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04/07/2024 | FRANCE | N°21/04665

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 04 juillet 2024, 21/04665


N° RG 21/04665 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NU56









Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 27 janvier 2021

(chambre 1 cab 01 B)



RG : 18/08905





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 04 Juillet 2024







APPELANT :



M. [W] [L]

né le 21 Avril 1967 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 2]



ReprésentÃ

© par la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 654

Et ayant pour avocat plaidant Me Thomas MENESTRIER, avocat au barreau de MARSEILLE









INTIMES :



M. [K] [T]

né le 08 Juin 1995 à [Localité 10]

[Adresse...

N° RG 21/04665 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NU56

Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 27 janvier 2021

(chambre 1 cab 01 B)

RG : 18/08905

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 04 Juillet 2024

APPELANT :

M. [W] [L]

né le 21 Avril 1967 à [Localité 12]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 654

Et ayant pour avocat plaidant Me Thomas MENESTRIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES :

M. [K] [T]

né le 08 Juin 1995 à [Localité 10]

[Adresse 6]

[Localité 3] (ESPAGNE)

Représenté par la SELARL ELLIPSE AVOCATS [Localité 9], avocat au barreau de LYON, toque : 1377

S.A.S.U. [11]

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, avocat postulant,toque : 1983

Et ayant pour avocat plaidant la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T.8

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 21 Juin 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Février 2024

Date de mise à disposition : 04 Juillet 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Julien SEITZ, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 3 octobre 2016, M. [K] [T], joueur de football professionnel, et M. [L], avocat agissant en qualité « d'avocat mandataire sportif », ont ratifié une convention dite de « médiation avocat mandataire sportif ' joueur majeur » d'une durée de 24 mois, dont l'article 1, intitulé « Médiation exclusive », qui prévoit notamment :

« le joueur mandate Me [L] par la présente, de manière ferme et irrévocable, aux fins de l'assister, le conseiller, le représenter dans le cadre de la négociation et la conclusion de tout contrat, en particulier d'un contrat de travail, aux termes duquel le joueur intégrerait un club de football situé dans le territoire mentionné à l'article deux ci-dessous (...) [aucune limite territoriale n'étant fixée à l'article deux].

Les parties conviennent expressément que le présent mandat a un caractère exclusif au profit de Me [L], ce qui signifie que Me [L] est la seule personne (physique ou morale) habilitée à représenter le joueur, pendant toute la durée des présentes, pour toute opération qui conduirait à la conclusion par le joueur de tout contrat, en particulier tout contrat de travail, aux termes duquel le joueur intégrerait un club de football, et que le joueur s'interdit de conduire en direct toute discussion à cette fin.

Le joueur s'interdit par conséquent de donner mandat, ou tout autre droit équivalent, à toute autre personne physique ou morale dans le but de lui confier, directement ou indirectement, toute mission qui serait concurrente, en tout ou partie, de celle confiée à Me [L], qui présenterait des risques de conflits d'intérêts avec la médiation.

Me [L] mettra en 'uvre toutes les diligences utiles à la médiation en accord avec le joueur, et tiendra notamment informé le joueur du déroulement de la mission de médiation qui lui est confiée ».

[Entre crochets : remarques de la cour]

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 mars 2017, M. [T] a notifié à Me [L] la résiliation du mandat.

Le 13 avril 2017, M. [T] a demandé à Me [R] de le représenter auprès des clubs.

Me [R] a mené des négociations avec le club de football [11], qui ont abouti à la signature, le 29 juin 2017, d'un contrat de joueur d'une durée de cinq années.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 décembre 2017, Me [L], considérant que le mandat d'intérêt commun à caractère exclusif le liant à M. [T] ne pouvait être résilié de manière anticipée sans son accord, a mis en demeure le joueur de lui régler la somme de 500'000 euros à titre de rémunération.

En raison de l'opposition de M. [T] à cette demande et de ce que la commission fédérale des agents sportifs, saisie par Me [L], ne s'était pas prononcée, et considérant que M. [T] et [11] avaient engagé leur responsabilité à son égard, Me [L] les a assignés, par acte du huissier du 14 septembre 2018, devant le tribunal de grande instance de Lyon.

