N° RG 24/06419 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P2Y4
Nom du ressortissant :
[K] [J]
[J]
C/
PREFET DE L'ISERE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 03 AOÛT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Magali DELABY, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 30 juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Manon CHINCHOLE, greffier,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 03 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
X se disant [K] [J]
né le 06 Novembre 1999 à [Localité 6] (TUNISIE)
de nationalité Tunisienne
Actuellement retenu centre de rétention administrative de [5] 2
comparant assisté de Maître Murielle LEGRAND-CASTELLON, avocat au barreau de LYON, commis d'office
ET
INTIME :
M. PRÉFET DE L'ISERE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Eddy PERRIN, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Avons mis l'affaire en délibéré au 03 Août 2024 à 15 heures 45 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Le 3 février 2023, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et assortie d'une interdiction de retour pendant 3 ans a été notifiée à X se disant [K] [J] né le 6 novembre 1999 à [Localité 6] en Tunisie par le préfet du Rhône.
Auparavant, l'interessé a fait l'objet de plusieurs autres obligations de quitter le territoire français prises les 4 janvier 2019, 14 mars 2019 et 26 octobre 2020 et a été placé sous assignation à résidence le 12 décembre 2023 qui a été suivie d'un procès-verbal de carence du 4 janvier 2024.
Le 1er juin 2024, X se disant [K] [J] alias [K] [O] [W] né le 6 novembre 1991 à [Localité 3] en Algérie a fait l'objet d'un placement en garde à vue pour des faits de conduite sans permis, sans assurance et sous l'empire de stupéfiants outre un excès de vitesse. Le procureur de la république lui a fait notifier une convocation par officier de police judiciaire pour répondre de ces faits devant le tribunal judiciaire de Grenoble le 19 septembre 2024.
Le 2 juin 2024, le préfet de l'Isère a ordonné le placement de X se disant [K] [J] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par ordonnance du 4 juin 2024 confirmée en appel le 6 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a prolongé la rétention administrative de X se disant [K] [J] pour une durée de vingt-huit jours.
Par ordonnance du 2 juillet 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de X se disant [K] [J] pour une nouvelle durée de trente jours.
Suivant requête du 31 juillet 2024 reçue le même jour à 15 heures 02, le préfet de l'Isère a saisi à nouveau le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 1er août 2024 à 17h30, a fait droit à cette requête.
Par déclaration au greffe le 1er août 2024 à 19 heures 39, X se disant [K] [J] a interjeté appel de cette ordonnance en faisant valoir par l'intermédiaire de son conseil qu'aucun des critères définis par l'article L.742-5 du CESEDA n'est réuni, le préfet de l'Isère ne rapportant pas la preuve de la délivrance d'un laissez-passer consulaire devant intervenir à bref délai de la part des autorités consulaires algériennes et ce, d'autant que par décision du 30 juillet 2024, le gouvernement algérien a retiré son ambassadeur en France limitant les relations diplomatiques avec la France et conduisant inévitablement à ne plus délivrer de laissez passer aux préfectures pour leurs ressortissants.
En outre, il n'est pas établi par le Préfet qu'une audition était organisée le 26 juillet 2024 et que X se disant [K] [J] aurait refusé de s'y rendre.
Faute de perspective d'éloignement, X se disant [K] [J] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté après avoir dit qu'il n'y avait pas lieu à troisième prolongation de la rétention.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 3 août 2024 à 10 heures 30.
* * * * *
Lors de l'audience du 3 août 2024, X se disant [K] [J] comparait en personne et est assisté de son conseil. Il indique désormais être né le 6 novembre 1991 et non en 1999. Il n'est pas né à [Localité 3] en Algérie mais maintient être né à [Localité 6] en Tunisie et être de nationalité tunisienne. Sur question, il se souvient que les policiers se sont présentés à lui le 26 juillet dernier pour lui dire qu'il avait un rendez-vous avec le Consulat d'Algérie mais il leur a répondu en dormant. Il n'a pas refusé mais comme il dormait, il a pensé que le rendez-vous était le lendemain.
Son conseil est entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Il souligne que l'obstruction de son client n'est aucunement justifiée faute de traces d'échanges entre la préfecture et le consulat d'Algérie sur la date retenue pour l'audition de X se disant [K] [J].
Le conseil demande l'infirmation de la décision attaquée et la remise en liberté de son client mettant par ailleurs en exergue le caractère strictement exceptionnel de la troisième prolongation.
