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03/07/2024 | FRANCE | N°22/06123

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 03 juillet 2024, 22/06123


N° RG 22/06123 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OP4S







Décision du Tribunal de proximité de Villeurbanne au fond du 13 juin 2022



RG :











[E] [Y]



C/



Etablissement L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DÉNOMMÉ GRAND LYON HA BITAT, ANCIENNEMENT DÉNOMMÉ OPAC DU GRAND LYON





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRÊT DU 03 Juillet 2024







APPELANTE :



Mme [O] [E] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 1]





(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/012524 du 28/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Lyon)



Représentée par Me Jean-baudoin kakela...

N° RG 22/06123 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OP4S

Décision du Tribunal de proximité de Villeurbanne au fond du 13 juin 2022

RG :

[E] [Y]

C/

Etablissement L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DÉNOMMÉ GRAND LYON HA BITAT, ANCIENNEMENT DÉNOMMÉ OPAC DU GRAND LYON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 03 Juillet 2024

APPELANTE :

Mme [O] [E] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 1]

(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/012524 du 28/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Lyon)

Représentée par Me Jean-baudoin kakela SHIBABA, avocat au barreau de LYON, toque : 1145

INTIMÉ :

L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DÉNOMMÉ GRAND LYON HABITAT, ANCIENNEMENT DÉNOMMÉ OPAC DU GRAND LYON, Etablissement Public Industriel et Commercial, immatriculé au RCS de LYON sous le n° 399 898 345, dont le siège social est [Adresse 2] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Catherine GAUTHIER de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : T 713

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 10 Avril 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Mai 2024

Date de mise à disposition : 03 Juillet 2024

Audience présidée par Bénédicte BOISSELET, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

- Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige

Grand Lyon Habitat a donné à bail à Madame [O] [E] [Y] un local à usage d'habitation, situé au sein de la résidence [Adresse 3] à [Localité 5] (Rhône) ainsi qu'une cave portant le numéro 82.

Réalisant des travaux de réhabilitation commandant la libération des caves, dont celle louée à Madame [O] [E] [Y], Grand Lyon Habitat a prêté à cette dernière la cave portant le numéro 104, située dans le bâtiment E1, au cours des années 2018 et 2019.

Par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 10 mai 2019, Madame [O] [E] [Y] a informé Grand Lyon Habitat que les biens entreposés dans le cave qui lui avait été prêtée avaient été « saisis ».

Par courrier du 20 mai 2019, Grand Lyon Habitat a répondu qu'il avait pris contact avec le prestataire en charge de débarrasser la cave pour avoir d'avantage d'informations.

Le 16 décembre 2019, le conseil de Madame [O] [E] [Y] a mis en demeure Grand Lyon Habitat de lui rembourser la somme de 11 654,49 euros correspondant à la valeur du matériel entreposé dans la cave numéro 104 qui avait disparu.

En l'absence de réponse, Madame [O] [E] [Y], par exploit du 26 octobre 2020, a assigné Grand Lyon Habitat devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de Villeurbanne afin de voir condamner Grand Lyon Habitat au principal à lui verser la somme de 11 654,49 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi outre 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par jugement du 13 juin 2022, le Tribunal de proximité de Villeurbanne a :

Reconnu Grand Lyon Habitat responsable du préjudice subi par Madame [O] [E] [Y] à la suite du débarrassage de la cave n°104 qu'il lui avait prêtée,

Condamné en conséquence Grand Lyon Habitat à verser à Madame [O] [E] [Y] une somme de 1 200 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel ainsi qu'une somme de 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

Condamné Grand Lyon Habitat à verser à Maître Shibaba, conseil de Madame [O] [E] [Y], une indemnité de 750 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et 700 du Code de procédure civile,

Condamné Grand Lyon Habitat aux entiers dépens de l'instance.

