N° RG 24/06522 N° Portalis DBVX-V-B7I-P3AH
Nom du ressortissant :
[V] [B]
[B]
C/
PREFET DE LA SAVOIE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 08 AOÛT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Pierre BARDOUX, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 30 juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Justine BAUM, greffier,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 08 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [V] [B]
né le 21 Mars 1990 à [Localité 5]
de nationalité Tunisienne
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [4] 1
comparant assisté de Maître Abdelhakim DRINE, avocat au barreau de LYON, commis d'office et avec le concours de Madame [T] [Z], inteprète en langue arabe experte près la cour d'appel de LYON
ET
INTIME :
M. PREFET DE LA SAVOIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Eddy PERRIN, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Avons mis l'affaire en délibéré au 08 Août 2024 à 15 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE :
Une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour pendant deux ans a été notifiée à [V] [B] le 2 août 2024 par le préfet de la Savoie. Un recours a été formé par l'intéressé devant le tribunal administratif.
Par décision en date du 2 août 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement de [V] [B] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 2 août 2024.
Suivant requête du 4 août 2024, le préfet de la Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 5 août 2024 a :
' rejeté les moyens soulevés,
' déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,
' déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de [V] [B],
' ordonné la prolongation de la rétention de [V] [B] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 3] pour une durée de vingt-six jours,
' rejeté la demande d'assignation à résidence.
Le conseil de [V] [B] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 7 août 2024 à 16 heures 06 en faisant valoir :
- l'irrégularité de la garde à vue et la violation des articles 63, 63-1 et 63-4 du Code pénal à raison du retard de la notification des droits de gardé à vue, de l'absence d'un avocat et d'un interprète au cours de cette mesure comme de justification de l'avis du parquet du placement en garde à vue,
- l'absence de notification de la possibilité de demander l'assistance médicale dans le cadre de la rétention administrative,
- l'absence de soins prodigués devant son arrivée au centre de rétention administrative,
- l'absence de motivation de la décision de placement en rétention et d'analyse sérieuse de la situation de l'intéressé comme de prise en compte de sa vulnérabilité.
Le conseil de [V] [B] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée, l'annulation de la garde à vue comme de la décision de maintien en rétention administrative, le rejet de la demande de prolongation et le placement de l'intéressé sous assignation à résidence.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 8 août 2024 à 10 heures 30.
[V] [B] a comparu et a été assisté d'un interprète et par son avocat.
Il a été relevé d'office la question de la recevabilité d'une contestation de l'arrêté de placement qui n'a pas été présentée par requête devant le juge des libertés et de la détention.
Le conseil de [V] [B] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Sur la recevabilité de la contestation de l'arrêté de placement, ce conseil indique avoir présenté oralement des moyens portant sur la motivation de cette décision.
Le préfet de la Savoie, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. Sur la recevabilité de la contestation adverse de l'arrêté de placement, il fait valoir que les notes d'audience devant le juge des libertés et de la détention ne font pas état de la présentation d'un tel moyen et qu'en tout état de cause, une contestation de l'arrêté de placement devait être présentée par le biais d'une requête écrite.
[V] [B] a eu la parole en dernier.
Dans le cadre du délibéré, ainsi que cela a été annoncé, le tribunal administratif a été sollicité pour que soit communiqué le résultat de son examen réalisé hier de la contestation formée par [V] [B].
Cette décision a été envoyée par courriel et portée à la connaissance des parties, le tribunal administratif ayant rejeté par jugement du 7 août 2024 les contestations élevées par [V] [B].
