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28/06/2024 | FRANCE | N°23/09450

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 28 juin 2024, 23/09450


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 23/09450 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PLQP





[Y]



C/

Etablissement Public FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de [Localité 5]

du 30 Avril 2019















































AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 28 JUIN 2024









APPELANT :



[V] [Y]

né le 02 Décembre 1965 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOC...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 23/09450 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PLQP

[Y]

C/

Etablissement Public FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de [Localité 5]

du 30 Avril 2019

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 28 JUIN 2024

APPELANT :

[V] [Y]

né le 02 Décembre 1965 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Samuel m. FITOUSSI de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Yasmine BEN CHAABANE, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Claudiane COLOMB, Greffière placée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère

- Anne BRUNNER, Conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, et par Christophe GARNAUD, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [Y] s'est vu diagnostiquer un cancer broncho-pulmonaire provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante alors qu'il réalisait, entre 1985 et 1995, des opérations de couverture en fibrociment sur des charpentes métalliques.

Le 24 septembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la CPAM) a reconnu le caractère professionnel de sa pathologie.

L'état de santé de M. [Y] a été déclaré consolidé au 7 décembre 2018.

Le 23 avril 2018, M. [Y] a déposé une demande d'indemnisation auprès du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le FIVA).

Le 18 octobre 2018, le FIVA a fixé le taux d'incapacité de M. [Y] résultant de son exposition à l'amiante à 100% à compter du 9 mars 2018, et formulé l'offre d'indemnisation suivante :

- préjudice d'incapacité fonctionnelle : en attente,

- 88 900 euros au titre du préjudice moral,

- 28 700 euros au titre du préjudice physique,

- 28 700 euros au titre du préjudice d'agrément.

Le 24 octobre 2018, M. [Y] a accepté l'offre d'indemnisation concernant l'indemnisation de ses préjudices moral, physique et d'agrément pour un montant total de 146 300 euros.

Le 12 décembre 2018, son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) a été fixé à 90% au vu des séquelles suivantes : « cancer broncho pulmonaire primitif disséminé ».

Le 30 avril 2019, le FIVA lui a notifié le rejet de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'incapacité fonctionnelle, estimant que ce préjudice chiffré à 471 442,66 euros avait été intégralement pris en charge par la CPAM à hauteur de 557 183,13 euros.

Le 27 juin 2019, M. [Y] a saisi la cour d'appel de Grenoble en contestation de cette décision.

Le 26 octobre 2020, le taux d'IPP de M. [Y] a été porté à 100% par la CPAM au vu des séquelles suivantes : 'aggravation de l'état du patient, atteint d'un cancer pulmonaire primitif métastasé, ayant nécessité dernièrement une intervention chirurgicale cérébrale'.

Par arrêt du 23 septembre 2021, la cour d'appel de Grenoble a notamment déclaré irrecevable la demande formulée par M. [Y] en réparation de son préjudice esthétique résultant d'une intervention chirurgicale intervenue postérieurement à l'offre contestée, et débouté M. [Y] de ses demandes d'indemnisation du préjudice fonctionnel, de sa perte de chance de promotion professionnelle, et de sa demande de provision.

M. [Y] a formé un pourvoi en cassation.

Parallèlement, le 18 juin 2020, M. [Y] a déposé une demande d'indemnisation complémentaire au titre de l'aggravation de son état de santé au terme de laquelle le FIVA lui a proposé une indemnisation de 6 000 euros au titre des préjudices patrimoniaux.

M. [Y] a contesté cette offre et par arrêt aujourd'hui définitif du 17 février 2022, la cour d'appel de Grenoble a notamment condamné le FIVA au paiement des sommes suivantes :

- 3 000 euros au titre de l'aggravation du préjudice moral,

- 800 euros au titre de l'aggravation du préjudice physique,

- 5 000 euros au titre de l'aggravation du déficit fonctionnel permanent,

- 3 000 euros au titre de l'aggravation du préjudice esthétique,

- 700 euros au titre de l'aggravation du préjudice d'agrément.

