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19/07/2024 | FRANCE | N°24/05901

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 19 juillet 2024, 24/05901


N° RG 24/05901 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PZUK



Nom du ressortissant :

[T] [D]



[D]

C/ PREFET DE L'ALLIER

COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 19 JUILLET 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers



Nous, Carole BATAILLARD, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 18 Juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.

342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Charlotte COM...

N° RG 24/05901 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PZUK

Nom du ressortissant :

[T] [D]

[D]

C/ PREFET DE L'ALLIER

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 19 JUILLET 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Carole BATAILLARD, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 18 Juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Charlotte COMBAL, greffière,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 19 Juillet 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [T] [D]

né le 30 juillet 2004 à [Localité 3]

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5] 1

comparant assisté de Maître Morgan BESCOU, avocat au barreau de LYON, choisi et avec le concours de Monsieur [R] [X], interprète en langue arabe inscrite sur la liste des experts près de la cour d'appel de RIOM,

ET

INTIME :

M. LE PREFET DE L'ALLIER

[Adresse 2]

[Localité 1]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 19 Juillet 2024 à 16 heures 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction du territoire pendant 2 ans a été notifiée à [T] [D] le 4 octobre 2021 par le préfet des Bouches-du-Rhône.

Une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction du territoire pendant 3 ans a été notifiée à [T] [D] le 14 novembre 2023 par le préfet du Puy-de-Dôme.

Par décision en date du 14 juillet 2024, la préfète de l'Allier a ordonné le placement de [T] [D] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 14 juillet 2024.

Suivant requête du 15 juillet 2024, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le 15 juillet 2024 à 15 heure 39, [T] [D] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par la préfète de l'Allier.

Par conclusions réceptionnées par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le 16 juillet 2024 à 9 heures 28, [T] [D] a sollicité sa remise en liberté.

Suivant requête du 15 juillet 2024, reçue le 15 juillet 2024 à 14 heures 31, la préfète de l'Allier a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 16 juillet 2024 à 20 heures 00 a :

' ordonné la jonction des deux procédures,

' déclaré recevable en la forme la requête de [T] [D],

' déclaré régulière la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de [T] [D],

' ordonné en conséquence le maintien en rétention de [T] [D] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 4],

' rejeté les moyens d'irrecevabilité,

' déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,

' ordonné la prolongation de la rétention de [T] [D] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 4] pour une durée de vingt-huit jours.

[T] [D] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 17 juillet 2024 à 17 heures 25 en faisant valoir que la décision de placement en rétention est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation notamment quant à l'actualité de la menace pour l'ordre public et qu'il n'y avait pas de nécessité de prononcer un placement en rétention. Il a en outre soulevé divers moyens de nullité.

[T] [D] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée, de déclarer irrégulière la mesure de placement en rétention administrative prise par la préfète de l'Allier le 14 juillet 2024 et d'ordonner sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 19 juillet 2024 à 10 heures 30.

[T] [D] a comparu et a été assisté d'un interprète en langue arabe et de son avocat.

Le conseil de [T] [D] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel.

La préfète de l'Allier, représentée par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.

Les conseils de [T] [D] et de la préfecture ont versé aux débats diverses jurisprudences à l'appui de leurs plaidoiries respectives.

[T] [D] a eu la parole en dernier. Il a déclaré être de nationalité algérienne.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de [T] [D] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable. 

Sur le moyen pris de l'irrégularité du contrôle d'identité

Aux termes de l'article 78-2 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

-qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

-ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

-ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ;

-ou qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines ;

-ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.

Le conseil de [T] [D] soutient que le procès-verbal dressé par les policiers ne caractérise aucune suspicion d'infraction ou de tentative d'infraction, le contrôle ayant été opéré sans qu'aucun élément objectif de commission ou préparation de commission d'une infraction n'ait été constatée et la reconnaissance d'un individu comme étant l'auteur d'un précédent vol ne rendant pas nécessairement plausible la préparation d'un délit par ce même individu. Il en déduit que le contrôle qui a été effectué est entaché d'irrégularité en raison du non respect des dispositions de l'article 78-2 alinéa 1 du code de procédure pénale et fait nécessaire grief à [T] [D].

