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18/07/2024 | FRANCE | N°24/05871

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 18 juillet 2024, 24/05871


N° RG 24/05871 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PZSD



Nom du ressortissant :

[E] [Y]



[Y]

C/

PREFET DE PUY-DE-DÔME



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 18 JUILLET 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Marianne LA MESTA, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 5 juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en app

lication des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Céline ...

N° RG 24/05871 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PZSD

Nom du ressortissant :

[E] [Y]

[Y]

C/

PREFET DE PUY-DE-DÔME

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 18 JUILLET 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Marianne LA MESTA, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 5 juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Céline DESPLANCHES, greffier,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 18 Juillet 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [E] [Y]

né le 25 Août 2000 à [Localité 3] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [1] 2

Comparant, assisté de Maître Stéphanie LEFEVRE, avocate au barreau de LYON, commis d'office et avec le concours de Madame [T] [F], interprète en langue arabe et experte près la cour d'appel de LYON

ET

INTIME :

M. PREFET DE PUY-DE-DÔME

Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Eddy PERRINavocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

Avons mis l'affaire en délibéré au 18 Juillet 2024 à 18h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit:

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 17 mai 2024, prise à l'issue d'une mesure de retenue administrative, le préfet du Puy-de-Dôme a ordonné le placement en rétention de [E] [Y] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour permettre l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour pendant une durée de 2 ans, prise et notifiée le 17 octobre 2022 à l'intéressé par le préfet de la Saône-et-Loire.

Par ordonnances des 19 mai 2024 et 16 juin 2024, respectivement confirmées en appel les 19 mai 2024 et 18 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a prolongé la rétention administrative de [E] [Y] pour des durées successives de vingt-huit et trente jours.

Par ordonnance du 15 juillet 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête aux fins de suspension de la mesure d'éloignement formulée le 9 juillet 2024 par [E] [Y].

Suivant requête du 15 juillet 2024, enregistrée le jour-même à 15 heures 07 par le greffe, le préfet du Puy-de-Dôme a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention de [E] [Y] pour une durée de 15 jours.

Dans la perspective de l'audience, le conseil de [E] [Y] a déposé des conclusions aux fins de remise en liberté.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 16 juillet 2024 à 16 heures 37, a fait droit à la requête du préfet du Puy-de-Dôme.

Le conseil de [E] [Y] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration reçue au greffe le 17 juillet 2024 à 10 heures 35, en excipant de l'insuffisance des diligences de la préfecture du Puy-de-Dôme à l'effet d'organiser son éloignement vers la Slovaquie où il a sollicité l'asile, conformément aux mécanismes de la procédure Dublin, ce en violation des dispositions de l'article L. 741-3 du CESEDA.

Il fait par ailleurs valoir que le premier juge n'a pas statué sur la demande de mise en liberté formulée par [E] [Y] fondée sur la méconnaissance de l'article 33 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et des dispositions du règlement UE n°604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

Il demande en conséquence l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise en liberté de [E] [Y].

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 18 juillet 2024 à 10 heures 30.

[E] [Y] a comparu assisté de son avocat et d'une interprète en langue arabe.

Le conseil de [E] [Y], entendu en sa plaidoirie, a soutenu les termes de la requête d'appel.

Le préfet du Puy-de-Dôme, représenté à l'audience par son conseil, a sollicité la confirmation de l'ordonnance déférée.

[E] [Y], qui a eu la parole en dernier, indique qu'il a toutes les preuves comme quoi il était en Europe deouis son départ de la Slovaquie. Il ajoute qu'il ne veut pas retourner dans son pays car il est malade. Il a d'ailleurs un certificat pour le prouver.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de [E] [Y], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), est déclaré recevable. 

Sur le bien fondé de la requête

L'article L. 741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Ce texte, autonome et de portée générale, s'applique à tous les stades de la rétention administrative.

L'article L. 742-5 du même code dispose que 'A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1 L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2 L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5 de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3 La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.' 