Le tribunal a retenu en substance :

que Madame [O] [E] [Y] rapporte la preuve, par le courrier de Grand Lyon Habitat du 19 octobre 2021, que la cave numéro 104 située au bâtiment E1 lui a été prêtée entre 2018 et 2019 dans le cadre des travaux de réhabilitation des caves de son bâtiment ;

qu'il ressort des attestations qu'elle produit qu'elle avait entreposé des objets dans la cave qui lui avait été prêtée et qu'elle ne les a pas retrouvés ;

qu'elle rapporte de façon suffisante la preuve que la cave qui lui avait été prêtée a été reprise à la demande du bailleur par son prestataire et vidée sans qu'elle en ait été avisée et que donc Grand Lyon habitat a commis une faute engageant sa responsabilité au visa de l'article 1240 du Code civil, le bailleur ayant reconnu avoir mandaté une société prestataire pour le débarrassage des caves ;

que concernant le préjudice matériel allégué, l'inventaire des biens disparus dont se prévaut Madame [O] [E] [Y] n'est conforté par aucun élément de preuve sérieux et qu'il convient en conséquence de réduire à 1 200 € l'indemnisation au titre du préjudice matériel ;

que le fait que la cave dont Madame [O] [E] [Y] avait la jouissance ait été vidée sans l'en avoir informée lui a nécessairement causé un préjudice moral qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de la somme de 500 €.

Par déclaration du 02 septembre 2022, Madame [O] [E] [Y] a interjeté appel de l'intégralité des chefs de décision du jugement du 13 juin 2022, dont elle a repris les termes, à l'exception de la condamnation de Grand Lyon Habitat aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 18 octobre 2022, Madame [O] [E] [Y] demande à la cour de :

Vu les articles L 213-4-4 du COJ, 6 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989, 514, 514-1, 696 et 700-2° du Code de procédure civile,

Vu le décret 2015-271 du 11 mars 2015 relatif à la rétribution des interventions des avocats au titre de l'aide juridique,

Dire et juger qu'elle est fondée et recevable ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a été jugé Grand Lyon Habitat entièrement responsable du préjudice qu'elle a subi du fait de son prestataire la société Buers Service ;

Dire et juger, que Grand Lyon Habitat a manqué à l'obligations contractuelle de garantir à la locataire la jouissance paisible ;

Dire et juger que le tribunal n'a donné aucun fondement à l'évaluation de son préjudice matériel ;

Réformer en conséquence le jugement du 13 juin 2022, dans les autres dispositifs et condamner en conséquence Grand Lyon Habitat à lui payer les sommes suivantes :

11 654,49 euros, en réparation de son préjudice matériel de laquelle sera déduit la somme de 1 200 euros déjà payée en exécution du jugement ;

5 000 euros réparation du préjudice moral, de laquelle sera déduit la somme de 500 euros déjà payée en exécution du jugement ;

3 000 euros, au titre des articles combinés 700 du Code de procédure civile et 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Dire et juger que le montant de la condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, sera attribuée au conseil de la requérante, moyennant renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, s'il parvient à la recouvrer ;

Condamner Grand Lyon Habitat aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Shibaba, conseil de Madame [E] [Y] ;

Subsidiairement, et pour le cas où la requérante serait condamnée aux dépens, faire application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et laisser les dépens à la charge de l'Etat.

[O] [E] [Y] expose en substance :

qu'en application de l'article 1240 du Code civil, on est responsable du dommage que l'on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ;

que Grand Lyon Habitat a reconnu qu'il lui avait prêté la cave numéro 104, dont elle verse d'ailleurs aux débats la clé et reconnu avoir mandaté la société Buer pour débarrasser les caves ;

qu'elle justifie par de nombreuses attestations qu'elle avait entreposés des biens dans sa cave et que sa cave a été vidée après le passage de la société Buers, qui a changé les serrures ;

que Grand Lyon Habitat s'était engagé a interrogé son prestataire mais n'a jamais communiqué la réponse de celui-ci ;

qu'elle ne vise pas la responsabilité de Grand Lyon Habitat du fait d'un tiers mais du fait de son préposé, la société Buers Service, qui a agi sur son ordre.