Le conseil de la préfecture exclut tout caractère discriminatoire du contrôle d'identité. Il fait valoir que l'article L824-3 du CESEDA permettait en tout état de cause ce contrôle d'identité puisque [T] [D] faisait l'objet d'une mesure d'éloignement.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de saisine-mise à disposition que les policiers ont été appelés afin de se rendre à la garde SNCF de [Localité 6] pour un individu soupçonné d'avoir commis des vols récemment et qui se trouvait sur le quai de la gare, individu qu'ils ont formellement reconnu comme étant l'auteur d'un vol à la tire commis à la gare SNCF de [Localité 6] en date du 25 juin 2024 entre 18 heures 26 et 18 heures 28 (procédure 02024.2668) et dont ils ont décidé, après une surveillance discrète 'afin de voir s'il commet les mêmes méfaits', de contrôler l'identité.

A titre liminaire, il convient de noter que le procès-verbal indique que ce contrôle d'identité a été effectué sur le fondement de l'article 78-2 alinéa 1 et 2 du code de procédure pénale 'puisqu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que cet individu a commis ou tenté de commettre une infraction', et non sur la base de l'article L824-3 du CESEDA, la preuve d'une connaissance par les fonctionnaires de police de la situation administrative de l'intéressé au moment du contrôle n'étant en outre pas rapportée.

En considération de la reconnaissance formelle de [T] [D] comme auteur d'un précédent vol dont les références ont été expressément rappelées par les enquêteurs et de la commission récente de vols 'de type pickpocket' signalés par la sûreté ferrovière et mettant en cause un individu répondant un même signalement vestimentaire, ce qui laissait soupçonner la préparation de délits similaires, les policiers étaient fondés à procéder à son contrôle d'identité en application des dispositions de l'article 78 susvisé.

Le contrôle d'identité est régulier ainsi que l'a relevé le premier juge dont la décision est confirmée de ce chef.

Sur le moyen pris de la consultation irrégulière du fichier VISABIO

Aux termes de l'article L813-10 du CESEDA, si l'étranger ne fournit pas d'éléments permettant d'apprécier son droit de circulation ou de séjour, les opérations de vérification peuvent donner lieu, après information du procureur de la République, à la prise d'empreintes digitales ou de photographies pour établir la situation de cette personne. Les empreintes digitales et photographies sont collectées en vue de l'établissement du droit de circuler ou de séjourner de l'étranger et ne peuvent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé en application du 3° de l'article L. 142-1 que s'il apparaît, à l'issue de la retenue, que l'étranger ne dispose pas d'un droit de circulation ou de séjour.

L'article R142-6 du CESEDA précise que peuvent être destinataires des données à caractère personnel et des informations enregistrées dans le traitement mentionné à l'article R. 142-1, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître :

1° Les agents chargés du contrôle aux frontières de la police et de la gendarmerie nationales et des douanes, individuellement désignés et spécialement habilités par le chef de service dont ils relèvent ;

2° Les agents du ministère de l'intérieur, individuellement désignés et spécialement habilités par le chef du service de police nationale ou par le commandant du groupement de gendarmerie, chargés de l'éloignement des étrangers ;

3° Les officiers de police judiciaire des services de la police et de la gendarmerie nationales, individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet de police, le chef du service territorial de la police nationale ou le commandant du groupement de gendarmerie concernés, ainsi que les officiers de police judiciaire relevant de la direction nationale de la police judiciaire, de la direction nationale de la police aux frontières ou de la direction générale de la gendarmerie nationale, pour des missions de vérification d'identité prévues par l'article 78-3 du code de procédure pénale ;

4° Les agents des douanes dans les conditions prévues à l'article 67 quater du code des douanes, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur régional des douanes ou, le cas échéant, le directeur général des douanes et droits indirects ;

5° Pour les besoins de la procédure d'attestation visée à l'article R. 431-17, les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général de l'office, chargés des procédures d'admission au séjour ;

6° Pour les besoins exclusifs de l'évaluation prévue par l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles, les agents chargés de la mise en 'uvre de la protection de l'enfance, individuellement désignés et spécialement habilités par le président du conseil départemental ;

7° Pour des missions de contrôle de l'authenticité des visas et de régularité du séjour, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire des services de la police et de la gendarmerie nationales individuellement désignés et spécialement habilités dans les conditions prévues au 3° du présent article.

