N° RG 23/01836 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O2P4
Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 01 décembre 2022
RG : 2020j1168
S.A.R.L. FH CONSTRUCTION BAT
C/
SA BANQUE CANTONALE DE GENEVEFRANCE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 27 Juin 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. FH CONSTRUCTION BAT au capital de 30.000 €, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le n° 817 581 218,agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Vincent DURAND de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 896
INTIMEE :
S.A. BANQUE CANTONALE DE GENEVE FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 27 Février 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Mai 2024
Date de mise à disposition : 27 Juin 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La société FH construction bat a pour activité principale des travaux de gros 'uvre.
Le 31 janvier 2019, la société Canut Croix-Rousse a confié à la société FH construction bat le soin de réaliser le lot de blindage terrassement d'un chantier. La société Banque cantonale de Genève France, établissement bancaire de la société Canut Croix-Rousse, avait pour charge de décaisser les fonds selon appel de sa cliente selon l'avancement des travaux afin de régler les factures de la société FH construction bat.
Le 5 février 2019, la société FH construction bat a émis une facture d'un montant de 48.000 euros. Le 22 mars suivant, la société Canuts Croix-Rousse a transmis un bon à payer à la société Banque cantonale de Genève France de 45.600 euros, soit 95% du montant dû. Le même jour, la banque a effectué un règlement partiel de 39.000 euros à la société FH construction bat. Le 20 mai 2019, la banque cantonale de Genève France a réglé la somme de 45.600 euros à la société FH construction bat.
Le 20 octobre 2020, la société Banque cantonale de Genève France a assigné la société FH construction bat en demande de restitution devant le tribunal de commerce de Lyon.
Par jugement contradictoire du 1er décembre 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :
- débouté la société FH construction bat de son exception d'irrecevabilité,
- condamné la société FH construction bat à verser à la société Banque cantonale de Genève France la somme de 34.200 euros au titre de la répétition des sommes indûment per'ues par elle, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020.
- débouté la société FH construction bat de toutes ses demandes,
- condamné la société FH construction bat à payer à la société Banque cantonale de Genève France la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société FH construction bat aux entiers dépens de l'instance.
La société FH construction bat a interjeté appel par déclaration du 3 mars 2023.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 juin 2023, la société FH construction bat demande à la cour, au visa des articles 31, 117, 122 et 416 du code de procédure civile et les articles 1302 et 1302-1 du code civil, de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 1er décembre 2022 en ce qu'il a :
o débouté la société FH construction bat de son exception d'irrecevabilité,
o condamné la société FH construction bat à verser à la société Banque cantonale de Genève France la somme de 34.200 euros au titre de la répétition des sommes indûment perçues par elle, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2020,
o débouté la société FH construction bat de toutes ses demandes,
o condamné la société FH construction bat à payer à la société Banque cantonale de Genève France la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
o condamné la société FH construction bat aux entiers dépens de l'instance.
Jugeant à nouveau,
à titre principal,
- juger la Banque cantonale de Genève ne dispose d'aucun intérêt à agir et, en conséquence :
- juger la Banque cantonale de Genève irrecevable en toutes ses demandes,
A titre subsidiaire,
- juger que la Banque cantonale de Genève ne peut se prévaloir d'aucun paiement indu et ne peut solliciter aucune restitution à ce titre et, en conséquence.
En tout état de cause,
- rejeter l'ensemble des demandes que la Banque cantonale de Genève pourrait formuler à cet effet,
- condamner la Banque cantonale de Genève à payer à la société FH construction bat la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Banque cantonale de Genève France qui a constitué avocat par acte du 8 mars 2023 n'a pas déposée de conclusions.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 février 2024, les débats étant fixés au 16 mai 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelante, à ses conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action de la Banque Cantonale de Genève
La société FH construction bat fait valoir que :
- l'intérêt à agir doit être direct et personnel ; dans le cadre d'une demande de répétition de l'indu, il appartient à celui dont les finances ont été affectées par le paiement de l'indu ; le fait qu'une banque ait procédé au paiement ne fait pas d'elle la créancière de la concluante puisque le compte débité est celui de sa cliente, la SCI Canuts Croix Rousse,
- les sommes qui pourraient être versées par la concluante constitueraient un enrichissement sans cause de l'intimée, ce qui irait à l'encontre d'une bonne administration de la justice,
- la banque n'est intervenue qu'en tant que mandataire de sa cliente,
- la SCI Canuts Croix Rousse n'a manifestement pas souhaité recouvrer cette somme puisqu'elle n'a engagé aucune action à cet effet,
- la banque n'a pas supporté sur ses deniers personnels la somme en question par un remboursement de sa cliente,
- faute d'intérêt à agir, la banque est irrecevable en toutes ses demandes.
