N° RG 24/05791 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PZMB
Nom du ressortissant :
[J] [N]
[N]
C/
PREFET DE L' AIN
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 16 JUILLET 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Carole BATAILLARD, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 5 juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Charlotte COMBAL, greffier,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 16 Juillet 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [J] [N]
né le 28 Juin 1991 à [Localité 3]
de nationalité Marocaine
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [4]
en cours d'éloignement lors de l'audience du 16 juillet 2024
non comparant, représenté par Maître MADHJOUB, avocat au barreau de LYON, commis d'office
ET
INTIME :
M. LE PREFET DE L' AIN
[Adresse 2]
[Localité 1]
non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Cherryne RENAUD AKNI avocat au barreau de LYON substituant Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON
Avons mis l'affaire en délibéré au 16 Juillet 2024 à 14 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Le 9 mars 2024 a été notifié à [J] [N] un arrêté pris par le préfet de la Haute-Savoie portant obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour pendant une durée de deux ans.
Par décision du 30 avril 2024, la préfète de l'Ain a ordonné le placement de [J] [N] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire aux fins de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement.
Par ordonnances des 2 mai 2024, 30 mai 2024 et 29 juin 2024, confirmées en appel, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [J] [N] pour des durées successives de vingt-huit, trente et quinze jours.
Par ordonnance du 3 mai 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, saisi par [J] [N] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative, a déclaré la requête de ce dernier recevable, a déclaré la décision prononcée à son encontre régulière et ordonné le maintien en rétention de [J] [N] dans les locaux du centre de rétention administrative de [4].
Suivant requête du 13 juillet 2024 à 14 heures 57, la préfète de l'Ain a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 14 juillet 2024 à 13 heures 00 a fait droit à cette requête.
[J] [N] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 15 juillet 2024 à 12 heures 59 en faisant valoir qu'aucun des critères définis par le CESEDA n'est réuni et que la quatrième prolongation de sa rétention administrative est impossible en ce qu'il n'a pas fait obstruction à son éloignement et que l'autorité administrative n'établit pas la délivrance à bref délai d'un document de voyage.
[J] [N] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 16 juillet 2024 à 10 heures 30.
[J] [N], non comparant, est représenté par son conseil, le vol programmé à destination de Casablanca ce jour prévoyant un départ de l'aéroport [4] le 16 juillet 2024 à 11 heures 55.
Le conseil de [J] [N] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel.
La préfète de l'Ain, représentée par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de [J] [N] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable.
Sur le bien-fondé de la requête
L'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.
L'article L. 742-5 du même code dispose que « A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.
L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.»
L'avocate de [J] [N] considère que les conditions de ce texte ne sont pas réunies dans la mesure où sa situation ne répond pas aux conditions de la quatrième prolongation. Elle soutient qu'il n'est pas démontré une obstruction dans le délai des quinze derniers jours puisque son refus d'embarquer remonte au 5 juillet 2024 et que cette obstruction ne présente pas un caractère volontaire dans la mesure où elle est justifiée par ses éléments de vie familiale et de vie privée, et notamment son refus de laisser ses enfants sur le territoire français.
Le conseil de la préfecture soutient que [J] [N] a bien fait obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement dans les quinze derniers jours et que les conditions d'une quatrième prolongation sont réunies, qu'il ressort de l'analyse des pièces du dossier, et notamment de la requête aux fins de prolongation de la rétention de [J] [N] formalisée par la préfète de l'Ain que :
- [J] [N], ressortissant marocain né le 28 juin 1991 ou le 28 juin 1996 à [Localité 3] (Maroc) a été contrôlé le 29 avril 2024 par les agents de la police aux frontières de [Localité 6] (01), démuni de tout document d'identité et dans l'incapacité de justifier de son identité et d'un domicile stable sur le territoire national ;
- il a fait l'objet de trois obligations de quitter le territoire français prises par le préfet de Haute-Savoie les 18 juillet 2015, 21 août 2017 et 4 mars 2024, dernière décision qu'il n'a pas contestée ;
- il est séparé de son épouse et père d'un enfant de six ans, mais qui n'est pas à sa charge ;
- il représente une menace pour l'ordre public dans la mesure où plusieurs procédures sont diligentées à son encontre pour des faits de trafic de stupéfiants ;
- la préfectue a saisi les autorités marocaines dès le 30 avril 2024, par le biais de la direction générale des étrangers en France, seule entité habilitée à traiter directement avec l'ambassade du Maroc à [Localité 5] concernant les ressortissants marocains non documentés et a prévenu le consulat du Maroc à Lyon de ces démarches,
- les autorités marocaines ont été relancées le 29 mai 2024 par l'intermédiaire du ministère de l'Intérieur ;
- le 18 juin 2024, la préfecture a récupéré le laissez-passer consulaire de [J] [N] délivré par les autorités marocaines ;
- [J] [N] a refusé d'embarquer sur un premier vol prévu le 20 juin 2024 ;
- le 5 juillet 2024, il a une nouvelle fois refusé d'embarquer à bord de l'avion à destination du Maroc ;
- un nouveau vol avec escorte est programmé pour le 16 juillet 2024 ;
Il est admis que l'autorité préfectorale a obtenu un laissez-passer consulaire le 18 juin 2024, mais que [J] [N] a expressément refusé d'embarquer à bord des deux vols initialement prévus les 20 juin et 4 juillet 2024, son refus réitéré caractérisant une obstruction de sa part à l'exécution de la mesure d'éloignement. Une nouvelle demande de routing a été faite dès le 5 juillet 2024 avec un vol prévu au 16 juillet 2024.
Les conditions d'une quatrième prolongation sont donc réunies et le moyen contraire ne pouvait utilement prospérer.
En conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par [J] [N],
Confirmons l'ordonnance déférée.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Charlotte COMBAL Carole BATAILLARD