La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2024 | FRANCE | N°21/05140

France | France, Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 03 juillet 2024, 21/05140


N° RG 21/05140 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NWBY









Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOURG-EN-BRESSE au fond

du 20 mai 2021



RG : 19/01802





[F]

[F]



C/



Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD

Société MILLENNIUM INSURANCE COMPANYLIMITED





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



8ème chambre



ARRÊT DU 03 Juillet 2024



APPELANTS :
>

Mme [O] [T] [W] épouse [F]

Née le 9 décembre 1958 à [Localité 1],

[Adresse 7]

[Localité 1]



M. [N] [J] [B] [L] [F]

Né le 28 septembre 1955 à [Localité 5],

[Adresse 7]

[Localité 1]



Représentés par Me Christian LALLEMENT de la SELA...

N° RG 21/05140 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NWBY

Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOURG-EN-BRESSE au fond

du 20 mai 2021

RG : 19/01802

[F]

[F]

C/

Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD

Société MILLENNIUM INSURANCE COMPANYLIMITED

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 03 Juillet 2024

APPELANTS :

Mme [O] [T] [W] épouse [F]

Née le 9 décembre 1958 à [Localité 1],

[Adresse 7]

[Localité 1]

M. [N] [J] [B] [L] [F]

Né le 28 septembre 1955 à [Localité 5],

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentés par Me Christian LALLEMENT de la SELARL LALLEMENT & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 374

INTIMÉES :

La société ALLIANZ IARD SA immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n°542 110 291, dont le siège social est sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Sylvie BERTHIAUD de la SELARL BERTHIAUD ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 711

MIC INSURANCE société anonyme immatriculée au RCS de Paris sous le n°885 241 208, dont le siège social est situé au [Adresse 4], venant aux droits de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY, société de droit étranger dont le siège social est situé [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège, et dont l'agent souscripteur en France est la société LEADER UNDERWRITING, SAS enregistrée au RCS de Versailles sous le n° 750 686 941, dont le siège est situé [Adresse 6]

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

Ayant pour avocat plaidant Me Charles de CORBIERE de la SCP VILLENEAU ROHART SIMON & Associés, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 13 Octobre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Février 2024

Date de mise à disposition : 17 Avril 2024 prorogée au 03 Juillet 2024

Audience tenue par Véronique MASSON-BESSOU, président, et Véronique DRAHI, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Véronique MASSON-BESSOU, président

- Véronique DRAHI, conseiller

- Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller, en application de l'article 456 du code de procédure civile, le président étant empêché, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant convention en date du 15 octobre 2015 dénommée «'contrat d'entreprise - maîtrise d''uvre avec réalisation de travaux en contractant général -'» et suivant descriptif technique signé le même jour, M. [N] [F] et Mme [O] [W] son épouse ont confié à la SARL [S] Construction, devenue ensuite SARL SETECC, une mission de maîtrise d''uvre complète d'exécution et de réalisation des travaux pour la construction d'une maison d'habitation avec garage, à édifier sur la parcelle numéro 4 d'une superficie de 1'705 mètres carrés, du lotissement «'Combe Merbey'» située à [Localité 8], le tout au prix forfaitaire de 185'347,64 € TTC incluant les honoraires du maître d''uvre.

Le permis de construire a été accordé par arrêté du maire de la commune de [Localité 8] en date du 4 mars 2016 et, le 28 avril 2016, les époux [F] ont régularisé avec la SARL [S] Construction un contrat de maîtrise d''uvre depuis la phase «'études préliminaires'» jusqu'à la phase «'réception de l'ouvrage'» moyennant le paiement d'honoraires de 14'400 € TTC.

Le maître d''uvre était assuré auprès de la société de droit étranger Alpha Insurance.

Le lot «'maçonnerie ' charpente couverture zinguerie'» a été confié à la SARL Lena Concept assurée auprès de la société de droit étranger Millenium Insurance Company, devenue SA MIC Insurance Company.

Le lot «'plâtrerie peinture isolation ' menuiseries intérieures et extérieures'» a été confié à la SARL Ain Menuiserie, assurée auprès de la SA Allianz Iard.

Les travaux ont démarré courant juin 2016 et, par courriel du mois de novembre 2016 adressé à Mme [F], monsieur [A] [S], gérant des sociétés [S] Construction, Lena Concept et Ain Menuiserie a pris acte de leurs désaccords pour annoncer qu'il résiliait les contrats.

Par lettre recommandée du 9 janvier 2017, les époux [F] ont, après avoir listé une série de 17 dysfonctionnements et malfaçons, d'une part, mis en demeure la SARL [S] Construction de terminer les travaux, et d'autre part, informé cette société qu'ils n'avaient d'autre choix que de saisir un avocat afin de trouver un arrangement quant à leurs préjudices financiers et moraux.

Le 25 janvier 2017, la SELARL Merciera-Monnet, huissier de justice, requise par les époux [F], a établi un procès-verbal de constat sur le chantier.

Les époux [F] ont sollicité, par exploit du 13 mai 2017, et obtenu, par ordonnance de référé rendue le 13 juin 2017 par le Président du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, l'organisation d'une expertise judiciaire qui a été confiée à Mme [I] [K].

Entre temps, les SARL SETECC (ex-[S] Construction), Lena Concept et Ain Menuiserie ont chacune été placée en redressement judiciaire par des jugements du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en date du 17 mai 2017.

Ces sociétés seront ensuite placées en liquidation judiciaire par jugements du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en date des 5 juillet et 4 octobre 2017.

Par ordonnances de référé des 22 août 2017 et 16 janvier 2018, les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables notamment aux liquidateurs judiciaires des sociétés SETECC, Lena Concept et Ain Menuiserie, ainsi qu'aux assureurs des sociétés SETECC et Lena Concept uniquement, les sociétés Alpha Insurance et Millenium Insurance Company, mais le 8 mai 2018, la société Alpha Insurance, assureur de la SARL SETECC, a fait l'objet d'un jugement de faillite au Danemark.

L'expert [K] a déposé son rapport définitif le 11 janvier 2019 et, au vu de ce rapport, les époux [F] ont, par exploits des 7 et 12 juin 2019, fait assigner, d'une part, la société de droit étranger Millenium Insurance Company, devenue SA MIC Insurance Company, es qualité d'assureur de la SARL Lena Concept, et d'autre part, la SA Allianz Iard, es qualité d'assureur de la SARL Ain Menuiserie, devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire rendue le 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a statué ainsi :

Déboute M. [N] [F] et Mme [O] [F] de l'ensemble de leurs demandes,

Déclare sans objet les demandes en garantie formées par la société Millenium Insurance Company Limited et par la société Allianz,

Déboute les parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne in solidum M. et Mme [F] aux dépens, qui comprendront à titre définitif les frais d'expertise judiciaire,

Dit que la Selarl Berthiaud et associés sera autorisée à les recouvrer directement en application de l'article 699 du Code de procédure civile,

Dit n'y avoir pas lieu à assortir le présent jugement de l'exécution provisoire.

