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12/07/2024 | FRANCE | N°24/05705

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 12 juillet 2024, 24/05705


N° RG 24/05705 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PZFN



Nom du ressortissant :

[X] [R]



[R]

C/

PREFET DE SAVOIE



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 12 JUILLET 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Stéphanie ROBIN, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 05 Juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en

application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Ynes LAATE...

N° RG 24/05705 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PZFN

Nom du ressortissant :

[X] [R]

[R]

C/

PREFET DE SAVOIE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 12 JUILLET 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Stéphanie ROBIN, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 05 Juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Ynes LAATER, greffière,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 12 Juillet 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [X] [R]

né le 14 Juin 1994 à [Localité 2] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5]

comparant assisté de Maître Nathalie LOUVIER, avocat au barreau de LYON, commis d'office et avec le concours de Monsieur [C] [N], interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts près la Cour d'Appel de RIOM

ET

INTIME :

M. PREFET DE SAVOIE

[Adresse 3]

[Localité 1] (SAVOIE)

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Morgane MORISSON CARDINAUD, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 12 Juillet 2024 à 15h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit:

FAITS ET PROCÉDURE

Une obligation de quitter le territoire français sans délai a été notifiée à [X] [R] le 5 juillet 2022 par le préfet de police de [Localité 7].

Par décision en date du 8 juillet 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement de [X] [R] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 8 juillet 2024.

Suivant requête du 9 juillet 2024, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le 9 juillet 2024 à 14 heures 16, [X] [R] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet de la Savoie.

Suivant requête du 9 juillet 2024, reçue le 9 juillet 2024 à 15 heures 04, le préfet de la Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 10 juillet 2024 à 15 heures 15 a :

- ordonné la jonction des deux procédures,

- déclaré recevable en la forme la requête de [X] [R],

- l'a rejetée au fond,

- déclaré régulière la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de [X] [R],

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,

-déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de [X] [R],

- ordonné la prolongation de la rétention de [X] [R] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 4] pour une durée de vingt-huit jours.

[X] [R] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 10 juillet 2024 à 12 heures 30, en faisant valoir que la décision de placement en rétention était irrégulière pour avoir été prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire datée du 5 juillet 2022 soit plus d'un an avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, du 26 janvier 2024, de sorte qu'il ne pouvait donc être placé en rétention, la loi ne pouvant avoir un effet rétroactif. Si ce moyen n'était pas retenu, il estime que la décision de placement en rétention est insuffisamment motivée en droit et en fait, que celle-ci était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et de ses garanties de représentation, dans la mesure où il est hébergé chez sa tante. Il considère qu'il n'y avait pas de nécessité de prononcer un placement en rétention.

[X] [R] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée, et d'ordonner sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 12 juillet 2024 à 10 heures 30.

[X] [R] a comparu assisté d'un interprète et de son avocat.

Le conseil de [X] [R] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel.

Le préfet de la Savoie, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.

[X] [R], a eu la parole en dernier. Il a demandé à être libéré indiquant qu'il quitterait la France ou a sollicité à défaut une assignation à résidence.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de [X] [R], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable ; 

Sur le moyen pris du défaut de base légale

Aux termes de l'article L741-1 dans sa version en vigueur depuis le 28 janvier 2024 : « l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente. » ;

Il résulte des dispositions de l'article L731-1 modifié par la Loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 que l'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans le cas, notamment de l'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé.

L'expiration du délai d'un an visé par l'article L. 731-1 dans sa version antérieure au 28 janvier 2024 n'a nullement pour effet de rendre caduc l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français qui continue à produire des effets, l'étranger restant d'ailleurs toujours tenu de l'exécuter, ainsi qu'il résulte de l'article L. 711-1 du CESEDA.

Les dispositions de la loi du 26 janvier 2024 ont eu pour effet de modifier le délai pendant lequel une exécution d'office pouvait être décidée par l'autorité administrative et ce délai qui était de un an avant la Loi a été fixé à trois ans. Ces dispositions ne sont pas rétroactives, en ce qu'elles ne s'appliquent pas antérieurement à son entrée en vigueur, puisque seule une décision d'assignation à résidence ou de placement en rétention administrative prise postérieurement à la loi nouvelle est susceptible d'avoir pour base légale un arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris depuis moins de trois ans.

Les dispositions de l'article L 731-1 du CESEDA telles qu'elles résultent de la loi immigration du 26 janvier 2024 sont d'application immédiate, de sorte qu'une obligation de quitter le territoire français de moins de trois ans au jour de la parution du texte peut fonder une décision de placement en rétention.