En l'espèce, le conseil de [E] [Y] estime que la préfecture du Puy-de-Dôme n'a pas effectué toutes les diligences requises pour organiser son éloignement, puisqu'elle n'a pas appliqué en priorité l'ensemble des mécanismes de la procédure Dublin, en ne répondant pas à la demande d'informations complémentaires formulée par les autorités slovaques.

Il soutient par ailleurs qu'il y a lieu d'ordonner la remise en liberté de [E] [Y], en application de l'article 33 de la Convention de Genève et du règlement UE n°604/2013, dès lors qu'il est établi qu'il a demandé l'asile en Slovaquie, qu'il n'a jamais été statué sur cette demande de protection, qu'il n'y a pas de décision définitive de refus de reprise en charge par les autorités slovaques et que la préfecture n'a pas répondu à la demande d'informations complémentaires de ces autorités, préférant se contenter de solliciter un laissez-passer algérien.

Il ressort de l'analyse des pièces de la procédure, et notamment de la requête en prolongation de la rétention de formalisée par l'autorité préfectorale :

- que l'intéressé est démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité mais le préfet du Puy-de-Dôme, qui dispose d'une copie de son passeport algérien n°197313200 valable du 27 août 2019 au 26 août 2029, a saisi les autorités consulaires algériennes dès le 17 mai 2024, aux fins d'obtention d'un laissez-passer consulaire,

- que la comparaison des empreintes de [E] [Y] avec celles figurant dans le fichier Eurodac effectuée le 18 mai 2024 a par ailleurs fait apparaître que celui-ci a été enregistré comme demandeur d'asile le 21 novembre 2020 par les autorités slovaques, de sorte que le 18 mai 2024, le préfet du Puy-de-Dôme a adressé une requête aux fins de reprise en charge de l'intéressé à ces autorités,

- que par courrier du 28 mai 2024, les autorités slovaques ont répondu qu'elles n'acceptaient pas cette requête, au motif qu'elles ne disposent pas d'informations sur le parcours de l'intéressé depuis son départ de la Slovaquie le 5 janvier 2021 ni postérieurement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français du 17 octobre 2022, et qu'il est donc tout à fait possible que celui-ci ait quitté le territoire d'un Etat Membre depuis plus de 3 mois,

- qu'elles précisent néanmoins qu'elles pourraient éventuellement reconsidérer leur position avec des informations détaillées concernant le parcours du demandeur et souhaiteraient également avoir des explications sur les raisons pour lesquelles aucune procédure Dublin n'a été engagée avant la mesure d'éloignement d'octobre 2022 ou à cette date,

- qu'après des relances opérées les 27 mai, 7 juin et 13 juin 2024 par les services préfectoraux auprès du consulat d'Algérie à [Localité 2], celui-ci a fait savoir, dans un message du 1er juillet 2024, qu'il était disposé à établir un laissez-passer consulaire en faveur de [E] [Y] à reception de l'itinéraire retenu pour exécuter la mesure d'éloignement, ledit document ayant effectivement été formalisé le 4 juillet 2024,

- que le 9 juillet 2024, [E] [Y] a cependant refusé d'embarquer à bord à destination de l'Algérie qui avait été réservé suite à une demande formulée en ce sens le 28 juin 2024 par l'autorité administrative auprès de la Division Nationale de l'Eloignement du Ministère de l'Intérieur,

- que le jour-même, la préfecture du Puy-de-Dôme a sollicité l'organisation d'un autre routing, un nouveau plan de voyage étant désormais prévu le 30 juillet 2024.