Madame [O] [E] [Y] soutient en premier lieu que la demande indemnitaire qu'elle présente au titre de son préjudice matériel est fondée, aux motifs :

qu'elle achemine régulièrement des biens aux Comores par bateau dans un container de 20 pieds et que d'ailleurs la société Buers avait dû utiliser un camion d'un volume semblable pour débarrasser sa cave ;

que pour pouvoir remplir le container, elle achetait régulièrement des biens lors des soldes, attendant d'avoir une quantité suffisante avant d'expédier le container, raison pour laquelle les biens ont été achetés sur plusieurs années, puisqu'elle n'a pas les moyens financiers d'acquérir les biens en une seule fois ;

qu'ayant été à l'origine de la destruction des biens et ayant placé sa locataire dans l'impossibilité d'effectuer un inventaire contradictoire, Grand Lyon Habitat est mal fondée à contester la liste et la valeur des biens et qu'en outre, il ne pouvait être appliquée une vétusté, s'agissant de biens neufs, conservés dans l'attente de leur expédition.

En second lieu, l'appelante fait valoir que sa demande à hauteur de 5 000 € au titre de son préjudice moral est amplement justifiée, aux motifs :

que c'est par de grands sacrifices qu'elle a pu acheter les biens qu'elle espérait envoyer à sa famille aux Comores afin de l'aider matériellement à mieux vivre ;

que le comportement de Grand Lyon Habitat a été plus qu'humiliant en ne communiquant pas la réponse de la société Buers, en cherchant à s'exonérer en alléguant d'un vol par un tiers alors qu'il est établi que c'est la société mandatée par le bailleur qui a emporté les biens en raison des mauvaises instructions de Grand Lyon Habitat concernant l'adresse et en aggravant sa souffrance en contestant la liste des biens disparus ;

qu'ainsi, son préjudice moral est non seulement affectif mais découle également de la mauvaise foi du bailleur et de sa résistance abusive.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 5 avril 2024, Grand Lyon Habitat demande à la cour de :

Vu les articles 1719 et suivants du Code civil, Vu l'article 1240 du Code civil,

Infirmer le jugement du 13 juin 2022 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lyon, Tribunal de proximité de Villeurbanne, en toutes ses dispositions, en ce qu'il reconnaît Grand Lyon Habitat responsable du préjudice subi par Mme [O] [E] [Y] en suite du débarrassage de la cave n° 104 prêtée par Grand Lyon Habitat à sa locataire,

Condamne en conséquence Grand Lyon Habitat à verser à Mme [O] [E] [Y] une somme de 1 200 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ainsi qu'une somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

Condamne Grand Lyon Habitat à verser à Maître Shibaba une indemnité de 750 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et 700 du Code de procédure civile

Et, statuant à nouveau,

Juger que Madame [O] [E] [Y] n'apporte aucune preuve de ses allégations ;

Juger qu'aucune faute ne peut être imputée à Grand Lyon Habitat.

En conséquence,

Débouter Madame [O] [E] [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner Madame [O] [E] [Y] à payer à Grand Lyon Habitat la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la même aux entiers dépens de l'instance et de toutes ses suites.

A l'appui de ces prétentions, Grand Lyon Habitat soutient essentiellement :

qu'au visa de l'article 1240 du Code civil, le bailleur n'encourt aucune responsabilité en raison du vol commis par un tiers au préjudice du locataire dans les locaux faisant l'objet du bail ;

que Madame [O] [E] [Y] ne démontre pas l'existence d'une faute de la part de Grand Lyon Habitat, en contravention avec les dispositions de l'article 1315 du Code civil ;

que Grand Lyon Habitat s'est rapproché de la société Buers Services en charge des débarrassage de caves dans ce secteur, et que la cave de [O] [E] [Y] ne figure pas dans les listes ;

qu'il n'est pas démontré que les biens dont Madame [O] [E] [Y] demande le remboursement étaient dans la cave, d'autant que certaines factures ne sont pas à son nom ;

qu'en outre, l'appelante ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I : Sur les demandes d'indemnisation de Madame [O] [E] [Y]