Le préfet de l'Isère, représenté par son conseil, demande la confirmation de l'ordonnance déférée soulignant que l'obstruction de X se disant [K] [J] est caractérisée, le procès-verbal des services de police faisant nécessairement foi.
X se disant [K] [J] a eu la parole en dernier.
MOTIVATION
Sur la procédure et la recevabilité de l'appel :
L'appel de X se disant [K] [J] relevé dans les formes et délais légaux prévus est recevable.
Sur le bien-fondé de la requête :
L'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.
L'article L. 742-5 du même code dispose qu'à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 9° de l'article L. 611-3 ou du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
Il ressort des pièces de la procédure et des débats que la Préfecture de l'Isère justifie des diligences initiales suivantes faute de documents de voyage de X se disant [K] [J] en sa possession :
- la saisine par courrier du 4 octobre 2023 des autorités consulaires tunisiennes de [Localité 4] afin de déterminer l'identité de X se disant [K] [U] né le 10 novembre 1999 en joignant les empreintes digitales de l'interessé et la réponse de ces autorités par courrier du 1er novembre 2023 précisant qu'il n'était pas de nationalité tunisienne,
-une première demande de laissez-passer consulaire adressé au consulat d'Algérie à [Localité 2] par courriel du 2 juin 2024, jour de son placement en rétention,
- une première relance des autorités consulaires algériennes par courriel du 10 juin 2024 sollicitant une date d'audition de la personne retenue,
- une seconde relance des autorités consulaires algériennes par courriel du 17 juin 2024 sollicitant une date d'audition de la personne retenue,
- une troisième relance des autorités consulaires algériennes par courriel du 24 juin 2024 sollicitant une date d'audition de la personne retenue,
- une quatrième relance des autorités consulaires algériennes par courriel du 1er juillet 2024 sollicitant une date d'audition de la personne retenue.
Depuis le dernière prolongation de la rétention le 2 juillet 2024, la Préfecture de l'Isère justifie également :
- d'une cinquième relance au consulat d'Algérie par courriel du 3 juillet 2024 sollicitant une date d'audition de la personne retenue,
- d'une sixième relance au consulat d'Algérie par courriel du 15 juillet 2024 sollicitant une date d'audition de la personne retenue,
- d'un courriel du 18 juillet 2024 transmis aux autorités consulaires algériennes ayant pour objet 'personnes à auditionner le 26 juillet 2024" et communiquant la liste des dites personnes dont le dénommé 'M.[J]'.
En outre, il ressort du procès-verbal du 26 juillet 2024 à 9h30 des services de la DZPAF de [Localité 4] que X se disant [K] [J] a refusé de se rendre au rendez-vous du 26 juillet 2024 à 12 heures bien que dûment avisé des conséquences de ce refus. Lors de l'audience de ce jour, il reconnaît lui-même en avoir été avisé et tente de manière bien peu crédible d'expliquer son refus avéré par une réponse qu'il aurait faite alors qu'il était endormi ce qui est totalement fantaisiste.
Il résulte donc de ces éléments et notamment de ces dernières transmissions entre la Préfecture de l'Isère et le consulat d'Algérie à [Localité 2] et du PV des services de police du 26 juillet 2024 que X se disant [K] [J] était attendu pour être auditionné par les autorités consulaires algériennes le 26 juillet 2024 à 12 heures et qu'il a refusé de s'y rendre sans motif légitime faisant dès lors obstruction à l'avancée des démarches tendant à l'exécution de la mesure d'éloignement.
Enfin, il ne peut être déduit d'une simple dépêche de l'Agence France Presse relayée par le journal Le Monde indiquant de manière laconique que l'Algérie a rappelé son ambassadeur en France depuis le 30 juillet 2024 que X se disant [K] [J] ne peut obtenir de laisser passer consulaire à bref délai et ce, d'autant qu'il n'est aucunement précisé que les relations diplomatiques entre la France et l'Algérie sont interrompues et que de telles décisions sont toujours susceptibles d'être révisées à tout moment au gré des aléas du contexte international et des crises diplomatiques comme cela a déjà eu lieu par le passé entre les deux pays.
Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, une nouvelle prolongation de la rétention s'impose. L'ordonnance querellée sera donc confirmée.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par X se disant [K] [J],
Confirmons l'ordonnance déférée.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Manon CHINCHOLE Magali DELABY