Les premiers juges ont en substance retenu':

Que si l'achèvement de l'ouvrage n'est pas une condition de la réception tacite, une telle réception est subordonnée à l'existence d'une volonté non-équivoque d'accepter l'ouvrage, laquelle volonté n'est pas démontrée par le seul paiement du prix'; qu'or, l'expertise judiciaire révèle que la maison est inhabitable de sorte que le paiement intégral des factures est insuffisants, d'autant que ces factures ne portent pas sur l'intégralité des lots'; qu'en outre, les contestations élevées par les maîtres de l'ouvrage excluent toute volonté de recevoir les travaux';

Qu'en l'absence de réception, les maîtres de l'ouvrage ne peuvent solliciter la mobilisation des garanties décennales des assureurs';

Que dans le dispositif de leurs écritures, les époux [F] ne demandent pas la garantie responsabilité civile de Allianz Iard et de Millenium Insurance Company Limited.

Par déclaration en date du 14 juin 2021, les époux [F] ont relevé appel de cette décision en tous ses chefs.

***

Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 7 octobre 2022 (conclusions d'appelants n°4), les époux [F] demandent à la cour':

Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil,

Vu l'article 1131-1 du Code civil,

Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,

Vu l'article L124-3 du Code des assurances,

Vu les pièces versées au débat,

INFIMER le jugement rendu le 20 mai 2021 par le Tribunal Judiciaire de BOURG-EN-BRESSE en ce qu'il a :

Débouté Monsieur [N] [F] et Madame [O] [W] épouse [F] de l'ensemble de leurs demandes,

Déclaré sans objet les demandes en garantie formées par la société MILLENIUM INSURANCE COMPAGNY LIMITED et par la société ALLIANZ IARD,

Débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné in solidum Monsieur [N] [F] et Madame [O] [W] épouse [F] aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise,

STATUANT A NOUVEAU

JUGER que les travaux réalisés par la société LENA CONCEPT et la société AIN MENUISERIE ont fait l'objet d'une réception tacite le 9 janvier 2017,

JUGER que les travaux exécutés par la société LENA CONCEPT et la société AIN MENUISERIE sont affectés de désordres,

CONDAMNER la société ALLIANZ, en sa qualité d'assureur en garantie décennale de la société AIN MENUISERIE, et la société MILLENNIUM, en sa qualité d'assureur de la société LENA CONCEPT, in solidum, à payer les sommes suivantes à Monsieur et Madame [F] au titre de leurs préjudices :

60'000 € au titre des travaux de démolition de l'ouvrage,

196'982,48 € au titre des frais occasionnés par la construction et la taxe d'aménagement,

684,09 € au titre du constat d'Huissier de justice du 25 janvier 2017,

30'000 € au titre du préjudice de jouissance,

30'000 € au titre du préjudice moral,

Outre intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,

ORDONNER la capitalisation des intérêts,

CONDAMNER la société ALLIANZ et la société MILLENNIUM, in solidum, à payer à Monsieur et Madame [F], une somme de 7'000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER la société ALLIANZ et la société MILLENNIUM, in solidum, à supporter, en application de l'Article 696 du C.P.C., les dépens de l'instance, incluant la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire, qui seront distraits au profit de la SELARL LALLEMENT & Associés, Société d'Avocats inscrite au Barreau de LYON, en application de l'Article 699 du C.P.C.

En fait, ils exposent que les sociétés SETECC, Lena Concept et Ain Menuiserie avaient le même gérant, M. [A] [S], et ils affirment avoir déclaré leurs créances auprès du liquidateur de ces trois sociétés.

En droit, ils entendent faire reconnaître une réception tacite de l'ouvrage intervenue le 9 janvier 2017, estimant que la double condition, d'une part, de paiement des travaux, et d'autre part, de prise de possession de l'ouvrage, est remplie à cette date. Ils soulignent en effet s'être acquittés de toutes les factures émises par Lena Concept et Ain Menuiserie respectivement pour les sommes totales de 88'671,35 € TTC et 43'796,64 € TTC. Ils jugent dès lors indifférent que les travaux ne soient pas achevés, sauf à établir une inexécution contractuelle de la part des constructeurs. Ils font ensuite valoir que la prise de possession des lieux fait présumer la volonté non-équivoque de recevoir les travaux. Ils citent des jurisprudences ayant retenu que l'établissement d'un procès-verbal de constat par huissier ou que l'inachèvement des travaux ne sont pas des circonstances de nature à exclure une réception tacite, puisque la réception peut être faite avec réserve et qu'elle peut être faite par lot lorsque chaque lot fait l'objet d'un marché particulier. Ils citent d'autres jurisprudences dont l'une fixe à la date du dépôt de l'expertise contradictoire la date de la réception judiciaire. Ils ajoutent que l'habitabilité de l'immeuble est indifférente à la réception tacite et que si la réception doit être contradictoire, elle reste un acte unilatéral ouvrant droit au locateur d'ouvrage de formuler des observations. Ils en concluent qu'en l'absence de contestation du locateur d'ouvrage, la réception tacite par le maître de l'ouvrage doit être retenue.

Ils soulignent que les travaux confiés à Lena Concept et à Ain Menuiserie constituent des lots distincts et ils considèrent que les travaux réalisés par ces deux sociétés sont achevés, indépendamment de l'inachèvement des travaux de construction de l'immeuble dans son ensemble. Ils contestent que la société Lena Concept ait abandonné le chantier en cours d'exécution de son lot et ils soulignent que l'expert n'a pas relevé d'inachèvement sur le lot «'maçonnerie'». Ils estiment que les échanges par courriels entre septembre et novembre 2016 ne constituent pas des protestations de nature à faire obstacle à la réception de l'ouvrage mais des demandes de travaux de reprise concernant des défauts mineurs ou des défauts ne relevant pas des lots confiés à Lena Concept et Ain Menuiserie. Ils soutiennent que l'ampleur des désordres n'a été révélée que postérieurement, lors de l'expertise judiciaire. Ils font valoir que les premiers juges ont fait une lecture erronée de leur mise en demeure puisqu'elle exprime, au contraire de l'analyse retenue, une volonté non-équivoque de prendre possession des lieux en sollicitant de manière désespérée l'exécution du contrat. Ils estiment que cette mise en demeure constitue un acte positif pour obtenir l'achèvement des travaux et traduit leur volonté de réceptionner les lots «'maçonnerie'» et «'menuiserie'».

Ils font valoir que leur volonté de prendre possession de la maison résulte de l'installation d'un compteur d'eau par la société SUEZ le 13 mai 2016 et que seules les conclusions du rapport d'expertise, ayant révélé l'inhabitabilité des lieux, les ont empêché d'habiter la maison. Ils considèrent que la réception tacite doit être fixée à la date de la mise en demeure qu'ils ont adressée à la société SETECC le 7 janvier 2017, le cas échéant avec réserves.

A titre subsidiaire et pour le cas où la cour considérerait que l'ouvrage n'a pas été réceptionné, ils invoquent la responsabilité contractuelle de droit commun des sociétés Lena Concept et Ain Menuiserie. Ils invoquent les fautes commises par les sociétés.

