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28/06/2024 | FRANCE | N°21/05294

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 28 juin 2024, 21/05294


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/05294 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NWOJ





[O]



C/

S.A.R.L. LP SERVICES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 20 Mai 2021

RG : F 17/00810











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 28 JUIN 2024







APPELANTE :



[Y] [E] épouse [O]

née le 23 Décembre

1971 à [Localité 5] (THAILANDE)

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par, Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,et ayant pour avocat plaidant Me Sophie LE GAILLARD de l'AARPI ONLY, avocat au barreau de LYO...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/05294 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NWOJ

[O]

C/

S.A.R.L. LP SERVICES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 20 Mai 2021

RG : F 17/00810

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 28 JUIN 2024

APPELANTE :

[Y] [E] épouse [O]

née le 23 Décembre 1971 à [Localité 5] (THAILANDE)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par, Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,et ayant pour avocat plaidant Me Sophie LE GAILLARD de l'AARPI ONLY, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A.R.L. LP SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Philippe BUSSILLET de la SELARL BUSSILLET POYARD, avocat au barreau de LYON substitué par Me Nathalie PALIX, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Mai 2024

Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseillère

- Régis DEVAUX, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 28 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société LP Services exploite depuis le 21 septembre 2010, sous l'enseigne '[4], un restaurant de spécialités thaïlandaises sis [Adresse 3] .

La société est détenue à 90% par M. [H] [G] et à 10% par son épouse Mme [T] [G].

Jusqu'au 14 août 2017, le gérant de la société était M. [G]. Depuis le 15 août 2017, c'est son épouse qui en est devenue la gérante.

La société emploie entre 4 et 6 salariés.

Elle soumise à la Convention Collective Nationale des Hôtels-Cafés-Restaurants.

La société LP Services a embauché Mme [Y] [O] le 1er avril 2014 suivant contrat à durée déterminée à temps partiel d'une durée de 6 mois en qualité de responsable de restaurant, niveau IV, échelon 1, moyennant une rémunération mensuelle brute de 936,36 euros pour 86,70 heures par mois.

La relation contractuelle s'est poursuivie du 1er octobre 2014 au 31 mars 2015 dans le cadre d'un nouveau contrat à durée déterminée à temps partiel, pour les mêmes fonctions de responsable de restaurant, niveau IV, échelon 1, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 500 euros pour 130 heures par mois.

A l'issue de cette seconde période, le contrat s'est poursuivi en contrat à durée à temps plein à hauteur de 151,67 heures de travail par mois, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 957,56 euros.

Selon avenant à son contrat de travail du 10 août 2016 - que la société LP Services dénie avoir régularisé, il a été prévu, à compter du 1er septembre 2016:

- la revalorisation de la classification de la salariée au rang de responsable de restaurant,

agent de maîtrise, niveau IV, échelon 2,

- une augmentation de sa durée de travail de 151,67 à 169 heures par mois,

- une augmentation de sa rémunération mensuelle brute à 2 646,39 euros (2 350,91 € pour 151,67 heures + 295,48 € pour 17,33 heures).

Après avoir été convoquée le 25 janvier 2017 à un entretien préalable et mise à pied à titre conservatoire, Mme [O] a été licenciée pour faute grave le 8 février 2017.

Contestant le bien-fondé de cette mesure, Mme [O] a saisi le 29 mars 2017 le conseil de prud'hommes de Lyon qui, par jugement du 20 mai 2021, a :

- dit que la salariée est repositionnée à la classification agent de maîtrise niveau IV échelon 2 à compter du 1er août 2014 ;

- dit n'y avoir lieu à rappel de salaire consécutif au repositionnement de la salariée ;

- dit que le licenciement pour faute grave est fondé ;

- ordonné à la société LP Services de délivrer à Mme [O] l'ensemble des documents des bulletins de paie et de rupture rectifiés conformément à la décision ;

- condamné la société LP Services à payer à Mme [O] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions.

Par déclaration du 18 juin 2021, Mme [O] a interjeté appel du jugement.

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 14 mars 2022 par Mme [O] ;

Vu les conclusions transmises par voie électronique le 15 décembre 2021 par la société LP Services ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 mars 2024 ;

Pour l'exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions déposées et transmises par voie électronique.