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que l'appel de [V] [B] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable ;
Sur la recevabilité de la contestation de l'arrêté de placement
Attendu que dans sa requête d'appel, le conseil de [V] [B] soutient pour la première fois une contestation de l'arrêté de placement en rétention administrative à raison d'un défaut de motivation et d'une absence d'examen sérieux de sa situation comme de son état de vulnérabilité ;
Attendu que ces moyens d'illégalité de l'arrêté de placement devaient être présentés au juge des libertés et de la détention dans le cadre d'une requête régulière en application de l'article R. 741-3 du CESEDA ;
Que la contestation ne pouvait être formée que dans le cadre de cet article R. 741''3 et elle est insusceptible d'être présentée pour la première fois en appel, alors que les notes d'audience devant le juge des libertés et de la détention ne font mention d'aucune discussion, même orale de la légalité de l'arrêté de placement ;
Attendu que cette contestation de l'arrêté de placement concernant le risque de fuite, la vie familiale ou l'état de vulnérabilité est en conséquence déclarée irrecevable ;
Sur la régularité de la garde à vue
Attendu que le conseil de [V] [B] n'est pas fondé à solliciter l'annulation d'une garde à vue, le juge des libertés et de la détention ou le premier président à sa suite dans le cadre de l'appel n'ayant à contrôler l'existence au sens de l'article L. 743''12 du CESEDA d'atteintes substantielles aux droits de la personne retenue pour motiver le cas échéant le rejet de la requête en prolongation de la rétention administrative ;
Qu'en l'espèce, en l'absence d'arguments et d'éléments nouveaux dans la requête d'appel, la motivation pertinente et complète du juge des libertés et de la détention est adoptée purement et simplement en ce qu'a été retenue l'absence d'irrégularités de la garde à vue et même d'atteinte aux droits de [V] [B] au sens du texte susvisé ;
Attendu qu'au surplus, le conseil de [V] [B] est infondé à invoquer une obligation légale de présence de l'avocat en garde à vue qui n'est pas prévue par le Code de procédure pénale même après la réforme récente issue de la loi du 22 avril 2024 ;
Que ces moyens d'irrégularités ont été à juste titre rejetés par le juge des libertés et de la détention ;
Sur les moyens tirés d'une absence de notification à [V] [B] du droit de solliciter une consultation médicale et d'une absence d'accès aux soins
Attendu que le conseil de [V] [B] soutient à tort que le droit de demander l'assistance d'un médecin n'a pas été notifié à l'intéressé alors qu'il résulte du dossier de la procédure qu'elle a été effective dès le 2 août 2024 à 12 heures 01 et qu'il a pu demander cette assistance ; qu'en outre, l'article L. 221-4 du CESEDA invoqué par son conseil n'est pas applicable en l'espèce car il régit les maintiens en zone d'attente ;
Que [V] [B] affirme en outre qu'il n'a pas reçu les soins appropriés à son état depuis son placement en rétention administrative comme l'incompatibilité de son état de santé avec son maintien en rétention administrative ;
Attendu qu'il ressort des débats devant le juge des libertés et de la détention et de la décision de ce dernier qu'il a pu être reçu par le service infirmier et qu'il a obtenu d'être doté d'une attelle et s'est vu remettre des médicaments, comme deux ordonnances prescrivant des médicaments ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 743-12 du CESEDA «En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.» ;
Attendu que l'article L. 744-4 du même code dispose que «L'étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend.
En cas de placement simultané en rétention d'un nombre important d'étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s'effectue dans les meilleurs délais.
Les modalités selon lesquelles s'exerce l'assistance de ces intervenants sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat.» ;
Que l'article R. 744-14 de ce code prévoit quant à lui que «Dans les conditions prévues aux articles R. 744-6 et R. 744-11, des locaux et des moyens matériels adaptés permettent au personnel de santé de donner des consultations et de dispenser des soins dans les centres et locaux de rétention.