Par jugement du 27 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- débouté M. [K] [T] de ses demandes aux fins de nullité de la convention dite de « médiation avocat mandataire sportif joueur majeur » conclue le 3 octobre 2016 entre lui et M. [L] ainsi que de la clause fixant la durée du contrat à deux années sans faculté de résiliation autre que par consentement mutuel ;

- débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné M. [L] à payer à M. [T] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- condamné M. [L] à verser à M. [T] et [11], chacun, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [L] aux dépens ;

- assorti le jugement de l'exécution provisoire.

Par déclaration transmise au greffe le 27 mai 2021, M. [L] a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions déposées le 26 août 2021, M. [L] demande à la cour de :

- infirmer le jugement et statuant à nouveau :

- dire et juger que le mandat du 3 octobre 2016 est un mandat d'intérêt commun ;

- dire et juger que seul le mandat confié à Me [L] est valable, et cela jusqu'au 3 octobre 2018, à l'exclusion de tout autre mandat conclu ;

- dire et juger que la résiliation unilatérale du contrat par M. [T] est fautive ;

- dire et juger que M. [T] a délibérément violé le contrat conclu en particulier l'article 3 ;

En conséquence :

- condamner M. [T] à lui verser une somme forfaitaire correspondant à 10 % de sa rémunération brute annuelle stipulée dans son actuel contrat travail (y compris primes à la signature), calculée sur la durée entière du contrat ;

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 40'000 euros en indemnisation du préjudice moral qu'il a subi ;

- condamner M. [T] à lui verser la somme de 20'000 euros pour résistance abusive ;

- dire et juger que [11] avait connaissance du mandat d'intérêt commun rattachant exclusivement M. [T] à M. [L] ;

- dire et juger que [11] a décidé de traiter avec M. [T] en fraude des droits de M. [L] et a concouru à la commission de la violation des engagements contractuels souscrits par le joueur ;

En conséquence; condamner [11] à lui verser la somme de 100'000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

- En tout état de cause, condamner in solidum M. [T] et [11] à lui verser la somme de 10'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens distraits au profit de Me de Belval.

Dans ses conclusions n° 2, déposées le 16 juin 2022, M. [T] demande à la cour de:

- à titre principal :

- prononcer la nullité du contrat du 3 octobre 2016 ;

- déclarer abusive la clause du contrat interdisant sauf consentement mutuel pendant une durée de deux ans la résiliation du mandat ; la déclarer nulle et non écrite ;

- à titre subsidiaire :

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle déclare la résiliation du mandat bien fondée, et débouter Me [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre infiniment subsidiaire :

- constater l'absence de diligences de Me [L] auprès du club de [Localité 9] ;

- en conséquence, débouter Me [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- statuant reconventionnellement et infirmant partiellement la décision dont appel sur le quantum, condamner Me [L] à lui verser la somme de 50'000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- y ajoutant, condamner Maître [L] à lui verser la somme de 10'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Dans ses conclusions déposées le 23 novembre 2021, [11] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il déboute M. [L] de toutes ses demandes dirigées contre [11] ;

- infirmer le jugement en ce qui a condamné M. [L] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau sur ce point, le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement pour le surplus.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 21 juin 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d'annulation du contrat ou de la clause de durée de celui-ci

En application des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile, l'intimé qui forme un appel incident doit demander dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement. Il s'en déduit que si la demande d'infirmation est expressément limitée par l'intimé à certains chefs du dispositif du jugement, ceux qui ne sont pas visés par la demande d'infirmation ne peuvent qu'être confirmés.

En l'espèce, il convient de relever que M. [T], dans le dispositif de ses conclusions, après avoir présenté, sans mentionner qu'il demandait à ce titre la confirmation ou l'infirmation du jugement, des prétentions à titre principal (dont l'annulation du contrat), subsidiaire et infiniment subsidiaire, sollicite, à titre « reconventionnel », de la cour qu'elle infirme « partiellement la décision dont appel sur le quantum », relativement au montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués par le tribunal.

Il en résulte que la demande d'infirmation de l'intimé est limitée à ce seul chef de dispositif du jugement.

Ainsi, M. [T] n'ayant pas demandé l'infirmation du jugement, en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat ou de la clause fixant la durée du contrat à deux ans sans faculté de résiliation autre que par consentement mutuel, la cour n'est saisie d'aucune demande à cet égard et le jugement ne pourra qu'être maintenu sur ce point.

Il n'y a, dès lors, pas lieu de statuer sur les demandes de l'intimé.