SUR CE :

Attendu que la cour constate qu'aucune demande n'est formulée au titre de la remise des documents de rupture rectifiés alors même que le conseil de prud'hommes a ordonné cette remise ;

- Sur la classification :

Attendu que, par des motifs pertinents que la cour adopte, le conseil de prud'hommes, après avoir rappelé les règles ainsi que les dispositions de la convention collective, a à juste titre retenu que la demande de repositionnement au statut cadre n'était pas fondée mais qu'en revanche Mme [O] aurait dû bénéficier de la classification agent de maîtrise, niveau IV, échelon 2 à compter du 1er août 2014 ; qu'il a par voie de conséquence à bon droit rejeté la demande de rappel de salaire mais accueilli la demande de remise des bulletins de paie et documents de rupture rectifiés sans assortir la condamnation prononcée d'une astreinte ;

Que la cour ajoute que les deux témoignages et les échanges de courriles entre Mme [O] et l'Urssaf, le cabinet comptable ou encore le service livraison fournis en cause d'appel par Mme [O] ne modifient pas l'appréciation faite par les premiers juges des fonctions et responsabilités de Mme [O] faute de démonstration d'un pouvoir de choix des décisions concernant l'organisation de l'entreprise ou son orientation ; qu'elle relève en outre que Mme [O] ne justifie pas posséder le diplôme de niveau Bac + 3 acquis requis par la convention collective pour la classification cadre ; qu'en effet le document qu'elle produit en pièce 9 ne précise pas qu'il s'agit d'un diplôme de bachelor et mentionne l'acquisition de 144 crédits, alors que 180 crédits ECTS doivent être validés pour l'obtention d'une licence ;

- Sur les heures complémentaires et supplémentaires :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ;

Que, selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; que la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminés par voie réglementaire ;

Qu'enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;

Qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires susvisées ;

Qu'enfin le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ;

Attendu qu'en l'espèce Mme [O] soutient avoir travaillé à hauteur, a minima, d'un temps plein entre avril et août 2014 et à raison de 15 heures supplémentaires par semaine de septembre 2014 à mai 2016, date du recrutement de M. [V] en qualité de responsable restaurant ; qu'elle explique qu'elle était présente à l'établissement du lundi au vendredi ainsi que le dimanche, de 11h à 15h, puis de 18h à 23h, et le samedi de 18h à 23h et qu'elle exécutait ainsi entre 50 à 60 heures de travail par semaine ; qu'elle précise qu'elle accomplissait de nombreuses tâches qui nécessitaient sa présence au-delà des heures d'ouverture du restaurant ; qu'elle communique un document dactylographié expliquant le calcul dessommes qu'elle estime lui être dues ainsi que des échanges de courriels et attestations portant sur la diversité de ses missions ; qu'elle produit ainsi des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande, ;

Attendu que la société LP Services conteste la réalisation d'heures complémentaires et supplémentaires ; qu'elle soutient que le gérant n'a quitté la France qu'à l'été 2015, que l'ensemble des missions dévolues à Mme [O] pouvait être réalisé durant les heures d'ouverture du restaurant compte tenu de la petite taille de ce dernier, que le personnel était en nombre suffisant - Mme [O] s'étant même arrogé le droit de recruter un autre responsable de restaurant en mai 2016 ; qu'elle verse aux débats les témoignages suivants :

- Mme [P], aide-cuisinière : ' (...)J'ai eu l'occasion de travailler avec Mme [O] en 2014. Je certifie que Mme [O] n'a pas travaillé à temps plein comme prévu. Elle a travaillé certains jours. Elle est souvent venue au restaurant pendant 5 ' 10 minutes pour récupérer la caisse (...) En 2016, elle demandait à M. [V] [R] de la remplacer presque tout le temps (...)' ;

- Mme [B], aide-cuisinière : ' (...) J'ai remarqué que Mme [O] est venue travailler en fonction de ses disponibilités. Si elle n'était pas disponible, elle demandait à quelqu'un de venir la remplacer. Elle a travaillé uniquement le service du midi du lundi au vendredi sauf le mercredi. Elle a travaillé pour le service du soir seulement le vendredi et le samedi (...)' ;

