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03/07/2024 | FRANCE | N°21/06010

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 03 juillet 2024, 21/06010


N° RG 21/06010 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NYJ6















Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

au fond du 26 avril 2021



RG : 11-20-3345











[N]



C/



[W]

S.A. SACVL- SOCIÉTÉ ANONYME DE CONSTRUCTION DE LA VILLE DE [Localité 8]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRET DU 03 Juillet 2024
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APPELANT :



M. [V] [N]

né le 29 Août 1945 à [Localité 7] (ALGERIE)

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Ayant pour avocat plaidant Me ...

N° RG 21/06010 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NYJ6

Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

au fond du 26 avril 2021

RG : 11-20-3345

[N]

C/

[W]

S.A. SACVL- SOCIÉTÉ ANONYME DE CONSTRUCTION DE LA VILLE DE [Localité 8]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRET DU 03 Juillet 2024

APPELANT :

M. [V] [N]

né le 29 Août 1945 à [Localité 7] (ALGERIE)

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Ayant pour avocat plaidant Me Philippe PLANES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Mme [E] [W] épouse [N]

née le 22 Mars 1952 à [Localité 5] (ALGERIE)

[Adresse 1]

[Localité 2]

(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/024343 du 09/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Lyon)

Représentée par Me Arnaud CUCHE, avocat au barreau de LYON, toque : 1325

La société anonyme de construction de la ville de [Localité 8] « S.A.C.V.L » (R.C.S Lyon 954 502 142) dont le siège social est à [Adresse 9], agissant poursuites et diligences de son directeur général en exercice, Monsieur [R] [H], domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Patrick COULON, avocat au barreau de LYON, toque : 808

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 10 Avril 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Mai 2024

Date de mise à disposition : 03 Juillet 2024

Audience présidée par Bénédicte BOISSELET, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

- Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige

Par contrat du 4 juillet 1996, la société anonyme de construction de la ville de [Localité 8] (ci-après la SACVL) a donné à bail à [V] [N] et [E] [W] épouse [N] un local à usage d'habitation de type T 5, situé au [Adresse 1].

[E] ayant engagé une procédure de séparation de corps, par ordonnance de non-conciliation du 14 novembre 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Lyon a attribué la jouissance du logement conjugal à [E] [N], condamnant [V] [N] à payer à son épouse une pension alimentaire au titre du devoirs de secours de 300 € par mois et l'informant qu'il devait quitter le domicile au plus tard le 14 février 2018.

En date du 25 juillet 2019, [V] [N] a indiqué à la SACVL qu'il se séparait de son épouse et a demandé une modification de la titularité du bail au seul nom de son épouse.

[V] [N] a cessé de payer les loyers et charges à compter du 1er septembre 2017.

Les 12 et 27 août 2020, la SACVL a fait délivrer à [V] [N] et [E] [N], à leur adresse respective, un commandement de payer, en principal, la somme de 9 023,41 euros au titre des loyers et charges impayés, visant la clause résolutoire inclue dans le bail.

Aux motifs que les causes du commandement n'avaient pas été apurées dans le délai de deux mois, la SACVL, par exploits des 21 et 29 octobre 2020, a assigné [V] [N] et [E] [N] devant le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Lyon afin de voir au principal constater l'acquisition de la clause résolutoire et statuer sur ses conséquences, et les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 11 601,16 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 21 octobre 2020.

A l'audience, la SACVL a actualisé sa créance à la somme de 16 065,09 €, arrêtée au 5 mars 2021.

Par jugement du 26 avril 2021, le juge des contentieux de la protection a :

Condamné [E] [N] à verser à la SACVL la somme de 16 065,09 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 5 mars 2021 (échéance de février 2021 incluse), avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

Condamné [V] [N] solidairement avec [E] [N], au montant de la condamnation précitée dans la limite de la somme de 11 582,05 euros correspondant à la dette locative, hors frais, à la date de résiliation du bail,

Constaté la résiliation du bail à compter du 13 octobre 2020,

Ordonné l'expulsion de [E] [N], faut pour elle d'avoir libéré les lieux dans le délai de deux mois après le commandement prévu par les articles L. 411-1 et L. 412-1 du Code de procédure civiles d'exécution, de ses biens et de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique,

Condamné [E] [N] à verser à une indemnité d'occupation mensuelle égale aux loyers et charges courants tels qu'ils auraient été dus en l'absence de résiliation se substituant aux loyers et charges, à compter du 1er mars 2021 jusqu'au départ volontaire ou à défaut l'expulsion des lieux,

Débouté [E] [N] et [V] [N] de leurs demandes indemnitaires,

Débouté [E] [N] et [V] [N] de leurs demandes de délais de paiement,

Dit que le jugement sera transmis par les soins du greffe au représentant de l'Etat dans le département en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l'occupant dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées,

Dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du présent jugement,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné in solidum [E] [N] et [V] [N] aux entiers dépens comprenant notamment le coût de l'assignation et du commandement de payer.

