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12/07/2024 | FRANCE | N°24/05692

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 12 juillet 2024, 24/05692


N° RG 24/05692 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PZEA



Nom du ressortissant :

[C] [I]

[I]

C/

PREFET DE L'ISERE



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 12 JUILLET 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Stéphanie ROBIN, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 05 Juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en appli

cation des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Ynes LAATE...

N° RG 24/05692 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PZEA

Nom du ressortissant :

[C] [I]

[I]

C/

PREFET DE L'ISERE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 12 JUILLET 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Stéphanie ROBIN, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 05 Juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Ynes LAATER, greffière,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 12 Juillet 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [C] [I]

né le 06 Août 1999 à [Localité 3] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [6]

comparant assisté de Maître Nathalie LOUVIER, avocat au barreau de LYON, commis d'office

ET

INTIME :

M. PREFET DE L'ISERE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Morgane MORISSON CARDINAUD, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 12 Juillet 2024 à 15h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit:

FAITS ET PROCÉDURE

Une obligation de quitter le territoire français sans délai a été notifiée à [C] [I] le 8 juillet 2024 par le préfet de l'Isère

Par décision en date du 8 juillet 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement de [C] [I] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire à compter du 8 juillet 2024.

Suivant requête du 9 juillet 2024, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le 9 juillet 2024 à14 heures 57, [C] [I] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet de l'Isère.

Suivant requête du 9 juillet 2024, reçue le 9 juillet 2024 15 heures 04, le préfet de l'Isère a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 10 juillet 2024 à 14 heures 55 a :

- ordonné la jonction des deux procédures,

- déclaré recevable en la forme la requête de [C] [I],

- l'a rejetée au fond,

- déclaré régulière la décision de placement en rétention prononcée à l'encontre de [C] [I],

- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,

- déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de [C] [I],

- ordonné la prolongation de la rétention de [C] [I] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 5] pour une durée de vingt-huit jours.

[C] [I] a interjeté appel de cette ordonnance, par déclaration au greffe le 11 juillet 2024 à 9 heures 59, en faisant valoir que la décision de placement en rétention était irrégulière, le procureur de la République de Grenoble n'ayant pas été informé de son placement en rétention. En outre, il a soutenu que la décision de placement en rétention était insuffisamment motivée en droit et en fait concernant la menace à l'ordre public et ne reposait pas sur un examen sérieux et approfondi de sa situation personnelle soulignant qu'il était entré en France, afin de rejoindre son grand père et son frère, qu'il s'était maintenu sur le territoire français, travaillait avec son frère et disposait d'un logement stable à [Localité 4].

Il estime qu'il n'existe pas d'élément démontrant un risque de soustraction à la mesure et justifiant que l'assignation à résidence soit écartée. Enfin, il considère que la décision de placement en rétention est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses garanties de représentation, et de la menace pour l'ordre public,et qu'elle n'est pas proportionnée ni nécessaire, réitérant les éléments de sa situation personnelle. Il fait observer que s'il a fait l'objet d'une garde à vue, il s'agit de sa première interpellation et que cet élément ne saurait constituer une menace à l'ordre public.

[C] [I] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée, de déclarer irrégulière la mesure de placement en rétention administrative prise par le préfet de l'Isère et d'ordonner sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 12 juillet 2024 à 10 heures 30.

[C] [I] a comparu, assisté de son avocat.

Le conseil de [C] [I] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel.

Le préfet de l'Isère, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.

[C] [I] a eu la parole en dernier.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de [C] [I], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable. 

Sur le moyen pris de l'absence d'information du Procureur de la République de Grenoble

En application de l'article L 741-8 du CESEDA, le procureur de la République doit être immédiatement informé de la décision du représentant de l'Etat dans le département de placer un étranger en rétention. Pendant toute la durée de la mesure, il peut se transporter sur les lieux, vérifier les conditions de celle-ci et se faire communiquer le registre mentionnant l'état civil des personnes placées ou maintenues en rétention ainsi que les conditions de leur placement ou leur maintien, sur le fondement de l'article L743-1 du code précité.

Au regard du rôle de garant de la liberté individuelle conféré par ce dernier texte au procureur de la République, son information immédiate sur la décision de placement en rétention doit être effective.

Elle a pour objectif de permettre au procureur de la République d'exercer son contrôle.

