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04/07/2024 | FRANCE | N°21/01777

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 04 juillet 2024, 21/01777


N° RG 21/01777 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOOE









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 11 février 2021



RG : 2019j1175







S.A.S.U. MESSAGERIE [E] ET FILS



C/



S.A.S. FEDEX EXPRESS FR





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 04 Juillet 2024







APPELANTE :



S.A.S.U. MESSAGERIE [E] ET FILS au capital de 11

700 euros, inscrite au RCS de ROMANS SUR ISERE sous le numéro 818 628 554, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX...

N° RG 21/01777 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOOE

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 11 février 2021

RG : 2019j1175

S.A.S.U. MESSAGERIE [E] ET FILS

C/

S.A.S. FEDEX EXPRESS FR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 04 Juillet 2024

APPELANTE :

S.A.S.U. MESSAGERIE [E] ET FILS au capital de 11 700 euros, inscrite au RCS de ROMANS SUR ISERE sous le numéro 818 628 554, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Valérie LIOTARD de la société CAP CONSEIL AVOCATS, avocat au barreau de la DRÔME

INTIMEE :

S.A.S. FedEX EXPRESS FR enregistrée au RCS de Lyon sous le numéro 973 505 357, venant aux droits de la société TNT EXPRESS NATIONAL (RCS 318 883 238) par voie de fusion-absorption à effet au 1er septembre 2018

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Bruno PERRACHON de la SELARL CARNOT AVOCATS, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 20 Décembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Mai 2024

Date de mise à disposition : 04 Juillet 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société TNT Express est un commissionnaire de transport. La société Messagerie [E] et fils (la société Messagerie [E]) est spécialisée dans le secteur de transports de marchandises.

Le 20 juillet 2017, la société TNT Express a fait un appel d'offre aux fins de faire réaliser des prestations de transport en sous-traitance dans le secteur du nord de l'Ardèche pour une prestation de 270 points par jour. La société Messagerie [E] a répondu à cet appel d'offre en transmettant une grille tarifaire en août 2017.

Le 1er mars 2018, après plusieurs mois de prestations, les parties ont signé un contrat de sous-traitance aux termes duquel le nombre de points de prestations a été ramené à 186.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 octobre 2018, la société Messagerie [E] a indiqué à la société TNT Express qu'elle ne couvrait pas ses charges et par conséquent réclamait une somme de 68.000 euros au titre du déficit engendré de septembre 2017 à septembre 2018.

Le 1er septembre 2018, la société TNT Express a été absorbée par la société FedEx Express FR (la société FedEx).

Le 20 octobre 2018, la société Messagerie [E] a informé la société FedEx qu'elle n'assurerait plus les tournées à compter du 24 octobre 2018.

Les parties n'ayant pas trouvé d'accord, la société Messagerie [E] a notifié à la société TNT Express, le 30 janvier 2019, la résiliation du contrat aux torts de celle-ci et l'a mise en demeure de lui payer la somme de 92.520,73 euros.

Le 1er juillet 2019, la société Messagerie [E] a assigné la société TNT Express devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 11 février 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

- constaté l'intervention volontaire de la société FedEx Express FR venant aux droits de la société TNT Express,

- constaté que la société FedEx Express FR reconnaît à la barre que l'action engagée à son encontre par la société Messagerie [E] et fils est recevable,

- débouté la société Messagerie [E] et fils de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Messagerie [E] et fils à payer à la société FedEx Express FR la somne de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcé l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné la société Messagerie [E] et fils aux entiers dépens.

La société Messagerie [E] et fils a interjeté appel par déclaration du 10 mars 2021.

***

Par dernières conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 octobre 2021, la société Messagerie [E] et fils demande à la cour, au visa des articles L.3221-1 du code des transports et des articles 1143, 1171, 1170, 1212 et suivants du code civil, de :

- déclarer la demande de la société Messagerie [E] et fils recevable et bien fondée, et en conséquence :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon en date du 11 février 2021 en ce qu'il a débouté la société Messagerie [E] et fils de l'ensemble de ses demandes et a condamné la société Messagerie [E] et fils à payer à la société FedEx Express FR la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcer la résolution du contrat de sous-traitance à la date du 30 janvier 2019, à durée déterminée, aux torts exclusifs de la société TNT Express,