Sur la résiliation fautive du contrat

À titre infirmatif, M. [L] soutient que le contrat conclu était d'intérêt commun, comme l'indiquait l'article 3, et ne pouvait être résilié de manière anticipée par une seule partie, sauf à caractériser une faute entraînant le versement de dommages-intérêts.

Il estime justifier des nombreuses interventions qu'il a opérées dans le but de promouvoir la carrière du joueur.

Il soutient que les règles déontologiques de l'avocat, qui est autorisé à agir en qualité de mandataire sportif, ne sont pas de nature à faire obstacle à la bonne exécution du mandat d'intérêt commun.

Il considère que la rupture est fautive et caractérise un abus de droit qui lui est préjudiciable.

Il fait valoir que, puisque l'article 6 ter de la loi du 31 décembre 1971 autorise les avocats à représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés par l'article 222-7 du code du sport, il doit pouvoir nécessairement les négocier et il peut avoir un rôle d'intermédiaire.

Il en déduit qu'il a agi dans le cadre légal sans commettre de faute et que M. [T] ne pouvait en conséquence révoquer le mandat à tout moment.

Il indique que le joueur a commis un abus de droit en rompant le contrat prématurément le 29 mars 2017, sans motif légitime, tandis qu'il devait s'achever le 3 octobre 2018.

Il écarte la pertinence des motifs invoqués par le joueur pour rompre le contrat (absence de justification des diligences accomplies ; absence d'intervention lors de l'avenant contractuel au [Localité 8]).

Il indique qu'il a été empêché d'agir en raison de la résiliation fautive de M. [T], qui ne peut prétendre que son avocat serait privé du droit de demander l'indemnisation d'une perte de chance d'avoir conclu le contrat ayant conduit au transfert du joueur à [11]. Il soutient que des échanges de courriels sont intervenus avant son transfert du [Localité 8] à [Localité 9].

À titre confirmatif, M. [T] soutient le bien-fondé de sa décision de révocation, au regard des règles encadrant la profession d'avocat, considérant que si l'article 6 ter de la loi du 31 décembre 1971 autorise les avocats à représenter en qualité de mandataire l'une des parties à la conclusion de contrats mentionnés par l'article L. 222-7, alinéa premier, du code du sport, et leur confère une nouvelle compétence, c'est sans déroger aux principes généraux qui régissent la profession.

Or, il estime que le principe du libre choix de l'avocat, qui autorise son client à le décharger de son dossier en application de l'article 13 du décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat, conduit à permettre à ce dernier de résilier à tout moment le mandat, même conclu pour une durée déterminée et à titre onéreux. Il exclut tout caractère abusif de la résiliation.

Subsidiairement, il soutient que le mandat peut toujours être résilié en cas de faute du cocontractant, laquelle s'apprécie en l'espèce au regard des exigences qui doivent être accomplies par le représentant du sportif, en considération du caractère extrêmement court de la carrière sportive dans cette profession.

Il fait valoir que l'appelant ne justifie d'aucune diligence auprès du joueur. Il soutient n'avoir jamais rencontré son conseil ni reçu un quelconque appel, courriel ou SMS de sa part. Il considère que l'avocat ne produit que des éléments qui concernent la période postérieure à la rupture et ne justifie pas des échanges dont il se prévaut pour les premiers mois de l'année 2017. Il estime que les attestations produites ont été établies pour les besoins de la cause et que les articles de presse ne justifient pas des diligences de l'avocat.

Il fait valoir que l'appelant n'était pas présent lors de la signature de l'avenant au sein du club du [Localité 8] et qu'il ne justifie pas avoir participé aux négociations. Il indique que la mention de l'avocat sur l'avenant contractuel résulte seulement de ce que le contrat de représentation avait été enregistré auprès de la Fédération française. Il relève que l'avocat ne justifie d'aucune correspondance ou courriel concernant la conclusion de cet avenant.

Il conteste le caractère probant du tableau des diligences produit par l'appelant, en l'absence de justificatifs des pièces correspondantes. Il estime que les frais indiqués ne paraissent pas le concerner.

Il se prévaut d'une situation de conflit d'intérêts puisque l'avocat est également le conseil de la société des consorts [N], lesquels se présentent comme agent du joueur alors qu'il n'en ont pas le droit, puisque exerçant visiblement une activité d'agent sportif en France sans autorisation.