Le tribunal a retenu en substance :

que le bail est résilié de plein droit, les causes du commandement n'ayant pas été apurées dans le délai de deux mois ;

qu'il ne peut être accordé de délais de paiement suspensifs des effets de la clause résolutoire dans la mesure, notamment, où [E] [N] dispose de ressources inférieures au montant du loyer et au regard de l'importance de la dette locative ;

que le fait que [V] [N] ait donné son congé au bailleur le 19 juillet 2019, ait quitté les lieux au 1er septembre 2019 et que l'ordonnance de non conciliation du 14 novembre 2917 ait attribué à [E] [N] la jouissance du domicile conjugal ne décharge par [V] [N] de son obligation solidaire au paiement de la dette de loyer, au visa de l'article 220 du Code civil ;

que néanmoins, dans la mesure où le bail est résilié de plein droit au 13 octobre 2020, où à cette date [V] [N] ne résidait plus dans les lieux, ce dont la SACVL avait connaissance, la solidarité ne joue plus après la résiliation du bail, dès lors que l'indemnité due pour l'occupation des lieux par un seul époux n'a pas un caractère ménager ;

qu'en conséquence, [V] [N] n'est tenu solidairement que jusqu'à la date de résiliation du bail du 13 octobre 2020, soit à hauteur de 11 580,05 €, montant de l'arriéré à cette date ;

que les locataires n'ayant pas adopté une démarche active de recherche de logement plus adapté et [E] [N] ayant tardé à solliciter les services sociaux, il ne peut être retenu que la SACVL a commis une faute en s'abstenant de répondre à leur demande de relogement.

Par déclaration du 19 juillet 2021, [V] [N] a interjeté appel de l'ensemble des chefs de décision du jugement du 26 avril 2021, à l'excepté de ceux constatant l'acquisition de la clause résolutoire, ordonnant l'expulsion de [E] [N] et la condamnant au versement d'une indemnité d'occupation.

Le 24 mars 2022, date de l'état des lieux de sortie, [E] [N] a quitté le logement.

Aux termes de ses dernières conclusions régularisées par voie électronique le 8 avril 2022, [V] [N] demande à la cour de :

Vu les articles L. 442-3-1 et L. 621-2 du Code de construction et l'habitation,

Vu l'article 1343-5 du Code civil,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné solidairement avec [E] [N] au paiement de la somme de 11 582,05 euros correspondant à la dette locative à la date de résiliation du bail et constaté la résiliation du bail à compter du 13 octobre 2020,

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire, de sa demande de délai de paiement et l'a condamné in solidum aux entiers dépens de l'instance,

Constater la sous-occupation du logement sis [Adresse 1]) par [E] [N] vivant seule ou avec lui dans un T5, juger que la SACVL a manqué à son obligation légale de relogement depuis la demande formulée en ce sens par les locataires le 20 février 2018 et réitérée plusieurs fois en 2019, constater l'inertie de la SACVL à l'origine du préjudice patrimonial qu'il a subi du fait de ce manquement, le juger bien-fondé à solliciter le paiement de dommages et intérêts à la SACVL en réparation du préjudice subi, juger justifiée sa demande correspondant au trop payé d'un loyer et de charges avec un loyer qui aurait été appliqué pour un logement adapté aux besoins des locataires,

Condamner en conséquence la SACVL à lui payer la somme de 8 700 euros de dommages et intérêts,

Confirmer la résiliation de droit du bail en cause à la date du 13 octobre 2020, terme du commandement de payer visant la clause résolutoire,

Juger que les dommages et intérêts alloués à lui même et [E] [N] se compenseront avec les 11 582,05 euros réclamés par la SACVL,

Juger qu'il n'habite plus l'appartement situé [Adresse 1]) depuis le 1er septembre 2019, ce qui n'est pas contesté et débouter en conséquence la SACVL et [E] [N] de leur demande de condamnation solidaire des époux [N] au paiement d'une indemnité d'occupation,

Juger que l'éventuelle indemnité d'occupation sera à la charge exclusive de [E] [N],

Juger qu'étant âgé de 75 ans, il ne dispose pas de ressources suffisantes pour payer la somme restante due en une seule fois, et lui octroyer en conséquence un échelonnement des paiements sur une période de 36 mensualités,

Condamner la SACVL aux entiers dépens.