Ils contestent l'exclusion de responsabilité civile dont se prévaut Allianz Iard, assureur de la société Ain Menuiserie, considérant que la clause invoquée est trop générale et doit être écartée en ce qu'elle vide le contrat de sa substance. Ils invoquent en revanche l'article 3.3 du contrat pour affirmer que l'assureur doit sa garantie.

Concernant les désordres, ils listent les désordres imputables à la société Lena Concept, tels que retenus par l'expert [K], parmi lesquels l'implantation du garage sur le fond voisin, le défaut d'altimétrie, les non-conformités au permis de construire, l'absence de ventilation de la partie en sous-sol et l'absence de respect des normes parasismiques. Ils affirment qu'ils n'ont connu ces désordres dans toute leur ampleur qu'à compter du rapport d'expertise et ils font valoir que le non-respect des normes parasismiques justifie à lui seul la démolition de l'ouvrage. Ils listent ensuite les désordres imputables à Ain Menuiserie, tels que retenus par l'expert [K] (porte de service non-posée, fenêtre qui ne s'ouvre pas, '). Ils affirment qu'ils n'ont connu ces désordres dans toute leur ampleur qu'à compter du rapport d'expertise et ils font valoir que ces désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination. Si la cour considérait que ces désordres avaient été réservés à la réception, ils demandent leur indemnisation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société Ain Menuiserie.

Ils entendent exercer une action directe contre les assureurs, affirmant d'abord que la société Allianz Iard doit sa garantie y compris pour la responsabilité contractuelle de droit commun de son assuré, Ain Menuiserie. Ils font ensuite valoir que l'inachèvement des travaux par Lena Concept ne suffit pas à considérer qu'il y a eu abandon de chantier et dès lors exclusion de la garantie de MIC Insurance. Ils estiment qu'en réalité, seule la société SETECC a abandonné le chantier mais que la société Lena Concept, quant à elle, a terminé les travaux, le lot maçonnerie étant achevé comme constaté par l'expert [K]. Ils considèrent qu'au regard de la nature des désordres, la société MIC Insurance doit garantir son assuré de sa responsabilité décennale, laquelle inclut les travaux de démolition.

Concernant l'indemnisation de leurs préjudices, ils rappellent que l'expert a exclu la possibilité de travaux de reprise pour préconiser la démolition au prix de 60'000 € TTC et pour évaluer les frais occasionnés par la construction inhabitable à la somme globale de 195'873,48 € TTC. Ils souhaitent également être indemnisés du coût de la taxe d'aménagement, des frais de procédure engagés et de leurs frais de relogement, justifiant exposer un loyer de 630 € par mois depuis novembre 2019. Ils invoquent un préjudice de jouissance de 30'000 €, ainsi qu'un préjudice moral de 30'000 €.

***

Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 11 mai 2022 (conclusions n°2), la SA MIC Insurance Company, venant aux droits de la société de droit étranger Millennium Insurance Company, demande à la cour':

Vu les articles 1231-1, 1353 et 1792 et suivants du Code civil,

Vu l'article L.124-3, L.112-6 du Code des assurances,

Vu l'article 9 du Code de procédure civile,

A titre principal,

CONFIRMER le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en ce qu'il a :

Déboute M. [N] [F] et Mme [O] [F] de l'ensemble de leurs demandes,

Déclare sans objet les demandes en garantie formées par la société Millenium Insurance Company Limited et par la société Allianz,

Déboute les parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne in solidum Monsieur et Madame [F] aux dépens, qui comprendront à titre définitif les frais d'expertise judiciaire,

DEBOUTER les époux [F] de l'intégralité de leurs demandes,

CONDAMNER les époux [F] à payer à la compagnie MILLENNIUM la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

CONDAMNER les époux [F] aux dépens de la procédure d'appel,

A titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement,

DEBOUTER les époux [F] de leurs demandes au motif que les garanties de MILLENNIUM sont exclues en raison de l'abandon du chantier par son assuré la société LENA CONCEPT,

DEBOUTER les époux [F] de leurs demandes de réparation au titre des travaux de charpente et couverture, lesquels ne sont pas couverts par la compagnie MILLENNIUM à défaut de souscription de ces activités par son assuré la société LENA CONCEPT,

CONSTATER que la réception tacite est intervenue avec réserves selon le courrier du 9 janvier 2017 des consorts [F],

En conséquence,

Sur la garantie assurance décennale :

JUGER que la garantie assurance décennale de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD (MIC INSURANCE) ne peut être mobilisée que pour une partie des travaux de démolition et pour le désordre relatif à la maçonnerie, et ainsi limiter la condamnation de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD (MIC INSURANCE) à la somme de 30'000 euros au titre de la démolition et 44'282,32 euros au titre de la reconstruction de la maçonnerie,

En cas de condamnation in solidum, CONDAMNER la compagnie ALLIANZ IARD à relever et garantir la compagnie MILLENNIUM (MIC INSURANCE) à hauteur de 50 % pour les frais de démolition,

DEBOUTER les époux [F] de leurs demandes pour le surplus,

Sur la garantie responsabilité civile après livraison :

DEBOUTER les époux [F] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD (MIC INSURANCE),

En cas de condamnation in solidum avec la compagnie ALLIANZ :

CONDAMNER la compagnie ALLIANZ à relever et garantir MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD (MIC INSURANCE) de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, et qui serait supérieure à 99'595,30 euros,

En tout état de cause,

DEBOUTER ALLIANZ de son appel en garantie formulée à l'encontre de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD (MIC INSURANCE),

DEBOUTER les consorts [F] de leur demande de capitalisation des intérêts,

DEDUIRE la franchise applicable à la police n°151101594JA de toute condamnation qui serait éventuellement prononcée à l'encontre de MILLENNIUM INSURANCE COMPANY LTD (MIC INSURANCE),

En cas de condamnation, la limiter aux plafonds de garanties prévus dans la police n°151101594JA,

CONDAMNER les consorts [F] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En fait, elle observe que son assuré a transmis sa dernière facture aux époux [F] le 7 décembre 2016 et qu'elle a ensuite quitté les chantiers.

A titre principal, elle sollicite la confirmation du jugement dès lors qu'aucune réception des travaux n'est intervenue. Elle souligne en particulier que les époux [F], s'ils se sont acquittés des factures de son assuré, ne rapportent pas la preuve d'avoir pris possession des lieux. Au demeurant, elle relève que seuls des travaux inachevés ont été facturés, soit 89,03% du marché maçonnerie et 67,88 % du marché menuiserie. Elle observe que la prise de possession n'est pas établie par la pose du compteur d'eau, en réalité destinée à permettre l'exécution des travaux et antérieure à ceux-ci. Elle considère, à l'instar des premiers juges, que le «'dégoût'» pour la maison édifiée exprimé par les maîtres de l'ouvrage, exclut qu'ils aient entendu en prendre possession pour l'habiter. Elle cite des jurisprudences excluant toute réception tacite dans les cas d'espèces qu'elle juge comparables. Elle relève l'absence de caractère contradictoire de la réception tacite alléguée aux termes de la mise en demeure du 9 janvier 2017, s'agissant d'un acte unilatéral. Elle relève encore que les constructeurs n'ont pas été convoqués par l'huissier de justice qui a procédé à des constatations. Elle ajoute que si la réception partielle est admise, elle supposerait d'être prononcée par lot complet, ce que ne permet pas l'abandon de chantier par son assuré.

