AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 21/05308 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NWPF
[J]
C/
S.A.R.L. E-NOMIQ
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 21 Mai 2021
RG : 20/01323
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 28 JUIN 2024
APPELANT :
[G] [J]
né le 19 Avril 1982 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Nora TAOULI, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Pierre JANOT de la SELARL ALTER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Amélie CHAUVIN, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMÉE :
Société E-NOMIQ
[Adresse 1]
[Localité 4]
non représentée
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Mai 2024
Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Béatrice REGNIER, Présidente
- Catherine CHANEZ, Conseillère
- Régis DEVAUX, Conseiller
ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROEDURE
M. [G] [J] a été engagé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée le 15 octobre 2012 par la société E-Nomiq, société spécialisée dans le secteur de l'activité des économistes de la construction et dont l'effectif est compris entre 3 et 5 salariés, en qualité d'économiste TCE.
Selon avenant du 14 février 2017, il est devenu responsable du pôle économie de la construction.
Il a présenté sa démission le 3 mars 2020.
Le 4 juin 2020, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en référé et au fond.
Par décision du 26 août 2020, la conseil statuant en la forme des référés a ordonné à la société E-Nomiq de payer à M. [J] les sommes de :
- 961,47 euros au titre des cinq jours de congés payés non pris en avril 2020,
- 2 166,87 euros au titre du solde de tout compte,
- 12 501 euros brut, outre 1 250,10 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaires de février au 3 mai 2020,
- 626,85 euros net au titre des frais professionnels de déplacement,
- 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 mai 2021, le conseil statuant au fond a :
- dit que la démission est claire et non équivoque ;
- condamné la société E-Nomiq à payer à M. [J] les sommes de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation pour les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la décision pour les autres sommes allouées ;
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions.
Par déclaration du 18 juin 2021, M. [J] a interjeté appel des dispositions du jugement disant que la démission est claire et non équivoque et rejetant ses demandes d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Vu les conclusions transmises par voie électronique par M. [J] le 13 septembre 2021 ;
Vu la signification de la déclaration d'appel à la société E-Nomiq en date du 17 août 2021, avec mention de l'obligation de constituer avocat ;
Vu la signification des conclusions de M. [J] à la société E-Nomiq en date du 28 septembre 2021 ;
Vu l'absence de constitution de la société E-Nomiq ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 mars 2024;
Pour l'exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions déposées et transmises par voie électronique conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE :
Attendu que, la déclaration d'appel et les conclusions ayant été signifiées à personne, le présent arrêt est réputé contradictoire en application de l'article 473 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Attendu que la cour rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, M. [J], qui n'a pas conclu, est réputé s'approprier les motifs du jugement ;
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ;
Que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur ;
Attendu qu'en l'espèce, si la lettre de démission ne contient aucun motif ni aucune réserve, le salarié avait adressé un SMS à son employeur le 16 janvier 2020, soit un mois et demi avant la démission, pour se plaindre de l'absence de réception de sa paie en ajoutant (sic) : 'il faut que l'on se voit pour régler ces problèmes récurent et envisager l'avenir car ça devient pesant et inquiétant' ; que cet élément est de nature à étayer le lien direct les contestations de M. [J] portant sur la régularité du paiement de sa rémunération et l'acte de démission ; que la circonstance, retenue par le conseil de prud'hommes, que M. [J] avait présenté sa démission le 30 janvier 2017 puis l'avait annulée le 20 février suivant n'est pas de nature à infirmer ce constat ; qu'ainsi, en présence d'un différend contemporain de la démission, il y a lieu d'analyser cette dernière en une prise d'acte ;
Attendu que M. [J] soutient sans être contredit - la société E-Nomiq n'ayant pas constitué avocat - qu'à la date de la démission il n'avait pas été réglé de son salaire de février 2020 ni remboursé de ses frais de déplacement depuis décembre 2019 et que par ailleurs ses rémunérations antérieures étaient payées avec retard ; que ses relevés bancaires, attestation de rejet du chèque du 20 mars 2020 et ordonnance de référé le confirment et qu'en tout état de cause la société E-Nomiq ne justifie pas du contraire ; que ces faits constituent des manquements graves de l'employeur empêchant la poursuite de la relation contractuelle ; que la prise d'acte produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, conformément aux dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, M. [J] a droit à une indemnité de licenciement de 7 932,76 euros - montant sur lequel la société E-Nomiq, qui n'a pas constitué avocat, ne formule aucune observation ;
Attendu que le barème d'indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse prévu à l'article L. 1235-3 du code du travail n'est pas contraire à l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail ; que le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l'application du barème au regard de cette convention internationale ; que par ailleurs la loi française ne peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la Charte sociale européenne, qui n'est pas d'effet direct ;
Que, conformément à l'article L. 1235-3 susvisé, et compte tenu de son ancienneté (7 ans) et de l'effectif de l'entreprise (inférieur à 11 salariés), M. [J] a droit à ne indemnité comprise entre 2 et 8 mois de salaire ; qu'en considération de son ancienneté, de sa rémunération mensuelle brute (4 183,79 euros), de son âge (37 ans au moment du licenciement) et du fait qu'il a retrouvé un emploi en mai 2020 pour un salaire mensuel moyen de 4 138 euros, son préjudice est évalué à la somme de 20 000 euros ;
Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité d'allouer à M. [J] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions attaquées,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Dit que la démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société E-Nomiq à payer à M. [G] [J] les sommes de :
- 7 932,76 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,
Condamne la société E-Nomiq aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,