- Mme [D], cuisinière : ' (...)J'ai remarqué que Mme [O] travaillait seulement du lundi au vendredi et seulement pour le service midi. Elle ne travaillait pas certains mercredis car elle devait aller chercher son enfant à l'école. De temps en temps, elle a emmené son enfant manger dans le restaurant. Pour le service du soir, elle travaillait seulement le vendredi soir et le samedi soir. De temps en temps, elle venait juste récupérer la caisse, et donc passer 10 minutes au restaurant et puis repartir. Si elle ne pouvait pas venir, elle demandait à quelqu'un d'y passer. Son emploi du temps n'était pas très clair et dépendait de sa propre volonté. J'ai été contrainte de démissionner à la fin de l'année 2014. Car j'avais reproché à Mme [O] ses heures de travail. J'estimais que c'était injuste de sa part. Elle était très peu présente au restaurant mais a touché un plein salaire. Mme [O] a préféré recruter ses anciens collègues du restaurant Blue Elephant pour venir travailler dans le restaurant [4]. Je certifie que Mme [O] n'a pas respecté ses heures de travail, abusé l'entreprise au profit de son clan et d'elle-même.' ;

- Mme [K], commerçante : 'Je suis gérante du magasin Messab situé au [Adresse 3] à côté du restaurant [4], je suis une cliente fidèle du restaurant depuis son ouverture, j'y suis allée souvent manger le soir. J'ai constaté que Mme [O] travaillait seulement le vendredi et le samedi soir alors que pour les autres jours, j'ai vu seulement les autres employés travailler.' ;

Attendu que la société LP Services ne produit aucun décompte des heures de travail de Mme [O] ; qu'elle ne justifie donc pas avoir satisfait à ses obligations en la matière et ainsi avoir mis en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier de ses salariés ; qu'au vu des éléments produits de part et d'autre la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [O] a bien effectué des heures complémentaires lorsqu'elle était à temps partiel et supplémentaires lorsqu'elle était à temps complet, mais dans une moindre mesure que celle alléguée et qu'il est dû à l'intéréssée la somme de 3 500 euros, outre 350 euros de congés payés, à titre de rappel d'heures complémentaires et de 11 000 euros, outre 1 100 euros de congés payés, à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

- Sur la contrepartie obligatoire en repos :

Attendu qu'il résulte des articles L.3121-11 et L.3121-22 du code du travail dans leur rédaction applicable qu'en plus des majorations prévues en contrepartie des heures supplémentaires, les salariés ont droit à une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ;

Que, selon l'article 18 IV de la loi 2008-789 du 20 août 2008 dont sont issus les deux textes susvisés, la contrepartie obligatoire en repos, qui remplace le repos compensateur obligatoire, due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent prévu aux deux derniers alinéas de l'article L. 3121-11 du code du travail est fixée à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés ;

Que le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi laquelle comporte le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congés payés afférent ;

Attendu qu'en l'espèce le contingent annuel fixé par la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants est de 360 heures ;

Attendu que, compte tenu du nombre d'heures supplémentaires accomplies annuellement par Mme [O] en 2014 et 2015, le contingent annuel n'a pas été dépassé ; que la salariée est donc déboutée de sa demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;

- Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Attendu, d'une part, que, ainsi qu'il a été dit plus haut, Mme [O] s'est vue attribuer un niveau et un coefficient de classification conformes à ses fonctions ;

Attendu, d'autre part, que Mme [O] ne justifie d'aucun préjudice distinct lié à la réalisation d'heures supplémentaires non payées que celui réparé par l'octroi du rappel de salaire correspondant aux heures ainsi accomplies ;

Attendu que, par suite, la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail est rejetée ;

- Sur le licenciement :

Attendu, d'une part, qu'il convient de rappeler que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Que, selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que, si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;

Que par ailleurs la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis, la charge de la preuve pesant sur l'employeur ;

Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Qu'il en résulte que le délai de deux mois s'apprécie du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié.

