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03/07/2024 | FRANCE | N°21/02423

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 03 juillet 2024, 21/02423


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 21/02423 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NP6T



[B]

C/

Association ORSAC



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 25 Février 2021

RG : 18/01860



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 03 JUILLET 2024







APPELANTE :



[S] [B]

née le 05 Janvier 1979 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]



repr

ésentée par Me Arême TOUAHRIA, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



Association ORSAC

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON substitué par Me...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/02423 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NP6T

[B]

C/

Association ORSAC

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 25 Février 2021

RG : 18/01860

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 03 JUILLET 2024

APPELANTE :

[S] [B]

née le 05 Janvier 1979 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Arême TOUAHRIA, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Association ORSAC

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Jean-Charles METZ, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 26 Mars 2024

Présidée par Catherine MAILHES, Présidente conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Catherine MAILHES, présidente

- Nathalie ROCCI, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 03 Juillet 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [B] (la salariée) a été engagée le 6 octobre 2008 par l'association Orsac (Organisation pour la santé et l'accueil dite 'l'association') par contrat à durée indéterminée en qualité d'aide soignante, coefficient 351 de la convention collective nationale des établissements privés à but non lucratif.

L'association employait habituellement au moins 11 salariés au moment du licenciement.

Le 10 juin 2015, la salariée a été élue en qualité de délégué du personnel suppléante.

Par courrier du 10 février 2016, la salariée a sollicité la conclusion d'une rupture conventionnelle, notamment en raison de l'incompatibilité de ses horaires avec ses obligations familiales.

La société a refusé d'accéder à sa demande, après échanges de courriers en date des

7 et 15 mars 2016.

En raison de départs anticipés de son poste par la salariée, la société lui a notifié un courrier d'observations le 20 avril 2016. Puis, le 1er juin 2016 elle l'a convoquée à un entretien préalable à sanction, à l'issu duquel elle lui a notifié un avertissement par courrier du

16 juin 2016.

Le 11 juillet 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour le 19 juillet 2016 et une mise à pied à titre conservatoire lui a été notifiée à cette occasion.

Les membres du comité d'établissement ont rendu un avis favorable à son licenciement, avec une réserve de notification d'un licenciement pour faute simple, à l'occasion de la réunion extraordinaire du 21 juillet 2017.

L'inspection du travail a accordé son autorisation pour procéder au licenciement de la salariée, par décision du 6 septembre 2016.

Par courrier du 16 septembre 2016, l'association lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Le 4 novembre 2016, la salariée a saisi le tribunal administratif, lequel a annulé la décision de l'inspection du travail autorisant le licenciement, par jugement du 6 mars 2018.

Le 25 juillet 2018, contestant la validité de son licenciement, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de faire constater la nullité de son licenciement et voir l'association condamnée à lui verser une indemnité de licenciement (2 859,08 euros), une indemnité compensatrice de préavis (3 525,06 euros), et congés payés afférents

(352,51 euros), une indemnité au titre de la perte des salaires (33 578,49 euros, outre

3 357,85 euros de congés payés afférents), en tout état de cause à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (14 100,24 euros).

L'association Orsac s'est opposée aux demandes de la salariée et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celle-ci au versement de la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les juges du conseil de prud'hommes se sont déclarés en partage de voix.

Par jugement du 25 février 2021, le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Lyon a :

constaté que le tribunal administratif a, par jugement rendu le 6 mars 2018, annulé la décision d'autorisation de licenciement de Mme [B] en date du 6 septembre 2016, et que cette décision est définitive ;

rejeté la demande formée par Mme [B] au titre de l'indemnisation du préjudice prévue à l'article L.2422-4 du code du travail ;

dit que le licenciement pour faute grave de Mme [B] par l'association Orsac est justifié ;

en conséquence, rejeté les demandes de Mme [B] y afférentes ;

dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

en conséquence, rejeté les demandes des parties sur ce fondement,

débouté les parties de plus amples demandes contraires au présent dispositif ;

condamné Mme [B] aux dépens de la présente instance.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 2 avril 2021

(RG n°21/2423), Mme [B] a interjeté appel de ce jugement aux fins d'infirmation en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents et de sa demande d'article 700.

Par une autre déclaration électronique du 2 avril 2021 (RG n°21/02424), Mme [B] a interjeté appel des chefs de jugement expressément critiqués l'ayant déboutée de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés.

Par ordonnance en date du 14 avril 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures n°21/02424 et n°20/02423 sous le numéro 20/02423.