Le conseil de [T] [D] fait valoir que le procureur de la République n'a pas été préalablement informé de la consultation du fichier VISABIO en méconnaissance des dispositions de l'article L813-10 du CESEDA mais également que cette consultation a été réalisée sans que l'officier de police judiciaire n'indique être individuellement et spécialement habilité en méconnaissance des dispositions de l'article R142-6 3° du CESEDA. Il soutient que la nullité en découlant est d'ordre public, la consultation irrégulière d'un fichier constituant nécessairement une ingérence dans le respect de la vie privée et familiale.

Le conseil de la préfecture considère que la soumission de [T] [D] au VISABIO ne requérait pas l'information préalable du procureur de la République puisqu'il s'agissait seulement de contrôler si l'intéressé avait effectué des démarches dans le cadre de sa demande de visa. Il précise au demeurant que cette consultation est intervenue postérieurement au placement en retenue et ne fait aucun grief à l'intéressé.

Il ressort de l'examen de la procédure que le 14 juillet 2024 à 9 heures 06, le brigadier chef [O] [E], officier de police judiciaire, a, au visa de l'article L611-1 du CESEDA, 'soumis' [T] [D] au VISABIO et 'constaté que sa requête était négative, ce dernier n'ayant aucun dossier dans cette base de données'.

En l'espèce, s'il résulte de cette mention que l'officier de police judiciaire a procédé à la consultation du fichier VISABIO, aucun élément ne laisse supposer en revanche qu'il a été réalisé une prise de ses empreintes ou d'un cliché photographique de l'intéressé (ce qui pour la première aurait nécessité le recueil de son accord préalable), et qui seule nécessitait un avis préalable du procureur de la République qui, en tout état de cause, a été informé de la mesure de retenue dont faisait l'objet [T] [D] dans le délai légal.

En outre, c'est à tort qu'il est soutenu que l'absence de mention de l'habilitation individuelle et spéciale à la consultation du fichier VISABIO constitue une nullité d'ordre public, de telle sorte qu'il n'aurait pas à caractériser une atteinte concrète aux droits de la personne retenue, à qui il incombe de démontrer en quoi cette irrégularité lui cause grief conformément aux dispositions de l'article L743-12 du CESEDA.

Si la mention de l'habilitation individuelle et spéciale de l'OPJ ne figure effectivement pas sur le procès-verbal, ce qui constitue une irrégularité formelle, aucun grief en résultant n'est cependant allégué ni démontré par [T] [I], la consultation, restée infructueuse, n'ayant en tout état de cause pu lui porter préjudice et constituer une atteinte substantielle à ses droits, ce d'autant qu'elle est intervenue postérieurement à la mesure de retenue prise après que la consultation régulière du fichier des personnes recherchées ait permis de découvrir qu'il faisait l'objet de cinq fiches de recherche pour obligation de quitter le territoire sans délai et interdiction administrative de retour.

Le moyen ne peut donc être accueilli.

Sur le moyen pris de l'absence de protection effective de M. [D] contre l'amalgame avec la garde-à-vue

Selon l'article L813-11 du CESEDA, durant la retenue, lorsque sa participation aux opérations de vérification n'est pas nécessaire, l'étranger ne peut être placé dans une pièce occupée simultanément par une ou plusieurs personnes gardées à vue.

Le conseil de [T] [D] soutient qu'il aurait été placé en cellule avec d'autres personnes qui faisaient l'objet d'une garde-à-vue en raison de faits de nature pénale. Il ajoute que la mention de la retenue dans des locaux différents de ceux de la garde-à-vue devait obligatoirement figurer sur le procès-verbal et que ce manquement occasionne un préjudice à [T] [D] dans la mesure où il a été soumis au régime de garde-à-vue et privé de son téléphone.

Le conseil de la préfecture fait valoir qu'il n'est pas rapporté la preuve de cette allégation, l'avocat qui assistait [T] [D] pendant sa retenue n'ayant rédigé aucun mémoire à ce sujet.

Comme l'a retenu le premier juge, aucun élément probant ne vient étayer l'assertion selon laquelle [T] [D] aurait partagé les locaux avec des personnes gardées-à-vue, ni lui ni le conseil qui l'assistait n'ayant formulé des observations ou réclamations sur les conditions de la retenue dont il faisait l'objet, ce que l'un ou l'autre avaient parfaitement la possibilité de faire dans le cadre de l'audition, soit directement, soit par des observations écrites.

