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28/06/2024 | FRANCE | N°21/08878

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 28 juin 2024, 21/08878


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





RAPPORTEUR





R.G : N° RG 21/08878 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N7YU





S.A.S. [4]



C/

CPAM DU [Localité 5]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de SAINT-ETIENNE

du 03 Décembre 2021

RG : 17/00418













































AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS




COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 28 JUIN 2024







APPELANTE :



S.A.S. [4]

(AT : Mme [S])

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Edith GENEVOIS, avoc...

AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : N° RG 21/08878 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N7YU

S.A.S. [4]

C/

CPAM DU [Localité 5]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de SAINT-ETIENNE

du 03 Décembre 2021

RG : 17/00418

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 28 JUIN 2024

APPELANTE :

S.A.S. [4]

(AT : Mme [S])

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Edith GENEVOIS, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

CPAM DU [Localité 5]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Mme [H] [O] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Claudiane COLOMB, Greffière placée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère

- Anne BRUNNER, Conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, et par Christophe GARNAUD, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [S] a été embauchée par la société [4], venant aux droits de la société [7], en qualité d'employée commerciale.

Le 28 mai 2014, la société [4] a établi une déclaration d'accident du travail survenu le 25 mai 2014 à 8h50, au préjudice de Mme [S], dans les circonstances suivantes : 'Mme [S] faisait de la mise en rayon lorsqu'elle aurait ressenti une douleur au dos', laquelle déclaration était accompagnée d'un certificat médical initial établi le 27 mai 2014 faisant état d'un lumbago lombaire.

Le 4 juin 2014, la caisse primaire d'assurance maladie du [Localité 5] (la CPAM) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

Le 30 mars 2015, l'état de santé de Mme [S] a été déclaré consolidé au 15 avril 2015.

Le 27 mars 2017, la société [4] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contestation de la décision d'opposabilité des arrêts et des soins prescrits à Mme [S].

Par requête reçue au greffe le 22 juin 2017, la société [4] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par décision du 19 janvier 2017, la commission de recours amiable a rejeté la demande de la société [4].

Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal :

- ordonne une expertise judiciaire sur pièces,

- désigne le docteur [P] (centre hospitalier [6] Service d'orthopédie traumatologie [Adresse 1]) pour accomplir la mission suivante :

* prendre connaissance des éléments produits par les parties,

* déterminer exactement les lésions initiales en lien avec l'accident du travail du 27 mai 2014,

* dire si l'accident a révélé ou a temporairement aggravé un état pathologique antérieur indépendant, et dans l'affirmative, dire à partir de quelle date cet état est revenu à son statu quo-ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte,

* fixer la durée des soins et arrêts de travail en relation, au moins en partie, avec l'accident et la durée des soins et arrêts de travail exclusivement liés à une cause étrangère à l'accident,

* fournir les seuls éléments médicaux de nature à apporter une réponse à la question posée,

- dit que l'expert pourra s'adjoindre et recueillir l'avis de tout technicien d'une autre spécialité que la sienne en sollicitant, si besoin est, un complément de provision et à charge de joindre l'avis du sapiteur à son rapport et de présenter une note d'honoraires et de frais incluant la rémunération du sapiteur,

- rappelle que la CPAM doit, en application de l'article L. 142-10 du code de la sécurité sociale, communiquer à l'expert l'intégralité du rapport médical ayant fondé sa décision, et notamment les pièces du dossier mentionné à l'article R. 441-14 du même code, sauf au juge à tirer toutes les conséquences de son abstention ou de son refus,

- enjoint à la CPAM et/ou son service médical de communiquer l'entier dossier médical de Mme [S] dès l'acceptation de sa mission par l'expert,

- dit que les éléments médicaux ayant contribué à la décision de prise en charge ou de refus et à la justification des prestations servies à ce titre devront être notifiées au docteur [T] médecin mandaté à cet effet par la société [4],

- dit que la CPAM devra faire l'avance des frais d'expertise,

- dit que les parties seront à nouveau convoquées à l'audience par les soins du greffe du tribunal pour qu'il soit statué sur l'opposabilité des soins et des arrêts de travail prescrits à l'employeur,

- dit que l'expert enverra aux parties un pré-rapport et répondra à tous dires écrits de leur part formulés dans le délai qu'il leur aura imparti avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera en double exemplaire au greffe du pôle social du tribunal judiciaire dans les quatre mois du jour où il aura été saisi de sa mission,

- dit que l'expert en adressera directement copie aux parties, et, sur demande de l'employeur, au médecin qu'il mandatera à cet effet,

- réserve le surplus des demandes,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Le 6 juin 2021, le docteur [P] conclut que 'Dans ces conditions, on peut admettre que le statut de la patiente était consolidé au 23 décembre 2014 de son AT du 27 mai 2014.

Le médecin conseil n'avait pas retenu cette date car il savait que la patiente devait voir le médecin du travail mais on n'a pas de donnée objective le concernant.

L'expert estime que la consolidation est acquise au 23 décembre 2014 sans déficit fonctionnel permanent indemnisable, les lombalgies relevant d'un état antérieur évoluant pour son propre compte'.

Par jugement du 3 décembre 2021, le tribunal :

- dit que seuls les arrêts de travail et soins prescrits à Mme [S] du 27 mai 2014 au 23 décembre 2014 des suites de l'accident du travail dont elle a été victime le 27 mai 2014 sont opposables à la société [4],

- dit que les arrêts de travail et soins prescrits à Mme [S] à compter du 24 décembre 2014 ne sont pas opposables à la société [4],

- dit que les frais d'expertise resteront à la charge de la CPAM,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration enregistrée le 16 décembre 2021, la société [4] a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 27 juillet 2023 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la société [4] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

- juger que la CPAM a transmis uniquement l'argumentaire de son médecin-conseil à l'expert judiciaire,

- juger que la CPAM a délibérément violé le principe du contradictoire en s'abstenant de transmettre l'entier dossier médical de Mme [S] à l'expert judiciaire et plus particulièrement les certificats médicaux de prolongation,

En conséquence,

- juger que l'ensemble des conséquences financières faisant suite à l'accident déclaré le 27 mai 2014 par Mme [S] lui est inopposable.