En effet,

- dire et juger que la société TNT Express n'a pas respecté les stipulations du contrat de sous-traitance en date du 1er mars 2018 en ce que celle-ci s'engageait sur un volume de 163 points de distribution et un minimum de chiffre d'affaires annuel sur une période de douze mois à compter de la signature de 145.244 euros hors taxes soit pour huit mois un chiffre d'affaires de 96.829 euros hors taxes et pour les opérations de collecte un volume de 23 points de collecte et un minimum de chiffre d'affaires annuel sur une période de douze mois à compter de la signature du contrat de 34.212 euros hors taxes soit pour huit mois un chiffre d'affaires de 22.808 euros hors taxes,

- dire et juger que du 1er mars 2018 au 1er novembre 2018, la société Messagerie [E] et fils a effectué un nombre de points de distribution et de collecte bien en deçà du minimum contractuellement prévu ainsi qu'un chiffre d'affaires bien en deçà du minimum prévu,

Par voie de conséquence,

- dire et juger que la société TNT Express national n'a pas respecté ses obligations contractuelles,

- résilier en conséquence le contrat de sous-traitance aux torts de la société TNT Express, à la date du 30 janvier 2019,

- dire et juger que la société TNT Express n'a pas conformément aux dispositions de l'article L.3221-1 du code de transports, offert ou pratiquer un prix qui permettait à la société Messagerie [E] et fils de couvrir ses charges courantes,

- dire et juger le contrat de sous-traitance du 1er mars 2018 est qualifiable de contrat d'adhésion,

- dire et juger l'article 9-1 du contrat et l'annexe 3 du contrat de sous-traitance nul pour vice du consentement de la société Messagerie [E] et fils, son consentement ayant été extorqué par la violence au sens où l'entend l'article 1143 du code civil,

- dire et juger qu'au moment de la signature du contrat de sous-traitance, la société Messagerie [E] et fils n'a pas été en mesure de négocier les tarifs conformément aux dispositions de l'article L.3221-1 du code des transports,

- dire et juger que son bilan et compte de résultat au 31 décembre 2018 démontrent qu'elle a travaillé à perte pour le compte de la société TNT Express,

Par voie de conséquence,

- dire et juger que la société TNT Express a manqué à son obligation légale d'offrir et de pratiquer un prix qui permette à son sous-traitant de couvrir ses charges courantes,

Par voie de conséquence,

- prononcer la résolution du contrat de sous-traitance aux torts exclusifs de la société TNT Express à la date du 30 janvier 2019,

Vu la rupture avant terme du contrat de sous-traitance du fait de la société FedEx Express France venant aux droits de la société TNT Express,

- la condamner à payer à la société Messagerie [E] et fils la somme de 63.300 euros hors taxes, au titre de la marge qu'elle aurait pu escompter sur 3 ans, augmentée des intérêts et droit à compter de la présente,

- condamner la société FedEx Express France venant aux droits de la société TNT Express national à payer à la société Messagerie [E] et fils la somme de 80.228,73 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente assignation, au titre de la perte enregistrée entre novembre 2017 et octobre 2018,

Subsidiairement, si la cour estime que l'annexe 3 du contrat de sous-traitance est valable :

- dire et juger que la société FedEx Express France venant aux droits de la société TNT Express s'est engagée à permettre à la société Messagerie [E] et fils de réaliser un chiffre d'affaire minimum,

- dire et juger que cet engagement n'a pas été tenu,

En conséquence,

- la condamner à payer à la société Messagerie [E] et fils, les sommes suivantes :

' 18.600,98 euros HT au titre du chiffre d'affaires outre TVA garanti pour les opérations de distribution, augmenté de la TVA à 20 %,

' 6.645 euros HT au titre du chiffre d'affaires outre TVA garanti pour les opérations de collecte, augmenté de la TVA à 20 %,

- condamner la société FedEx Express France venant aux droits de la société TNT Eexpress à payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société FedEx Express France venant aux droits de la société TNT Express aux entiers dépens.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 septembre 2021, la société FedEx Express FR demande à la cour, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Messagerie [E] et fils de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Messagerie [E] et fils à verser à la société FedEx Express FR la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même en tous les dépens de l'instance.

***

La procédure a été clôturée par ordonnance du 20 décembre 2021, les débats étant fixés au 23 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir « constater » ou « dire et juger », lorsque celles-ci développent en réalité des moyens, ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour.

