AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 18/07400 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L7SP
SARL SECURITAS ACCUEIL
C/
[L]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 21 Septembre 2018
RG : F 15/04540
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 28 JUIN 2024
APPELANTE :
Société SECURITAS ACCUEIL
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Julien MICHAL de la SELARL CABINET D'AVOCATS MICHAL ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
[W] [L]
née le 18 Août 1981 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Fatima TABOUZI, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Mai 2024
Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Béatrice REGNIER, Présidente
- Catherine CHANEZ, Conseillère
- Régis DEVAUX, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par arrêt du 3 septembre 2021, auquel il convient de se référer quant à l'exposé des faits et de la procédure, la cour d'appel de Lyon a :
- confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon en date du 21 septembre 2018 sauf en ce qu'il a :
- dit que la société Securitas Accueil a violé les règles encadrant la modulation et condamné la société à payer à Mme [W] [L] la somme de 5000 euros à titre de dommages intérêts pour violation des dispositions sur la modulation ;
- condamné la société Securitas Accueil à payer Mme [L] à les sommes de 10 000 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires et 1000 euros au titre des congés payés afférents ;
- infirmé le jugement ce chef et, statut à nouveau et y ajoutant :
- rejeté la demande de dommages intérêts pour violation des dispositions sur la modulation de temps de travail ;
- condamné la société Securitas Accueil à payer à Mme [L] la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts pour discrimination syndicale avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
- rejeté la demande de rappel de salaire au titre du repositionnement
hiérarchique au coefficient 190 de la catégorie des employés ;
- dit que les sommes allouées supporteront s'il y a lieu le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;
- ordonné la réouverture des débats pour permettre à Mme [L] de verser aux débats un décompte précis calculé semaine par semaine de sa demande de rappel d'heures du mois de décembre 2013 au mois d'avril 2019 à hauteur de 48 201,60 euros, de préciser les sommes dues au titre du maintien de salaire dont elle a été privée au titre de ses deux arrêts maladie de l'année 2020 et de permettre aux parties de s'expliquer sur ces points ;
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 9 novembre 2021 ;
- réservé l'examen de la demande de rappel d'heures supplémentaires, de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et les demandes relatives aux dépens et au frais irrépétibles des procédures de première instance et d'appel.
Le 3 octobre 2022, le médecin du travail a déclaré Mme [L] inapte à son poste et mentionné que son état de santé ne permet pas d'aménagement du poste ni de reclassement sur un autre poste.
Le 19 décembre 2022, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de Mme [L] .
Le 20 décembre 2022, Mme [L] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Vu les conclusions transmises par voie électronique le 25 mars 2024 par la société Securitas Accueil ;
Vu les conclusions transmises par voie électronique le 15 mars 2024 par Mme [L] ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 mars 2024;
Pour l'exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions déposées et transmises par voie électronique.
SUR CE :
Attendu que la cour constate en premier lieu que, compte tenu de son licenciement intervenu en cours de procédure après autorisation administrative, Mme [L] ne maintient pas la demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail qu'elle avait présentée devant la cour de céans ;
- Sur les heures supplémentaires :
Attendu que Mme [L] demande le paiement d'heures supplémentaires pour la période de décembre 2012 à juillet 2020 ; que, si la cour de céans a indiqué que la réouverture des débats permet à Mme [L] de verser aux débats un décompte précis calculé semaine par semaine de sa demande de rappel d'heures du mois de décembre 2013 au mois d'avril 2019, cette mention n'est pas de nature à interdire à la salariée de formuler une demande additionnelle en paiement d'heures supplémentaires pour une période plus élargie dans la mesure où le renvoi à la mise en état impliquait le rabat de l'ordonnance de clôture ;
Attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés ;
Que, selon l'article L. 3171-3 du même code dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail - le texte antérieur visant quant à lui l'inspecteur ou du contrôleur du travail - les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié ; que la nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminés par voie réglementaire ;
Qu'enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;
Qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires susvisées ;
Que la circonstance qu'un décompte a été établi pour les besoins du litige est indifférente et que l'indication d'un volume d'heures par semaine constitue un élément suffisamment précis;
Qu'enfin le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ;