A titre subsidiaire, elle indique que même si la réception était reconnue, ses garanties sont exclues en raison de l'abandon du chantier par son assuré et qu'une telle clause d'exclusion de garantie est reconnue comme valable de manière constante par la jurisprudence et opposable aux tiers lésés en application de l'article L.112-6 du Code des assurances. Elle ajoute que Lena Concept n'était pas assurée pour des travaux de charpente et de couverture alors que l'expert a relevé que partie des désordres avaient pour origine les travaux de couverture. Elle fait valoir que la réception tacite alléguée a nécessairement été faite avec réserve, ce qui exclut de mobiliser la garantie décennale seule recherchée par les époux [F]. Elle admet que le seul désordre non-visible à la réception est le non-respect des normes parasismiques et elle considère que la nécessité de démolir l'ouvrage doit être supportée par moitié avec Ain Menuiserie, assurée par Allianz, et que seule la somme de 44'282,32 €, qui correspond aux sommes payées à Lena Concept, peut être mise à sa charge.

Elle indique que la garantie responsabilité civile après livraison exclut les frais nécessaires au parachèvement ou à la réfection de l'ouvrage, de sorte que la réclamation des époux [F] doit être rejetée. A titre subsidiaire sur ce point, elle indique que la réclamation des époux [F] au titre des dommages matériels ne peut qu'être limitée au montant du marché de son assuré, soit la somme de 99'595,30 € et celle au titre de dommages immatériels rejetée. Elle relève que la preuve de ce préjudice immatériel, évalué à 15'000 € par l'expert, n'est pas rapportée. Elle dénie la possibilité de couvrir les dommages immatériels au titre de la garantie décennale.

A titre infiniment subsidiaire, elle rappelle ses plafonds de garanties et franchises, en l'occurrence une franchise de 1'500 €, opposables aux tiers lésés en application de l'article L.112-6 du Code des assurances.

***

Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 27 septembre 2022 (conclusions d'intimé n°3), la SA Allianz Iard demande à la cour':

Vu les dispositions des articles 1792, 1792-4-1 et 1792-6 du Code civil,

Vu les dispositions de l'article L112-6 du Code des assurances,

Vu les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les pièces produites aux débats,

A TITRE PRINCIPAL

CONFIRMER le jugement RG 19/01802 rendu par le Tribunal Judiciaire de BOURG-ENBRESSE le 20 mai 2021 en ce qu'il a :

Débouté M. [N] [F] et Mme [O] [W] épouse [F] de l'ensemble de leurs demandes.

Condamné in solidum les consorts [F] aux dépens qui comprendront à titre définitif les frais d'expertise judiciaire,

Et en l'occurrence,

REJETER comme mal fondées les prétentions articulées par les consorts [F] à l'endroit de la société ALLIANZ IARD ainsi que les appels en garantie articulés à son encontre que ce soit au titre des dommages matériels ou des dommages immatériels,

A TITRE SUBSIDAIRE ET DANS L'HYPOTHESE OU LA COUR INFIRMAIT LE JUGEMENT DONT APPEL :

RAMENER le quantum sollicité par les consorts [F] au titre des dommages immatériels à de plus justes proportions,

DEDUIRE au titre des condamnations qui pourraient être prononcées au titre des dommages immatériels à l'encontre de la société ALLIANZ IARD, le montant de la franchise lequel se chiffre à 10 % du montant de l'indemnité avec un minimum de 3'200 euros et un maximum de 10'000 euros,

LIMITER le montant des condamnations susceptibles d'être prononcées à l'encontre de la société ALLIANZ IARD à celui des plafonds de garantie,

A TITRE TOUJOURS INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

CONDAMNER la société MIC INSURANCE venant aux droits de la société MILLENIUM INSURANCE COMPANY ès-qualités d'assureur de la société LENA CONCEPT à relever et garantir la société ALLIANZ IARD de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son endroit,

REJETER la demande de garantie de MIC INSURANCE à l'encontre de ALLIANZ IARD au titre des travaux nécessités par les désordres affectant les travaux de LENA CONCEPT,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER in solidum Monsieur [N] [F] et Madame [O] [W] épouse [F] ainsi que la société MIC INSURANCE à payer la société ALLIANZ IARD la somme de 5'000,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER in solidum les mêmes aux entiers dépens de la présente instance qui seront distraits au profit de Maître Sylvie BERTHIAUD avocat sur son affirmation de droit, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Elle demande la confirmation du jugement de première instance à raison de l'absence de réception tacite des travaux mis en 'uvre par son assuré, la société Ain Menuiserie. Elle fait en premier lieu valoir le défaut de règlement de l'intégralité du marché conclu au prix total de 64'513,44 € alors qu'en l'état de l'avancement des travaux, seule une somme totale de 43'796,62 € a été facturée et acquittée. Elle fait en deuxième lieu valoir l'absence de prise de possession de l'ouvrage puisque l'installation d'un compteur d'eau antérieurement aux travaux et destinée à permettre l'alimentation en eau du chantier, ne peut pas, par hypothèse, caractériser la prise de possession. En troisième lieu, elle conteste qu'il puisse s'inférer de la mise en demeure du 9 janvier 2017 une quelconque volonté non-équivoque de réceptionner les travaux puisque, au contraire, les maîtres de l'ouvrage y expriment leur insatisfaction et leur souhait que le chantier se poursuive. Elle ajoute que le principe de l'unicité de la réception s'oppose à la réception partielle d'un lot, même si ce lot comporte des postes de nature différente. Elle en conclut à l'absence d'applicabilité de la garantie décennale.

A titre subsidiaire, elle estime que la réception tacite alléguée était accompagnée de réserves, ce qui exclut là encore l'application de la garantie décennale. En tout état de cause, elle fait valoir que la police souscrite par son assuré exclut les désordres signalés avant la réception comme ceux signalés dans le délai de la garantie de parfait achèvement. Or, elle relève que parmi les 17 points mentionnés dans la mise en demeure du 9 janvier 2017, figurent des désordres qui affecteraient les travaux réalisés par la société Ain Menuiserie. Elle se défend également de la mobilisation de sa garantie «'responsabilité civile professionnelle'» à raison de l'exclusion de garantie prévue à l'article 3.4.1. de la police.

A titre infiniment subsidiaire, elle discute le quantum des demandes des époux [F] puisque la nécessité de démolition n'est pas imputable à la société Ain Menuiserie mais aux travaux de maçonnerie. Elle en conclut que seule la garantie de MIC Insurance peut être recherchée puisque seule la responsabilité de Lena Concept est engagée.