Sur ce,
L'article 31 du code de procédure civile dispose que 'L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.'
En l'espèce, la Banque a payé un montant total de 118.000 euros à la société FH construction bat et demandait restitution partielle du montant versé en arguant avoir réglé à tort deux fois la même somme en paiement d'une facture 050219/01, soit la somme de 39.000 euros le 22 mars 2019 puis la somme de 45.600 euros le 20 mai 2019.
Dans la mesure où la banque soutenait avoir effectué par erreur pour le compte de son client un règlement qu'elle estimait partiellement injustifié (et par la même fautif envers son client), elle disposait bien d'un intérêt à agir à l'encontre de la société appelante, bénéficiaire du virement litigieux, l'intérêt à agir ne se confondant pas avec le bien fondé des prétentions de la Banque qui relève de l'examen au fond.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par la société.
Sur la répétition de l'indu
La société FH construction bat fait valoir à titre subsidiaire que :
- seul le débiteur peut se voir restituer l'indu et non celui qui a seulement procédé au paiement.
- malgré l'absence de correspondance entre les factures émises et les paiements réalisés, tous les appels de fonds ont été validés par la SCI Canuts Croix Rousse, qui a fait procéder aux paiements nécessaires,
- elle réalisait les travaux, puis émettait les factures, qui étaient validés par la SCI Canuts qui donnait ensuite instruction à la banque de procéder au paiement ; ses trois factures n'ont fait l'objet d'aucune contestation par la SCI Canuts Croix Rousse antérieurement au paiement par la banque ; il s'ensuit que la SCI Canuts Croix Rousse a reconnu sa dette ; la lettre de cette dernière du 15 mai 2019 confirme cette reconnaissance expressément pour l'intégralité de la dette,
- l'existence d'une dette écarte de facto toute répétition de l'indu,
- c'est à tort et sans élément probant que la banque a considéré que la somme versée correspondait à un double paiement d'une des factures de la concluante.
Sur ce,
L'article 1302 du code civil dispose que 'Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées.'
L'article 1302-1 du code civil dispose que 'Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.'
En l'espèce, il a été retenu par le tribunal de commerce que :
- la Banque de Genève a reçu un bon à payer de la Sci Canuts Croix-Rousse de 45.600 euros en faveur de la société de construction, correspondant au règlement partiel de la facture 050219/01 de 48.000 euros,
- le 22 mars 2019, faute de tirage supplémentaire sur le crédit accordé à la Sci, elle a réglé une somme de 39.000 euros au constructeur,
- le 20 mai 2019, elle a payé la somme de 45.000 euros en paiement de la même facture, alors qu'il ne devait être versé que 6.600 euros, soit le solde restant dû.
Pour le constructeur, il était dû trois factures pour un total de 114.000 euros TTC soit :
- une facture 310119/01 du 31 janvier 2019 de 36.000 euros,
- une facture 050219/01 du 5 février 2019 de 48.000 euros
- une facture 270219/01 de 30.000 euros.
Trois virements ont été émis pour :
- 34.200 euros le 5 mars 2019
- 39.000 euros le 22 mars 2019
- 45.600 euros le 20 mai 2019
et le trop perçu de 4.800 euros a été restitué à la Banque (et encaissé) par compensation entre les factures et les sommes versées par la Banque.
Le tribunal de commerce a retenu l'absence de validation des factures par la Sci, notamment la dernière, et dit qu'il y avait bien eu un double paiement.
L'appelante justifie des trois factures adressées à la Sci ainsi que du décompte adressé à la Banque reprenant les factures et les virements et faisant apparaître un trop perçu par elle.
Il n'existe pas de débat sur le bien fondé des deux premières factures et l'appelante justifie également d'un courrier de la SCI validant notamment la dernière facture de 30.000 euros (pièce 10) et promettant son paiement rapide.
En conséquence, la société FH construction établit concrètement sa créance envers la Sci pour le montant total de ses factures et il en découle qu'elle n'a pas reçu de la Banque de la Sci un paiement indu, ayant déjà restitué d'elle-même le trop versé.
En conséquence, la demande de la Banque à son encontre est mal fondée.
Le jugement est ainsi infirmé sur ce point et la Banque est déboutée de sa demande en restitution de l'indu.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
L'intimée qui succombe en appel supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et versera à son adversaire la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement est infirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de l'appelante et condamné cette dernière au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société FH construction bat de son exception d'irrecevabilité.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la Sa Banque cantonale de Genève de sa demande en répétition de l'indu.
Condamne la Sa Banque cantonale de Genève aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la Sarl FH construction bat la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE