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27/06/2024 | FRANCE | N°23/04143

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 27 juin 2024, 23/04143


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 23/04143 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O7PI





S.A.R.L. APALM



C/



[N]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 10 Mai 2023

RG : R 23/00176



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 27 JUIN 2024







APPELANTE :



S.A.R.L. APALM

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Romain LAFFL

Y de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[M] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Laurent GINTZ de la SCP SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE D'AVOCATS BLANCHARD - GINTZ - ROCHELET, avocat au barreau de LYON







DÉBATS EN A...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 23/04143 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O7PI

S.A.R.L. APALM

C/

[N]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes de LYON

du 10 Mai 2023

RG : R 23/00176

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 27 JUIN 2024

APPELANTE :

S.A.R.L. APALM

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[M] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Laurent GINTZ de la SCP SOCIÉTÉ CIVILE PROFESSIONNELLE D'AVOCATS BLANCHARD - GINTZ - ROCHELET, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Avril 2024

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, M. [N] a été embauché par la société Alpam, exerçant une activité de restauration sous l'enseigne Iodé, à compter du 3 mai 2016, en qualité de responsable de salle, à temps plein.

La convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997 (IDCC

1979) est applicable.

Au dernier état de la relation contractuelle, M. [N] percevait un salaire brut mensuel de base de 2 654,23 €.

Le 12 décembre 2022, le restaurant a été fermé pour cause de travaux.

Par courrier du 23 janvier 2023, la société Alpam a convoqué M. [N] à un entretien préalable en vue de son licenciement pour faute grave, entretien devant avoir lieu le 30 janvier 2023 et auquel M. [N] ne s'est pas présenté.

Par courrier du 3 février 2023, la société Alpam a indiqué à M. [N] qu'elle le licenciait pour

faute grave, en raison de son comportement inadapté et d'absences injustifiées.

Par requête du 15 mars 2023, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en sa formation de référé, en paiement des salaires de décembre 2022, de janvier 2023 et du 1er au 3 février 2023, sollicitant également la condamnation de l'employeur à lui remettre les documents de fin de contrat sous astreinte.

Par ordonnance du 10 mai 2023, le conseil :

« - Juge bien fondées et recevables les demandes formées par Monsieur [N] compte-tenu de l'urgence et de l'absence de contestations sérieuses,

- Dit y avoir lieu à référé,

- Condamne la société Alpam à verser à Monsieur [M] [N] les sommes de :

- 3 343,05 € + 334,30 € au titre des congés payés y afférents, pour le salaire correspondant au mois de décembre 2022,

- 2 654,23 € + 265,42 € au titre des congés payés y afférents, pour le salaire correspondant au mois de janvier 2023,

- 265,42 € + 26,54 € au titre des congés payés y afférents, pour le salaire correspondant à la période allant du 1er au 3 février 2023,

- 800,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Alpam à remettre à Monsieur [N] :

* son certificat de travail,

* ses bulletins de salaire des mois de janvier et février 2023,

* son reçu pour solde de tout compte,

* l'attestation Pôle emploi et ce, sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par document, à compter du 30ème jour suivant la notification de la présente ordonnance, le Conseil se réservant la possibilité de liquider ladite astreinte,

- Dit et juge que l'ordonnance à intervenir est exécutoire de droit par provision en application de l'article 514-1 du code de procédure civile,

- Condamne la S.A.R.L. Alpam aux dépens de l'instance y compris les frais de citation, de signification et d'exécution forcée éventuels ».

Par déclaration du 19 mai 2023, la société Alpam a fait appel de cette décision.

Par conclusions notifiées électroniquement le 22 juin 2023, elle demande à la cour de :

- reformer l'ordonnance du conseil de prud'hommes de lyon en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [N] à payer à la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [N] aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées le 26 juin 2023, M. [N] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

- condamner la société ALPAM au paiement de la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA DEMANDE DE RAPPEL DE SALAIRES

La société Alpam expose avoir été contrainte de fermer son restaurant pour cause de travaux, et avoir proposé à ses salariés de travailler auprès d'autres restaurants lui appartenant, situés dans la même rue. Devant le silence gardé par M. [N], elle lui a signifié qu'elle le considérait en congés, et lui a demandé de reprendre son poste le 11 janvier 2023. Devant son absence à cette date, elle l'a informée qu'elle le considérait en abandon de poste et l'a convoqué à un entretien préalable, avant de lui notifier son licenciement.

Elle estime que les retenues sur salaire depuis le 18 décembre 2022 étaient, en conséquence, parfaitement légitimes compte tenu de cet abandon de poste.