A défaut, elle considère que seul le prix des travaux de reprise des désordres affectant les menuiseries peut être mis à sa charge et elle souligne que les époux [F], sur lesquels pèse la charge de la preuve, ne chiffrent pas ce coût pris isolément.

Concernant les dommages immatériels, elle affirme qu'ils ne sont pas couverts par la police puisqu'ils ne sont pas consécutifs à un désordre décennal. Plus subsidiairement, elle considère que le coût du constat d'huissier de justice ne peut pas être qualifié de dommage consécutif au sens de la police et elle souligne que le relogement des époux [F] est sans lien avec les travaux de menuiserie de sorte que seule la société MIC Insurance, assureur de Lena Concept, doit en répondre.

Elle affirme que les demandes des appelants au titre d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral ne répondent pas aux définitions des préjudices immatériels consécutifs données par la police. Plus subsidiairement sur ce point, elle relève que les quantums sollicités ne reposent sur aucun justificatif.

Pour finir, elle sollicite l'application de ses franchises et plafonds, ainsi que la condamnation de la société MIC Insurance, assureur de Lena Concept, à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre puisque seuls les désordres affectant le lot maçonnerie justifient la démolition de l'ouvrage préconisée par l'expert.

***

Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.

MOTIFS,

A titre liminaire, il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à voir la cour «'constater'» ou «'juger'» lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du Code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions.

Sur la réception':

L'article 1792-6 du Code civil définit la réception comme l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves et il précise que la réception intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement mais qu'elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

La réception partielle par lots n'est pas prohibée par la loi mais, en raison du principe d'unicité de la réception, il ne peut y avoir réception partielle à l'intérieur d'un même lot.

En l'absence de réception expresse, la jurisprudence reconnaît la possibilité d'une réception tacite, laquelle est présumée, avec ou sans réserves, en cas de prise de possession de l'ouvrage avec paiement des travaux.

En tout état de cause, la réception tacite exige l'existence d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux et cette volonté peut être prouvée par un faisceau d'indices.

Lorsque le marché n'est pas mené à son terme, l'accord de résiliation peut valoir réception pour les ouvrages exécutés.

***

En l'espèce, il est constant que les travaux de construction confiés aux sociétés Léna Concept et Ain Menuiserie, sous la maîtrise d''uvre de la société SETECC, n'ont pas fait l'objet d'un procès-verbal de réception signé par les parties. Pour prétendre néanmoins pouvoir rechercher la responsabilité décennale des sociétés Lena Concept et Ain Menuiserie, les appelants affirment qu'une réception est intervenue tacitement le 7 janvier 2017.

La cour relève que, bien que l'abandon de chantier par les sociétés SETECC, Lena Concept et Ain Menuiserie soit désormais contesté par les époux [F], un tel abandon résulte, tant des pièces produites par les appelants eux-mêmes, que du rapport d'expertise judiciaire.

En effet, les époux [F] produisent des échanges de courriels avec M. [A] [S], gérant de ces trois sociétés, dont le courriel émis courant novembre 2016 aux termes duquel le représentant des constructeurs annonce à la maître de l'ouvrage qu'«'à compter de ce jour, nous résilions les contrats ou commandes qui nous lient avec vous'». L'on comprend que, par la suite, les sociétés Lena Concept et Ain Menuiserie ne sont pas ré-intervenues sur le chantier, sauf pour le débarrasser. L'inachèvement des travaux s'infère également de l'analyse des factures acquittées mentionnant, pour chacun des postes, l'état d'avancement en pourcentage et dont il résulte que certaines prestations n'ont pas été exécutées ou ne l'ont été que partiellement (telles la pose d'un conduit à fumée inox et les enduits de façades pour la société Lena Concept et la fourniture et la pose de partie des menuiseries intérieures, de la porte de service pleine aluminium sur le dessus de la cave et le laquage des sous-face de volets roulants pour la société Ain Menuiserie). Au demeurant, la cour relève que les devis de Lena Concept et Ain Menuiserie ont été acceptés respectivement pour les sommes de 99'595,30 € et 44'174,63 € et que les travaux de ces mêmes sociétés n'ont été facturées respectivement qu'à hauteur des sommes totales de 78'892,79 € et 24'062,02 €.

Cet abandon de chantier est confirmé par l'expert [K] qui, d'une manière générale, relève que la maison est inachevée et qui, concernant les lots «'maçonnerie'» et «'menuiserie'», a précisé diverses non-finitions constatées, dont les quantités insuffisantes des faïences incluses dans le devis de la société Lena Concept et des menuiseries manquantes relevant du devis de la société Ain Menuiserie.

Or, la cour observe qu'un tel abandon a une incidence sur la preuve d'une éventuelle réception. En effet, en cas d'abandon de chantier, le solde du marché ne sera pas, le plus souvent, réclamé au maître de l'ouvrage puisque, par hypothèse, le constructeur cesse d'émettre des situations à régler. En outre, selon l'état d'avancement des travaux d'une maison, cette dernière peut ne pas être habitable. Telle est la situation du chantier de construction de la maison des époux [F] qui, dès lors, invoquent en vain la présomption jurisprudentielle de réception tacite en cas de paiement du prix et de prise de possession des lieux. Les développements respectifs des parties à ce sujet, inapplicables à la situation d'abandon de chantier, seront en conséquence écartés comme étant inopérants.

Cela étant, la cour relève qu'aux termes de leur mise en demeure du 9 janvier 2017 adressée à la société [S] Construction, les époux [F] ont pris acte de l'abandon de chantier et notifié aux constructeurs une série de 17 désordres affectant les travaux réalisés par le maçon et le menuisier. Si cette mise en demeure mentionne en objet «'mise en demeure de finition de travaux'» et qu'elle contient une demande de «'rectifier l'ensemble des dysfonctionnements quant à la construction de notre (leur) maison afin d'appliquer le contrat qui nous lie'», cette demande est à l'évidence purement formelle puisque, non-accompagnée d'un délai imparti aux entrepreneurs pour s'exécuter, elle est concomitante à l'annonce selon laquelle les maîtres de l'ouvrage engagent une procédure en saisissant un avocat. Dès lors, la demande de finition de travaux n'a en réalité pour objectif que de souligner, aux côtés des 17 désordres listés, l'inexécution contractuelle résultant de l'abandon du chantier dans la perspective de la procédure, amiable ou contentieuse, à engager par voie d'avocat.

Surtout, ce courrier emporte que les époux [F] prennent acte de la délivrance de travaux inachevés et qu'ils déclarent, au moins implicitement mais nécessairement, accepter le transfert de la garde et des risques de l'ouvrage, sous la réserve expresse de 17 désordres qu'ils ont énumérés.

Il s'ensuit que les critiques formulées par les maîtres de l'ouvrage ne sont pas de nature à exclure toute volonté de leur part de recevoir les travaux comme retenu par les premiers juges, mais ces critiques visent au contraire à formaliser des réserves dans le cadre d'une réception qu'ils proposent aux entrepreneurs. De même, le «'dégoût d'habiter la maison'» exprimé par les rédacteurs de ce courrier n'emporte, ni un refus de la maison édifiée, ni même un refus de la résiliation des contrats qui leur a été annoncée par M. [S], mais cette expression témoigne uniquement de leur vif mécontentement compte tenu du nombre important de réserves sans perspectives de travaux de reprises compte tenu de l'abandon de chantier. En tout état de cause, en annonçant qu'ils entendent faire valoir leurs droits en saisissant un avocat, les époux [F] ont, de manière non-équivoque, accepté la résiliation des contrats et accepté, en l'état, les travaux réalisés.