Que, dès lors que des faits reprochés à un salarié ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, c'est à l'employeur d'apporter la preuve qu'il avait eu connaissance de ces faits dans le délai de prescription ;

Attendu qu'en l'espèce Mme [O] a été licenciée pour faute grave par courrier recommandé du 8 février 2017 pour les motifs suivants :

'Vous avez été embauchée par la société LP SERVICES en qualité de Responsable de restaurant, à compter du 1er octobre 2014, moyennant un salaire horaire de 12,9067 €.

Nous avons quitté la France pour des raisons personnelles à compter du mois d'août 2015, et le restaurant a continué à fonctionner sans difficulté avec l'équipe en place.

Nous avons constaté un autre retour en France au mois de juin 2017 que, sans avoir reçu le moindre mandat de notre part, ni la moindre délégation de pouvoir, vous vous étiez accordée un avenant à votre contrat de travail à effet du 1er septembre 2016, ayant pour effet de revaloriser votre classification d'employé niveau IV, échelon 1, à agent de maîtrise, niveau IV, échelon 2 de la convention collective.

Parallèlement, vous vous êtes octroyé une augmentation de salaire substantielle, celui-ci passant de 1.957,56 € à 2.646,39 € mensuel.

Bien plus, nous avons constaté que vous aviez, sans aucune autorisation de notre part, embauché Monsieur [R] [V] au même poste que le vôtre, moyennant un salaire mensuel de 2.603,68 €.

Ces faits sont inadmissibles de la part d'une employée qui, si elle est responsable du bon fonctionnement de notre restaurant, ne dispose d'aucune délégation de pouvoir en matière de gestion du personnel.

Ils sont d'autant plus graves que la situation économique de l'entreprise ne justifie pas l'augmentation que vous vous êtes octroyée, et encore moins l'embauche d'un second Responsable de restaurant.

Notre retour a par ailleurs été l'occasion de constater que les réserves du restaurant ne faisaient l'objet d'aucun entretien, et qu'en outre, de nombreux fournisseurs n'étaient pas payés, malgré plusieurs relances de leur part.

Vous comprendrez que nous ne pouvons maintenir dans nos effectifs, même pendant la durée du préavis, une Responsable de restaurant qui, tout en négligeant les tâches relevant de ses attributions normales, croit pouvoir parallèlement sans délégation de pouvoir ni aucune autorisation, s'octroyer une revalorisation de classification et une augmentation de salaire considérables, et embaucher en outre un second Responsable de restaurant.

Ce comportement qui met en péril l'équilibre économique de la société, est constitutif d'une faute grave.' ;

Attendu que, s'agissant de la conclusion des avenants octroyés à Mme [O] et contrat d'embauche au bénéfice de M. [V] reprochée à la salariée, il est constant que ces deux événements sont respectivement en date des 10 août 2016 et 29 avril 2016 et sont donc antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement ;

Que, si la société LP Services prétend qu'elle n'a eu connaissance de ces faits qu'au retour en France de son gérant fin décembre 2016, elle ne l'établit pas ; que, concernant l'avenant du 10 août 2016, Mme [O] fait pour sa part justement valoir que la société, qui se targue d'avoir conservé la direction de l'entreprise et son contrôle administratif et financier lorsqu'elle conteste la classification revendiquée par la salariée, a à tout le moins eu connaissance de sa nouvelle classification et de son nouveau salaire le 17 octobre 2016, date du premier règlement de la rémunération en cause ; que, concernant le contrat de M. [V], il résulte d'un courriel adressé par le comptable de la société LP Services le 29 avril 2016 contenant en pièces jointes la proposition de contrat et la déclaration préalable à l'embauche et mis en copie à M. [S] que le gérant a été informé à cette date de l'embauche litigieuse ;

Que, la société LP Services ayant eu connaissance des faits ainsi reprochés plus de deux mois avant la convocation à l'entretien préalable, ceux-ci sont prescrits et ne peuvent pas justifier le licenciement ;

Attendu que, s'agissant de l'absence d'entretien des réserves et du non-paiement des fournisseurs, leur matérialité n'est pas démontrée ; que les témoignages produits concernant le premier gief n'évoquent pas le sujet de l'entretien des réserves - faisant simplement état d'un manque de présence de Mme [O] et d'une négligence de sa part concernant une panne de lumière du panneau du restaurant ; que la pièce 18 fournie concernant le second manquement ne relève quant à elle pas le retard de paiement des factures allégué puisqu'il s'agit simplement de factures fournisseurs - un seul courriel de relance y figurant;