Par conclusions d'incident notifiées le 15 avril et le 11 mai 2021, l'association Orsac a demandé au conseiller de la mise en état de déclarer l'appel irrecevable et de condamner Mme [B] à lui payer une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance du 24 juin 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident et déclaré recevable l'appel interjeté le 2 avril 2021 par Mme [B].

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le

2 juillet 2021, Mme [B] demande à la cour de :

infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 25 février 2021 ;

et statuant de nouveau,

constater la nullité du licenciement prononcé par l'association Orsac Villa Hestia à son encontre ;

en conséquence,

condamner l'association Orsac Villa Hestia à lui verser les sommes de :

2 859,08 euros au titre d'indemnité de licenciement ;

3 525,06 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

352,51 euros au titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

9 443,13 euros au titre du préjudice pour la perte des salaires ;

944,31 euros au titre des congés payés afférents à la perte des salaires ;

constater qu'en tout état de cause, le licenciement prononcé par l'association Orsac Villa Hestia à son encontre est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

condamner l'association Orsac Villa Hestia à lui verser les sommes de :

14 100,24 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamner l'association Orsac Villa Hestia à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner l'association Orsac Villa Hestia aux entiers dépens de l'instance.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le

20 septembre 2021, l'association Orsac demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et à titre reconventionnel, de condamner Mme [B] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture des débats a été ordonnée le 15 février 2024 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 26 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La salariée fait grief au jugement de la débouter de sa demande tendant à déclarer nul son licenciement, en faisant valoir que :

- l'annulation de la décision d'autorisation de la licencier délivrée par l'inspection du travail suffit à considérer que son licenciement est frappé de nullité, car prononcé sans

autorisation ;

- en tout état de cause, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que bien que conscient de ses difficultés de garde, son employeur a fait preuve d'une particulière déloyauté en ne lui proposant pas de modification de ses horaires de travail malgré son anticipation et le motif légitime de ses demandes ; en refusant sa demande de rupture conventionnelle ce dernier l'a volontairement placée dans une situation la contraignant à quitter son poste prématurément pour aller chercher son enfant à la crèche ; contrairement aux affirmations de son employeur, celui-ci ne lui a jamais proposé de passage à temps partiel ;

- ses départs anticipés étaient justifiés par une obligation familiale impérieuse et aucune faute grave ne peut lui être reprochée, ce d'autant que la société en était avertie dès le mois de février 2016 et qu'ils étaient organisés avec la cadre de santé et les autres collègues présents ;

- la société a fait prévaloir ses obligations contractuelles sans prendre en compte sa situation familiale, et n'a pas démontré qu'elle était dans l'impossibilité d'aménager ses horaires compte tenues de celle-ci.

La société soutient que :

- le licenciement, autorisé par une décision de l'inspection du travail qui par la suite a été annulée par le juge administratif pour un motif de légalité externe de ladite décision, n'a pas été notifié en violation du statut protecteur dont bénéficiait la salariée, en sorte que la nullité du licenciement n'est pas encourue ;

- elle a bien respecté la procédure exorbitante de droit commun pour rompre le contrat de travail d'un représentant du personnel.

1- Sur la demande de nullité du licenciement

Le licenciement prononcé à la suite d'une autorisation administrative de licencier un salarié protégé, ultérieurement annulée n'intervient pas en méconnaissance du statut protecteur et ne donne pas droit aux dommages et intérêts pour licenciement nul (C. Assemblée plénière 10 juillet 1992 n°8840.673 bull.9).

Il ouvre droit à l'indemnité prévue à l'article L.2422-4 du code du travail mais pas à une indemnité pour violation du statut protecteur (soc.6 avril 2016, n°14-13.484).

Il peut ouvrir droit à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s'il est constaté par ailleurs que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse (soc.3 mai 2011 n°0971.950 bull 106).

En l'occurrence, le licenciement est intervenu le 16 septembre 2016 en suite de l'autorisation administrative du 6 septembre 2016, ultérieurement annulée le 6 mars 2018, en sorte que la nullité du licenciement n'est pas encourue. La demande de nullité du licenciement pour violation du statut protecteur sera donc rejetée ainsi que la demande subséquente de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à déclarer nul le licenciement et la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul.

2- Sur la demande tendant à dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement

Selon la lettre de licenciement du 16 septembre 2016 qui fixe les limites du litige, la salariée a été licenciée pour les raisons suivantes :

' Depuis début avril, vous avez pris l'initiative d'aménager vos horaires en fonction de vos besoins personnels et en contradiction avec votre planning et les besoins de l'établissement.

A ce titre, vos départs anticipés et non autorisés ont placé en difficulté l'établissement au regard de son cadre réglementaire, de ses obligations en matière de sécurité et de l'obligation de continuité des services due aux patients accueillis.

Cette attitude a été maintenue malgré deux courriers à caractère disciplinaire adressés en avril et mai courant.

Une telle insubordination qui désorganise l'entreprise rend impossible le maintien du contrat de travail au regard de nos obligations réglementaires et ce, même pendant le temps limité du préavis /.../ '.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.

La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre partie.

Toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur et tel est le cas d'espèce.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

En principe, la modification des horaires de travail constitue un simple changement des conditions de travail qui relève du pouvoir de direction de l'employeur sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos.

En l'occurrence, la durée du travail au sein de l'établissement est organisée dans le cadre d'un horaire de travail collectif fixé par roulements de 6h30 à 14h30 et de 14h à 21h30 par cycles de six semaines et travail un week-end sur trois. Les professionnels travaillent par binômes composés d'un infirmier et d'un aide-soignant.

L'établissement accueille 30 personnes sans domiciles fixes atteintes de pathologies diverses.

Il est établi et non contesté que la salariée est mère célibataire d'un enfant né le

16 mars 2013.

Elle a par courrier du 10 février 2016, informé l'employeur qu'elle allait se trouver à compter de la fin du mois d'avril 2016, pour la garde de son fils qui allait avoir 3 ans précisant qu'elle l'élevait seule, qu'elle ne pourrait le faire garder à la crèche que huit jours par mois, la laissant sans mode de garde pour les autres jours, arguant alors de l'incompatibilité de ses horaires de travail et de son poste d'aide soignante avec sa vie de famille, et lui proposant alors une rupture conventionnelle.

Par courrier du 7 mars 2016 réitéré le 15 mars 2016, l'employeur lui a notifié son refus de rupture conventionnelle.

Il lui a adressé le 20 avril 2016 une lettre d'observations pour ses absences en fin de service le 1er avril 2016 de 19h à 21h30, le 5 avril de 19h à 21h30, le 13 avril de 12h à 14h30 et le 15 avril de 12h à 14h30, indiquant qu'à différentes occasions, elle avait évoqué des raisons personnelles pour écourter son service en prévenant le cadre de santé quelques instants avant son départ et que cette manière de faire n'était pas compatible avec l'organisation du travail et préjudiciable sur la qualité des missions d'accueil et de soins qui leur étaient confiées, lui demandant alors expressément d'adopter une toute autre attitude afin de respecter le cadre horaire défini au planning du service.

Par courrier du 27 avril 2016, la salariée rappelant la teneur de son courrier de février, le refus de sa proposition, a indiqué qu'elle était obligée de partir de son poste avant l'heure pour récupérer son fils à la crèche, que l'employeur ne lui apportant aucune solution, elle était dans l'obligation de réitérer ses absences en fin de poste et renouvelait sa demande de rupture conventionnelle.

Par courrier du 10 mai suivant l'employeur a noté qu'il ne partageait pas son analyse et que son souhait de s'engager dans une nouvelle orientation professionnelle plus compatible avec ses obligations familiales ne l'autorisait pas à lui imposer ce projet ou à refuser d'exécuter son contrat de travail et de respecter ses horaires de travail, précisant alors qu'il lui avait proposé d'étudier ensemble les possibilités d'un passage à temps partiel afin de prendre en considération ses contraintes exprimées, mais qu'elle avait refusé cette solution en mettant en avant son souhait de bénéficier des prestations de l'assurance chômage pour financer son projet professionnel.

Par courrier du 1er juin 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à sanction disciplinaire pour le 16 juin 2016 et a été sanctionnée d'un avertissement par courrier du 16

juin 2016 pour avoir quitté son poste de travail avant sa fin de poste les 12, 17 et 20 mai 2016, perturbant le bon fonctionnement du service.

Il n'est pas contesté que la salarié a quitté son poste de travail plus tôt que l'horaire de débauche dans les deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement et postérieurement à l'avertissement du 16 juin 2016.

L'employeur n'a pas procédé à une modification de ses horaires de travail : l'organisation de l'entreprise n'a pas été changée et quel que soit le cycle de travail dans lequel la salariée était planifiée, les horaires étaient devenus incompatibles avec ses contraintes personnelles qui avaient été bouleversées par la survenue des 3 ans de l'enfant et de la réduction des prestations sociales ne lui permettant plus selon ses affirmations de bénéficier des services de la crèche sur l'intégralité de la semaine.