Par arrêt du 16 novembre 2023, la Cour de cassation :

- casse et annule, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande formulée par M. [Y] en réparation de son préjudice esthétique résultant d'une intervention chirurgicale intervenue postérieurement à l'offre contestée, l'arrêt rendu le 23 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble,

- remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon,

- condamne le FIVA aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le FIVA et le condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros.

La Cour de cassation juge que la cour d'appel de Grenoble, qui a imputé la rente versée par la CPAM au titre de la maladie professionnelle dont était atteinte la victime sur son poste de préjudice indemnisant son déficit fonctionnel permanent, a violé les articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale, 53, I, et 53, IV, de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

Le 15 décembre 2023, M. [Y] a saisi la cour d'appel de renvoi.

Parallèlement, le 28 décembre 2023, le FIVA a adressé à M. [Y] une nouvelle offre d'indemnisation en réparation de son préjudice fonctionnel, lui proposant la somme de 111 321,78 euros, outre une rente trimestrielle de 5 228,75 euros au 1er octobre 2023.

Dans ses conclusions n° 3 reçues au greffe le 7 mai 2024 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, M. [Y] demande à la cour de :

- juger son recours recevable et bien fondé,

En conséquence,

- débouter le FIVA de toutes ses demandes,

- condamner le FIVA à lui verser :

* 558 613,31 euros au titre de la réparation de son préjudice d'incapacité fonctionnelle permanente,

* 20 000 euros au titre de la réparation de son préjudice de perte de chance d'obtenir une promotion,

En tout état de cause,

- condamner le FIVA à lui verser la somme de 10 000 euros conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le FIVA aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures reçues au greffe le 3 mai 2024 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, le FIVA demande à la cour de :

Sur le préjudice fonctionnel :

A titre principal :

- confirmer que le recours exercé par M. [Y] relatif à la décision de rejet au titre de son préjudice fonctionnel est devenu sans objet,

A titre subsidiaire :

- confirmer le montant de la rente applicable, soit 20 915 euros (valeur avril 2023),

- confirmer que les arriérés doivent être calculés jusqu'au 30 septembre 2023,

- confirmer que l'indemnité allouée à M. [Y] au titre de son préjudice fonctionnel à compter du 1er octobre 2023 doit être versée sous forme de rente et non de capital,

En conséquence,

- confirmer l'offre établie le 28 décembre 2023 au titre du préjudice fonctionnel de M. [Y], soit la somme de 111 321,78 euros, outre une rente trimestrielle de 5 228,75 euros à compter du 1er octobre 2023,

Sur la perte de chance de promotion professionnelle :

- juger que M. [Y] ne démontre pas avoir subi une incidence professionnelle,

En conséquence,

- rejeter sa demande au titre de l'incidence professionnelle,

En tout état de cause,

- juger que M. [Y] perçoit une rente maladie professionnelle qui a pour objet d'indemniser le préjudice professionnel,

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes, en ce compris sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L'OBJET DU RECOURS

Le FIVA considère, à titre principal, que le recours introduit par M. [Y] est aujourd'hui sans objet dès lors que sa décision de rejet du 30 avril 2019, objet du recours, est devenue caduque ensuite de l'offre nouvelle qu'il a formulée le 28 décembre 2023.

A titre subsidiaire, il soutient que l'objet du litige porte sur l'indemnisation du déficit fonctionnel et qu'il peut, en tout état de cause, étant délié de l'offre formulée en 2019, se prévaloir devant la cour d'appel de renvoi de cette nouvelle offre qui ne constitue pas une prétention nouvelle.