En l'espèce, il est tout d'abord établi par les pièces de la procédure que le parquet de Lyon a été avisé du placement en rétention de [C] [I], ce qui n'est pas contesté. Il est reproché une absence d'avis au Procureur de Grenoble de ce placement en rétention, lieu où la garde à vue de [C] [I],interpellé pour des faits de violences, s'est déroulée. Cependant il ne peut valablement être invoqué les dispositions de l'article L 744-17 du CESEDA qui prévoient l'information des procureurs de la République compétents du lieu de départ et du lieu d'arrivée en cas de déplacement d'un étranger d'un lieu de rétention à un autre, ce qui ne correspond nullement à la situation de M [C] [I], ce dernier n'ayant pas fait l'objet d'un changement de lieu de rétention.

Il ne saurait ainsi être ajouté au texte de l'article L 741-8 du CESEDA.

Ausurplus, il convient d'observer que les policiers ont été informés de la décision de placement en rétention à 10 h30 le 8 juillet 2024 et ont pris attache à 10h35 avec le parquet de Grenoble pour lui rendre compte des éléments de l'enquête et de leurs diligences, le magistrat ayant pris connaissance de l'ensemble des faits du fond comme de la forme de la procédure. Il a été décidé d'un classement 61 (soit autre poursuite ou sanctions de nature non pénale), ce qui démontre comme l'a pertinemment relevé le premier juge que le procureur de Grenoble a été avisé du placement en rétention de [C] [I].

L'irrégularité de la procédure invoquée ne peut donc prospérer et l'ordonnance doit être confirmée sur ce point.

Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d'examen de la situation individuelle

Il résulte de l'article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée.

Cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.

Pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.

Le conseil de [C] [I] soutient que l'arrêté est insuffisamment motivé en droit et en fait, que la menace à l'ordre public n'est pas caractérisée et que sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux concernant ses garanties de représentation.

En l'espèce, l'arrêté du préfet de l'Isère a retenu au titre de sa motivation que :

- M. [C] [I] déclare être domicilié au [Adresse 2] mais ne produit ni justificatif de domicile, ni attestation d'hébergement pour attester de la réalité de cette résidence

- il ne possède aucun document d'identité ni document transfrontalière à son nom,

- il a déclaré être arrivé en France en 2018, sans justifier ni de la date, ni des conditions d'arrivée et ne justifie pas de démarches administratives, se maintenant ainsi sur le territoire national en situation irrégulière,

- il est dépourvu de toute ressource légale en propre

- sa présence en France représente une menace à l'ordre public puisqu'il a été interpellé le 7 juillet 2024 pour des faits de vol et violences aggravées,

- il existe un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre,

- il est célibataire, sans enfant à charge et que l'examen de sa situation ne permet pas de retenir un vulnérabilité particulière.

Il résulte de ces éléments que l'autorité administrative a bien pris en considération les éléments de la situation personnelle de M. [C] [I] révélant qu'il se maintient sur territoire national en situation régulière depuis plusieurs années, ne justifie pas d'un hébergement au regard des éléments dont elle disposait. Un examen sérieux a été réalisé, l'hebergement invoqué n'étant pas justifié, étant précisé que l'adresse mentionnée de son frère dans sa requête ne correspond pas à celle transmise ultérieurement.

L'autorité administrative a ainsi pris en compte les déclarations de [C] [I], les pièces de la procédure pénale diligentée et les informations et documents en sa possession pour édicter sa mesure.

Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation n'est donc pas pertinent.

Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation et de l'absence de proportionnalité et de nécessité du placement en rétention

L'article L. 741-1 du CESEDA dispose que «L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.» ;

La régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause.

Le conseil de [C] [I] soutient qu'une erreur d'appréciation des garanties de représentation a été commise. Cependant comme rappelé précédemment, il a été relevé que [C] [I] était en situation irrégulière, sans document de voyage et se maintenait sur le territoire national depuis plusieurs années en connaissance de cause, ne justifiait pas d'un hébergement stable, aucun justificatif n'ayant été produit, de sorte que c'est sans commettre une erreur manifeste d'appréciation que le préfet a retenu une absence de garanties de représentation suffisantes à la mesure d'éloignement.

Ce motif étant suffisant pour justifier le placement en rétention, il n'y a pas lieu d'examiner le motif relatif à la menace pour l'ordre public.

Au regard de ces éléments, il ne peut être retenu de violation du principe de proportionnalité ni de nécessité.

En conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée ;

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [C] [I],

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Ynes LAATER Stéphanie ROBIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/05692
Date de la décision : 12/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-12;24.05692 ?
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