Au regard de ces éléments circonstanciés, dont la réalité n'est nullement contestée par [E] [Y], il y a d'abord lieu de retenir que le préfet du Puy-de-Dôme a réalisé les démarches suffisantes en vue de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement, notamment vis-à-vis des autorités slovaques qui, après avoir été destinataires du formulaire uniforme de reprise en charge comprenant l'ensemble des informations exigées par le règlement UE n°604/2013 pour le traitement de la requête des autorités françaises, ont estimé qu'il n'y avait pas lieu d'y faire droit en considération de l'absence d'éléments suffisants permettant d'établir que celui-ci n'a pas quitté les Etats membres pendant une période d'au moins 3 mois depuis son départ de la Slovaquie le 5 janvier 2021.

Il sera à cet égard relevé que la préfecture a renseigné l'ensemble des onglets dudit formulaire, et en particulier les 13 et 14, destinés à préciser si le demandeur d'asile indique avoir quitté les territoires des Etats membres depuis sa demande et s'il présente des documents, avec dans l'affirmative, la liste desdits documents.

Or, il ne peut qu'être constaté qu'en complétant ces items, la préfecture a d'ores et déjà répondu par la négative aux questions de nouveau posées par la Slovaquie lorsqu'elle évoque une possibilité de réexamen de la situation de [E] [Y] si des précisions lui sont apportées sur son parcours depuis son départ de la Slovaquie le 5 janvier 2021.

De son côté, le conseil de [E] [Y] n'apporte strictement aucun élément de nature à établir que la préfecture du Puy-de-Dôme aurait pu compléter le formulaire de reprise en charge par d'autres indications plus précises que celles qui y figuraient initialement et donc qu'il y avait un quelconque intérêt à réitérer une requête, alors même qu'elle avait déjà bien spécifié dans le formulaire initialement envoyé que l'intéressé ne déclarait pas avoir quitté les territoires des Etats membres depuis le dépôt de sa demande d'asile. De même, le conseil de [E] [Y] n'invoque aucun fondement textuel issu du règlement UE n°604/2013 à l'appui de ses affirmations selon lesquelles la préfecture préfecture était tenue de répondre à la demande d'explications des autorités slovaques sur les raisons pour lesquelles aucune demande de reprise en charge n'a été formulée avant l'édiction de la mesure d'éloignement d'octobre 2022 ou parallèlement à celle-ci, et ne caractérise donc nullement en quoi, ce défaut de réponse serait constitutif d'un manque de diligences.

Il sera ensuite observé que les griefs formulés [E] [Y] relativement à l'atteinte à son droit d'asile sont totalement inopérants dans le cadre de la présente procédure, puisqu'ils visent en réalité à contester le pays de renvoi, question sur laquelle le juge judiciaire ne peut porter d'appréciation, sauf à excéder ses pouvoirs, seul le juge administratif étant en effet compétent à cette fin. Il est d'ailleurs à noter que [E] [Y] ne l'ignorait pas, puisqu'il a saisi le juge des référés du tribunal administratif aux fins de suspension de la mesure d'éloignement le 9 juillet 2024, en excipant notamment de l'atteinte à son droit constitutionnel d'asile.

Au regard de ces différentes observations, la demande de mise en liberté de [E] [Y] ne peut qu'être rejetée.

Par ailleurs, le premier juge doit être approuvé, en ce qu'il a souverainement apprécié, par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter, que [E] [Y] a fait preuve, au cours de la seconde période de prolongation, d'un comportement d'obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement sur le fondement de laquelle il a été maintenu en rétention par l'autorité administrative, en refusant d'embarquer à bord du vol à destination de l'Algérie prévu le 9 juillet 2024.

Cette attitude, expressément visée par l'article L.742-4 2° du CESEDA suffit à elle-seule à justifier la prolongation de la rétention administrative pour une durée supplémentaire de quinze jours.

La situation de [E] [Y] répondant par conséquent à l'un des critères alternatifs posés par l'article précité pour autoriser la troisième prolongation exceptionnelle de la rétention, l'ordonnance entreprise est confirmée.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [E] [Y]

Confirmons l'ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Céline DESPLANCHES Marianne LA MESTA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/05871
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;24.05871 ?
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