A l'appui de ces prétentions, [V] [N] soutient essentiellement :

Sur la condamnation au paiement de dommages et intérêts :

qu'en application des dispositions du code de la construction et de l'habitation, le bailleur social a l'obligation de fournir à son locataire un logement plus petit lorsqu'il en fait la demande ;

qu'en l'espèce, il occupait à la signature du bail un logement de type T5, ayant sept enfants mais que ces derniers étant tous désormais majeurs, le logement n'était plus occupé que par lui même et son épouse, et qu'il a donc demandé à maintes reprises à la SACVL d'être logé dans un appartement plus petit, la première demande ayant été effectuée le 20 février 2018, mais que celle-ci n'a jamais répondu ;

qu'ainsi, la SACVL a manqué à son obligation légale de proposer un nouveau logement plus adapté à leur situation, ce manquement étant à l'origine de la situation financière désastreuse dans laquelle il se trouve au regard de l'arriéré de loyer accumulé ;

qu'au regard des prix affichés par la SACVL sur son site internet, le loyer mensuel médian d'un T3/T4 étant de l'ordre de 720 € avec charges, il aurait pu réaliser une économie de 230 € par mois, soit 2 760 € jusqu'au 31 août 2019, date de son départ du domicile conjugal et que de son côté, [E] [N], qui aurait pu prétendre à un logement de type T2/T3 dont le loyer mensuel médian est de l'ordre de 620 € avec charges, aurait réalisé une économie de 5 940 € du 1er septembre 2019 à février 2021, le préjudice total pouvant être dès lors quantifié à 8 700 €, somme à laquelle il convient de condamner la SCVL à titre de dommages et intérêts.

Sur l'indemnité d'occupation :

qu'il ne saurait être tenu au paiement d'une indemnité d'occupation, alors qu'il n'habite plus le logement litigieux et que la dette locative perd son caractère ménager, [E] [N] vivant seule dans le logement.

Sur la demande de délai de paiement :

qu'il est âgé de 76 ans, ne perçoit qu'une retraite de 1 792,69 €, outre qu'il doit verser une pension alimentaire de 300 € à son épouse et n'est pas en mesure de solder sa dette en une seule échéance, ce qui justifie sa demande de délais de paiement sur 36 mois.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 06 septembre 2022, [E] [N] demande à la cour de :

1. Sur les loyers et indemnités d'occupation

A titre principal,

Infirmant le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer une dette locative à la SACVL outre une indemnité d'occupation à la SACVL, rejeter la demande de la SACVL tendant à sa condamnation à payer un arriéré de loyer avec indemnité d'occupation ; Subsidiairement, réformant le jugement attaqué en ce qu'il a limité la solidarité de [V]. [N] à une partie de la dette de son épouse, condamner solidairement [V] [N] et elle-même au montant de 16 065,09 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 5 mars 2021 avec intérêt aux taux légal, outre au paiement d'une indemnité d'occupation égale au loyer et charges, à compter du 1er mars 2021 ;

2. Sur la demande de dommages et intérêts

Réformant le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts qu'elle avait formulée en première instance,

Condamner la SACVL à lui payer une somme de 8 700 euros au titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi,

Ordonner la compensation de cette somme avec l'éventuelle somme due par elle au titre de l'arriéré des loyers et charges,

Le confirmant pour le reste, rejeter toutes autres demandes contraires et rejeter les demandes de la SACVL tant au titre de l'article 700 du code de procédure civile que des dépens.

A l'appui de ces prétentions, [E] [N] soutient essentiellement :

Sur la demande concernant le rappel de loyer et indemnité d'occupation :

que selon décision du 4 août 2022, la commission de surendettement a procédé à l'effacement de sa dette de loyer à hauteur de 29 590,43 euros, de sorte qu'elle n'a plus de dette de loyer, étant précisé qu'elle a libéré le logement le 24 mars 2022 ;

que subsidiairement, il doit être retenu que la dette locative est solidaire avec [V] [N] car elle ne peut être considéré comme ayant perdu son caractère ménager au seul motif que [V] [N] a quitté le domicile conjugal.

