N° RG 24/05636 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PY7G
Nom du ressortissant :
[L] [W]
[W]
C/
PREFET DE LA MOSELLE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 10 JUILLET 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Carole BATAILLARD, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 05 Juillet 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Ynes LAATER, greffière,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 10 Juillet 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [L] [W]
né le 10 Avril 1985 à [Localité 4]
de nationalité Kosovare
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [3]
comparant assisté de Maître Mylène LAUBRIET, avocat au barreau de LYON, commis d'office
ET
INTIME :
M. PREFET DE LA MOSELLE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Léa DAUBIGNEY, avocat au barreau de l'Ain substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON
Avons mis l'affaire en délibéré au 10 Juillet 2024 à 15 h 00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit:
FAITS ET PROCÉDURE
Une obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour d'une durée de trois ans a été notifiée à [L] [W] le 2 juillet 2024 par le préfet de la Moselle.
Par décision en date du 5 juillet 2024, notifiée le 6 juillet 2024, jour de sa levée d'écrou, l'autorité administrative a ordonné le placement de [L] [W] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Suivant requête du 7 juillet 2024, reçue le 7 juillet 2024 à 15 heures 00, le préfet de la Moselle a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 8 juillet 2024 à 11 heures 35 a:
- déclaré recevable la requête en prolongation de la rétention administrative,
- déclaré régulière la procédure diligentée à l'encontre de [L] [W],
- rejeté la demande d'assignation à résidence,
- ordonné la prolongation de la rétention de [L] [W] dans les locaux du centre de rétention administrative de Lyon pour une durée de vingt-huit jours.
[L] [W] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 9 juillet 2024 à 13 heures 51 en faisant valoir qu'il estime présenter des garanties de représentation suffisantes nécessaires à une assignation à résidence, que son droit de visite en rétention n'a pas été respecté, qu'il n'est pas justifié de perspectives d'éloignement et qu'il n'y a pas de nécessité de prononcer un placement en rétention.
[L] [W] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et d'ordonner sa remise en liberté, et à titre subsidiaire de l'assigner à résidence.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 10 juillet 2024 à 10 heures 30.
[L] [W] a comparu et a été assisté de son avocat. Il confirme être de nationalité kosovare. Il déclare vivre depuis de nombreuses années avec ses enfants en France, où il souhaite rester. Il ajoute ne pas vouloir se rendre dans un pays qu'il ne connaît pas.
Le conseil de [L] [W] a été entendue en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel.
Le préfet de la Moselle, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.
[L] [W] a eu la parole en dernier.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que l'appel de [L] [W] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable ;
Sur l'absence de perspective d'éloignement
Attendu que l'article L 741-10 du CESEDA dispose que « L'étranger qui fait l'objet d'une décision de placement en rétention peut la contester devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification et seul son enregistrement par le greffe confère date certaine à cet appel » ;
Que l'article R. 741-3 du même code énonce quant à lui que le juge des libertés et de la détention est saisi par l'étranger qui conteste la régularité de la décision de placement en rétention administrative par simple requête, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 741-10, soit dans les 48 heures de la notification de l'arrêté;
Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas discuté par [L] [W] que celui-ci n'a pas saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête en contestation de l'arrêté préfectoral dans le délai de 48 heures précité ;
Qu'il doit en tout état de cause être relevé qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, [L] [W] ne peut présenter une telle requête pour la première fois au délégué du premier président, s'agissant d'une prétention nouvelle et donc irrecevable ;
Attendu qu'aux termes de l'article L731-1 du CESEDA, l'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...)