La cour, à l'examen des pièces versées aux débats, (courriers de Grand Lyon Habitat, réclamations de Madame [O] [E] [Y], attestations de mesdames [H] [B], [Z] [J], [C] [G] et de Messieurs [K] [W] et [A] [F], contrat de bail) retient :

que Madame [O] [E] [Y] est locataire au sein du bâtiment D3 de la résidence [Adresse 3] à [Localité 5] depuis le 1er mai 2010 d'un appartement et d'une cave portant le numéro 82, la location de la cave ayant couru jusqu'au 1er janvier 2019 ;

qu'en raison de travaux de rénovation affectant les caves, lesquels devaient se dérouler au cours de la période 2018-2019 le bailleur a informé les locataires le 5 octobre 2018 qu'il convenait de vider les caves ;

que dans ce cadre, Grand Lyon Habitat a prêté à Madame [O] [E] [Y] la cave Numéro 104 située dans le bâtiment E1 de la résidence, pour qu'elle puisse y entreposer ses affaires, Madame [O] [E] [Y] justifiant d'ailleurs avoir les clés de cette cave ;

que lorsque Madame [O] [E] [Y] a voulu au cours de l'année 2019 accéder à sa cave, elle s'est aperçue dans un premier temps que les serrures avaient été changées et qu'elle ne pouvait y accéder et dans un second temps, contact pris auprès de Grand Lyon Habitat, que la cave avait été entièrement vidée, ce que confirment dans leurs attestations mesdames [H] [B], [Z] [J], [C] [G] et Messieurs [K] [W] et [A] [F].

Il ressort des mails produits par Grand Lyon Habitat que lorsque les travaux devaient être entrepris dans une cave, Grand Lyon Habitat demandait à la société Buers, son prestataire de vider la cave.

Il ne peut qu'en être déduit qu'en réalité, la cave numéro 104 prêtée à Madame [O] [E] [Y] a en réalité été vidée par erreur par Grand Lyon Habitat.

La cour retient également que dès lors que la cave litigieuse était prêtée par Grand Lyon Habitat à titre gratuit et uniquement à titre temporaire durant les travaux, les parties sont en réalité liées par un contrat de prêt à usage, au sens de l'article 1888 du Code civil et qu'à ce titre il appartenait à Grand Lyon Habitat de s'assurer en ordonnant que la cave litigieuse soit vidée qu'il ne s'agissait pas d'une cave "occupée", ce que Grand Lyon Habitat ne pouvait ignorer puisqu'il reconnaît expressément avoir prêté la cave numéro 104 à Madame [O] [E] [Y] pendant la durée des travaux.

Si Grand Lyon Habitat évoque un vol par un tiers dont il ne serait pas responsable, il apparaît en réalité que si les effets de Madame [O] [E] [Y] ont disparu, c'est en réalité en raison d'une négligence, en tous cas d'une erreur de Grand Lyon Habitat, lequel a ordonné à son prestataire de vider la cave litigieuse, privant de ce fait Madame [O] [E] [Y] de récupérer les effets qu'elle y avait entreposés.

En cela, Grand Lyon Habitat a commis, dans le cadre du contrat de prêt à usage, une faute dont il doit réparation à Madame [O] [E] [Y].

Pour autant, dès lors que Madame [O] [E] [Y] se prévaut d'une créance de 11 654,40 € au titre de son préjudice matériel, correspondant selon elle à la valeur des biens qu'elle avait entreposés dans la cave, il lui appartient en vertu de l'article 1315 du Code civil, de rapporter la preuve de la réalité de son préjudice matériel.

Or, force est de constater qu'elle ne rapporte pas cette preuve, alors que :

d'une part, si elle produit de nombreuses factures pour justifier de son préjudice, rien ne permet d'en déduire que les biens dont elle fait état se trouvaient dans la cave ;

d'autre part, si elle donne une explication pour justifier leur présence dans la cave litigieuse, à savoir qu'elle entreposait régulièrement des biens qu'elle achetait pour les faire partir par container aux Comores, pays dont elle est originaire, notamment à destination de sa famille, elle ne justifie aucunement de l'organisation d'un tel transport.

Il en résulte que dès lors que Madame [O] [E] [Y] n'est pas en mesure de rapporter la preuve que des biens à hauteur d'un montant de 11 654,40 € se trouvaient dans sa cave, elle n'est pas fondée en sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel.

La décision déférée doit donc être infirmée à ce titre.

Pour autant, il n'est pas contestable que Madame [O] [E] [Y] avait entreposé des biens dans sa cave, le prêt d'une cave durant les travaux par Grand Lyon Habitat n'ayant aucun sens dans le cas contraire, et il est d'ailleurs confirmé par les attestations de mesdames [H] [S], [Z] [J], [C] [G] et Messieurs [K] [W] et [A] [F] que Madame [O] [E] [Y] y avait procédé.

La cour considère que Grand Lyon Habitat, en vidant la cave numéro 104 par erreur sur ordre donné à son prestataire la société Buer Services, a privé Madame [O] [E] [Y] de la possibilité de réclamer indemnisation d'un préjudice matériel justifié dans son principe, étant observé qu'il ne peut être reproché à l'appelante de n'avoir pas fait établir un inventaire précis des biens déposés dans sa cave alors que rien ne lui permettait de prévoir que cette cave serait vidée sans son consentement.

La cour retient également que Grand Lyon Habitat, qui s'est engagé le 20 mai 2019 auprès de l'appelante à vérifier auprès de son prestataire pour quelle raison cette cave avait été vidée et qui n'a donné aucune suite à cet engagement, (pas plus qu'il n'a donné de réponse à son courrier du 9 août 2019, dans lequel elle produisait, répondant en cela à la demande de Grand Lyon Habitat, le descriptif complet des biens perdus ainsi que les justificatifs d'achat), qui se limite à produire à l'audience des justificatifs d'ordres pour débarrasser les caves sans rapport avec le bâtiment concerné et plus précisément la cave querellée, et qui enfin reproche à Madame [O] [E] [Y] de ne pas rapporter la preuve d'éléments dont il a en réalité à l'évidence connaissance, fait preuve d'une mauvaise foi certaine à l'égard de Madame [O] [E] [Y].

La cour en déduit que les agissements précités sont de nature à générer un préjudice moral incontestable pour Madame [O] [E] [Y], laquelle non seulement a été privée injustement de biens qui étaient sa propriété mais également doit faire face à une mauvaise foi de Grand Lyon Habitat qui reporte sur elle la responsabilité d'une situation dont lui seul est responsable.

En conséquence, la cour considère qu'il est justifié d'accorder à Madame [O] [E] [Y] la somme de 3 000 € en réparation de son préjudice moral.

La décision déférée est donc infirmée à ce titre et la cour, statuant à nouveau, condamne Grand Lyon Habitat à payer à Madame [O] [E] [Y] la somme de 3 000 € en réparation de son préjudice moral.

II : Sur les demandes accessoires

Grand Lyon Habitat succombant, la cour confirme la décision déférée qui l'a condamné aux dépens de la procédure de première instance et à payer à Maître Shibaba, conseil de Madame [O] [E] [Y], la somme de 750 € sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du Code de procédure civile, justifiée en équité.

La cour condamne Grand Lyon Habitat, partie perdante, aux dépens à hauteur d'appel.

La cour condamne Grand Lyon Habitat à payer à Maître Shibaba, conseil de Madame [O] [E] [Y], une indemnité de 2 000 € sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du Code de procédure civile, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La cour :

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a :

condamné l'OPH Grand Lyon Habitat à payer à Madame [O] [E] [Y] la somme de 1200 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,

condamné l'OPH Grand Lyon Habitat à payer à Madame [O] [E] [Y] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

et,

Statuant à nouveau :

Déboute Madame [O] [E] [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel ;

Condamne l'OPH Grand Lyon Habitat à payer à Madame [O] [E] [Y] la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Condamne l'OPH Grand Lyon Habitat aux dépens à hauteur d'appel ;

Condamne l'OPH Grand Lyon Habitat à payer à Maître Shibaba, conseil de Madame [O] [E] [Y], une indemnité de 2 000 € sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/06123
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;22.06123 ?
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