Attendu, d'autre part, que le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif ;
Que par ailleurs, eu égard à l'obligation d'interprétation des articles L. 3121-1 et L. 3121-4 du code du travail à la lumière de la directive 2003/88/CE, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu'elle est fixée par l'article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d'application de l'article L. 3121-4 du même code ;
Attendu qu'en l'espèce Mme [L] produit un décompte des heures de travail accomplies, avec mention, pour chaque semaine, du nombre d'heures travaillées - correspondant systématiquement à 10 heures par jour travaillé, du nombre d'heures supplémentaires réalisées et du montant restant dû, et affirme que la société Securitas Accueil lui est redevable, compte tenu des heures déjà rémunérées, de la somme de 42 662,71 euros, outre les congés payés y afférents ;
Attendu que la salariée produit ainsi des éléments suffisamment précis à l'appui de sa demande ;
Attendu que la société Securitas Accueil conteste la réalisation d'heures supplémentaires non rémunérées ; qu'elle conteste la fiabilité du décompte, réalisé à la demande de la cour sur la base d'une simple estimation du nombre d'heures accomplies par semaine et comportant des erreurs et incohérences (une semaine reportée deux fois, des jours de congés mentionnés comme étant travaillés) ; qu'elle verse aux débats les plannings de la salariée pour les années 2023 à 2019 et les décomptes qu'elle a effectués sur la base de ces plannings, intégrant selon elle les temps de déplacement domicile-travail lorsque Mme [L] était en période d'astreinte et les temps de déplacement entre les différents lieux de travail;
Attendu que la société Securitas Accueil ne produit aucun décompte des heures de travail de Mme [L] signé de la salariée ; qu'elle ne justifie donc pas avoir satisfait à ses obligations portant sur la mise en place d'un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier de l'intéressée ; qu'elle ne justifie par ailleurs pas avoir pris en compte dans le temps de travail effectif les trajets entre les différents lieux de travail lorsque Mme [L] n'était pas en situation d'astreinte - l'examen des documents produits ne permettant aucunement de le constater ; que toutefois elle relève à juste titre des erreurs et incohérences dans le décompte fourni par Mme [L] et une inadequation avec les planning produits ; que la cour observe également qu'elle n'avait pas à inclure dans le temps de travail effectif les temps de trajet de la salariée entre son domicile et les premier et dernier lieux de travail en dehors des péridoes d'astreinte, l'intéressée ne démontrant pas avoir été à la disposition de son employeur durant ces trajets ; qu'au vu des éléments produits de part et d'autre la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [L] a bien effectué des heures supplémentaires mais qu'il ne lui est dû à ce titre que la somme de 13 000 euros, outre 1 300 euros de congés payés ;
- Sur le rappel de maintien salaire pendant les périodes d'arrêt maladie :
Attendu qu'aux termes de l'article 18 de la convention collective du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire : 'B. Complément de salaire en cas d'absence pour maladie, maternité ou accident / Tout salarié ayant au moins 1 année d'ancienneté dans l'entreprise et dont le contrat de travail se trouve suspendu par suite de maladie ou d'accident dûment justifié par un certificat médical, et contre-visite s'il y a lieu, percevra un complément de salaire dans les conditions suivantes : / 1. Lors de chaque arrêt de travail, les délais d'indemnisation commenceront à courir : / (...) - à compter du 8e jour en cas de maladie non professionnelle ou d'accident de trajet. / Pour le calcul des indemnités dues au titre d'une période de paie, il sera tenu compte des indemnités déjà perçues par l'intéressé durant les 12 mois antérieurs, de telle sorte que si plusieurs absences pour maladie ou accident ont été indemnisées au cours de ces 12 mois la durée totale d'indemnisation ne dépasse pas celle applicable en vertu des alinéas suivants. / 2. Le montant du complément est calculé comme suit : / (...) - salarié après 3 ans d'ancienneté : /- pendant 30 jours, 100 % de la rémunération brute que le salarié aurait gagnée s'il avait continué à travailler ; /- pendant 30 jours, 80 % de cette rémunération. / Ces temps d'indemnisation seront augmentés de 10 jours par période entière de 5 ans d'ancienneté en sus du minimum de 3 années sans que chacun d'eux puisse dépasser 90 jours. / 3. Toutes les garanties mentionnées au présent article s'entendent déduction faite des allocations que l'intéressé perçoit de la sécurité sociale et de tout régime de prévoyance (1). (...) / En tout état de cause, un salarié ne pourra percevoir, après application des garanties mentionnées ci-dessus, une rémunération nette plus importante que celle qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler pendant la période de suspension de son contrat. (...)' ;
- S'agissant de l'arrêt de travail du 9 mars au 3 avril 2020 :
Attendu que, eu égard à son ancienneté, Mme [L] pouvait bénéficier d'un maintien de sa rémunération à 100 % pendant 40 jours, puis 80 % pendant les 40 jours suivants, après un délai de carence de 7 jours ;