Sur la résiliation du contrat, la nullité de la clause 9.1 et l'annexe 3, et les demandes en paiement de la société Messagerie [E]

La société Messagerie [E] fait valoir que :

- elle a répondu à l'appel d'offre et elle s'est entendue avec la société TNT Express sur les tarifs des livraisons et enlèvements ;

- elle a commencé à exécuter le contrat sans que celui-ci n'ait été signé ; elle a été contrainte de signer le contrat sans renégociation des tarifs alors que le nombre de livraisons de 270 initialement annoncé en juillet 2017 puis de 207 en septembre 2017, était finalement prévu pour 163 ;

- si le contrat a été signé pour une durée déterminée de trois ans, le manquement grave d'un cocontractant peut toutefois justifier la rupture unilatérale du contrat ;

- la société TNT Express n'a pas respecté les stipulations du contrat de sous-traitance en modifiant unilatéralement à la baisse les volumes de livraisons et enlèvements, sans vérifier si les tarifs proposés permettait de couvrir les charges fixes du sous-traitant ;

- du 1er mars 2018 au 1er novembre 2018, elle-même a effectué un nombre de points de distribution et de collecte bien en deçà du minimum contractuellement prévu ainsi qu'un chiffre d'affaires bien en deçà du minimum prévu ; elle a travaillé à perte ;

- la résiliation du contrat est également encourue en application de l'article L. 3221-1 du code des transports, en ce que le contrat de sous-traitance qu'elle a conclu est un contrat d'adhésion dès lors qu'elle n'a pu négocier aucune clause ;

- le contrat n'ayant pas été négocié entre les parties, il doit être qualifié de contrat d'adhésion ; il a été établi de façon unilatérale par la société TNT et ne correspondait pas aux accords qui avaient été précédemment conclus, s'agissant notamment du nombre de livraisons et enlèvements ;

- elle a néanmoins signé ce contrat et mis en oeuvre les moyens matériel et humain pour répondre favorablement aux attentes de la société TNT ; son consentement a été extorqué par violence au sens de l'article 1143 du code civil, alors qu'elle se trouvait dans une situation de dépendance économique ; ainsi la clause 9-1 et l'annexe 3 du contrat sont nulles en raison du vice du consentement, et doivent être annulées ;

- elle a été contrainte d'interrompre les prestations dès lors qu'elle travaillait à perte, ces pertes étant évaluées à la somme de 88.169,50 euros ; quant à la marge escomptée sur trois ans, soit la durée du contrat, était de 63.300 euros HT ;

- à titre subsidiaire, si l'annexe 3 est jugée valable, elle sollicite la différence entre le chiffre d'affaire minimum prévu au contrat et celui effectivement réalisé, pour les opérations de distribution et pour celles de collecte.

La société FedEx réplique que :

- elle n'a commis aucun abus dans la fixation des tarifs, ceux-ci ont été librement négociés entre les parties et fixés en fonction d'une période transitoire en toute connaissance de cause, période à l'issue de laquelle les parties se sont accordées sur un contrat écrit ;

- les prix prévus au contrat ont été acceptés par la société Messagerie [E] qui ne peut les remettre en cause unilatéralement ; le contrat a été signé après sept mois d'exécution de prestations, de sorte que la société Messagerie [E] avait pu se rendre compte du nombre de points de prestations ; elle-même ne peut librement augmenter ou baisser le nombre de ces points de prestations ;

- le caractère insuffisant de la rémunération ne résulte que des seules déclarations de la société Messagerie [E] et n'est pas démontré ; les prix proposés à celle-ci étaient cohérents au regard des prix du marché ; il n'est pas démontré que le résultat négatif de 2018 invoqué par la société Messagerie [E] soit imputable au contrat de sous-traitance ;

- celle-ci voudrait lui faire assumer seule toutes les charges prévues à l'article L. 3221-1 du code des transports, or le manque de marché ou de clients tiers pour la société Messagerie [E] n'est pas de sa responsabilité ;

- la clause de rémunération garantie minimale protégeait le sous-traitant et en interrompant le contrat de façon anticipée, la société Messagerie [E] s'est privée de la possibilité de faire jouer ce minimum garanti s'il n'avait pas été atteint à l'issue de la période de référence de douze mois ;

- la perte financière au cours des mois d'exploitation repose sur des notes et tableaux établis par le dirigeant de la société Messagerie [E], sans calcul précis et justifié des montants ;

- quant à la marge escomptée, elle ne saurait être due dès lors que le contrat prévoit une faculté de résiliation pour chaque partie, que la société Messagerie [E] a notifié son désaccord le 20 octobre 2018 mais n'a pas respecté le préavis, et que si le contrat est résilié, il ne peut y avoir d'indemnisation sur la base de la poursuite du contrat.

