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03/07/2024 | FRANCE | N°23/01648

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 03 juillet 2024, 23/01648


N° RG 23/01648 -N°Portalis DBVX-V-B7H-O2B7









Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon

au fond du 30 janvier 2023



RG : 22/08208





[J]



C/



[V]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRÊT DU 03 Juillet 2024





M. [I] [J]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 13] (69)

[Adresse 5]

[Localité 6]>


Représenté par Me Jean-marc HOURSE de la SELARL CABINET JEAN MARC HOURSE, avocat au barreau de LYON, toque : 346





INTIMÉE :



Mme [G] [V] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 13] (69)

[Adresse 7]

[Localité 4]



Représentée p...

N° RG 23/01648 -N°Portalis DBVX-V-B7H-O2B7

Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon

au fond du 30 janvier 2023

RG : 22/08208

[J]

C/

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 03 Juillet 2024

M. [I] [J]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 13] (69)

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Jean-marc HOURSE de la SELARL CABINET JEAN MARC HOURSE, avocat au barreau de LYON, toque : 346

INTIMÉE :

Mme [G] [V] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 13] (69)

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Guillaume ROSSI de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON, toque : 538

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 19 Décembre 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Mai 2024

Date de mise à disposition : 03 Juillet 2024

Audience tenue par Bénédicte BOISSELET, président, et Véronique MASSON-BESSOU, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, un membre de la Cour a fait le rapport,

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

- Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige

[X] [K] est décédé à [Localité 10] le [Date décès 3] 2021, sans héritiers réservataires.

Par testament olographe, il a désigné deux légataires universels pour hériter de ses biens, sa filleule, [G] [N] et son filleul [I] [J].

L'étude notariale [M] a été chargée du règlement de la succession et l'acte de notoriété a été signé le 1er juillet 2021.

Pour autant, la liquidation de la succession a été suspendue en raison de différends entre les deux héritiers à l'occasion du règlement de la succession.

Dans ce contexte, par exploit du 26 septembre 2022, [I] [J] a assigné [G] [N] devant le Président du Tribunal judiciaire de Lyon selon la procédure accélérée au fond au visa des article 815-11 du Code civil et 1380 du Code de procédure civile, aux fins, au principal, de la voir condamner sous astreinte à donner instruction à l'étude notariale [M] de débloquer la somme de 150 000 € en faveur de chacun des légataires universels à titre d'une avance sur capital.

L'affaire a été évoquée à l'audience du 2 janvier 2023.

A cette audience, [I] [J] a maintenu sa demande principale, sollicitant en outre que [G] [N] soit condamnée sous astreinte à lui communiquer deux contrats d'assurance vie souscrits auprès de la [8] et de la [9] par le défunt et les justificatifs des sommes qu' elle a perçues auprès de ces deux assureurs, aux motifs qu'il n'avait rien perçu à ce titre alors qu'il était également bénéficiaire de ces assurances vie, et à titre subsidiaire, que l'étude notariale [M] soit autorisée à consulter le fichier SICOVIE concernant les deux contrats d'assurance vie.

[G] [N] s'est opposée à l'ensemble des demandes.

Par jugement du 30 janvier 2023, le Président du Tribunal judiciaire de Lyon a :

Dit que l'étude notariale [M], saisie de la succession de Monsieur [X] [K], est tenue de remettre à [I] [J] la somme de 150.000 € à titre d'avance en capital à recevoir sur ses droits dans la succession, sur présentation de la décision ;

Rejeté les demandes de communication de pièces ;

Condamné [G] [N] aux dépens et laissé à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés.

Il a été retenu en substance :

qu'en application des dispositions de l'article 815-11 du Code civil, il convient de faire droit à la demande d'avance en capital, les conditions énoncées à cet article étant remplies ;

qu'en revanche, [I] [J] ne justifiant pas de l'existence des contrats d'assurance vie souscrits auprès de la [8] et de la [9], sa demande concernant les contrats d'assurance vie, y compris celle relative à la consultation du fichier SICOVIE, doit être rejetée, étant observé que les parties n'étant pas héritières réservataires du défunt, il n'existe aucune obligation de communication à leur égard.