De surcroît, s'il n'est fait mention expresse dans la procédure au placement en retenue de [T] [D] dans des locaux distincts de ceux de garde-à-vue, aucun grief n'est justifié par l'intéressé, celui-ci ayant été régulièrement informé de ses droits et utilement mis en mesure de les faire valoir puisqu'il a bénéficié, conformément à sa demande, de l'assistance d'un interprète, d'un avocat et a pu faire prévenir sa compagne, Mme [L] [N].

Ce moyen ne peut donc davantage prospérer.

Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d'examen de la situation individuelle

Il résulte de l'article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée.

Cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.

Pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.

Le conseil de [T] [D] prétend que l'arrêté de placement en rétention de la préfète de l'Allier est insuffisamment motivé en droit et en fait et que notamment, l'autorité administrative ne justifie pas de ses diligences vis-à-vis des autorités algériennes pendant la mesure d'assignation à résidence dont a fait l'objet [T] [D] à compter du 28 janvier 2024 à raison de deux fois 45 jours, exposant que celle-ci est une mesure de 'départ contrôlé'.

Le conseil de la préfecture souligne que l'assignation à résidence signifie qu'on donne la possibilité à la personne faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire national de se rapprocher de son consulat pour obtenir un laissez-passer, et qu'il incombait à [T] [D], sauf à renverser la charge de la preuve, de démontrer l'existence de démarches en ce sens, ce dont il ne justifie pas.

En l'espèce, l'arrêté de la préfète de l'Allier a retenu au titre de sa motivation que :

- [T] [D] n'est titulaire d'aucun document d'identité,

- il s'est soustrait à deux mesures d'éloignement,

- il se maintient irrégulièrement sur le territoire français,

- il n'a effectué aucune démarche pour régulariser sa situation administrative,

- il a été condamné le 6 septembre 2021 par le tribunal correctionnel de Marseille à une peine de 4 mois d'emprisonnement pour des faits d'exhibition sexuelle et est défavorablement connu des forces de l'ordre pour des faits de vol aggravé par deux circonstances, dégradation ou détérioration volontaire du bien d'autrui, vol de véhicule, vol avec violence, vol en réunion et prise du nom d'un tiers ;

- il représente une menace actuelle et caractérisée pour l'ordre public ;

Eu égard à ce qui précède, il convient de retenir que la préfète de l'Allier a pris en considération les éléments de la situation personnelle de [T] [D] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée, rappelant notamment que nonobstant la mesure d'assignation à résidence dont il avait fait l'objet, il s'était soustrait à l'exécution de deux mesures d'éloignement et n'avait entrepris aucune démarche en vue de régularisation de sa situation administrative, ayant au demeurant expliqué lors de son audition du 14 juillet 2024 être parti vivre en Suisse pendant quelques mois avant de revenir en France.

Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut donc être accueilli.

Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation

L'article L. 741-1 du CESEDA dispose que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. 

La régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause.

Le conseil de [T] [D] soutient que l'autorité administrative a commis une erreur d'appréciation en ce que l'autorité administrative ne justifie pas que ses garanties de représentation seraient insuffisantes au regard de la mesure d'assignation à résidence qu'il a respectée.

Le conseil de la préfecture souligne que [T] [D] s'est maintenu sur le territoire français sans justifier d'aucune démarche entreprise auprès du consulat du pays dont il est ressortissant.

En l'espèce, la préfète de l'Allier a retenu que l'intéressé, qui s'était soustrait à deux mesures d'éloignement, se maintenait irrégulièrement sur le territoire français et n'avait effectué aucune démarche pour régulariser sa situation administrative. Elle a ajouté que ce dernier, dépourvu de tout document d'identité, ne justifiait pas de liens personnnels et familiaux en France suffisamment stables, anciens et intenses. Par ailleurs, [T] [D] a admis dans son audition du 14 juillet 2024 n'avoir effectué aucune démarche, être parti en Suisse à la suite de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français du 14 novembre 2023, puis y avoir de nouveau pénétré quelques mois plus tard.

Dans ces conditions, il n'est pas caractérisé que l'autorité administrative a commis une erreur manifeste d'appréciation quant au caractère insuffisant des garanties de représentation de [T] [D] et d'une éventuelle mesure d'assignation à résidence.

Dès lors, à défaut d'autres moyens invoqués par l'appelant, l'ordonnance entreprise est confirmée.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [T] [D],

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Charlotte COMBAL Carole BATAILLARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/05901
Date de la décision : 19/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-19;24.05901 ?
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