Pour sa part, M. [Y] soutient que, dans le cadre de la procédure de renvoi, la cour nouvellement saisie est tenue par l'objet du litige déterminé par la décision du 30 avril 2019 et qui ne peut plus être modifié. Il en déduit que la demande du FIVA visant à confirmer l'offre du 28 décembre 2023 doit être considérée comme irrecevable comme nouvelle en cause d'appel. Il précise par ailleurs que la cour d'appel de Grenoble a été antérieurement saisie d'une contestation de l'offre du 28 décembre 2023.

Il sera rappelé liminairement que M. [Y] a initialement contesté, devant la cour d'appel de Grenoble, la décision du FIVA par laquelle ce dernier a rejeté sa demande de réparation du préjudice fonctionnel en considération du fait que les indemnités servies par la caisse primaire d'assurance maladie, au titre de sa maladie professionnelle, étaient d'un montant supérieur à l'indemnité lui revenant au titre de son déficit fonctionnel.

Il n'est pas contesté qu'ensuite de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 novembre 2023, le FIVA a, le 28 décembre 2023, proposé à M. [Y] une nouvelle offre au titre du préjudice fonctionnel. La victime a refusé cette offre et a saisi en ce sens, la cour d'appel de Grenoble. L'instance y est actuellement pendante.

Il est aussi constant qu'en application de la loi du 23 décembre 2000 et du décret du 23 octobre 2001, l'exercice de l'action juridictionnelle en contestation de l'offre du FIVA a pour effet de rendre cette offre caduque (2e Civ., 14 avril 2016, pourvoi n° 15-16.245) et, en tout état de cause, le FIVA n'est pas tenu par ses offres d'indemnisation de sorte qu'il était fondé, a fortiori ensuite de l'arrêt de la Cour de cassation, à soumettre une nouvelle proposition d'indemnisation.

La cour de renvoi étant ici saisie du litige relatif à l'indemnisation de l'incapacité fonctionnelle de M. [Y] et la décision de rejet du FIVA à ce titre étant devenue caduque, elle est fondée à statuer sur la base de la nouvelle offre du FIVA sans que cette demande du FIVA de confirmation de l'offre du 28 décembre 2023 puisse être considérée comme nouvelle et, par suite, irrecevable à hauteur de cour, étant d'ailleurs observé que la prétention tirée de l'irrecevabilité alléguée par le requérant figurant dans le corps de ses dernières écritures n'est pas reprise en leur dispositif, de sorte que la cour ne saurait y répondre conformément à l'article 954 du code de procédure civile.

Il est par ailleurs constant que "l'instance devant la juridiction de renvoi est la poursuite de l'instance introduite par l'acte d'appel déposé devant la juridiction dont l'arrêt a été cassé " (cass. 2e civ., 19 nov. 2008, n° 07-20.281 : JurisData n° 2008-045883 ), et il résulte des articles 565 et 566 du code de procédure civile que la demande du Fonds tend aux mêmes fins que la demande relative à sa première offre, soumise à la cour de Grenoble. Elle tend par ailleurs à faire juger une question née de la survenance d'un fait nouveau, à savoir une nouvelle offre d'indemnisation concernant le même poste de préjudice.

En outre, M. [Y] invoque les dispositions de l'article 100 du code de procédure civile, selon lesquelles 'Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office', qui conduiraient la présente cour à ne pouvoir statuer sur le fondement de l'offre modificative du FIVA, puisque la cour d'appel a été antérieurement saisie d'une contestation de l'offre du 28 décembre 2023.

Toutefois, force est de constater ici aussi que le requérant ne reprend pas cette exception de litispendance dans le dispositif de ses conclusions et que la cour n'est en conséquence, pas saisie, étant en tout état de cause, relevé qu'il n'est pas démontré une stricte identité des demandes formées devant les deux juridictions.

Il s'ensuit que le recours de M. [Y] contre la première offre est devenu sans objet mais que le FIVA est recevable à se prévaloir devant la cour d'appel de renvoi de sa nouvelle offre du 28 décembre 2023 qui ne constitue pas une prétention nouvelle.

SUR L'INDEMNISATION DU PRÉJUDICE FONCTIONNEL

Il n'est pas contesté qu'un taux d'incapacité de 100% a été retenu à compter du 10 mars 2018 par le médecin-conseil du FIVA.

Les parties s'opposent sur le terme des arrérages échus, l'actualisation du montant de la rente ainsi que sur les modalités de son versement.

M. [Y] demande, s'agissant des arriérés, que le calcul de l'indemnisation s'opère sur la base de calcul figurant à la décision de rejet du 30 avril 2019 et réclame, en outre, le versement de l'indemnisation pour les arrérages à échoir sous forme de capital, et non de rente, ainsi que l'application du montant de la rente FIVA actualisée au jour où la cour statue, soit selon le barème FIVA 2024, une rente de 21 877 euros.

Il détaille le déficit fonctionnel permanent comme suit :

- sur la période du 10/03/2018 au 31/12/2018 : (297/365) X 21 877 euros, soit 17 801,28 euros,

- sur la période du 01/01/2019 au 31/03/2019 : 5 394,33 €,

- à compter du 01/04/2019 : 21 877 X 24,474 = 535 417,70 €,

Soit un total de 558 613,31 €.

Le FIVA considère que son offre de rente de 20 915 euros par an est celle en vigueur au 1er avril 2023, soit à la date de sa dernière proposition, considérant que retenir une actualisation au 1er avril 2024 reviendrait à créer une inégalité de traitement entre les victimes ayant accepté l'offre du FIVA et celles ayant contesté l'offre, ainsi qu'à le placer dans une situation d'insécurité juridique puisque cela conduirait les victimes à contester toutes les décisions précédant de quelques jours ou semaines la revalorisation de la rente FIVA.

Le FIVA souligne également que les arriérés doivent être calculés jusqu'au dernier jour du trimestre précédant l'offre du FIVA, soit ici jusqu'au 30 septembre 2023, cette solution étant d'ailleurs plus favorable au requérant.

Enfin, il demande le versement de l'indemnisation des arrérages à échoir sous forme de rente, modalité qui permet un revenu régulier et évite une dilapidation toujours possible des sommes allouées, soulignant de surcroît que la capitalisation de la rente sollicitée conduirait à régler immédiatement une dette non échue.

Son calcul est le suivant :

- sur la période du 10/03/2018 au 31/12/2018 : 297/365 x 20 915 = 17 018,51 euros,

- sur la période du 01/01/2019 au 31/12/2022 : 20 915 x 4 = 83 660 euros,

- sur la période du 01/01/2023 au 30/09/2023 : 273/365 x 20 915 = 15 643,27 euros

dont à déduire la somme de 5 000 euros versée par le Fonds en réparation de ce préjudice, suite à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble le 17 février 2022),

- à compter du 1er octobre 2023 : rente trimestrielle de 5 228,75 euros.

Sur le premier point d'achoppement, la cour observe que les parties s'accordent néanmoins sur le principe du calcul des arriérés de rente jusqu'au dernier jour du trimestre précédant l'offre du FIVA, la différence tenant à la détermination de l'offre en cause. Or, il résulte des développements précédents que l'offre du 30 avril 2019 étant caduque, les arrérages échus ont pris fin au dernier jour du trimestre précédant l'offre du 28 décembre 2023, soit au 30 septembre 2023.

En deuxième lieu, pour la détermination du montant de la rente, il y a lieu de se placer à la date de l'offre contestée, cette solution permettant d'éviter une rupture d'égalité de traitement entre les victimes de l'amiante ayant accepté l'offre du FIVA et celles l'ayant contestée, ainsi que tout comportement procédural dilatoire.

L'indemnisation sera donc calculée sur la base d'une valeur de rente de 20 915 euros (valeur au 1er avril 2023).