Plus subsidiairement, il soutient que l'absence supposée de cause légitime à la révocation du mandat ne prive pas d'effet la révocation du mandat d'intérêt commun.

Il en déduit qu'en supposant encore que la résiliation du mandat ne soit pas légitime, le mandataire ne peut solliciter une indemnisation sur le fondement de diligences qu'il aurait accomplies postérieurement à la résiliation de son mandat.

Il considère que l'avocat ne peut solliciter le versement d'aucune somme au titre du contrat conclu avec le club lyonnais, postérieurement à la résiliation et pour lequel il n'avait accompli aucune diligence, ne justifiant d'aucune perte de chance de percevoir une quelconque rémunération.

Sur ce

L'article 3 du mandat litigieux, conclu le 3 octobre 2016, intitulé « mandat d'intérêt commun » stipule :

« Les parties conviennent expressément ensemble que :

- le joueur a un intérêt certain à mandater Me [L] dans le cadre de la mission de médiation décrite ci-dessus, et

- Me [L] qui est chargé de la gestion de la carrière professionnelle du joueur a également un intérêt certain à l'essor de cette carrière compte tenu des incidences économiques qu'elle entraîne pour l'avocat mandataire sportif l'accroissement des performances et de la notoriété du joueur, notamment au regard des conditions financières d'engagement et des prétentions salariales de ce dernier.

À ce titre chacune des parties reconnaît que la convention constitue un mandat d'intérêt commun ne peut donc être résiliée de manière anticipée qu'avec le consentement mutuel écrit des parties, sauf à commettre une faute entraînant le versement de dommages intérêts à l'autre partie. »

Selon l'article 4, intitulé « rémunération » :

« Me [L] percevra en rémunération des diligences accomplies dans le cadre de la médiation un honoraire de résultat conforme à la réglementation applicable, étant précisé que l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (modifiée par la loi 2011-311 du 28 mars 2011) fixe pour les avocats le plafond de cette rémunération à 10 % du contrat travail négocié (ou renégocié) avec un club, ou de tout contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive d'entraînement.

Il est précisé que la rémunération est fonction du salaire de base brute annuelle du joueur stipulé dans le contrat de travail, y compris prime à la signature. Ceci étant bien connu des parties, il est convenu que la rémunération sera de 10 %. »

L'article 5 du même contrat, intitulé « durée de la convention », stipule : « La convention est conclue pour une durée de 24 mois à compter de la date de sa signature. »

Il prévoit également : « la convention ne peut être résiliée par anticipation qu'en cas de force majeure, de l'incapacité effective définitive de l'une ou l'autre des parties à remplir les engagements prévus au contrat, et qu'à l'exception du cas précité, la rupture anticipée est considérée comme abusive ».

Ainsi, le contrat, conclu le 3 octobre 2016, avait pour terme le 3 octobre 2018.

Il est constant que par lettre du 29 mars 2017, M. [T] a indiqué à Me [L] qu'il mettait un terme au contrat conclu avec lui.

Au regard des dispositions contractuelles susvisées, cette résiliation est intervenue unilatéralement et avant le délai de deux ans prévu, ce qui paraît méconnaître la force obligatoire du contrat.

Toutefois, la cour retient, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article 10, alinéa 6, de la loi du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 28 mars 2011, que l'avocat agissant en qualité de mandataire de l'une des parties intéressées à la conclusion d'un contrat visé par l'article L. 222-7 ne peut être rémunéré que par son client.

Or, en l'espèce l'article 4 susvisé ne détermine pas qui est le débiteur de la rémunération de l'avocat, qui peut être ainsi son client mais aussi un tiers à la convention, ce qui contrevient au statut impératif de l'avocat et empêche toute exécution du contrat à cet égard, de sorte que les demandes de versement des honoraires formées en application du contrat, sont mal fondées.

D'autre part, la « convention de médiation avocat mandataire sportif -joueur majeur », comme elle est intitulée et à laquelle Me [L] est partie, correspond nécessairement aux contrats que les avocats sont autorisés à conclure en la matière, en vertu de l'article 6 ter de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, qui dispose que : « Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter un sportif, en qualité de mandataire, pour la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du code du sport. » (souligné par la cour).

A cet égard, l'article L. 222-7 du code du sport vise l'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement.