Sur sa demande de dommages et intérêt :

qu'elle a demandé à la SACVL d'être mutée dans un appartement moins onéreux, notamment par courrier du 18 février 2020 et après plusieurs démarches et appels téléphoniques, que toutefois la SACVL n'a pas répondu favorablement à sa demande ;

qu'ainsi, la SACVL a manqué à son obligation de proposer un logement adapté en cas de sous occupation, tel que le prescrit l'article R 445-5-5 du Code de la construction et de l'habitation et n'a pas respecté les obligations sociales auxquelles elle est légalement tenue, ce qui constitue une faute à l'origine de son préjudice financier en raison des impayés de loyers.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 11 mai 2023, la SACVL demande à la cour de :

Vu notamment les articles L. 442-3-1 du CCH et l'article 220 du Code civil,

Débouter [V] [N] et [E] [N] de l'ensemble de leurs demandes ;

Confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il limite la solidarité de [V] [N] à la dette de son épouse et sans qu'il ne soit tenu solidairement au paiement de l'indemnité d'occupation mise à sa seule charge ;

Le réformer en ce point et condamner [V] [N] au paiement de la somme de 31 668,46 euros au titre des loyers, charges et indemnité d'occupation impayés au 25 mars 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2021, date du jugement de première instance sur la somme de 11 582,05 euros et à compter de chacune des échéances de loyers ou indemnité d'occupation pour le surplus ;

Confirmer l'effacement de cette même dette à l'égard de [E] [N] par suite de la décision de rétablissement personnel du 05 août 2022 prise par la commission de surendettement des particuliers du Rhône ;

Confirmer pour le surplus le jugement déféré ;

Subsidiairement, dans le cas bien improbable où il serait fait droit aux demandes indemnitaires des époux [N] déclarer que les sommes allouées se compenseront avec leurs dettes locatives.

Y ajoutant :

Condamner [V] [N] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ces prétentions, la SACVL soutient essentiellement :

Sur l'obligation de relogement des époux [N] :

qu'elle ignorait la situation de sous-occupation du logement et notamment le départ des lieux de leurs enfants, étant observé que tous les courriers dont fait état [V] [N] ont été envoyés par lettre simple et qu'ils ne sont pas identifiés comme reçus par la SACVL, à l'excepté du courrier du 25 juillet 2019 par lequel il a donné congé, qui a été envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception ;

que [V] [N] ne pouvait en aucun cas prétendre à une mutation de logement pour cause de sous-occupation à son seul profit, alors que depuis l'ordonnance de non conciliation du 14 novembre 2017, qui attribuait le domicile conjugal à son épouse, il ne pouvait plus demeurer avec celle-ci, et que la mutation édictée à l'article L 442-3-1 du Code de la construction et de l'habitation ne vise que les locataires en titre ;

qu'ainsi, seule [E] [N] pouvait prétendre à une mutation de logement et qu'en l'espèce, elle justifie que celle-ci a refusé les logements qui lui ont été proposés et qu'elle ne peut dès lors se prévaloir d'une quelconque obligation insatisfaite de relogement, étant observé qu'elle bénéficie depuis février 2022 d'un logement social à [Localité 11].

Sur la dette locative :

que [E] [N] ayant restitué son logement le 25 mars 2022, la créance locative s'élève à la somme définitive de 31 668,46 euros ;

qu'au regard de la solidarité entre époux issue de l'article 220 du Code civil, [V] [N] est tenu à hauteur de ce montant, la dette locative n'ayant aucunement perdu son caractère ménager aux motifs que celui-ci a quitté le domicile conjugal ;

que la décision de rétablissement personnelle dont bénéficie [E] [N] ne peut bénéficier à son époux.

MOTIFS ET DÉCISION

A titre liminaire, la cour dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à voir la cour "constater" ou "juger" lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

I- Sur la demande indemnitaire de [V] [N] et de [E] [N]

1) Sur la demande de dommages et intérêts présentée par [V] [N]

Aux termes de l'article L 442-3-1 du Code de la construction et de l'habitation, le bailleur social, en cas de sous-occupation du logement, doit proposer au locataire un nouveau logement correspondant à ses besoins et le loyer principal du nouveau logement doit être inférieur à celui du logement d'origine.