En troisième lieu, la victime a droit à une indemnisation totale de son préjudice et peut choisir la forme sous laquelle elle entend recevoir l'indemnisation qui lui est due et la façon dont elle entend en disposer, mais elle ne peut exiger le versement immédiat d'un capital représentatif de la rente à laquelle elle a droit, et c'est à la juridiction qu'il appartient d'apprécier souverainement le mode d'indemnisation le plus adéquat.

La cour rappelle aussi que l'indemnisation vise à réparer les conséquences dommageables de l'incapacité fonctionnelle de la victime, lesquelles se réalisent naturellement de manière échelonnée dans le temps, jusqu'à la date de son décès. Dès lors, l'indemnisation sous la forme d'une rente apparaît la mieux appropriée pour indemniser ce préjudice de la manière la plus juste qui soit.

En l'occurrence, M. [Y] ne s'explique pas davantage sur son choix d'un capital. La cour estime qu'au regard de l'âge de M. [Y], de sa pathologie, et du montant de la rente, l'indemnisation sous la forme d'une rente, telle que proposée par le FIVA est la plus adaptée.

Ainsi, au regard des développements qui précédent, l'offre faite par le FIVA le 28 décembre 2023, et qu'il reprend dans ses dernières écritures au titre du préjudice d'incapacité fonctionnelle est validée, soit le versement de la somme de 116 321,78 euros au titre des arriérés dus sur la période du 10 mars 2018 au 30 septembre 2023 et d'une rente trimestrielle d'un montant de 5 228,75 euros à compter du 1er octobre 2023.

Cette indemnisation sera mise à la charge du FIVA, sous déduction des provisions éventuelles déjà versées.

SUR L'INDEMNISATION DE LA PERTE DE CHANCE DE PROMOTION PROFESSIONNELLE

M. [Y] réclame, à ce titre, une somme de 20 000 euros, en faisant valoir qu'il a contracté un cancer broncho-pulmonaire à l'age de 52 ans, alors qu'il pouvait encore prétendre travailler une dizaine d'années et bénéficier d'une évolution de carrière.

Le FIVA s'oppose à cette prétention, en faisant observer que les éléments apportés par M. [Y] sont insuffisants à établir, en dépit d'une inaptitude à son poste de monteur/poseur, sa situation actuelle, ni de ce qu'il a subi une incidence professionnelle.

M. [Y], qui était chef d'équipe monteur/poseur depuis février 2017 ainsi que l'établissent les fiches de paie qu'il produit, n'apporte aucun élément justifiant qu'il avait une chance de promotion professionnelle au moment de la déclaration de sa pathologie, qui aurait été diminuée ou empêchée à la suite des conséquences de celle-ci. En l'absence de preuve d'une telle chance existant effectivement à ce moment-là, ni même des qualifications qu'il détenait ou souhaitait acquérir pour bénéficier d'une promotion professionnelle, sa demande d'indemnisation à ce titre doit être rejetée.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Aux termes du premier alinéa de l'article 31 du décret du 23 octobre 2001, les dépens de la procédure restent à la charge du Fonds.

Il n'y a par ailleurs pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Déclare recevable la demande du FIVA visant à voir confirmer l'offre du 28 décembre 2023 qui s'est substituée à l'offre du 30 avril 2019,

Fixe l'indemnisation du préjudice d'incapacité fonctionnelle de M. [Y] à 116 321,78 euros au titre des arriérés dus sur la période du 10 mars 2018 au 30 septembre 2023 et dit que cette indemnisation prendra la forme d'une rente trimestrielle d'un montant de 5 228,75 euros à compter du 1er octobre 2023, dont à déduire les provisions d'ores et déjà versées par le FIVA,

Rejette la demande d'indemnisation de M. [Y] au titre de la perte de chance de promotion professionnelle,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que le FIVA supportera les dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 23/09450
Date de la décision : 28/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-28;23.09450 ?
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