Sur ce,

Selon l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Et selon l'article L. 3221-1 du code des transports :

Tout prestataire de transport public routier de marchandises, et notamment les transporteurs routiers de marchandises, opérateurs de service numérique de mise en relation commerciale de transport public routier de marchandises définis au 5° de l'article L. 3261-1, commissionnaires de transport ou loueurs de véhicules industriels avec conducteur, est tenu d'offrir ou de pratiquer un prix qui permette de couvrir à la fois :

- les charges entraînées par les obligations légales et réglementaires, notamment en matière sociale et de sécurité ;

- les charges de produits énergétiques et d'entretien ;

- les amortissements ou les loyers des véhicules ;

- les frais de route des conducteurs de véhicules ;

- les frais de péage ;

- les frais de documents de transport et les timbres fiscaux ;

- et, pour les entreprises unipersonnelles, la rémunération du chef d'entreprise.

Enfin, selon l'article 1143 du code civil, il y a violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats, que la société TNT a émis un appel d'offres le 20 juillet 2017 pour des prestations de livraison et de collecte pour 270 points par jour au total.

La société Messagerie [E] a fait une proposition de prix le 6 août suivant, à laquelle la société TNT a répondu par un courrier remis en main propre le 14 septembre 2017, lui indiquant qu'elle acceptait la proposition et que le volume indicatif de la prestation était de 207 points par jour.

La société Messagerie [E] ne justifie pas avoir émis de contestation quant à ce nouveau volume des livraisons et collectes revu à la baisse, ni avoir indiqué à la société TNT que le coût qu'elle avait initialement proposé ne pourrait être maintenu en cas de diminution des volumes.

Le contrat de sous-traitance a finalement été signé le 1er mars 2018 , après plusieurs mois de mise en oeuvre des prestations, mentionnant en son annexe 3 un volume de 163 points de distribution et un volume de 23 points de collecte.

Or, là encore la société Messagerie [E] ne démontre pas avoir contesté ou tenté de rediscuter ce volume lorsqu'elle a constaté que le volume total était prévu pour 186 points alors qu'il était de 207 points en septembre 2017, ni même avoir émis, à l'égard de son cocontractant, la moindre remarque ou réserve à la suite de la signature. La contrainte de signer qu'elle invoque ne résulte d'aucun élément, étant observé que, pour la société Messagerie [E], le contrat et chacune de ses onze annexes ont été signés mais aussi paraphés à chaque page par deux personnes : Mme [B] [E], présidente de la société, et M. [O] [E], gestionnaire transport.

La société Messagerie [E] fait également état de violence, au sens de l'article 1143 du code civil précité, pour solliciter la nullité uniquement de la clause 9-1 et de l'annexe 3 du contrat.

Cependant, la société Messagerie [E] ne démontre pas qu'au jour de la signature du contrat, elle se trouvait dans un état de dépendance économique à l'égard de la société TNT, étant précisé que l'état de dépendance économique peut s'entendre comme la situation dans laquelle se trouve une personne par rapport à une autre, dont l'existence ou la survie économique est subordonnée au maintien de la relation contractuelle, ce qui implique que la partie dépendante ne dispose d'aucune solution de remplacement équivalente. La société Messagerie [E] soutient que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé du 1er janvier au 1er novembre 2018 avec l'activité fournie par TNT a représenté près de 40 % du chiffre d'affaires global. Toutefois, outre le fait que cette proportion n'apparaît pas caractériser un état de dépendance économique, d'une part la société Messagerie [E] ne démontre pas cette allégation qui ne ressort pas de son bilan de l'année 2018, d'autre part c'est au jour de la signature du contrat qu'il lui incombait de démontrer l'existence de la dépendance économique alléguée, ce qui ne résulte d'aucune pièce produite aux débats.

A titre surabondant, même à considérer cette dépendance économique avérée au jour de la signature du contrat, la société Messagerie [E] ne démontre pas davantage que la société TNT en aurait tiré un avantage excessif ou qu'elle aurait fait une exploitation abusive de la situation, étant souligné que le contrat a été signé le 1er mars 2018, après plusieurs mois d'activité qui auraient dû permettre à la société Messagerie [E] de mesurer la viabilité de l'activité à elle confiée par la société TNT.

La demande de nullité de la clause 9.1 et de l'annexe 3 du contrat ne saurait donc prospérer.

Il convient en revanche d'observer que le contrat, qui énonce que les tarifs et les coûts du sous-traitant ont été calculés et déterminés par celui-ci et que les tarifs convenus entre TNT et le sous-traitant ont été déterminés de façon à permettre une juste rémunération du sous-traitant en assurant la couverture des coût de la prestation et la marge de ce dernier dans des conditions normales d'organisation, prévoit à l'article 9.1.3 une possibilité de révision des tarifs en ces termes :

'Chacune des parties peut demander à l'autre partie une révision des tarifs pendant la durée du présent contrat.