Par acte régularisé par RPVA le 27 février 2023, [I] [J] a interjeté appel du jugement du 30 janvier 2023, limitant son appel au chef de décision ayant rejeté ses demandes de communication de pièces et aux dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 17 mai 2023, [I] [J] demande à la cour de :

Vu les articles 481-1 et 1380 du Code de procédure civile, 815-11 du Code civil,

Vu les articles 132, 133, 142 et 145 du Code de procédure civile,

Réformer le jugement rendu le 30 janvier 2023, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de communication forcée des polices d'assurance vie souscrites auprès de la [11],

Statuant de nouveau,

Condamner [G] [N] à produire les deux contrats d'assurance vie auprès de [11], et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt,

À titre subsidiaire, autoriser Maître [M], chargé de la succession, à consulter le ficher SICOVIE concernant une assurance vie auprès de [11], afin d'obtenir copie de ces deux contrats,

Condamner [G] [N] aux entiers dépens, outre une somme de 2 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelant fait valoir qu'il devait être fait droit à sa demande de communication de pièces concernant les contrats d'assurance vie, aux motifs :

que le défunt avait souscrit quatre contrats d'assurance vie, notamment deux polices [12] et [14], pour lesquelles [G] [N] a réalisé les démarches auprès des compagnies pour elle même et pour son compte, chacun d'eux ayant perçu la quote part lui revenant ;

qu'en revanche, il n'a eu aucune nouvelle des polices souscrites auprès de la [8] ([11]) et de la [9], alors que s'agissant de la [8], [G] [N] s'était chargée de réaliser les démarches, ce dont il justifie par un document qu'il a reçu de la [8] ;

qu'[G] [N] a pu encaisser l'assurance vie souscrite auprès de la [8], mais sans lui reverser sa quote part, étant rappelé que le défunt a clairement indiqué que l'ensemble de son patrimoine devait être divisé en parts égales entre son filleul et sa filleule ;

qu'il appartenait à [G] [N], qui fait état des assurances vie dans ses écritures, de produire les contrats sus-visés, en application de l'article 132 du Code de procédure civile.

En réponse aux dernières écritures d' [G] [N], il observe :

qu'il apprend qu'il n'y a jamais eu d'assurance vie auprès de la [9], et s'étonne que le notaire, qui en avait été informé, ne ne lui en ait rien dit, mais qu'en tout état de cause, [G] [N] ne donne aucune information sur le contrat de la [11] ;

que si l'intimée évoque l'article L 132-12 du Code des assurances, selon lequel l'assurance vie ne fait pas partie de la succession, pour autant, en vertu de l'article L 132-11 du même code, dans l'hypothèse où le décès de [X] [K] serait intervenu avant la désignation d'un bénéficiaire, le capital ferait partie de la succession ;

qu'en outre, il ressort d'un courrier du 6 avril 2022 de la [11] qu'il existe deux contrats d'assurance vie auprès de cet organisme, étant observé que la désignation de l'intimée sur ces deux seuls contrats est incohérente au regard des intentions expressément émises par le défunt.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 30 mars 2023, [G] [N] demande à la cour de :

Vu l'article 9 du Code de procédure civile, l'article 1315 al 1 du Code civil, l'article L.132-12 du Code des assurances,

Constater qu'elle n'est tenue d'aucune obligation de communication à l'égard de [I] [J], ce dernier n'étant pas héritiers réservataires, ce conformément à l'article L.132-12 du Code des assurances,

Constater que [I] [J] échoue à la charge de la preuve de ses prétentions et de l'existence de l'obligation dont il réclame l'exécution, conformément à l'article 9 du Code de procédure civile et à l'article 1315 al 1 du Code civil,

Par conséquent,

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de communication de pièces ;

En tout état de cause,

Rejeter toutes demandes, fins, moyens et conclusions plus amples ou contraire de [I] [J] à son encontre,

Rejeter la demande d'indemnisation à hauteur de 2 800 € de [I] [J] à son encontre sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner [I] [J] à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et condamner le même aux dépens.

[G] [N] expose :

que si [X] [K] avait bien mis, au nom de ses deux filleuls plusieurs assurances vie, revenant pour moitié à chacun d'eux, c'était uniquement auprès de la [12], ce dont elle justifie, l'appelant ayant à ce titre perçu les sommes lui revenant.

que concernant la [9], il n'existe aucun contrat d'assurance vie souscrit, ce que savait [I] [J] ;

Concernant la [8] ([11]), l'intimée relève :

que [I] [J] produit un document qui s'avère être un formulaire vierge de procuration auprès de la [8], qui ne permet pas de rapporter la preuve qu'elle aurait réalisé des opérations pour le compte de [I] [J] auprès de [11] ;

que le fait que le défunt ait souhaité que l'ensemble de son patrimoine soit divisé en parts égales entre les deux héritiers est sans incidence dès lors qu'en vertu de l'article L.132-8 du Code des assurances, les assurances-vie ne rentrent pas dans la succession ;

qu'en réalité, l'appelant tente de faire croire qu'elle aurait appréhendé de l'argent dont elle n'aurait pas été bénéficiaire, ce qui n'est pas le cas ;

qu'en outre, dès lors que tous deux n'ont pas la qualité d'héritiers réservataires, aucune obligation de communication n'existe à leur égard, si bien qu'elle est totalement libre de disposer de ses informations personnelles concernant d'éventuelles assurances vie dont elle serait la seule bénéficiaire, s'il en existe, au sein de [11].