Attendu que le conseil de [L] [W] soutient qu'il n'existe pas de perspective d'éloignement vers le Kosovo et la Serbie, compte tenu l'absence probable de réponse ; Que ces autorités, auprès desquelles l'intéressé a formé une demande de passeport en vain, lui ont indiqué que son identité n'était pas connue ; Qu'il n'est pas de nationalité serbe et maintient être né au Kosovo ;
Attendu qu'il ressort de la procédure qu'une demande de laissez-passer a été adressée aux autorités consulaires serbes par la préfecture de la Moselle le 7 juillet 2024 ; Qu'il ne peut à ce stade être préjugé du retour des démarches entreprises par la préfecture et donc des perspectives d'éloignement ;
Que ce moyen ne peut être accueilli ;
Sur l'atteinte au droit de visite en rétention
Attendu que l'article R744-16 du CESEDA énonce que dès son arrivée au lieu de rétention, chaque étranger est mis en mesure de communiquer avec toute personne de son choix, avec les autorités consulaires du pays dont il déclare avoir la nationalité et avec son avocat s'il en a un, ou, s'il n'en a pas, avec la permanence du barreau du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le lieu de rétention.
Quel que soit le lieu de rétention dans lequel l'étranger est placé, un procès-verbal de la procédure de notification des droits en rétention est établi. Il est signé par l'intéressé, qui en reçoit un exemplaire, le fonctionnaire qui en est l'auteur et, le cas échéant, l'interprète. Ces références sont portées sur le registre mentionné à l'article L. 744-2.
Attendu que le conseil de [L] [W] fait valoir que l'oncle de sa belle-soeur s'est présenté au centre de rétention de Lyon le 6 juillet 2024, mais que l'entrée lui en a été refusée, l'intéressé ayant seulement été autorisé à lui déposer des effets personnels ; Qu'il ajoute qu'aucune circonstance insurmontable ne justifiait cette atteinte à l'exercice de ses droits ;
Attendu que la notice des droits au centre de rétention signée par l'appelant confirme que le droit de communiquer avec toute personne de son choix et les horaires des visites lui ont été notifiés le 6 juillet 2024 ;
Qu'en l'espèce, aucun élément ne vient étayer le manquement allégué à ses droits, aucune précision n'étant apportée sur les circonstances dans lesquelles cette visite serait intervenue, permettant notamment de s'assurer qu'elle répondait aux conditions fixées par le réglement du centre de rétention ;
Qu'il ressort des éléments fournis que les visites sont autorisées soit sur prise de rendez-vous soit de manière libre sur des créneaux disponibles ; Que le registre de rendez-vous ne fait apparaître aucun rendez-vous pour l'intéressé à la date du 6 juillet 2024, le planning correspondant ne mentionnant que peu de créneaux disponibles ; Qu'il n'est cependant pas contesté que les effets personnels remis à l'attention du retenu lui ont été donnés ; Qu'un rendez-vous a été pris avec lui le 9 juillet 2024 à 16 heures 30 par un nommé [U] [R], visite qui s'est déroulée de 16 heures 45 à 17 heures 25 ;
Qu'en l'état, il n'est pas démontré d'un non respect de son droit de visite en rétention, le moyen ne pouvant être davantage accueilli ;
Sur la demande d'assignation à résidence
Aux termes de l'article L. 743-13 du CESEDA, «Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.»
Attendu qu'en l'espèce, le premier juge a retenu avec pertinence que la demande d'assignation à résidence de [L] [W] était insusceptible de prospérer, faute pour celui-ci d'avoir remis l'original d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité aux autorités compétentes ;
Qu'en l'absence de cette première condition, il n'était évidemment pas tenu d'examiner si l'intéressé présentait par ailleurs des garanties de représentation effectives ;
Qu'il ne peut qu'être constaté qu'en cause d'appel, [L] [W] ne fournit toujours pas l'original d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité ;
Que dans ces circonstances, la demande d'assignation à résidence de [L] [W] ne peut pas plus être accueillie.
Qu'en conséquence, à défaut d'autre grief énoncé dans l'acte d'appel, l'ordonnance entreprise est confirmée dans son intégralité.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par [L] [W],
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Ynes LAATER Carole BATAILLARD