En cas de désaccord, chacune des parties peut résilier le contrat sous réserve de respecter un préavis écrit de trois (3) mois conformément à l'article 8.2.1.'

De plus, l'article 9.2 du contrat prévoit également une garantie de chiffre d'affaires, en ces termes : 'Au cas où le volume de prestations confiées au sous-traitant ne lui aurait pas permis de réaliser le chiffre d'affaires global H.T. tel que défini en Annexe 3, celui-ci aura droit à une indemnité dont le calcul s'effectuera de la manière suivante :

1 - Si la durée effective totale du contrat est d'un an, l'indemnité est due si le chiffre d'affaires global H.T. garanti (équivalent au chiffre d'affaires global de référence H.T. dans ce cas) est supérieur au chiffre d'affaires effectivement facturé pour la période considérée.

2 - Si la durée effective totale du contrat est inférieure à un an, une indemnité est due si le chiffre d'affaires global de référence rapporté au prorata temporis n'est pas atteint.

3 - (...)'

C'est ainsi que l'annexe 3 prévoyait, au titre des opérations de distribution, que 'TNT s'engage à confier au sous-traitant un volume de prestations qui devrait lui permettre de réaliser au minimum un chiffre d'affaires global de référence H.T. de 145.244 euros sur une période de 12 mois à compter de la date de signature du présent contrat', et au titre des opérations de collecte, que 'TNT s'engage à confier au sous-traitant un volume de prestations qui devrait lui permettre de réaliser au minimum un chiffre d'affaires global de référence H.T. de 34.212 euros sur une période de 12 mois à compter de la date de signature du présent contrat'.

La société Messagerie [E] disposait donc de la faculté de résilier le contrat en cas de désaccord sur les tarifs, ou encore d'obtenir le paiement d'une indemnité si le chiffre d'affaires réalisé sur douze mois était inférieur au chiffre d'affaires global de référence, visé à l'annexe 3 dûment signée et paraphée.

Or, ce n'est que le 12 octobre 2018 que la société Messagerie [E] a adressé une lettre recommandée à la société TNT pour contester le prix et les volumes, faisant état de multiples sollicitations de sa part pour renégocier la tarification, ce qu'aurait refusé la société TNT. Puis elle a résilié le contrat, par lettre recommandée du 30 janvier 2019.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la résiliation ne saurait être prononcée aux torts de la société TNT, devenue FedEx.

Toutefois, la société Messagerie [E] est fondée à réclamer la mise en oeuvre de la garantie de chiffre d'affaires minimum. En effet, le contrat ayant été effectif pendant huit mois, l'indemnité est due au regard du chiffre d'affaires réalisé sur cette période, en application de la clause 9.2 qui prévoit, en son 2e cas, que 'si la durée effective totale du contrat est inférieure à un an, une indemnité est due si le chiffre d'affaires global de référence rapporté au prorata temporis n'est pas atteint'. Le total des factures adressées à la société TNT pour la période du 1er mars 2018, date de signature du contrat, jusqu'au 31 octobre 2018, date à laquelle la société Messagerie [E] a cessé d'effectuer les prestations pour TNT, s'élève à la somme de 115.271,02 euros HT. Or, ramené au prorata temporis de huit mois correspondant à cette période de factures, le chiffre d'affaires minimum garanti prévu à l'annexe 3 du contrat, pour les deux prestations de distribution et de collecte, représente la somme cumulée de 119.637,33 euros HT. Il s'en déduit que la société FedEx est redevable de la somme de 4.366,31 euros HT envers la société Messagerie [E].

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement et de condamner la société FedEx à payer à la société Messagerie [E] la somme de 4.366,31 euros HT, outre la TVA à 20 % applicable.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société FedEx succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société FedEx sera condamnée à payer à la société Messagerie [E] la somme de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Infirme le jugement déféré, en ses dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate la résiliation du contrat de sous-traitance au 30 janvier 2019, par la société Messagerie [E] et fils ;

Rejette la demande de nullité de la clause 9.1 et de l'annexe 3 du contrat de sous-traitance du 1er mars 2018 ;

Condamne la société FedEx Express FR à payer à la société Messagerie [E] et fils la somme totale de quatre mille trois cent soixante-six euros et trente-et-un centimes (4.366,31 euros) HT, outre la TVA à 20 %, au titre de la garantie de chiffre d'affaires minimum, pour les opérations de distribution et de collecte ;

Condamne la société FedEx Express FR aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société FedEx Express FR à payer à la société Messagerie [E] et fils la somme de deux mille cinq cents euros (2.500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/01777
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.01777 ?
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