Il sera souligné que le renvoi de l'article 6 ter susvisé ne concerne pas l'activité consistant à mettre en rapport contre rémunération les parties intéressées à la conclusion des contrats que vise l'article L. 222-7, mais seulement une activité de mandataire aux fins de conclusion de ces contrats, l'avocat étant ainsi seulement habilité par la loi à représenter son client lors la signature d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ou pour la conclusion d'un contrat de travail.

Il résulte ainsi de l'application de ces deux textes que les avocats, tant à titre principal qu'à titre accessoire, ne peuvent exercer l'activité d'agent sportif.

C'est dès lors de manière inopérante que l'appelant fait état du règlement des agents de joueurs et du règlement des agents sportifs (ses pièces 19 et 19).

Dès lors, l'avocat ne peut être chargé de la mise en rapport, contre rémunération, des parties intéressées à la conclusion de ces contrats, soit de se livrer à une activité d'entremise entre son client et des tiers.

Autrement dit, en vertu de sa seule activité de représentation autorisée, l'avocat ne peut être chargé ou tenu d'apporter à son client des contrats.

Or, le mandat d'intérêt commun résulte de ce que le contrat présente un intérêt à la fois pour le mandant et pour le mandataire, soit lorsque l'un et l'autre ont un intérêt à l'essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle.

Il est en outre de principe que ce mandat ne peut être rompu que par le consentement des deux parties ou en raison d'une cause reconnue en justice, ou enfin selon les clauses du contrat.

Ainsi, au vu de ce qui précède et de l'encadrement de la mission de mandataire qui incombe à l'avocat, il ne participe pas à l'essor de la carrière du sportif qu'il représente.

Ainsi, en dépit des stipulations contractuelles susvisées, et étant rappelé qu'il appartient à la juridiction de donner aux stipulations contractuelles leur exacte portée juridique, le statut impératif de l'avocat qui résulte des dispositions rappelées ci-avant ne permet pas de considérer que les parties étaient liées par un contrat d'intérêt commun, de sorte que le moyen tiré de la rupture fautive du contrat, comme étant intervenue en violation des dispositions contractuelles fondée sur l'existence d'un tel contrat, n'est pas fondé.

En outre, en application de l'article 2004 du code civil et de l'article 13 (et non 10 comme indiqué par erreur par le tribunal) du décret du 12 juillet 2005, alors applicable, le client de l'avocat doit, nonobstant l'existence d'une durée déterminée aux relations, disposer d'un droit de rompre le contrat unilatéralement.

L'intimé disposait, dès lors, du droit de rompre le contrat avant son terme, sans engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de l'avocat.

Etant relevé que M. [L] soutient que la rupture du contrat était abusive en se fondant seulement sur la méconnaissance des dispositions contractuelles et que ce moyen n'est pas fondé, la demande d'indemnisation qu'il forme au titre de la rupture fautive du contrat ne peut qu'être rejetée.

Surabondamment, à considérer encore que la révocation du mandat aurait pu être fautive ou abusive, elle ne saurait entraîner le maintien de la convention jusqu'à son terme et le droit du mandataire de se prévaloir de ses stipulations contre le mandant pour des faits postérieurs à la révocation. La signature du contrat entre le joueur et le club de football de [Localité 9], postérieurement à la révocation, ne saurait ainsi entraîner pour l'avocat mandataire un droit à percevoir les honoraires qui étaient contractuellement prévus.

Une telle rupture ne pourrait qu'entraîner une indemnisation du préjudice subi par le mandataire en relation avec la révocation prématurée, ce qui constitue une perte de chance - ce qui est dans la cause - qui ne saurait, comme c'est sollicité par l'appelant, équivaloir au montant des honoraires qu'il aurait perçus si l'exécution de la convention avait été menée à son terme.

Au demeurant, selon la pièce produite par l'appelant (n° 16), il convient de relever qu'un échange en forme de proposition d'engagement du joueur émanant du club lyonnais est survenu le 3 janvier 2017 entre un représentant du club et un dénommé [P] [H], lequel a transmis le même jour le message à MM. [O] et « [D] » [N], lesquels l'ont transféré, le 15 mai 2017 à l'appelant. L'appelant ne saurait ainsi justifier avoir pris part aux échanges ayant précédé le transfert du joueur dans le club lyonnais.