Attendu que, par suite, la cour retient que le licenciement de Mme [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que Mme [O] a droit à un rappel de salaire de 400 euros, outre 40 euros de congés payés, correspondant à la période de mise à pied conservatoire ainsi qu'à une indemnité compensatrice de préavis de 5 288,07 euros, outre 528,80 euros de congés payés, correspondant à deux mois de salaire -montants sur lesquels les parties sont en accord ;

Que Mme [O] peut également prétendre à une indemnité de licenciement de 1 498,28 euros telle qu'exactement calculée par la société LP Services comme suit, conformément aux dispositions de l'article R. 1234-2 du code du travail dans sa version applicable :

(2 644,03 x 2 / 5) + (2 644,03 x 2 x 10 / 5 / 12) ;

Que, compte tenu de son ancienneté, Mme [O] a enfin droit, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version en vigueur, à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant au préjudice subi ;

Qu'en considération de sa rémunération mensuelle brute, de son âge (45 ans au moment du licenciement) et du fait qu'elle justifie avoir été prise en charge au titre de l'assurance chômage jusqu'en juillet 2018 - aucune information ni pièce n'étant fournie pour la période postérieure, son préjudice est évalué à la somme de 15 000 euros brut ;

- Sur le rappel de salaire pour le mois de février 2017 :

Attendu qu'il résulte de l'examen des bulletins de paie de janvier et février 2017 que le total brut calculé à titre de solde de tout compte, sur le bulletin de salaire de février, est incorrect ;

Qu'il résulte en effet du bulletin de salaire du mois de janvier que Mme [O] avait droit à une indemnité correspondant à 37 jours non pris, ce qui correspond à une indemnité de congés payés d'un montant de 3 969,59 euros ;

Que cependant le total des lignes du décompte du salaire brut dû, sur le bulletin de salaire du

mois de février, ne sont pas justes :

- le montant cumulé, obtenu en additionnant et/ou soustrayant les différentes lignes y comrpis celle afférente à l'indemnité compensatrice de congés payés, aurait dû s'élever à 5 810,24 euros,

- or, le montant brut noté est uniquement de 3 377,48 euros,

- il manque un différentiel de 2 432,76 euros brut (5810,24 - 3377,48), outre les congés payés y afférents ;

Que sa demande, sur laquelle la société LP Services n'a pas conclu, est donc accueillie ;

- Sur la remise des bulletins de salaire rectifiés :

Attendu que la rectification des bulletins de paie devra porter non seulement sur la reclassification mais également sur les sommes de nature salariale allouées par la cour ;

- Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité d'allouer à Mme [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Constate qu'aucune demande n'est formulée au titre de la remise des documents de rupture rectifiés,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que la salariée est repositionnée à la classification agent de maîtrise niveau IV échelon 2 à compter du 1er août 2014,

- dit n'y avoir lieu à rappel de salaire consécutif au repositionnement de la salariée,

- ordonné à la société LP Services de délivrer à Mme [Y][O] l'ensemble des bulletins de paie conformément à la décision,

- débouté Mme [Y][O] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- rejeté la demande de la société LP Services sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société LP Services aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société LP Services à payer à Mme [Y] [O] les sommes de :

- 3 500 euros, outre 350 euros de congés payés, à titre de rappel d'heures complémentaires,

- 11 000 euros, outre 1 100 euros de congés payés, à titre de rappel d'heures supplémentaires,

- 400 euros, outre 40 euros de congés payés, à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

- 5 288,07 euros, outre 528,87 euros de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 498,28 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 2 432,76 euros brut, outre 243,26 euros brut de congés payés, à titre de rappel de salaire pour le mois de février 2017,

- 15 000 brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d'appel,

Déboute Mme [Y][O] de ses demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

Dit que la rectification des bulletins de paie devra porter non seulement sur la reclassification mais également sur les sommes de nature salariale allouées par la cour,

Condamne la société LP Services aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 21/05294
Date de la décision : 28/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-28;21.05294 ?
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