Que, s'agissant du mois de mars, le bulletin de paie mentionne une absence de 133 heures et une déduction de 1 516,54 euros sur la base non critiquable de 11,40 euros de l'heure en incluant la prime de poste ; qu'aucun paiement ne devait intervenir pour la période du 9 au 15 mars compte tenu du délai de carence ; que, pour la période du 16 au 31 mars, un complément de 1 054,95 euros a justement été versé correspondant à 16 jours au taux de 65,94 euros exactement calculé en divisant le salaire déduit par le nombre de jours d'arrêt (23) ; que Mme [L] a donc été remplie de ses droits ;
Que, s'agissant du mois d'avril, son salaire a bien été intégralement maintenu puisque 262,26 euros ont été déduits pour absence maladie et 262,26 euros ont été crédités pour complément maladie ; que Mme [L] ne peut quant à elle valablement critiquer la déduction opérére au titre des IJSS, faite en brute ; qu'enfin,si 665,16 euros ont été déduits au titre des congés payés pris, 1 155,72 euros ont été crédités au même titre ; que Mme [L] a donc été remplie de ses droits ;
- S'agissant de l'arrêt de travail du 27 juillet au 17 mai 2021 :
Attendu que la société Securitas Accueil soutient à juste titre que, conformément aux dispositions conventionnelles prévoyant que le délai de carence s'applique lors de chaque arrêt de travail et qu'il doit être tenu compte des indemnités déjà perçues au cours des 12 mois antérieurs, aucun complément de salaire n'était dû pour juillet, un maintien de salaire à 100 % pendant 16 jours et à 80 % pendant 15 jours a été justement opéré en août, un maintien de salaire à 80 % pendant 25 jours a été justement opéré en septembre et des régularisations ont en outre été pratiquées sur le bulletin de paie d'octobre ; que là encore Mme [L] ne peut valablement critiquer le taux horaire des sommes déduites au titre du salaire ainsi que le caractère brut des IJSS déduites ; que la salariée a donc été remplie de ses droits ;
- Sur la perte des droits au titre du régime de prévoyance :
Attendu qu'aux termes de l'article 32 du code de procédure civile : 'Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.' ;
Attendu qu'en l'espèce il est constant que la société Securitas Accueil n'était pas débitrice des indemnités de prévoyance, lesquelles étaient dues par l'organisme de prévoyance Henner puis AGEO prévoyance / SG Santé ; que, si les indemnités étaient payées à la société par l'organisme puis reversées par ses soins au salarié, il n'est nullement prétendu que l'entreprise n'aurait pas restitué à l'intéressé l'ensemble des montants reçus à ce titre ; que seuls sont donc critiqués les montants dont l'orgnisme de prévoyance s'estimait redevables dans le cadre de sa garantie ; que la demande indemnitaire de Mme [L] est donc irrecevable comme étant dirigée contre une personne contre laquelle la salariée est dépourvue du droit d'agir à ce titre ;
- Sur la nullité du licenciement :
- Sur la recevabilité :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1134-5 du code du travail : 'L'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. / Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel. / Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.' ;
Que, lorsqu'un salarié fait valoir qu'il a été victime de discrimination tout au long de sa carrière, de tels faits ne sont pas prescrits s'ils n'ont pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription ;
Attendu qu'en l'espèce la demande de Mme [L] présentée par conclusions du 21 février 2024 tendant à l'annulation de son licenciement pour inaptitude ayant pour origine une discrimination syndicale fondée sur des faits qui se sont poursuivis jusqu'à son arrêt de travail du 27 juillet 2020 n'est, en application des règles susvisées, pas prescrite et est donc recevable ; qu'il en est de même des demandes afférentes aux indemnités de rupture ;
- Sur le fond :
Attendu que, conformément aux dispositions de l'article L. 1132-4 du code du travail, est nul le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à une discrimination de l'employeur qui l'a provoquée ; qu'en effet, dans une telle hypothèse, le licenciement, même s'il est fondé une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail, trouve en réalité sa cause véritable dans ce manquement de l'employeur ;
Attendu qu'en l'espèce la cour de céans a retenu que Mme [L] avait été victime de faits de discrimination syndicale (rémunération insuffisante, sanction du 6 novembre 2019 injustifiée, procédure de licenciement initiée au mois de septembre 2020 non justifiée, refus de demandes de décaler ses heures de délégation en octobre et novembre 2019, retrait d'astreintes injustifié en octobre 2018) ; que la salariée n'a pas repris le travail entre son arrêt de travail du 27 juillet 2020 - concomitant avec plusieurs des faits de discrimination - et la déclaration d'inaptitude du 3 octobre 2022 (elle a simplement fait l'objet d'un congé maternité du 18 février au 21 juin 2022, puis été à nouveau placée en arrêt de travail pour maladie) ; qu'en 2022 elle a suivi un traitement à base d'anti dépresseurs ; que le médecin du travail a constaté lors de la visite de préreprise du 11 juillet 2022 des manifestations anxio dépressives avec instabilité émotionnelle, troubles du sommeil et angoisse ; que son état anxio dépressif a également été noté le 29 septembre 2022 par le docteur [J], psychiatre, qui a mentionné dans son certificat un état d'épuisement intense et une sensation d'oppression thoracique ainsi qu'une exacerbation du mal être à l'évocation d'un retour au travail ; que plusieurs médecins ont fait part du discours de Mme [L] faisant état de pressions psychologiques au travail ; qu'enfin l'avis d'inaptitude exclut toute possibilité de reclassement au sein de la société Securitas Accueil et mentionne que tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