S'il n'est pas contestable que le bailleur social commet une faute en ne respectant pas cette obligation qui engage sa responsabilité envers son locataire, une telle responsabilité ne peut être retenue qu'à la condition qu'il ait été informé de la sous-occupation du logement et que le locataire soit en droit de solliciter un logement plus petit.

En l'espèce, [V] [N] verse aux débats différents courriers qu'il indique avoir envoyés à la SACVL, et plus précisément :

un courrier daté du 20 février 2018, adressé à "Monsieur Madame SACVL, responsable des clients", dans lequel il indique demander une mutation car "l'appartement est trop grand pour nous" et fait état d'un loyer trop cher au regard de ses ressources ;

un courrier du 23 février 2019, la date indiquée semblant être corrigée, dans lequel il déplore n'avoir eu aucune réponse à sa demande de mutation ;

un courrier daté du 22 mai 2019, dans lequel il indique avoir fait une demande de mutation pour un appartement plus petit mais n'avoir aucune nouvelle de sa demande, courrier portant une signature en bas de page mais auquel est rajouté une seconde page, elle non signée, dans laquelle il indique avoir fait part de son départ depuis le mois de juillet et reproche à l'organisme de rester silencieux (étant observé que la date de juillet ne coïncide pas avec la date de ce courrier puisque c'est en juillet 2019 que [V] [N] a informé la SACVL de son départ) ;

un courrier daté du 25 juillet 2019, dont l'avis de réception mentionne qu'il a été reçu par la SACVL le 29 juillet suivant, dans lequel il informe la SACVL qu'il quitte le logement à compter du 1er septembre 2019 pour des raisons de "séparation/divorce" et demande que le bail soit au seul nom de son épouse ;

un courrier daté du 29 septembre 2020, aux termes duquel il indique à la SACVL que l'appartement a été attribué à [E] [N] par le juge aux affaires familiales et qu'elle en a la jouissance exclusive, qu'il a continué à payer le loyer jusqu'au mois de septembre 2019 et que compte tenu de ses charges, il n'est pas en mesure de payer le loyer de cet appartement dans lequel il ne vit plus, précisant que son épouse a déjà refusé deux appartements qui lui ont été proposés.

Force est de constater que [V] [N] ne justifie pas que ces courriers, dont la date de certains interroge, ont bien été réceptionnés par la SACVL, laquelle indique d'ailleurs qu'ils ne sont pas réceptionnés par ses services comme reçus, à l'exception du courrier du 25 juillet 2019, lequel lui a fait l'objet d'un envoi en recommandé avec avis de réception et qui ne concerne pas une demande de mutation.

[V] [N] ne justifie pas par ailleurs avoir informé la SACVL du départ de ses enfants désormais majeurs ni avoir transmis à la SACVL les éléments concernant la procédure de divorce/séparation de corps.

La cour en déduit que, dès lors qu'il ne justifie pas d'une demande de mutation expressément formulée auprès du bailleur et réceptionnée par celui-ci et de la transmission au bailleur des éléments justifiant de la modification de sa situation familiale, notamment concernant ses enfants, il ne peut être retenue que la SACVL a manqué à ses obligations et notamment celle énoncée à l'article L 442-3-1 du Code de la construction et de l'habitation.

La cour confirme en conséquence la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par [V] [N].

2) Sur la demande de de dommages et intérêts présentée [E] [N]

Aux mêmes motifs que ceux adoptés par son époux, [E] [N] soutient que la SACVL a engagé sa responsabilité à son encontre au visa de l'article L 442-3-1 du Code de la construction et de l'habitation ne donnant pas suite à ses nombreuses demandes visant à se voir accorder un logement plus petit pour prise en compte de sa nouvelle situation familiale.

Elle verse ainsi aux débats plusieurs courriers pour attester de ses démarches, sur la période du 28 juillet 2017 au 30 mai 2020, dont deux envoyés en lettre recommandée avec avis de réception.

Pour autant, la cour constate à l'examen des pièces produites par la SACVL que deux propositions de logement ont été faites à [E] [N] (ce dont atteste le courrier du 28 juillet 2017 que [E] [N] verse elle-même aux débats), une le 10 octobre 2017 et la seconde le 20 novembre 2017,(concernant un appartement sis [Adresse 6] à [Localité 10]) et que [E] [N] n'a donné aucune suite à ces propositions.

La cour constate également que [V] [N] fait lui-même référence à ces refus dans son courrier du 20 septembre 2020 adressé à la SACVL, dans lequel il indique expressément que son épouse a refusé deux appartements, plus petits et d'un loyer inférieur, qui lui étaient proposés.

Il ressort de ces simples constats que [E] [N] ne peut sérieusement soutenir que la SACVL a manqué à ses obligations et la cour en conséquence confirme la décision déférée qui a rejeté sa demande indemnitaire.

II - Sur la condamnation de [E] [N] au titre de la dette locative

Aux termes de l'article L 741-1 et 2 du Code de la consommation, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes professionnelles et non professionnelles du débiteur arrêtées à la date de la décision de la commission.

En l'espèce, [E] [N] justifie que par décision du 4 août 2022, la commission de surendettement des particuliers du Rhône a validé à son encontre une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire avec effacement total de ses dettes, figurant en annexe de cette décision la créance actualisée de la SACVL à hauteur de 30 137,90 €, étant observé qu'il n'est pas contesté que [E] [N] a quitté les lieux le 24 mars 2022 et que la SACVL, prenant acte de la décision de la commission de surendettement, demande dans le dispositif de ses écritures que soit confirmé l'effacement de la dette de [E] [N].

Il en résulte qu'il convient d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné [E] [N] :

à verser à la SACVL la somme de 16 065,09 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 5 mars 2021 (échéance de février 2021 incluse), avec intérêts aux taux légal à compter de la décision,

à verser à la SACVL une indemnité d'occupation mensuelle égale aux loyers et charges courants tels qu'ils auraient été dus en l'absence de résiliation se substituant aux loyers et charges, à compter du 1er mars 2021 jusqu'au départ volontaire ou à défaut l'expulsion des lieux, et la cour, statuant à nouveau :

Dire n'y avoir lieu à condamnation de [E] [N] au titre de l'arriéré de loyers et charges et indemnités d'occupation, au regard de l'effacement de sa dette résultant de la décision de la commission de surendettement des particuliers du Rhône du 4 août 2022.

III : Sur la condamnation de [V] [N] au titre de la dette locative et sa demande de délais de paiement

1) Sur la dette locative

[V] [N] ne conteste pas, au visa de l'article 220 du Code civil, être débiteur solidaire de la somme de 11 582,05 € due à la SACVL au titre des arriérés de loyers et charges jusqu'à la date de l'acquisition de la clause résolutoire, soit jusqu'au 13 octobre 2020.

Le premier juge a retenu qu'il ne pouvait être tenu des sommes dues à la SACVL au-delà de cette date, aux motifs notamment qu'à cette date il était acquis qu'il ne vivait plus dans les lieux et demeurait à une autre adresse, que la solidarité entre époux ne peut jouer après la résiliation du bail que si l'indemnité due pour l'occupation des lieux a un caractère ménager, ce qui n'était pas le cas puisque [E] [N] occupait seule le logement.

La SACVL le conteste, sollicitant que [V] [N] soit condamné à lui verser la somme de 31 668,46 € correspondant à l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation au 25 mars 2022, date du départ de [E] [N], faisant valoir :

que la solidarité demeure jusqu'à ce que le divorce soit mentionné en marge des registres de l'état civil ;

que la dette locative n'a pas perdu son caractère ménager du seul fait que l'épouse demeure seule dans le logement après la résiliation du bail.

Or, si les époux sont tenus solidairement de la dette locative jusqu'à la transcription du jugement de divorce en marge des registres d'état civil, la solidarité entre époux après la résiliation du bail ne joue, en application de l'article 220 du Code civil, que si l'indemnité due pour l'occupation sans droit ni titre des lieux par un seul époux a un caractère ménager en ce que la dette envers le bailleur est destinée à l'entretien ou à l'éducation du ménage et de la famille.

En l'espèce, à la date du 13 octobre 2020, date de la résiliation du bail, d'une part seule [E] [N] avait la jouissance des lieux, l'ordonnance de non conciliation du 14 novembre 2017 lui ayant attribué la jouissance exclusive du logement conjugal et [V] [N] n'y résidant plus depuis le 1er septembre 2019, d'autre part, il n'est pas contesté qu'elle y résidait seule et que les enfants du couple, désormais tous majeurs, n'y demeuraient plus.

