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03/07/2024 | FRANCE | N°22/04582

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 03 juillet 2024, 22/04582


N° RG 22/04582 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OMBY















Décision du Tribunal de proximité de villeurbanne au fond du 26 avril 2022



RG : 11-21-0022











[L]



C/



[V]

[X]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRÊT DU 03 Juillet 2024





APPELANT :



M. [Y] [O] [L]

né le 3 novembre

1981 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 5]



(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2022/011343 du 07/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Lyon)



Représenté par Me Jean-philippe BELVILLE, avocat au barreau de LYON, toque : 3030

Ayant po...

N° RG 22/04582 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OMBY

Décision du Tribunal de proximité de villeurbanne au fond du 26 avril 2022

RG : 11-21-0022

[L]

C/

[V]

[X]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 03 Juillet 2024

APPELANT :

M. [Y] [O] [L]

né le 3 novembre 1981 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 5]

(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2022/011343 du 07/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Lyon)

Représenté par Me Jean-philippe BELVILLE, avocat au barreau de LYON, toque : 3030

Ayant pour avocat plaidant Me Georges BUISSON de la SELARL CABINET COTESSAT-BUISSON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

Mme [U] [P] [V] épouse [L]

née le 08 Février 1979 à [Localité 11]

domiciliée au CCAS - Hôtel de Ville de [Localité 8]

[Adresse 9] - [Localité 6]

(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/014009 du 22/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Lyon)

Représentée par Me Anne-laure BOUVIER, avocat au barreau de LYON, toque : 2379

M. [N] [X]

né le 21 Mars 1972 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Localité 1]/FRANCE

Représenté par Me Pierre emmanuel THIVEND de la SELARL SELARL D'AVOCAT PIERRE-EMMANUEL THIVEND, avocat au barreau D'AIN

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 10 Avril 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Mai 2024

Date de mise à disposition : 03 Juillet 2024

Audience présidée par Bénédicte BOISSELET, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

- Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige

Par contrat du 24 avril 2017, [N] [X] a donné à bail à [U] [L] née [V] et [Y] [L] un logement à usage d'habitation situé [Adresse 4] à [Localité 8] (Rhône), comprises ainsi qu'une place de parking privé intérieur et un garage fermé situés à la même adresse que le logement, ce moyennant un loyer mensuel de 870 € charges comprises.

Les époux s'étant séparés, [Y] [L] a donné son congé au bailleur par lettre recommandée avec avis de réception du 8 septembre 2018, reçue le 11 septembre 2018.

Par ordonnance de protection du 25 octobre 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lyon a attribué la jouissance exclusive du domicile conjugal à [U] [V] épouse [L].

Par ordonnance de non conciliation du 20 février 2019, le juge aux affaires familiales a attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal et fixé le devoir de secours de [Y] [L] à la somme de 200 € par mois.

En date du 17 décembre 2020, [N] [X] a fait délivrer à [U] [V] épouse [L] et [Y] [L] un commandement de payer au principal la somme de 7 159 € au titre des loyers dus au mois de décembre 2020, commandement visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail.

Aux motifs que les causes du commandement n'avaient pas été apurées dans le délai de deux mois, [N] [X], par exploit du 25 juin 2021, a assigné [U] [L] née [V] et [Y] [L] devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de Villeurbanne afin de voir au principal constater la clause résolutoire du contrat de bail et statuer sur ses conséquences, et condamner les locataires au paiement de la somme de 12 005,00 € au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 31 mai 2020, montant par la suite actualisé à l'audience à la somme de 12 992, 91 € arrêtée au 3 mars 2022, échéance du mois de février incluse.

Par jugement du 26 avril 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Villeurbanne a :

Constaté la résiliation judicaire des baux ayant lié les parties à la date du 18 février 2021,

Autorisé [N] [X] à faire procéder à l'expulsion de [U] [L] née [V] et à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier, à défaut pour celle-ci d'avoir libéré les lieux dans les deux mois de la signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux,

Condamné solidairement [U] [L] née [V] et [Y] [O] [L] à payer à [N] [X] :

La somme de 12 992,91 € au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 3 mars 2022, échéance de février incluse, outre intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020 sur la somme de 7 159 € et à compter du prononcé du jugement sur le surplus,

Une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au loyer et charges courants, outre indexation prévue par le contrat, à compter du 1er mars 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux loués,

Condamné in solidum [U] [L] née [V] et [Y] [L] à payer à [N] [X] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejeté l'ensemble des demandes de [Y] [L],

Condamné in solidum [U] [L] née [V] et [Y] [L] aux dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement de payer et de l'assignation,

Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Le tribunal a retenu en substance :

que l'arriéré n'ayant pas été réglé dans les deux mois du commandement, la clause résolutoire est acquise ;

qu'il ne peut être accordé des délais de paiement suspensifs à [U] [V], dans la mesure où elle n'a pas repris le paiement des loyers courants depuis la décision de la commission de surendettement du 26 août 2021 ayant déclaré recevable son dossier avec une orientation vers un rétablissement personnel dans liquidation judicaire ;

que les époux demeurent co-titulaires du bail jusqu'à la retranscription du jugement de divorce en marge des registres de l'état civil et qu'ainsi [Y] [L] est tenu du paiement des loyers et indemnités d'occupation nonobstant son congé notifié au bailleur et l'ordonnance de conciliation du 20 février 2019 qui a attribué la jouissance du domicile conjugal à [U] [V]:

que la procédure de divorce étant en cours, il n'appartient pas au juge des contentieux de la protection de statuer sur la liquidation du régime matrimonial et sur les éventuels droits à récompense ou à indemnité des époux, la demande de garantie de [Y] [L] devant en conséquence être rejetée ;

que [Y] [L], qui ne démontre aucune faute imputable à [U] [V] et aucune faute de négligence de [N] [X], doit être débouté de ses demandes de dommages et intérêts à leur encontre.

Par déclaration du 21 juin 2022, [Y] [L] a interjeté de l'intégralité des chefs de décision du jugement du 26 avril 2022, à l'excepté des dispositions ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire et ordonné l'expulsion de [U] [V].

Aux termes de ses dernières conclusions régularisées par voie électronique le 20 juillet 2022, [Y] [L] demande à la cour de :

Vu les articles 12 et 15 de loi numéro 89-462 du 6 juillet 1989,

Vu les articles 220, 1240 et 1241 du code civil,

Le recevoir en son appel et y faisant droit :

Infirmer le jugement dont appel partiel, sur les points déférés et statuant à nouveau :

Condamner [U] [L] née [V] à le relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au titre du paiement de l'arriéré de loyers et d'indemnités d'occupation ultérieures ;

A titre reconventionnel, condamner [U] [L] née [V] à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts et condamner [N] [X] à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Condamner solidairement [U] [L] née [V] et [N] [X] à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner solidairement [U] [L] née [V] et [N] [X], en tous dépens ;

Débouter [N] [X] et [U] [L] née [V] de toute demande contraire.

A l'appui de ces prétentions, [Y] [L] soutient essentiellement :

Sur la demande de condamnation de [U] [V] à le garantir :

que le principe de solidarité a pris fin entre les époux au jour de l'ordonnance de protection, ou subsidiairement au jour de l'ordonnance de non-conciliation, puisque la jouissance du domicile conjugal a été attribuée de façon exclusive à [U] [V] et qu'ainsi les dettes de loyer contractées après l'une de ces deux dates est une dette personnelle de l'épouse laquelle est seule tenue ;

que l'arriéré locatif concernant des impayés de loyer postérieurs à ces deux ordonnances, il n'est pas tenu ;

Sur les demandes indemnitaires :

que [U] [V] a commis une faute en négligeant de lui signaler qu'elle ne payait plus les loyers, le privant d'une information essentielle et d'une chance de proposer une solution au bailleur et que ce comportement lui a causé préjudice ;

que [N] [X] a commis une faute de négligence :

En lui répondant pas, suite à la réception de son courrier donnant congé des lieux en septembre 2018, pour l'informer qu'il le considérait toujours redevable solidairement des loyers avec son épouse,

En ne l'avisant pas des impayés de loyer cumulés par son épouse, ce qui est pour lui à l'origine d'un préjudice tenant à la perte de chance de voir la situation locative solutionnée s'il avait été avisé en temps et en heure des impayés.

Aux termes de ses dernières conclusions régularisées par voie électronique le 20 octobre 2022, [U] [V] épouse [L] demande à la cour de :

Vu les articles 220, 262, 1240 et 1751 du code civil,

Vu les articles L 741-1, L 741-2 du code de la consommation,

Constater l'effacement de sa dette à l'égard de [N] [X],

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec [Y] [L] à régler à [N] [X] La somme de 12 992,91 € au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 3 mars 2022, échéance de février incluse, outre intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020, soit la somme de 7 159 € et à compter du prononcé du présent jugement sur le surplus, et une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au loyer et charges, outre indexation prévue par le contrat à compter du 1er mars 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux loués,

Débouter [Y] [L] et [N] [X] de toutes demandes plus amples ou contraires,

Condamner [Y] [L] aux entiers dépens.

A l'appui de ces prétentions, [U] [V] épouse [L] soutient essentiellement :

Sur la demande de garantie :

que la solidarité joue quand bien même le logement aurait été attribué à un seul des deux époux par le juge aux affaires familiales dans le cadre des mesures provisoires, et qu'elle ne cesse pas de plein droit dès l'instant où les époux vivent séparément ;

que si [Y] [L] entend faire valoir une créance à son encontre au titre de l'indivision post communautaire, il lui appartiendra d'en faire état lors des opérations de liquidation du régime matrimonial.

Sur la demande de dommages et intérêts :

que [Y] [L] a fait l'objet de poursuites pénales puis d'une condamnation à une peine d'emprisonnement pour des faits d'agressions sexuelles réitérées commis sur sa fille et que c'est dans ce contexte qu'il a dû précipitamment quitter le domicile familial ;

qu'ayant néanmoins essayé de revenir au domicile, elle a dû solliciter une ordonnance de protection, le juge d'instruction lors de la procédure pénale lui ayant fait interdiction d'entrer en contact avec la victime ;

que dans ce contexte, il est particulièrement mal venu de lui reprocher de ne l'avoir pas avisé des difficultés qu'elle rencontrait pour payer les loyers.

Sur l'appel incident :

qu'elle bénéficie d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ordonnée par la Commission de surendettement des particuliers du Rhône depuis le 21 juillet 2022, et que figure au titre des créances actualisées celle de [N] [X] ;

que sa dette a donc été effacée.

Aux termes de ses dernières conclusions régularisées par voie électronique le 13 octobre 2022, [N] [X] demande à la cour de :

Vu les articles 202, 1103, 1104, 1193 et 1741, 1751 du Code civil,

Vu la loi du 6 juillet 1989 n°89-462,

Vu l'article R213-9-7 du Code de l'organisation judiciaire,

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité du 26 avril 2022 dans son intégralité,

Et y ajoutant,

Rejeter l'intégralité des demandes de [Y] [L],

Condamner [Y] [L] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel

A l'appui de ces prétentions, [N] [X] soutient essentiellement :

que [Y] [L] ne peut se considéré comme délié du bail à compter de septembre 2018 alors que la solidarité entre époux subsiste jusqu'à la transcription du jugement de divorce à l'état civil ;

qu'il n'a pas vocation à jouer l'intermédiaire entre des époux locataires séparés ;

qu'il n'a jamais été destinataire du courrier invoqué par [Y] [L].

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS ET DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle que, par application de l'article 562 du Code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

En l'espèce, [Y] [L] n'ayant pas fait appel des chefs de la décision déférée ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire et ordonné l'expulsion de [U] [V] et aucune des parties ne contestant ce chef de décision dans le cadre de la procédure d'appel, il n'y a pas lieu de confirmer ces chefs de de décision comme le sollicite [N] [X] puisqu'ils n'entrent pas dans le cadre de l'appel.

I : Sur la demande de garantie présentée par [Y] [L] à l'encontre de [U] [V]

[Y] [L] soutient que [U] [V] doit être condamnée à le garantir de toute somme qu'il sera conduit à payer au titre de la procédure diligentée à son encontre, notamment la condamnation au titre de l'arriéré de loyers et indemnités d'occupation, aux motifs :

qu'à partir du moment ou la jouissance du logement familial a été attribuée à un seul des époux, les dettes relatives à ce logement ne sont plus destinées à l'entretien du ménage, au sens de l'article 220 du Code civil, seule l'épouse restée dans les lieux devant s'acquitter des dettes nées postérieurement à l'ordonnance de non conciliation ;

que l'arriéré locatif concernant des impayés de loyer postérieurs à ces deux ordonnances, il n'est pas tenu.

Contrairement à ce que fait valoir [Y] [L], la cour rappelle :

que l'article 1751 du Code civil consacre la co-titularité du bail d'habitation pour les époux ;

qu'il ressort des dispositions des articles 220 et 262 du Code civil que les époux sont solidairement tenus jusqu'au jour où le jugement de divorce est mentionné en marge des actes d'état civil des dettes ayant pour objet l'entretien du ménage ;

qu'ainsi, la solidarité subsiste pendant toute la procédure de divorce.

La cour ajoute que s'il est exact que [Y] [L] ne vit plus dans le logement, pour autant, il ne peut en déduire qu'il n'est pas solidairement tenu des dettes relatives au logement dès lors que son épouse vivait dans les lieux avec leurs enfants mineurs et que par voie de conséquence la dette a nécessairement pour objet l'entretien du ménage.

La cour en déduit que c'est à raison que la décision déférée a retenu que [Y] [L] restait cotitulaire du bail jusqu'à la transcription du jugement de divorce en marge des registres de l'état civil, qu'il restait en conséquence solidairement tenu avec son épouse du paiement des loyers et indemnités d'occupation, nonobstant son congé notifié au bailleur et l'ordonnance de non conciliation du 20 février 2019 attribuant la jouissance du domicile conjugal à [U] [V] et l'a donc condamné à payer à [N] [X] la somme de 12 992,91 € au titre de l'arriéré de loyers et indemnités d'occupation arrêté au au 3 mars 2022, échéance de février 2022 incluse et une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er mars 2022.

La cour ajoute que c'est à raison que la décision déférée, pour des motifs que la cour adopte, a rejeté la demande de garantie présentée par [Y] [L] dès lors qu'il est tenu de régler l'arriéré de loyers et indemnités d'occupation en vertu d'une obligation légale, et qu'il n'appartenait pas au juge du contentieux de la protection de se prononcer sur les éventuels droits à récompense ou à indemnité entre époux, ce qui relevait exclusivement des pouvoirs du juge du divorce dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial.

La cour en conséquence confirme la décision déférée qui a rejeté la demande de garantie présentée par [Y] [L] à l'encontre de [U] [V].

II : Sur les demandes de dommages et intérêts présentées par [Y] [L]

1) Sur la demande de dommages et intérêts à l'encontre de [U] [V]

[Y] [L] soutient, au visa des articles 1240 et 1241 du Code civil, que [U] [V] a commis une faute à son encontre en ne l'informant pas qu'elle ne réglait plus le loyer, que c'est en raison de cette faute qu'il se trouve tenu de régler l'arriéré, et qu'elle l'a ainsi privé de trouver une issue rapide pour que la dette de loyer ne cesse de s'amplifier.

La cour observe :

que dès lors que [Y] [L] était tenu solidairement au paiement de l'arriéré de loyers, il lui appartenait de s'assurer du règlement de la dette locative, au besoin en prenant contact à cette fin auprès du bailleur, étant observé qu'il ne peut se retrancher derrière sa propre interprétation de ses obligations, alors qu'il appartenait à lui seul de vérifier qu'elle n'était pas erronée, pour en déduire que [U] [V] était tenue à son égard d'une obligation d'information et qu'elle avait commis une faute à ce titre ;

que de plus, au regard du contexte de séparation du couple, il ne peut être reproché à [U] [V] de ne l'avoir pas tenu informé, dès lors qu'il ressort des pièces versées aux débats que par mesure de protection, tout contact avec [U] [V] lui était interdit (ordonnance de protection du 25 octobre 2018) et que cette interdiction trouvait son origine dans des faits d'agressions sexuelles commis par [Y] [L] à l'encontre de la fille mineure de [U] [V] née d'une première union, faits pour lesquels ce dernier a été condamné par jugement du Tribunal correctionnel de Montpellier du 28 février 2022 à la peine d'emprisonnement de 15 mois, jugement versé aux débats.

La cour en conséquence confirme la décision déférée qui a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par [Y] [L] à l'encontre de [U] [V].

2) Sur la demande de dommages et intérêts à l'encontre de [N] [X]

[Y] [L] soutient, au visa des articles 1240 et 1241 du Code civil, que [N] [X] a commis une faute de négligence à son encontre, qui l'a privée d'une perte de chance de voir la situation locative solutionnée s'il avait été avisé en temps et en heure des impayés :

d'une part en ne l'informant pas, à réception de son congé, qu'il le considérait toujours redevable solidairement des loyers avec son épouse ;

d'autre part, en ne l'avisant pas des impayés de loyer cumulés par son épouse.

Il ajoute que [N] [X] lui a adressé une sommation de payer le 5 mars 2020 à laquelle il a répondu par courrier dont il lui a été accusé réception le 30 mars 2020, que ce courrier, dont il n'a pas gardé copie, ne peut que contenir ses protestations à la découverte de la dette creusée par son épouse alors que le bailleur ne l'en avait pas avisé et que [N] [X] qui a nécessairement cette réponse entre ses mains est d'une particulière mauvaise foi en s'abstenant de produire ce courrier et qu'il doit en être tiré toute conséquence de droit.

Or, là encore, la cour relève :

que [Y] [L] n'est pas fondé à se retrancher derrière sa propre interprétation de ses obligations pour en déduire que le bailleur a commis une faute à réception du congé qu'il lui a délivré, en ne l'informant pas qu'il était, en dépit du congé délivré, solidairement tenu au paiement de l'arriéré de loyer, alors qu'il appartenait à lui seul de vérifier que son interprétation n'était pas erronée ;

que dès lors que [Y] [L] était tenu solidairement au paiement de l'arriéré de loyers, il appartenait à lui seul de s'assurer du règlement de la dette locative, au besoin en prenant contact à cette fin auprès du bailleur.

La cour ajoute que [Y] [L] n'est pas fondé à se prévaloir d'un courrier qu'il aurait envoyé au bailleur en réponse à la sommation de payer du 5 mars 2020 pour protester sur la découverte de la dette de son épouse alors que d'une part il ne produit pas ce courrier, ce qu'il appartient à lui seul de faire (étant observé que le seul avis de réception qu'il verse aux débats pour en justifier ne contient pas le nom du destinataire) outre que les éventuelles contestations qui auraient pu s'y trouver ne sont pas de nature, au regard des élément précédemment exposés, à caractériser une faute du bailleur à son encontre.

La cour en conséquence confirme la décision déférée qui a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par [Y] [L] à l'encontre de [N] [X].

III : Sur la condamnation de [U] [V] à verser à [N] [X] l'arriéré de loyers et indemnité d'occupation

[U] [Z] soutient que la décision la condamnant à payer l'arriéré de loyers ainsi qu'une indemnité d'occupation doit être infirmée, aux motifs :

qu'elle bénéficie d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ordonnée par la Commission de surendettement des particuliers du Rhône depuis le 21 juillet 2022, qui intègre la créance de [N] [X] ;

qu'en application des articles L 741-1 et 2 du Code de la consommation, sa dette a été effacée.

Aux termes de l'article L 741-1 et 2 du Code de la consommation, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes professionnelles et non professionnelles du débiteur arrêtées à la date de la décision de la commission.

En l'espèce, [U] [V] justifie que par décision du 5 octobre 2022, la commission de surendettement des particuliers du Rhône a a validé à son encontre une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire avec effacement total de ses dettes, mesure entrant en application le 21 juillet 2022, la décision précisant que les dettes non déclarées à la procédure sont éteintes et que les créanciers concernés ne peuvent plus en réclamer le paiement.

Y figure au titre des créances actualisées la créance de [N] [X] à hauteur de 15 485 €, étant observé qu'il n'est pas contesté que [U] [V] a quitté les lieux le 8 août 2022.

Il en résulte qu'il convient d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné [U] [V] à payer à [N] [X] la somme de 12 992,91 € au titre de l'arriéré de loyers et indemnités d'occupation arrêté au 3 mars 2022, échéance de février 2022 incluse, outre intérêts au taux légal et une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au loyer et charges courants outre indexation, à compter du 1er mars 2022 et la cour, statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à condamnation de [U] [V] au titre de l'arriéré de loyers et charges et indemnités d'occupation, au regard de l'effacement de sa dette résultant de la décision de la commission de surendettement des particuliers du Rhône du 5 octobre 2022.

IV : Sur les demandes accessoires

Dès lors qu'il est fait droit à la demande de [U] [V] relative à l'effacement de sa dette locative et que [Y] [L] succombe à titre principal, la cour infirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné in solidum [U] [V] et [Y] [L] aux dépens de la procédure de première instance et à payer à [N] [X] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et statuant à nouveau :

Condamne [Y] [L] seul aux dépens de la procédure de première instance.

Condamne [Y] [L] seul à payer à [N] [X] les frais irrépétibles de la procédure de première instance, à hauteur de la somme de 500 €, justifiée en équité.

Pour la même raison, la cour condamne [Y] [L], qui succombe principalement à hauteur d'appel, aux dépens de la procédure d'appel et à payer à [N] [X] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a :

condamné [U] [L] née [V] à payer à [N] [X] la somme de 12 992,91 € au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 3 mars 2022, échéance de février incluse, outre intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020 sur la somme de 7 159 € et à compter du prononcé du jugement sur le surplus ;

condamné [U] [L] née [V] à payer à [N] [X] une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au loyer et charges courants, outre indexation prévue par le contrat, à compter du 1er mars 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux loués ;

condamné [U] [L] née [V] à payer à [N] [X] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement de payer et de l'assignation, et,

Statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à condamnation de [U] [L] née [V] au titre de l'arriéré de loyers et charges et indemnités d'occupation, au regard de l'effacement de sa dette résultant de la décision de la commission de surendettement des particuliers du Rhône du 5 octobre 2022 ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation de [U] [L] née [V] aux dépens de la procédure de première instance ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation de [U] [L] née [V] à payer à [N] [X] les frais irrépétibles de la procédure de première instance, à hauteur de la somme de 500 €, justifiée en équité ;

Confirme la décision déférée pour le surplus ;

Condamne [Y] [L] aux dépens de la procédure d'appel ;

Condamne [Y] [L] à payer à [N] [X] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/04582
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;22.04582 ?
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