L'affaire a été évoquée à l'audience de la 8ème chambre de la cour du 19 décembre 2023 et mise en délibéré au 14 février 2024.

Par arrêt du 14 février 2024, la cour a ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur l'irrecevabilité de la demande de communication de pièces de [I] [J] dans le cadre d'une saisine du Président du Tribunal judiciaire selon la procédure accélérée au fond en application des dispositions de l'article 815-11 du Code civil, et a ordonné le rappel de l'affaire à l'audience du 7 mai 2024.

Par courrier du 20 décembre 2023, [I] [J] a soutenu que le Président du Tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, avait bien compétence pour statuer sur sa demande de communication de pièces, aux motifs qu'aucune disposition légale ne limite le pouvoir juridictionnel du Tribunal judiciaire saisi selon la procédure accélérée au fond et qu'une compétence d'attribution ne fait pas obstacle à ce que la juridiction saisie puisse trancher une demande accessoire.

Par courrier du 16 avril 2024, [G] [N] a fait valoir que la demande était irrecevable, aux motifs que les dispositions de l'article 815-11 du Code civil, combinées avec celle de l'article 1380 du Code de procédure civile, ne peuvent qu'appeler une application stricte de ces textes et entraîner l'irrecevabilité de toute demande annexe.

A l'audience du 7 mai 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 4 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I : Sur la demande de production des polices d'assurance vie

[I] [J] a saisi initialement le Président du Tribunal judiciaire de Lyon selon la procédure accélérée au fond, au visa des articles 815-11 du Code civil et 1380 du Code de procédure civile aux fins d'obtenir une avance en capital sur la succession de [X] [K].

Selon l'article 815-11 alinéa 4 du Code civil, tout indivisaire peut demander une avance en capital sur ses droits dans le partage à intervenir.

Par ailleurs, aux termes de l'article 1380 du Code de procédure civile, les demandes formées en application des articles 772, 794, 810-5, 812-3, 813-1, 813-7, 813-9 et du deuxième alinéa de l'article 814, des articles 815-6, 815-7, 815-9 et 815-11 du Code civil sont portées devant le Président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond.

Ainsi, dès lors qu'il sollicitait une avance sur capital, [I] [J] ne pouvait présenter sa demande que devant le Président du Tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, tel que le prévoit l'article 1380 du Code de procédure civile.

Par ailleurs, dans le cadre de l'audience, [I] [J] a également sollicité qu'[G] [N] soit condamnée sous astreinte à lui communiquer deux contrats d'assurance vie.

Si [I] [J] ne précise pas clairement le fondement juridique de sa demande dans le corps de ses écritures, il semble se référer dans leur dispositif à l'article 145 du Code de procédure civile.

Or, une telle demande ressort, au regard des dispositions de l'article 145 du Code de procédure civile, des pouvoirs du Président du tribunal judiciaire statuant en référé et non selon la procédure accélérée au fond.

Surtout, la cour rappelle que dans le cadre de la procédure accélérée au fond, le Président du Tribunal judiciaire exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction du fond, raison pour laquelle sa décision est un jugement, qui a l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche, ce qui n'est pas le cas d'une ordonnance de référé.

Il en résulte que le Président du Tribunal judiciaire ne peut intervenir dans une même affaire en qualité de juge du fond et en qualité de juge des référés et qu'il appartenait à [I] [J] de diligenter de façon distincte une procédure de référé concernant sa demande de production de pièces.

En conséquence, la cour retient que la demande de production de pièces formées par [I] [J] portée devant le Président du Tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond est irrecevable, celui-ci n'ayant pas le pouvoir de statuer sur cette demande.

La cour infirme en conséquence la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de communication de pièces de [I] [J] et a de ce fait considéré que le Président du Tribunal judiciaire avait les pouvoirs juridictionnels pour statuer sur cette demande et statuant à nouveau :

Déclare [I] [J] irrecevable en sa demande de communication de pièces.

II : Sur les demandes accessoires

La cour condamne [I] [J], partie perdante, aux dépens à hauteur d'appel et le condamne également à payer à [G] [N] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de communication de pièces de [I] [J] et statuant à nouveau :

Déclare [I] [J] irrecevable en sa demande de communication de pièces ;

Condamne [I] [J] aux dépens à hauteur d'appel ;

Condamne [I] [J] à payer à [G] [N] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23/01648
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;23.01648 ?
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