En outre, cette déclaration d'acceptation des travaux par courrier du 7 janvier 2017 est constitutive d'une réception au sens de l'article 1792-6 précité puisqu'elle a été formalisée au contradictoire des sociétés Lena Concept et Ain Menuiserie. En effet, il n'est pas contesté que le gérant de ces sociétés a reçu cette mise en demeure, sans faire valoir d'observations en retour pour le compte de ces deux sociétés.

L'accord implicite des parties concernant la résiliation des contrats emporte pour finir que le principe de l'unicité de la réception par lot est respecté puisque la réception tacite intervenue le 7 janvier 2017 constitue l'unique réception des lots «'maçonnerie'» et «'menuiserie'» dont l'exécution a été interrompue.

Le jugement attaqué, en ce qu'il n'a pas retenu la réception tacite alléguée, sera infirmé. Statuant à nouveau, la cour retient l'existence d'une réception tacite dont la preuve est rapportée comme étant intervenue le 7 janvier 2017 avec réserves.

Sur les demandes des appelants dirigées contre l'assureur de la société Ain Menuiserie':

Sur la nature des désordres affectant les travaux réalisés par Ain Menuiserie':

Aux termes de l'article 1792 du Code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

La garantie décennale n'est pas applicable, ni aux vices connus du maître de l'ouvrage qui n'ont pas fait l'objet d'une réserve lors de la réception, ceux-ci étant purgés par la réception sans réserve, ni aux vices faisant l'objet de réserves lors de la réception, ceux-ci étant quant à eux couverts par la garantie de parfait achèvement.

Toutefois, le désordre connu ou réservé à la réception, qui n'est appréciable que plus tard dans son étendue, sa cause et ses conséquences, peut relever de la garantie décennale.

***

En l'espèce, l'expert [K] a confirmé l'existence de désordres affectant les travaux réalisés par la société Ain Menuiserie. Sans retenir les désordres affectant les faïences et le carrelage, s'agissant de travaux en réalité confiés à la société Lena Concept et que les appelants imputent dès lors à tort à la société Ain Menuiserie, les désordres imputables à cette dernière société sont les suivants':

Dans le garage': une porte qui n'est pas posée à 100 % et une porte de service qui n'est pas posée (page 16 du rapport)

Dans la partie intérieure de la maison':

la fenêtre de la salle de bain 2 qui ne s'ouvre pas car elle bute contre la cloison de douche,

la porte des sanitaires de la suite parentale qui ne s'ouvre pas et qui est trop grande par rapport à la profondeur des WC,

la fenêtre de la salle de bain parentale qui est posée trop près de la cloison et dans le sens opposé de ce qui était prévu,

la porte coulissante qui est posée dans une embrasure de porte trop grande (vide en haut et en bas),

la porte de l'emplacement pour le compteur électrique qui touche presque le mur et qui ne pourra pas être man'uvrée quand l'interrupteur situé contre la porte sera posé,

certaines portes intérieures posées ne correspondent pas au descriptif,

les travaux de plâtrerie peinture ne sont pas achevés,

les travaux de menuiserie non-achevés (page 18 du rapport)';

La cour constate que pour 4 d'entre eux, ces désordres ont fait l'objet de réserves expresses par les maîtres de l'ouvrage aux termes de leur courrier du 7 janvier 2017 (porte du garage qui n'est pas posée à 100%, porte de service du garage qui n'est pas posée, fenêtre de la salle de bain 2 qui ne s'ouvre pas et travaux de menuiserie non-achevés) mais qu'en tout état de cause, l'ensemble des désordres constatés par l'expert étaient apparents lors de la réception et de ce fait, connus des maîtres de l'ouvrage.

Les époux [F] prétendent, page 25 de leurs écritures, que «'ces non-conformités ont été révélées dans toute leur ampleur à l'occasion de l'expertise judiciaire et rendent le bien non-conforme à sa destination'». Ce faisant, les appelants procèdent par affirmations, lesquelles affirmations sont démenties par le caractère parfaitement visible, par nature, des non-conformités, malfaçons et défauts de finitions qui ont été constatés par l'expert judiciaire. En réalité, il n'est pas sérieusement discutable que, même pour des non-professionnels de la menuiserie, les désordres allégués étaient parfaitement visibles lors de la réception, même pour ceux non expressément réservés, de sorte que ces désordres ont été, soit purgés par la réception sans réserve, soit couverts par la réception avec réserves.

Ces désordres n'étant pas de nature décennale, ils ne sont pas susceptibles d'engager la responsabilité décennale de la société Ain Menuiserie.

A titre subsidiaire, les époux [F] indiquent, page 25 de leurs écritures, rechercher la responsabilité contractuelle de la société Ain Menuiserie. Toutefois, les appelants précisent, au dispositif de ces mêmes écritures, solliciter la condamnation de la société Allianz, ès-qualités d'assureur en garantie décennale de la société Ain Menuiserie.

Dans la mesure où les époux [F] ne sollicitent pas, par voie d'action directe, la mobilisation de la garantie «'responsabilité civile de l'entreprise'» souscrite par cette dernière société auprès de la société Allianz, il est inutile de rechercher si la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Ain Menuiserie est engagée.

Sur l'action directe contre l'assureur décennal de la société Ain Menuiserie':

Selon l'article 124-3 du Code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

En l'espèce, il résulte de ce qui précède que la responsabilité décennale de la société Ain Menuiserie n'est pas engagée. Dès lors, le jugement attaqué, en ce qu'il a rejeté l'action directe engagée par les époux [F] contre Allianz, ès-qualités d'assureur décennal de la société Ain Menuiserie, sera confirmé.

Sur les demandes des appelants dirigées contre l'assureur de la société Lena Concept':

Sur la nature des désordres affectant les travaux réalisés par Lena Concept':

La présomption de responsabilité de l'article 1792 du Code civil suppose que soit établi un lien d'imputabilité entre le dommage constaté et l'activité du locateur d'ouvrage, sauf la faculté pour celui-ci de s'en exonérer en établissant la preuve d'une cause étrangère, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation.

En l'espèce, l'expert [K] a énuméré et décrit les désordres affectant les travaux de maçonnerie, charpente et carrelage confiés à la société Lena Concept en les distinguant de la manière suivante':

Ceux concernant l'implantation de la maison (laquelle notamment empiète sur le tènement voisin),

Ceux concernant le garage (lequel présente notamment des différences d'altimétrie avec les prévisions du permis de construire),

Ceux concernant la cave (laquelle, non-prévue au permis de construire, n'est pas ventilée au point que le stockage d'objets n'est pas possible en raison de l'humidité),

Ceux concernant la partie intérieure de la maison (présentant de nombreuses non-finitions et malfaçons),

Ceux concernant la toiture et la couverture (présentant plusieurs malfaçons),

Ceux concernant la partie structurelle de la maison et le gros 'uvre (qui ne respecte pas les normes parasismiques).

Selon l'expert, certains de ces désordres affectent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination. Mais, sans qu'il soit besoin d'examiner chacun de ces désordres isolément et leur imputabilité, la cour relève que l'expert judiciaire expose que le désordre constaté au niveau de la structure, tenant au non-respect des normes parasismiques, est tel qu'il ne permet pas d'envisager des travaux de reprises (page 20 du rapport d'expertise).

En effet, Mme [K] indique avoir réalisé cinq sondages destructifs pour observer la présence d'armatures formant des chaînages et leur continuité dont aucun n'a mis en évidence le respect des normes parasismiques de construction. Elle en conclut que cette non-conformité, qui affecte les ouvrages de fondation et de gros 'uvre assurant le clos, rend le bâtiment impropre à sa destination (page 19 du rapport d'expertise).

La cour relève que, dès lors que le rôle des fondations d'un immeuble d'habitation est d'assurer la transmission dans le sol des charges (poids propre, forces climatiques, sismiques et charges d'exploitation) de l'ouvrage et notamment, de garantir la stabilité de l'immeuble en cas de charges sismiques. La non-conformité aux normes sismiques relevée par l'expert rend ainsi les fondations réalisées par la société Lena Concept impropres à leur destination. En outre, les parties ne discutent pas le caractère non-visible de ce désordre à la réception.

Dès lors, ce désordre, ni réservé, ni apparent lors de la réception, révélé lors des opérations d'expertise et imputable à la seule société Lena Concept en charge du lot «'maçonnerie'», est de nature décennale. En outre, il n'est allégué aucune cause étrangère qui serait à l'origine de ce désordre. Il s'ensuit que la responsabilité décennale de la société Lena Concept est engagée.

Concernant les travaux de reprise, l'expert [K] précise que si des réparations étaient entreprises, elles «'détérioreraient énormément l'édifice'» et qu'elles «'seraient très complexes à mettre en 'uvre pour garantir une parfaite efficacité'», outre qu'il serait «'quasi-impossible'» «'de trouver une entreprise qui accepterait de réaliser de tels travaux et de garantir l'ouvrage fini'». Elle en conclut que la construction ne peut être réparée mais qu'elle doit être démolie pour que le terrain reçoive une nouvelle construction (page 20 du rapport d'expertise).

A raison de la nécessité, pour remédier au désordre tenant à la non-conformité des fondations aux normes parasismiques, de démolir et de reconstruire la maison, il est inutile d'examiner les questions de la nature, de l'imputabilité et de la réparation des autres désordres imputables à la société Lena Concept.

La responsabilité décennale de la société Lena Concept étant engagée, il convient d'examiner l'action directe des époux [F] contre l'assureur de cette société.

Sur l'action directe contre l'assureur de la société Léna Concept':

Selon l'article 124-3 du Code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Cette action, qui trouve son fondement dans le droit à réparation du préjudice causé dont l'assuré est responsable, ne peut s'exercer que dans les limites du contrat d'assurance.

En vertu de l'article L.112-6 du Code des assurances : «'L'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire'».

***

En l'espèce, la société MIC Insurance expose qu'elle est assureur de la société Lena Concept en vertu d'une police n°151101594JA et elle produit les conditions générales et particulières applicables au contrat d'assurance «'Construct'or'» ayant pris effet le 14 novembre 2015. Cette assurance comporte quatre garanties parmi lesquelles la «'responsabilité civile décennale'», qui constitue une assurance obligatoire prévue par l'article L.241-1 du Code des assurances.

La société MIC Insurance conteste néanmoins la mobilisation de sa garantie «'responsabilité civile décennale'» en faisant valoir que la société Lena Concept n'était pas assurée pour des travaux de charpente et de couverture inclus dans le devis accepté par les époux [F] et réalisés. En réalité, cette situation est de nature à exclure la garantie de l'assureur uniquement pour les désordres affectant les activités non-déclarées, soit les seuls désordres affectant les travaux de couverture réalisés. Or, il a été vu que, sans qu'il soit besoin d'examiner ces désordres, la responsabilité décennale de la société Lena Concept est engagée au titre du désordre affectant les fondations qu'elle a réalisées. Il n'est pas sérieusement contestable que ces fondations entrent dans le champ des activités de «'maçonnerie'» déclarées par l'assurée et dès lors couvertes par son assureur. L'absence de garantie concernant les activités de charpente invoquée par l'assureur est en conséquence inopérante puisque la responsabilité de son assuré est engagée concernant les activités déclarées de maçonnerie.

La société MIC Insurance dénie ensuite la mobilisation de sa garantie au motif que la réception tacite alléguée par les appelants est nécessairement intervenue avec réserves. Effectivement, il a été retenu ci-avant que la réception tacite intervenue entre les parties a été faite sous la réserve expresse de 17 désordres énumérés par les maîtres de l'ouvrage, sans observations formulées par les constructeurs. Pour autant, il a été vu également que le non-respect des normes parasismiques constituait un désordre non-visible et non réservé lors de la réception. Dès lors, en l'absence de réserves concernant le désordre dont il est demandé réparation, l'assureur échoue à établir que la garantie décennale ne serait pas mobilisable.

La société MIC Insurance se prévaut enfin d'une exclusion générale de garantie en cas d'abandon de chantier. La cour observe que cette exclusion est mentionnée dans une rubrique «'exclusions'» dans les termes suivants «'L'abandon de chantier en cours est formellement exclu des garanties'». Pour opposable que soit cette clause aux époux [F] en vertu de l'article L.112-6 du Code des assurances précité et pour avéré que soit l'abandon de chantier comme ci-avant retenu, la cour relève que le sens de cette clause apparaît sujet à interprétation. En effet, les époux [F] ne demandent pas réparation d'un abandon de chantier entendue comme la prise en charge des travaux de parachèvement de l'ouvrage, mais ils sollicitent l'indemnisation de dommages qu'ils ont subis du fait des travaux réalisés. Or, la clause peut notamment être interprétée, soit en ce sens que l'assureur entend ne pas accorder sa garantie lorsque des désordres surviennent sur un chantier dès lors qu'il est avéré que l'entreprise assurée a quitté le chantier avant l'achèvement des travaux ou la réception, ce qui ferait échec à toutes demandes d'indemnisation des appelants, soit en ce sens que l'assureur ne garantit pas les dommages découlant d'un abandon de chantier, ce qui ne correspond aux demandes des appelants. En tout état de cause, une clause d'exclusion nécessitant d'être interprétée ne peut être considérée comme étant formelle et limitée. Cette clause d'exclusion sera en conséquence déclarée non écrite.

Au final, la société MIC Insurance échoue à dénier la mobilisation de sa garantie «'responsabilité civile décennale'».