Les conditions dans lesquelles les établissements de santé interviennent au bénéfice des personnes retenues, en application de l'article L. 6111-1-2 du code de la santé publique, sont précisées par voie de convention passée entre le préfet territorialement compétent et un de ces établissements selon des modalités définies par arrêté conjoint du ministre chargé de l'immigration, du ministre chargé des affaires sociales et du ministre chargé de la santé. Pour les centres de rétention administrative, cet arrêté précise notamment les conditions de présence et de qualification des personnels de santé ainsi que les dispositions sanitaires applicables en dehors de leurs heures de présence au centre.» ;
Attendu qu'en vertu de ces textes, s'il appartient au juge judiciaire de s'assurer, au regard des éléments de preuve produits au dossier, que le droit à l'accès à des soins adaptés est garanti au sein du centre de rétention administrative, il ne lui appartient pas de porter une appréciation sur les modalités organisationnelles du service médical dudit centre, telles qu'elles résultent de l'arrêté prévu à l'article R. 744-14, dont la validité et dont le respect sont soumis au seul contrôle du juge administratif ;
En l'espèce, il ressort de l'analyse des pièces communiquées par l'autorité préfectorale et il n'est d'ailleurs pas contesté par [V] [B] que suite à sa demande visant à accéder à un médecin, il a pu rencontrer une infirmière et disposer de médicaments et d'ordonnances permettant d'en faire usage ;
Attendu que si aux termes de l'article L. 743-9 du CESEDA, il appartient au juge des libertés et de la détention de vérifier si la personne retenue a été «pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention», il est dépourvu de tout pouvoir juridictionnel pour déterminer si les structures médicales mises en place dans le centre de rétention administrative sont adéquates et pertinentes pour respecter les dispositions du CESEDA prévoyant un accès au médecin ;
Que cette appréciation est strictement réservée aux juridictions administratives et il appartient en tout état de cause à [V] [B] de fournir des éléments objectifs de l'irrespect de l'article R. 744-18 du CESEDA ;
Attendu que ce texte dispose notamment que «S'ils en font la demande, ils sont examinés par un médecin de l'unité médicale du centre de rétention administrative, qui assure, le cas échéant, la prise en charge médicale durant la rétention administrative.» ;
Que ce texte est taisant sur le délai nécessaire à cet accès au médecin et il n'est pas établi par l'intéressé que le contact rapide avec le service infirmier ait été insuffisant à la prise en charge des pathologies alors déclarées ;
Attendu que [V] [B] procède par affirmations concernant l'incompatibilité de son état de santé avec son maintien en rétention administrative, en faisant état d'un diabète, alors qu'il doit lui être rappelé comme l'a fait le conseil de la préfecture lors de l'audience que seul le médecin de l'OFII est compétent pour déterminer cette incompatibilité ;
Attendu qu'aucun des nombreux documents produits par son conseil tant devant le juge des libertés et de la détention que dans le cadre de sa requête d'appel ne vient confirmer l'atteinte de [V] [B] par un diabète, les éléments médicaux communiqués concernant la grossesse de sa compagne ou de la prescription de médicaments pour des problèmes stomacaux ;
Attendu que [V] [B] défaille ainsi à établir que l'absence d'accès immédiat à un médecin a porté une atteinte substantielle à ses droits ;
Attendu que ces moyens ne sont ainsi pas de nature à conduire à un rejet de la requête en prolongation en l'état d'une absence de preuve d'une atteinte substantielle aux droits telle qu'exigée par l'article L. 743-12 du CESEDA ;
Sur l'assignation à résidence
Attendu qu'aux termes de l'article L. 743-13 du CESEDA, «Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.»
Attendu que pour bénéficier d'une assignation à résidence, l'étranger doit avoir remis son passeport aux autorités, ce qui n'est pas le cas en l'espèce comme [V] [B] l'a reconnu à l'audience ; que l'existence ou non de garanties de représentation est ainsi inopérante ;
Que cette demande était dès lors insusceptible de prospérer et en conséquence, elle a été à juste titre rejetée par le juge des libertés et de la détention :
Attendu qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée ;
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par [V] [B],
Déclarons [V] [B] irrecevable en sa contestation de l'arrêté de placement présentée dans sa requête d'appel,
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Justine BAUM Pierre BARDOUX