Or, tel est bien le cas en l'espèce puisque l'obligation de quitter le territoire français a été prise le 5 juillet 2022 :

Dès lors, le moyen tiré du défaut de base légale ne peut prospérer et l'ordonnance est confirmée sur ce point.

Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative

En application de l'article L. 741-6 du CESEDA, la décision de placement est écrite et motivée.

Cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.

Pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.

L'avocat de [X] [R] prétend que l'arrêté de placement en rétention du préfet de la Savoie est insuffisamment motivé en droit et en fait et que notamment il n'a pas été fait un examen sérieux de sa situation, l'hébergement chez sa tante à [Localité 6] n'étant pas évoqué.

Le préfet de la Savoie a notamment motivé sa décision par les éléments suivants :

- [X] [R] fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français notifiée le 05 juillet 2022 qu'il n'a pas exécuté spontanément. S'il déclare s'être rendu en Allemagne, il n' a pas quitté l'espace Schengen. Il est connu en Allemagne pour des faits d'infraction à la législation sur les stupéfiants et y est interdit de séjour jusqu'au 1er mars 2025,

- le nouvel examen de sa situation réalisé lors de l'audition le 7 juillet 2024 n'a pas révélé de fait nouveau significatif au regard de sa situation personnelle et familiale,

- il ne justifie pas de la possession de documents d'identité et de voyage en cours de validité, ni d'une résidence effective et permanente et ne dispose pas de moyens d'existence légaux,

- [X] [R] est célibataire et sans enfant à charge, serait entré irrégulièrement en France en 2016 ou en 2017 et n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour,

- il a été condamné le 27 janvier 2023 à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de tentative de vol, rébellion, violence sur un fonctionnaire de police suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours

Lors de son audition devant les services de police le 7 juillet 2024, il a déclaré être sans domicile fixe ou connu. S'il a indiqué ensuite être hébergé de temps en temps chez sa tante à [Localité 6], il a ajouté 'ne pas connaître l'adresse exacte, elle m'héberge gratuitement mais quand j'ai du boulot, je dors un peu partout'.

Dans ces conditions et compte tenu des déclarations effectuées, il ne peut être reproché à la préfecture de la Savoie d'avoir mentionné qu'il ne justifiait pas d'une adresse stable. Il ne peut donc être fait grief à l'autorité administrative de ne pas avoir pris en compte sa situation personnelle et de ne pas avoir réalisé un examen sérieux de sa situation.

Le préfet de la Savoie a pris en considération les éléments de la situation personnelle de [X] [R], tels que portés à sa connaissance au moment où il a pris sa décision afin de motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée.

Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation

Aux termes de l'article L. 741-1 du CESEDA «L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.» ;

La régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause ;

Le conseil de [X] [R] soutient que l'autorité administrative a commis une erreur d'appréciation s'agissant de l'examen de ses garanties de représentation pour ne pas prendre ne considération l'adresse de sa tante qui l'héberge à [Localité 6] qu'elle considère comme son fils. Il a cependant été produit devant le juge des libertés et de la détention des pièces qui n'avaient pas été communiquées à l'autorité administrative et [X] [R] a lui même déclaré qu'il n'avait pas de domicile fixe ou connu et qu'il habitait de temps en temps chez sa tante sans connaître l'adresse de celle ci. Il a précisé être parti en Allemagne pendant deux mois puis être revenu en France, et n'a donc pas respecté l'obligation de quitter le territoire français.

Il ressort de ces éléments que l'autorité administrative n' a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation concernant ses garanties de représentation et a examiné avec sérieux sa situation personnelle en prenant une décision de placement en rétention et non d'assignation à résidence au regard des éléments dont elle disposait lors de l'édiction de la mesure.

Au surplus, l'attestation de sa tante produite ultérieurement, datée du 9 juillet 2024, mentionne qu'elle l'héberge 'actuellement', ce qui ne démontre pas la réalité d'une résidence stable.

Ce moyen ne peut donc être accueilli.

- Sur la prolongation de la rétention administrative

Il convient de faire droit à la demande de prolongation de la rétention administrative de nature à conduire à l'éloignement de [X] [R], étant observé qu'il ne remplit pas les conditions d'une assignation à résidence étant dépourvu de tout document de voyage et l'article L743-13 du CESEDA rappelant qu'une telle mesure ne peut être ordonnée qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original de son passeport ou de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la décision d'éloignement en instance d'exécution.

En conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [X] [R]

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Ynes LAATER Stéphanie ROBIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/05705
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;24.05705 ?
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