N° RG 24/06322 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P2R6
Nom du ressortissant :
[N] [M]
[M]
C/
PREFET DE LA SAVOIE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 01 AOUT 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Nathalie LAURENT, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 30 juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Ynes LAATER, greffière,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 01 Août 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [N] [M]
né le 13 Juillet 1991 à [Localité 3] (MAROC)
de nationalité Marocaine
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5]
comparant assisté de Maître Cécile LEBEAUX, avocat au barreau de LYON, commis d'office
ET
INTIME :
M. PREFET DE LA SAVOIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
non comparant régulièrement avisé, représenté par Maître François Stanislas avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON
Avons mis l'affaire en délibéré au 01 Août 2024 à 14h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit:
FAITS ET PROCÉDURE
Par décision du tribunal correctionnel de Thonon-les-Bains en date du 25 octobre 2018, [N] [M] a été condamné à un interdiction de territoire français de 10 ans, mesure assortie de l'exécution provisoire, conformément aux dispositions de l'article 471 du code de procédure pénale.
Par décision du 31 mai 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement de [N] [M] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 31 mai 2024, pour l'exécution de cette mesure.
Par ordonnances des 2 juin 2024 et 30 juin 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [N] [M] pour des durées de vingt-huit et trente jours.
Suivant requête du 29 juillet 224, reçue et enregistrée le même jour à 14h27, le préfet de la Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 30 juillet 2024 à 14h31 a fait droit à cette requête.
[N] [M] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 31 juillet 2024 à 10 heures 39 en faisant valoir qu'aucun des critères définis par le CESEDA n'est réuni, la menace à l'ordre public n'étant pas caractérisée au regard de la condamnation isolée invoquée et l'absence de danger réel et actuel et que la troisième prolongation de sa rétention administrative est impossible en ce qu'il n'a pas fait obstruction à son éloignement dans les 15 derniers jours de sa rétention et que l'autorité administrative n'établit pas la délivrance à bref délai d'un document de voyage.
[N] [M] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 1er août 2024 à 10 heures 30.
[N] [M] a comparu et a été assisté de son avocat.Il a déclaré être d'accord pour quitter la France, indiquant avoir été interpellé dans le train alors qu'il quittait ce pays, sans titre de transport.
Le conseil de [N] [M] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Il s'en remet à la sagesse de la cour, précisant que [N] [M] était effectivement en train de partir lors de son interpellation.
Le préfet de la Savoie, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.
[N] [M] a eu la parole en dernier et déclaré : «Je suis désolé».
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de [N] [M] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable ;
Sur le bien-fondé de la requête
L'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet;
L'article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.»
Le conseil de [N] [M] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond pas aux conditions de la troisième prolongation.
L'autorité administrative fait valoir dans sa requête que :
- [N] [M] est démuni de tout document d'identité ou de voyage et se déclare de nationalité marocaine,
- suite aux démarches consulaires engagées par le préfet de l'Aisne durant son précédent placement en rétention sur la base de ses photos et empreintes digitales, aucune corresponsance n'a pu être établie par les autorités marocaines, comme indiqué par procès-verbal réceptionné le 23 février 2024 par l'Ambassade de France au Maroc,
- il serait de nationalité algérienne selon l'interprète l'ayant assisté au cours de sa garde à vue du 31 mai 2024,
- dès cette date, le préfet de la Savoie a saisi les autorités consulaires algériennes à [Localité 4] d'une demande de laisser-passer consulaire à son nom,
- le 27 juin 2024, la photo et les empreintes de l'intéressé, issues du SBNA, ont été adressées à ces autorités avec réitération de la demande d'audition,
- le 29 juillet 2024, le consulat algérien a été relancé par l'autorité administrative, toujours dans l'attente de sa réponse,
- parrallèlement, le préfet de Savoie a saisi les autorités consulaires tunisiennes à [Localité 4] d'une demande de laisser-passer, ces autorités ayant sollicité le 1er juin 2024 de leur adresser par voie postale le relevé original de ses empreintes ainsi qu'une photo, ce à quoi [N] [M] a volontairement fait obstacle en refusant la prise de ses empreintes digitales,
- sa présence représente une menace pour l'ordre public au vu de sa condamnation du 25 octobre 2018 pour des vols et tentatives de vol aggravés notamment par la violence et port d'arme blanche ou incapacitante, ainsi qu'eu égard à ses autres condamnations, notamment celle du 7 avril 2022 par le tribunal correctionnel de Bonneville à 3 mois d'emprisonnement pour menace de mort ou d'atteinte aux biens dangereuse pour les personnes à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique et outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, étant précisé qu'il a été écroué du 22 septembre 2018 au 16 décembre 2023,
- il a refusé à deux reprises (les 31 mai et 27 juin 2024) le relevé de ses empreintes digitales faisant ainsi obstacle à son identification.
S'agissant des diligences à accomplir par le préfet qui n'est tenu en l'occurrence que d'une obligation de moyens, l'absence d'un quelconque pouvoir de coercition ou de contrainte sur les autorités consulaires ne conduit pas à imposer à cette autorité administrative d'effectuer une relance après une saisine du consulat, étant rappelé le cadre diplomatique des rapports avec ces autorités. En l'espèce, le préfet de la Savoie s'est adressé aux autorités consulaires algériennes et tunisiennes alors que [N] [M] fait volontairement obstacle à son identification en ayant refusé à deux reprises le relevé de se empreintes digitales et en se disant de nationalité marocaine, laquelle a été écartée.
Le préfet dépend en effet des investigations engagées par les autorités algériennes et tunisiennes pour vérifier l'identité de l'intéressé qui n'est en aucun cas certaine et aucune carence de l'autorité administrative dans ses diligences n'est susceptible d'être retenue.
Le premier juge a souverainement apprécié avec pertinence par une motivation qui est adoptée pour le surplus qu'il était établi que la délivrance du laissez-passer consulaire allait intervenir dans le délai de la prolongation de la rétention administrative.
Par ailleurs, le seul fait d'être frappé d'une interdiction du territoire par une juridiction pénale caractérise la menace pour l'ordre public qui permettait à elle-seule la prolongation de la rétention administrative.
En conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par [N] [M],
Confirmons l'ordonnance déférée.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Ynes LAATER Nathalie LAURENT