Attendu que les éléments conduisent la cour à retenir que les faits de discrimination syndicale dont Mme [L] a été victime sont au moins pour partie à l'origine de son inaptitude ; que le licenciement pour inaptitude est donc nul et que Mme [L] a droit aux indemnités spéciales de rupture prévues à l'article L. 1226-14 du code du travail ;
Attendu, sur le premier point, que, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, Mme [L] peut prétendre à une indemnité pour licenciement nul qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ;
Qu'en considération de son ancienneté (11 ans et 10 mois), de sa rémunération mensuelle brute (2 100 euros par mois compte tenu des heures supplémentaires retenues) et du fait qu'elle justifie avoir été au chômage jusqu'à la fin de l'année 2013 (aucune information ni pièce n'étant fournie pour la période postérieure), son préjudice est évalué à la somme de 20 000 euros ;
Attendu, sur le second point, que Mme [L] a droit à une indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-1 du code du travail, soit 4 200 euros correspondant à deux mois de salaire ; que, cette indemnité n'ayant pas la nature d'un salaire, elle n'ouvre pas droit à congés payés et que la demande afférente à ce titre est donc rejetée ;
Qu'elle peut également prétendre au double de l'indemnité légale de licenciement, soit : (10 x 1/4 x 2 100) + ( 1x 1/3 x 2 100) + (10/12 x 1/3 x 2 100) x 2 = 13 086,66 euros ; qu'ayant déjà perçu 5 956 euros , il lui reste dû 7 130,66 euros ;
Attendu qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail il y lieu d'ordonner le remboursement par la société Securitas Accueil - qui compte plus de 10 salariés - des indemnités chômage éventuellement versées par France Travail à Mme [L] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois ;
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés :
Attendu que l'indemnité compensatrice de congés payés, telle que prévue à l'article L. 3141-28 du code du travail ne concerne que les congés que le salarié n'a pu prendre lorsque son contrat de travail est rompu au cours de la période légale de prise de congés, et non les congés payés non pris au cours des années précédant celle de la rupture ; qu'ainsi un salarié qui n'a pas pu prendre ses congés payés perd son droit à congés après l'expiration de la période légale de congés et ne peut réclamer aucune indemnité compensatrice à ce titre ; que seuls des dommages et intérêts réparant le préjudice résultant de la violation par l'employeur à ses obligations peuvent alors être réclamés ;
Attendu qu'en l'espèce la demande d'indemnité compensatrice de préavis concerne des congés qui n'ont pu être pris entre le 27 juillet 2020 le 27 février 2022 ( Mme [L] ayant pris des congés au cours de la période d'arrêt de travail pour maladie postérieure au 22 juin 2022); que la demande d'indemnité compensatrice de préavis présentée devant la présente cour ne peut dès lors prospérer, la cour relevant que la salariée ne formule aucune demande de dommages et intérêts pour s'être trouvée dans l'impossibilité de prendre ses congés du fait de l'employeur ;
- Sur les frais irrépétibles :
Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité d'allouer à Mme [L] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel , les dispositions du jugement afférentes aux frais exposés en première instance étant quant à elles confirmées ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Constate que Mme [W] [L] ne maintient pas la demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail présentée devant la cour de céans,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions afférentes aux heures supplémentaires et le confirme en ses dispositions afférentes aux frais irrépétibles et aux dépens,
Statuant à nouveau sur le chef réformé et ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts pour perte des droits aux indemnités complémentaires de prévoyance,
Déclare recevable recevables les demandes afférentes à la rupture du contrat de travail,
Dit que le licenciement est nul,
Condamne la société Securitas Accueil à payer à Mme [W] [L] les sommes de :
- 13 000 euros, outre 1 300 euros de congés payés, à titre de rappel d'heures supplémnetaires pour la période de décembre 2012 à juillet 2020,
- 4 200 euros à titre d'indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis,
- 7 130,66 euros à titre de solde de l'indemnité de licenciement,
- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,
Ordonne le remboursement par la société Securitas Accueil des indemnités chômage éventuellement versées par France Travail à Mme [W] [L] postérieurement à son licenciement, dans la limite de six mois,
Déboute Mme [W] [L] du surplus de ses prétentions,
Condamne la société Securitas Accueil aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,