Par ses dernières écritures reçues au greffe le 13 novembre 2023 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, la CPAM demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement,

- constater que la CPAM n'a pas failli à ses obligations et qu'elle a bien adressé à l'expert l'ensemble des certificats médicaux de prolongation,

- confirmer, en conséquence, l'opposabilité à l'égard de la société [4] des arrêts de travail et soins prescrits à Mme [S] du 27 mai au 23 décembre 2014,

A titre subsidiaire,

- constater la nullité du rapport d'expertise du docteur [P],

- ordonner une nouvelle expertise médicale judiciaire aux fins de déterminer les arrêts de travail et soins en lien avec l'accident de travail du 27 mai 2014,

- déclarer la société [4] mal fondée dans ses prétentions pour la débouter de son appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA DEMANDE D'INOPPOSABILITE

Au soutien de sa demande, la société [4] oppose le manquement au respect du principe de la contradiction dans le cadre des opérations d'expertise. Elle prétend que le refus délibéré de transmission de l'ensemble des éléments médicaux par la CPAM, en dépit de l'injonction judiciaire expresse, n'a pas permis à l'expert de remplir sa mission conformément aux conditions légales. Elle estime que ce manquement de la CPAM constitue une violation du principe du contradictoire qui doit nécessairement être sanctionnée par l'inopposabilité de l'ensemble des conséquences médicales de l'accident du travail.

Elle estime en outre que le tribunal, qui s'est prononcé uniquement sur l'imputabilité des arrêts de travail, a omis de statuer sur sa demande d'inopposabilité pour le non-respect du principe du contradictoire dans le cadre des opérations d'expertise.

En réponse, la CPAM expose que non seulement elle a transmis les pièces au docteur [P] par lettre du 18 février 2021, sans que l'expert ne fasse état de difficultés dans le cadre de sa mission qu'il a menée à son terme en déposant son rapport, mais aussi que la seule sanction encourue au titre d'un défaut de transmission de pièces est la nullité du rapport d'expertise.

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'une maladie professionnelle s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime (2e Civ., 17 février 2011, n° 10-14.981) et, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire (2e Civ., 9 juillet 2020, n° 19-17.626 ; 2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-20.585 ; 2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655).

A l'appui de sa demande en inopposabilité portant sur l'ensemble des arrêts de travail et soins consécutifs à l'accident du travail initial, la société fait valoir que, dans le cadre de l'expertise, la caisse n'a pas respecté l'obligation imposée par le premier juge concernant la communication de l'ensemble des éléments médicaux.

Aux termes de l'article 11 du code de procédure civile, les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus.

L'article 275 du code de procédure civile ajoute que les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

En cas de carence des parties, l'expert en informe le juge qui peut ordonner la production des documents s'il y a lieu sous astreinte, ou bien, le cas échéant, l'autoriser à passer outre ou à déposer son rapport en l'état. La juridiction de jugement peut tirer toute conséquence de droit du défaut de communication des documents à l'expert.

En l'espèce, le jugement du 19 janvier 2021 a ordonné une expertise en enjoignant à la caisse et/ou à son service médical de communiquer l'entier dossier médical de la salariée victime au médecin expert commis.

A la lecture du rapport d'expertise du professeur [P], il ressort que la caisse lui a transmis ses observations médicales, le rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente en AT, le rapport d'expertise du docteur [X]. L'expert note, aux termes des commémoratifs, 'nous n'avons sur la période aucune prolongation des arrêts de travail qui, d'après l'avis du docteur [T], aurait été prolongé régulièrement pour lombalgies... lombosciatique...rachialgie', ajoutant à sa discussion : 'on regrettera que les prolongations d'arrêts de travail, certificats médicaux n'ont pas été fournis pour voir les raisons des prolongations d'arrêts de travail'.

Ce faisant, l'expert n'en a pas moins poursuivi sa mission, et s'est satisfait des pièces qui lui ont été transmises par la caisse, ainsi que des pièces remises par l'employeur, ces pièces étant manifestement suffisantes pour lui permettre de déposer son rapport circonstancié à l'issue de la mission qui lui a été confiée.

La caisse fait d'ailleurs remarquer à juste titre, que l'expert n'a pas jugé utile de la solliciter aux fins de transmission de pièces complémentaires, ni même de saisir le juge chargé des opérations d'expertise d'une difficulté dans sa mission. La cour relève également que l'employeur n'a pas davantage formulé de dire à l'expert relativement à ses conclusions.

Enfin, la cour rappelle que la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents s'applique jusqu'à preuve contraire rapportée par l'employeur du caractère non imputable des arrêts et soins à l'accident du travail initial, et que l'employeur ne peut déduire d'une transmission partielle de pièces ayant conduit à un avis circonstancié d'un expert judiciaire dont les termes ne sont pas contestés au fond, l'inopposabilité de l'ensemble des arrêts de travail pris en charge par l'organisme de sécurité sociale au titre de l'accident.

Sa demande en ce sens doit donc être rejetée.

En l'absence d'autres moyens soulevés par l'employeur en faveur de l'inopposabilité de la prise en charge des soins et arrêts de travail faisant suite à l'accident de travail du 27 mai 2014, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Succombant en ses prétentions, la société [4] sera tenue aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société [4] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 21/08878
Date de la décision : 28/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-28;21.08878 ?
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