Il s'en déduit qu'à compter du 13 octobre 2020, le caractère ménager de la dette locative avait cessé, faute d'être destinée à l'entretien du ménage ou à l'éducation des enfants du couple, la décision déférée devant en conséquence être confirmée à ce titre et [V] [N] n'étant dès lors pas tenu au-delà du 13 octobre 2020.

2) Sur la demande de délai de paiement

Aux termes de l'article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.

Aux termes de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du Code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

En l'espèce, [V] [N] a été débouté en première instance de sa demande de délai de paiement, aux motifs qu'il ne justifiait pas de sa situation financière.

Il en justifie désormais en cause d'appel et au regard des pièces qu'il produit, il apparaît qu'il dispose de ressources à hauteur de 1 792,69 € par mois au titre de ses pensions de retraite, dont à déduire la pension alimentaire de 300 € à verser à son épouse.

La cour retient, au vu de ces éléments, que le délai de 36 mois qu'il sollicite peut lui permettre de solder sa dette locative sur une période de trois ans et qu'il doit en conséquence être fait droit à sa demande de délais de paiement, à hauteur de 35 échéances mensuelles de 300 € et la 36ème du solde, dans les conditions énoncées au dispositif du présent arrêt.

La cour en conséquence infirme la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement présentée par [V] [N] et statuant à nouveau accorde à [V] [N] un délai de 36 mois pour régler la somme de 11 582,05 € due au titre de l'arriéré locatif, à hauteur de 35 échéances mensuelles de 300 € et la 36ème du solde, dans les conditions énoncées au dispositif du présent arrêt.

IV- Sur les demandes accessoires

[V] [N] devant être considéré comme partie perdante au principal et dès lors qu'il doit être tenu compte de l'effacement de la dette locative de [E] [N] au regard de la décision de la commission de surendettement, la cour infirme la décision déférée qui a condamné in solidum [V] [N] et [E] [N] aux dépens de la procédure de première instance et statuant à nouveau condamne [V] [N] aux dépens de la procédure de première instance et dit n'y avoir lieu à condamner [E] [N] aux dépens de cette même procédure.

Pour la même raison, la cour condamne [V] [N] aux dépens à hauteur d'appel.

Enfin, la cour rejette la demande de la SACVL présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel, au regard des circonstances du litige telles que précédemment exposées et de la situation financière difficile de [V] [N], cette demande n'étant pas justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a :

Condamné [E] [N] à verser à la SACVL la somme de 16 065,09 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 5 mars 2021 (échéance de février 2021 incluse), avec intérêts aux tau légal à compter de la décision ;

Condamné [E] [N] à verser à une indemnité d'occupation mensuelle égale aux loyers et charges courants tels qu'ils auraient été dus en l'absence de résiliation se substituant aux loyers et charges, à compter du 1er mars 2021, jusqu'au départ volontaire ou à défaut l'expulsion des lieux,

Débouté [V] [N] de sa demande de délais de paiement,

Condamné in solidum [E] [N] et [V] [N] aux entiers dépens comprenant notamment le coût de l'assignation et du commandement de payer, et,

Statuant à nouveau :

Dit n'y avoir lieu à condamnation de [E] [N] au titre de l'arriéré de loyers et charges et indemnités d'occupation, au regard de l'effacement de sa dette résultant de la décision de la commission de surendettement des particuliers du Rhône du 4 août 2022 ;

Accorde à [V] [N] un délai de 36 mois pour régler la somme de 11 582,05 € due au titre de l'arriéré locatif, à hauteur de 35 échéances mensuelles de 300 € et la 36ème du solde, la première échéance de remboursement devant être versée au plus tard le 5 du mois suivant la signification du présent arrêt et les suivantes au plus tard le 5 de chaque mois ;

Dit qu'à défaut de paiement d'une seule échéance à son terme, la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible, huit jours après une mise en demeure restée infructueuse ;

Condamne [V] [N] aux dépens de la procédure de première instance et dit n'y avoir lieu à condamner [E] [N] aux dépens de la procédure de première instance ;

Confirme la décision déférée pour le surplus ;

Condamne [V] [N] aux dépens à hauteur d'appel ;

Rejette la demande de la SACVL présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/06010
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;21.06010 ?
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