R] [G] [M] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que :

- rien ne démontre qu'un laissez-passer consulaire va être délivré à bref délai, même si la préfecture a transmis aux autorités consulaires nigériennes, saisies dès le 11 juin 2024, des éléments d'identification le 28 juin 2024, avec des relances le 10 juillet 2024 et le 8 août 2024,

- la menace à l'ordre public ne peut être déduite de manière automatique du seul fait de la commission d'un crime ou d'un délit, l'administration devant examiner chaque situation d'étranger en situation irrégulière au cas par cas,

- en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée doit être remise en liberté, la motivation de l'ordonnance rendue le 15 juin 2024 sur cette question n'étant pas revêtue de l'autorité de la chose jugée, qui ne s'attache qu'au dispositif de la décision et non aux motifs décisoires,

- depuis le coup d'état militaire du 26 juillet 2023, les relations entre la France et le Niger se sont fortement dégradées, la junte au pouvoir ayant exigé le départ des troupes militaires françaises et la France ayant en décembre 2023 fermé jusqu'à nouvel ordre son ambassade au Niger, sachant qu'elle soutient le président déchu [P] [L] et appelle à sa libération, les relations entre les deux états étant de ce fait rompues.

L'autorité administrative fait valoir dans sa requête que :

- [W] [R] [G] [M] est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité, et qu'elle a dû saisir le consulat du Niger à [Localité 3] dès le 11 juin 2024 en vue de la délivrance d'un laissez-passer, en joignant à sa demande la copie d'un document de voyage périmé, puis en lui adressant le 28 juin 2024 diverses pièces et en faisant ultérieurement des relances, sans réponse à ce jour,

- le comportement d'[W] [R] [G] [M] est constitutif d'une menace pour l'ordre public dans la mesure où il est connu sous plusieurs identités différentes notamment pour des faits de violences et qu'il a été écroué à partir du 27 juillet 2022 au centre pénitentiaire de [Localité 4] dans le cadre des faits pour lesquels il a été condamné le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Grenoble, qui l'a notamment condamné à une peine d'interdiction du territoire français durant cinq ans,

- il ne justifie d'aucun hébergement stable, ni d'un emploi licite ou de ressources propres, et n'a pas respecté l'arrêté d'assignation à résidence qui lui a été notifié le 3 novembre 2023, ayant mis fin au pointage dès le 17 novembre 2023.

Il n'est pas contesté que l'autorité administrative a engagé avec célérité diverses diligences auprès des autorités consulaires nigériennes, mais l'absence de réponse de ces autorités consulaires, alors que l'intéressé est identifié puisqu'une copie de son passeport périmé depuis 2017 a été produit et figure en copie à la procédure, ne permet pas de retenir qu'il est établi que les documents de voyage sollicités vont être délivrés à bref délai, d'autant qu'il est constant que les relations diplomatiques entre la France et le Niger sont désormais rompues, l'ambassade de France au Niger étant fermée depuis le début de l'année, sans que puisse être évoquée de façon sérieuse la reprise de ces relations diplomatiques dans un délai proche.

Dans un tel contexte, aucune perspective raisonnable d'éloignement ne peut être envisagée, eu égard à la situation diplomatique franco-nigérienne, comme l'avait d'ailleurs relevé le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon dans son ordonnance du 13 juin 2024, infirmée en appel le 15 juin 2024.

Par ailleurs, la motivation de l'ordonnance du 15 juin 2024 de la juridiction du premier président de la cour d'appel sur cette question n'a aucune autorité de chose jugée, celle-ci n'affectant que le dispositif de la décision, et au demeurant à ce stade de la procédure l'administration préfectorale ne prétend plus avoir des «contacts très précis» avec les autorités nigériennes, mais espère seulement qu'à l'avenir les relations diplomatiques entre les deux pays puissent évoluer favorablement, comme indiqué au cours de l'audience.

En l'absence de perspective raisonnable d'éloignement, il ne sera pas statué sur l'éventuelle menace à l'ordre public que constitue la présence en France d'[W] [R] [G] [M], dont le casier judiciaire ne comporte d'ailleurs que deux mentions, s'agissant des deux jugements précités, dont il a d'ores-et-déjà exécuté les peines d'emprisonnement, aucun autre élément n'étant fourni pour démontrer sa dangerosité.

L'ordonnance entreprise sera dès lors infirmée et la demande de prolongation exceptionnelle de la rétention administrative rejetée, la mise en liberté du retenu étant en tant que de besoin ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [W] [R] [G] [M],

Confirmons l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré la requête de la préfète du Rhône recevable et la procédure régulière,

Infirmons l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention administrative pour une durée de quinze jours, et, statuant à nouveau,

Rejetons la requête de la préfète du Rhône en prolongation de la rétention administrative d'[W] [R] [G] [M] pour une durée de quinze jours,

Ordonnons en tant que de besoin la mise en liberté d'[W] [R] [G] [M],

Rappelons à [W] [R] [G] [M] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français, et l'informons qu'en application de l'article L. 824-9 du CESEDA que tout étranger qui se soustrait ou de tente de se soustraire à l'exécution d'une interdiction administrative du territoire français, d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une décision d'expulsion ou qui refuse de se soumettre aux modalités de transport qui lui sont désignées pour l'exécution d'office de la mesure dont il fait l'objet encourt une peine de trois années d'emprisonnement.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Charlotte COMBAL Françoise BARRIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/06593
Date de la décision : 12/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-12;24.06593 ?
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