Sur ce même point, il sera constaté que, tandis que le joueur conteste dans sa lettre du 8 janvier 2018 que l'avocat ait effectué des démarches à son bénéfice (indiquant même ne jamais l'avoir rencontré : pièce n° 5 de l'appelant), l'avocat se prévaut d'actes d'entremise en vue de la signature de contrats d'engagement du joueur par d'autres club (ses pièces n° 7, 8, 9).

Cependant, les actes dont se prévaut l'appelant consistent en des prises de contacts visant à mettre en relation le joueur avec d'autres clubs, ce qui relève manifestement de la mission d'un d'agent sportif alors qu'en application des textes et principes susvisés l'avocat ne pouvait l'exercer. Il ne peut dès lors s'en prévaloir pour justifier d'un préjudice qui résulterait des diligences qu'il aurait accomplies inutilement en raison de la révocation du contrat.

Il n'existe dès lors aucun lien de causalité entre l'indemnisation demandée par l'appelant et une éventuelle révocation fautive du mandat.

L'appelant fait en outre état de frais engagés pour l'exécution du contrat (sa pièce n° 12) mais le document qu'il produit, soit un tableau et un récapitulatif établis par ses soins, n'est étayé par aucune pièce objective et n'a pas de caractère probant.

Dès lors, l'appelant est mal fondé en sa demande en paiement des honoraires prévus par le contrat ainsi qu'en ses demandes indemnitaires pour préjudice moral et résistance abusive du mandant.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande d'indemnisation de M. [T]

À titre infirmatif, M. [L] soutient que la réalité du préjudice n'est pas établie puisque l'appelant s'est contenté de faire valoir ses droits en justice et a tenté de résoudre amiablement le litige. Il conteste toute faute justifiant l'allocation des dommages-intérêts demandés.

À titre infirmatif, sur le quantum, M. [T] considère avoir été trompé sur les relations existant entre Me [L] et les consorts [N] et que, l'avocat étant également conseil de ces derniers, il les a laissés s'exprimer dans les médias en qualité d'agents du joueur. Il estime en outre que l'avocat a permis l'intervention d'un autre agent licencié et, ce, en violation de l'obligation d'exclusivité prévue dans le cadre des négociations contractuelles avec le club de [Localité 9].

Il soutient que, l'avocat ayant poursuivi son intervention auprès des dirigeants des clubs après la résiliation du contrat, il a créé une incertitude contractuelle pour ses interlocuteurs et lui a causé un préjudice indéniable puisque ceux-ci pouvaient croire qu'il disposait de deux conseils en même temps. Il considère que l'avocat a ainsi porté atteinte à son image, eu égard à la résonance médiatique de cette situation, dont l'avocat est à l'origine.

Il demande que le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués soit élevé à la somme de 50'000 euros.

Sur ce,

C'est par des motifs pertinents, qui répondent aux conclusions d'appel et que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que Me [L], par son attitude postérieure à la rupture du contrat, a porté atteinte à l'image du joueur et lui a causé un préjudice.

En considération des circonstances de la cause, ce préjudice sera toutefois élevé à la somme de 10 000 euros.

Le jugement sera réformé, sur le quantum, de ce chef.

Sur la responsabilité délictuelle de [11]

Comme l'a retenu le tribunal, en l'absence de résiliation fautive du contrat conclu entre le joueur et Me [L], aucune violation de cette convention ne peut être utilement reprochée par ce dernier au club de football.

La demande d'indemnisation de l'avocat ne peut, dès lors, qu'être rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

L'appelant, qui perd en son recours, devra en supporter les dépens.

[11] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné M. [L] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'appelant à lui verser la somme globale de 5 000 euros.

Toutefois, l'équité commande de maintenir la condamnation prononcée en première instance et de mettre à la charge de M. [L] le versement de la somme de 3 500 euros au bénéfice de [11].

Sur le même fondement et au titre de l'instance d'appel, l'appelant sera condamné à payer la somme de 5 000 euros à M. [T].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il condamne M. [L] à payer à M. [T] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

L'infirmant de ce chef et statuant à nouveau, condamne M. [L] à payer à M. [T] la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Y AJOUTANT,

Condamne M. [L] à supporter les dépens d'appel ;

Condamne le même à payer à M. [T] la somme de 5 000 euros à M. [T] et celle de 3 500 euros à [11] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande au titre des frais irrépétibles.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 21/04665
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.04665 ?
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