Aussi, la salariée ne peut utilement arguer de ses obligations familiales impérieuses pour s'exonérer de ses fautes, dès lors que :

- d'une part l'employeur n'avait pas modifié l'organisation du service ;

- d'autre part, la salariée qui n'avait aucunement sollicité d'aménagement de son poste de travail avait refusé la proposition d'aménagement de son poste de travail à temps partiel faite par l'employeur,

- enfin, elle ne justifie pas avoir organisé ses départs anticipés avec la cadre de santé et ses collègues de travail de sorte que ses absences répétées causaient un dysfonctionnement du service,

et que dans ces circonstances, le refus de l'employeur de modifier l'organisation générale de l'entreprise était justifié par la nature de la tâche à accomplir, s'agissant de l'accueil de personnes sans domicile fixe atteintes de pathologies diverses devant être assuré en continu par un binôme de professionnels de soins, et que ce refus était proportionné au but recherché compte tenu de la proposition de d'aménagement de poste de travail.

Ainsi en continuant à quitter son poste de travail avant la fin de service malgré l'observation et l'avertissement infligés en juin 2016, la salariée qui a fait preuve d'insubordination, a manqué à des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise, caractérisant une faute grave privative des indemnités de rupture.

C'est donc à bon droit que le juge départiteur a dit que le licenciement pour faute grave de Mme [B] était justifié et l'a déboutée de ses demandes indemnitaires subséquentes. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ces chefs.

Sur l'indemnité de l'article L.2422-4 du code du travail

Le juge départiteur a débouté Mme [B] de cette demande au motif qu'elle n'avait pas justifié de ses revenus dans le cadre de son activité de gérante de la société Les Minidoux.

La salariée fait valoir qu'en raison de l'annulation par le tribunal administratif de la décision d'autorisation de son licenciement de l'inspection du travail, elle peut prétendre à l'indemnité de l'article L. 2422-4 du code du travail visant à réparer l'intégralité du préjudice subi, mais ne souhaite pas être réintégrée à l'association.

Elle sollicite une indemnité pour perte des salaires entre le licenciement et l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision du tribunal administratif, soit pendant 19 mois et 18 jours, avec déduction des sommes perçues au titre de l'ARE au cours de cette période.

La société conclut à la confirmation du jugement déféré, arguant de ce que l'indemnité de l'article L. 2422-4 du code du travail n'est pas forfaitaire et que la salariée se contente de demander la réparation de l'intégralité de la perte de ses revenus entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision du tribunal administratif, sans pour autant rapporter la preuve de la réalité et de l'étendue de son préjudice financier au regard de son activité de gérante de la SARL Les Minidoux, exerçant une activité de micro-crèche ni même d'un préjudice moral.

***

Selon les dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail, il est prévu que :

Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.

Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.

L'indemnité prévue par l'article L. 2422-4 du code du travail doit correspondre à la totalité du préjudice, tant matériel que moral, subi au cours de la période écoulée entre le licenciement et la réintégration du salarié (soc, 12 novembre 2015, n°14-10.640).

Les sommes perçues au titre des revenus de remplacement doivent être pris en considération dans l'évaluation du préjudice subi par le salarié protégé licencié avec une autorisation de l'inspecteur du travail par la suite annulée.

En l'occurrence, la salariée ne demande pas sa réintégration et la décision du tribunal administratif du 6 mars 2018.

Il n'est pas contesté que la période entre le licenciement et l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision du tribunal administratif était d'un an sept mois et dix-huit jours.

La salariée a perçu au titre de l'assurance chômage des revenus à hauteur de

24 135,36 euros pendant cette période.

Elle a créé une société à responsabilité limitée ayant une activité de mini crèche qui a accueilli les premiers enfants en novembre 2017, mais ne justifie pas des revenus qu'elle a tirés de son activité de gérante de celle-ci alors même que le cumul entre les allocations de retour à l'emploi et les éventuels revenus tirés d'une activité de gérante de sarl est possible. Ainsi, à défaut de justifier de la réalité d'un préjudice financier outre d'un préjudice moral compte tenu de l'annulation de la décision postérieurement à la création de son entreprise, c'est par une exacte appréciation des faits de la cause que le juge départiteur l'a déboutée de toute demande d'indemnité au titre de l'article L.2422-4 du code du travail.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé à ce titre.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La salariée succombant sera condamnée aux entiers dépens de l'appel. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'association et de condamner Mme [B] à lui verser une indemnité de 1 500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

CONFIRME le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [B] à verser à l'association Orsac la somme de

1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [B] aux dépens de l'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 21/02423
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;21.02423 ?
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