M. [N] rappelle que la fermeture du restaurant a été annoncée le 11 décembre 2022, sans aucune précision apportée aux salariés sur leur condition future. Il conteste avoir reçu une proposition de travailler auprès d'un autre établissement, durant la période de fermeture, relevant que l'employeur ne détient qu'un seul établissement contrairement à ce qu'il prétend.

Il résulte des articles R. 1455-5 et suivants du code du travail que la formation de référé peut :

- dans tous les cas d'urgence et dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend,

- toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite,

- dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Au cas d'espèce, si le contrat de travail liant les parties n'est pas versé aux débats, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des bulletins de salaires que :

- M. [N] exerce en qualité de responsable de salle depuis mai 2016,

- il était habituellement affecté au sein du restaurant Iodé, lequel a été fermé pour cause de travaux à compter du 12 décembre 2023, étant observé que l'employeur ne justifie pas des circonstances dans lesquelles cette fermeture a été décidée ni le sort qu'il entendait réserver à ses salariés lors de cette fermeture temporaire,

- à la réception de son bulletin de salaire de décembre 2022, M. [N] a constaté qu'il avait été placé en congés payés du 12 au 31 décembre 2022, celui-ci indiquant n'avoir jamais sollicité de congés, et l'employeur lui précisant dans un courrier du 5 janvier 2023 qu'il avait d'office appliqué ce régime au salarié,

- la société Alpam, qui évoque la 'consultation des salariés' dans ses écritures, ne précise pas les établissements dans lesquels M. [N] était censé exécuter la prestation de travail pendant la durée des travaux du restaurant Iodé, alors que M. [N] établit qu'il ne dispose que d'un seul établissement.

Il n'est pas sérieusement contestable que l'employeur ne justifie pas des conditions dans lesquelles la fermeture de son établissement a été décidée et annoncée aux salariés. Il reconnaît d'ailleurs avoir seulement 'proposé' aux salariés de travailler 'dans d'autres restaurants', ce dont il se déduit qu'il s'agissait d'une modification des conditions de travail à laquelle les salariés devaient expressément consentir.

S'il est jugé qu'une modification du lieu de travail peut s'analyser en un simple changement de conditions de travail lorsqu'elle intervient à l'intérieur d'un même secteur géographique, le changement d'affectation géographique fait par l'employeur doit néanmoins être dicté par l'intérêt de l'entreprise et être mis en oeuvre de bonne foi. En l'occurrence, en l'absence de toute indication sur les conditions dans lesquelles cette modification, même temporaire, du lieu d'exécution de la prestation de travail devait être mise en oeuvre, il ne peut être retenu que les modalités en ont été précisément définies.

De plus, s'il est acquis que le salarié n'est plus venu travailler à partir du 12 décembre 2022 et qu'il n'a, en conséquence, plus fourni aucun travail à compter de cette date, l'employeur ne s'en est pas offensé outre mesure, puisqu'il l'a placé en congés payés et non en situation d'absence, se contentant ensuite d'un courrier daté du 5 janvier 2023, par lequel il lui demandait de se présenter le 11 janvier suivant pour faire le point sur sa volonté de travail, après lui avoir formulé des reproches sur sa réelle motivation, ses problèmes personnels et ses absences.

Et ce n'est que le 18 janvier 2023 que l'employeur, face au silence gardé par le salarié, a acté son abandon de poste, ce à quoi le salarié a objecté qu'il se tenait disponible et présent pour la réouverture du restaurant correspondant à son seul lieu de travail.

Il est constant que l'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition.

En l'espèce, l'employeur a considéré que le salarié se trouvait en absences injustifiées mais n'offre pas de produire, notamment, une mise en demeure de reprendre son poste adressée au salarié.

Ainsi, l'employeur qui n'établit pas que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition doit, en l'absence de constatation sérieuse sur la somme réclamée à titre provisionnel par le salarié, payer à ce dernier le rappel de salaire réclamé, à compter du 12 décembre jusqu'au 3 février 2023.

L'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions, sauf à préciser que les sommes allouées le sont à titre provisionnel.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

L'employeur, succombant totalement en ses demandes, doit être condamné aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. [N] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera subséquemment débouté de sa propre demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions, sauf à préciser le caractère provisionnel des sommes allouées par les premiers juges,

Y ajoutant,

Condamne la société Alpam à payer à M. [N] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Alpam de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux entiers dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 23/04143
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;23.04143 ?
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