Le jugement attaqué, en ce qu'il a rejeté les demandes des époux [F] à l'encontre de la société Mic Insurance, sera infirmé. Statuant à nouveau, la cour accueille l'action directe des maîtres de l'ouvrage à l'encontre de l'assureur de la société Lena Concept.

Sur l'indemnisation des préjudices':

Sur la mobilisation de la garantie au titre des préjudices matériels':

En vertu de l'article L.241-1 du Code des assurances : «'Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil, doit être couverte par une assurance'».

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était point produit.

En application de ce principe de réparation intégrale, il est jugé, en matière de responsabilité des constructeurs, que le juge détermine souverainement les travaux nécessaires pour rendre l'ouvrage conforme à sa destination sans qu'il y ait lieu de tenir compte d'un enrichissement ou d'une quelconque vétusté, sauf disproportion entre la solution réparative et la gravité des désordres.

Par ailleurs, en matière d'assurance obligatoire, les franchises sont inopposables à la victime pour les dommages relevant d'une garantie obligatoire.

***

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que le préjudice matériel des époux [F] s'élève, d'une part, au coût de la démolition de l'ouvrage, évalué à 60'000 € TTC, et d'autre part, au remboursement des sommes acquittées en pure perte dans l'opération de construction évaluées à 196'982,48 €. Cette dernière somme correspond aux factures acquittées, vérifiées par l'expert, pour 195'873,48 € TT augmentée de la taxe d'aménagement réglée pour les sommes de 792 € et 317 € dont les époux [F] justifient.

En application du principe de la réparation intégrale du préjudice, la société MIC Insurance n'est pas fondée à demander à la cour de limiter sa condamnation à indemniser les époux [F] aux sommes de 30'000 € et 44'282,32 €. Intervenant au titre d'une assurance obligatoire en vertu de l'article L.241-1 du Code des assurances, cette société ne peut pas d'avantage opposer ses plafonds et franchises à la victime de dommages qui en relèvent. Les demandes présentées à titre subsidiaire par la société MIC Insurance de ces chefs seront rejetées.

La cour condamne la société MIC Insurance, ès-qualités d'assureur décennal de la société Lena Concept, à payer aux époux [F] les sommes de 60'000 € TTC et de 196'982,48 € TTC avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision comme demandé.

La société MIC Insurance demande à la cour de rejeter la demande de capitalisation des intérêts mais sans préciser le motif de fait ou de droit qui s'opposerait à cette capitalisation. L'article 1343-2 du Code civil n'exigeant, pour l'anatocisme judiciaire, que la demande du créancier, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis une année.

Sur la mobilisation de la garantie de MIC Insurance au titre des préjudices immatériels':

Les dommages matériels et immatériels consécutifs relèvent de la responsabilité civile décennale mais l'assurance obligatoire ne couvre pas, par principe, les dommages immatériels. Cette prise en charge nécessite la souscription d'une garantie supplémentaire.

En l'espèce, l'assurance «'Construct'or'» souscrite par la société Lena Concept en vertu d'une police n°151101594JA comporte les deux garanties facultatives complémentaires suivantes': bon fonctionnement et effondrement d'ouvrage. Ainsi, la société MIC Insurance ne doit pas sa garantie pour les dommages immatériels consécutifs à un dommage relevant de la garantie décennale de son assuré.

Les époux [F] seront en conséquence déboutés de leurs demandes d'indemnisation de leur frais de relogement et de leur préjudice moral.

Sur les appels en garantie':

La société MIC Insurance sollicite la condamnation de la société Allianz Iard à la relever et garantir à hauteur de 50 % des frais de démolition, ainsi que de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre et qui serait supérieure à 99'595,30 €.

Or, l'assureur de la société Lena Concept ne prétend pas, et encore moins ne démontre, que la société Ain Menuiserie serait pour partie responsable du désordre de nature décennale affectant les fondations de la maison, seul désordre à l'origine des dommages et intérêts alloués aux époux [F]. Dès lors, l'appel en garantie présenté à l'encontre de l'assureur de la société Ain Menuiserie ne peut qu'être rejeté.

La société Allianz Iard n'étant pas condamnée à indemniser les époux [F], son appel en garantie contre la société MIC Insurance est sans objet.

Sur les autres demandes':

La société MIC Insurance succombant, la cour infirme la décision attaquée qui a, d'une part, condamné les époux [F] aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise, et d'autre part, rejeté leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Statuant à nouveau et y ajoutant, la cour condamne la société MIC Insurance aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, avec droit de recouvrement direct par la SELARL Lallement & Associés, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile.

En application de l'article L.111-8 alinéa 3 du Code des procédures civiles d'exécution, il y a lieu d'inclure dans les dépens le coût du constat d'huissier de justice réalisé le 25 janvier 2017 s'agissant d'un acte dont le caractère nécessaire au succès des prétentions des maîtres de l'ouvrage est justifié.

La cour rejette la demande de la société MIC insurance au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Enfin, la cour condamne la société MIC Insurance à indemniser les époux [F] et la SA Allianz Iard de leurs frais irrépétibles respectivement à hauteur des sommes de 4'000 € et 2'000 €.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en ce qu'il a rejeté toutes les demandes de M. [N] [F] et de Mme [O] [W] son épouse dirigées contre la SA Allianz Iard, ès-qualités d'assureur décennal de la société Ain Menuiserie,

Infirme le jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse pour le surplus de ses dispositions.

Statuant à nouveau :

Dit que les travaux réalisés par les SARL Lena Concept et Ain Menuiserie ont fait l'objet d'une réception tacite le 7 janvier 2017 avec réserves,

Dit que la SARL Lena Concept a engagé sa responsabilité décennale à l'égard de M. [N] [F] et de Mme [O] [W] son épouse,

Condamne la SA MIC Insurance Company, prise en la personne de son représentant légal, ès-qualités d'assureur de responsabilité décennale de la SARL Lena Concept, à payer à M. [N] [F] et à Mme [O] [W] son épouse les sommes suivantes':

60'000 € TTC au titre des travaux de démolition de l'ouvrage,

196'982,48 € en remboursement des frais exposés en pure perte,

Dit que cette condamnation est assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année à compter de la présente décision,

Rejette le surplus des demandes indemnitaires de M. [N] [F] et à Mme [O] [W] son épouse,

Condamne la SA MIC Insurance Company, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront le coût de l'expertise judiciaire confiée à Mme [I] [K] et le coût du procès-verbal de constat établi le 25 janvier 2017, avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL Lallement & Associés, dans les conditions prévues à l'article 699 du Code de procédure civile,

Condamne la SA MIC Insurance Company, prise en la personne de son représentant légal, ès-qualités d'assureur de responsabilité décennale de la SARL Lena Concept, à payer à M. [N] [F] et à Mme [O] [W] son épouse la somme de 4'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la SA MIC Insurance Company, prise en la personne de son représentant légal, ès-qualités d'assureur de responsabilité décennale de la SARL Lena Concept, à payer à la SA Allianz Iard, ès-qualités d'assureur de la SARL Ain Menuiserie, la somme de 2'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ, Antoine-Pierre D'USSEL, CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/05140
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;21.05140 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award