AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 21/08165 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N55X
[O] [X]
C/
S.A.S. CASA
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX
du 11 Octobre 2021
RG : 19/00098
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 27 JUIN 2024
APPELANTE :
[T] [O] [X]
née le 27 Juillet 1990 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Solène THOMASSIN, avocat au barreau d'AIN
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002971 du 17/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉE :
S.A.S. CASA
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Jean DE BAZELAIRE DE LESSEUX de l'AARPI COSTER BAZELAIRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mai 2024
Présidée par Françoise CARRIER, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Fernand CHAPPRON, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente
- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère
- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 27 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
Par un contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 février 2019, la société CASA a embauché Mme [O] [X] en qualité de vendeuse-caissière, niveau 2 de la convention collective du commerce de détail non alimentaire, moyennant un salaire de 1 521,25 €.
Suivant avenant du 25 mars 2019, Mme [O] [X] a été nommée temporairement au poste d'assistante responsable 1 niveau conventionnel 5, statut employé moyennant un salaire de 1 665,06 € bruts.
Son remplacement a été renouvelé par avenants successifs des 16 mai, 10 juin, 14 juin et 16 juillet jusqu'au 15 août 2019, ces avenants prévoyant le versement d'une prime de remplacement de 143,81 € correspondant à la différence entre son salaire initial et le salaire prévu à l'avenant du 25 mars 2019.
Le 29 juillet 2019, Mme [O] [X] a été victime d'un accident du travail.
Le 24 août 2019, elle a démissionné.
Par requête reçue au greffe le 13 novembre 2019, Mme [O] [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Oyonnax à l'effet d'obtenir le paiement d'un rappel de salaire et des dommages et intérêts pour le préjudice subi.
Par jugement en date du 11 octobre 2021, le conseil de prud'hommes a :
- condamné la société Casa à verser à Mme [T] [O] [X]
'' la somme de 474,64 € au titre de rappel de salaire pour prime de remplacement et rémunération au niveau 3,
'' la somme de 333 € à titre de dommages et intérêts,
- débouté Mme [T] [O] [X] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime de formation,
- ordonné la modification des fiches de salaire, de l'attestation Pôle Emploi et du certificat de travail sous astreinte de 20 € par jour à compter du 15ème jour de la notification du jugement par le greffe,
- condamné la société Casa à verser à Mme [T] [O] [X] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- débouté la société Casa de sa demande reconventionnelle au titre de l`artic1e 700 du code de procédure civile.
Mme [O] [X] a interjeté appel.
Aux termes de conclusions notifiées le 14 février 2022, elle demande à la cour de réformer le jugement et de :
- dire qu'elle aurait dû être classée du 18 février 2019 au 24 mars 2019 au niveau 3 et condamner la société Casa France à lui verser à ce titre la somme de 73,82 € ; subsidiairement celle de 23,02 €,
- dire qu'elle aurait dû être classée du 25 mars 2019 au 24 août 2019 au niveau 5 et condamner la société Casa France à lui verser à ce titre la somme de 1537,94 €, subsidiairement celle de 1362,36 €,
- condamner la société Casa France à lui verser en outre les sommes suivantes :
'' 220,94 € au titre des rappels de la prime de remplacement,
'' 30 € au titre du rappel de la prime de formation,
'' 15 000 € à titre de dommages et intérêts 'pour le préjudice subi',
- ordonne à la société Casa France la remise des bulletins de salaire, de l'attestation Pôle emploi et du certificat de travail, documents rectifiés, sous astreinte de 100 € par jour de
retard et par document, à compter de la notification du jugement c'est à dire le 15 octobre 2021 (sic),
- condamner la société Casa France à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Aux termes de conclusions notifiées le 14 avril 2022, la société Casa France demande à la cour de débouter Mme [O] [X] de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
SUR LA DEMANDE DE REPOSITIONNEMENT
Sur la période du 18 février au 24 mars 2019
Mme [O] [X] fait valoir :
- qu'elle justifie de 6 années d'expérience dans le commerce multi-spécialités ayant abouti à l'obtention d'un diplôme,
- que la classification niveau 2 à laquelle elle a été embauchée ne correspondait pas à ses fonctions et à son niveau de compétence,
- qu'elle aurait dû être classée niveau 3 et bénéficier du salaire minimum de la convention collective soit 1 585 € bruts.
La société Casa fait valoir que l'offre d'emploi à laquelle Mme [O] [X] a répondu portait sur un poste de vendeuse de niveau 2 et que le contrat de travail avait été établi conformément à cette offre.
La qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions effectivement exercées. C'est au salarié qui revendique un repositionnement d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, Mme [O] [X] n'invoque ni ne produit aucun élément faisant apparaître qu'elle exerçait des fonctions de niveau 3 de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande de repositionnement.
Mme [O] [X] invoque, subsidiairement, à son profit une grille de salaire du 20 juin 2017 applicable au sein de Casa France selon laquelle elle aurait dû percevoir aux mois de février et de mars 2019 une rémunération mensuelle de 1 529 €.
Ses conclusions ne précisent pas quelle pièce communiquée est susceptible de justifier cette allégation alors que l'article 954 du code de procédure civile impose au concluant d'indiquer pour chaque prétention les pièces invoquées et leur numérotation.
La rémunération dont se prévaut la salariée correspond au niveau 3 de la convention collective dans ses dispositions en vigueur à la date d'exécution du contrat (avenant n°6), étant rappelé que l'avenant n°7 du 28 mars 2019 n'est entré en vigueur que le 1er mars 2019.
Si les dispositions relatives de l'avenant n° 6 relatives au niveau 1 n'étaient plus applicables comme inférieures au SMIC, le salaire convenu au contrat de travail de Mme [O] [X] était régulier comme égal au SMIC en vigueur depuis le 1er janvier 2019, de sorte que Mme [O] [X] n'est pas fondée à demander un rappel de salaire pour la période de février et mars 2019.
Sur la période du 25 mars au 24 août 2019
La salariée fait valoir :
- que pour la période postérieure au 24 mars, elle avait compris qu'elle percevrait une prime de remplacement en sus de son salaire et qu'elle avait été induite en erreur par la confusion opérée par son employeur,
- qu'elle aurait dû percevoir un salaire minimum de 1 698 € et qu'elle est fondée à demander un rappel de salaire de 1 537,94 €,
- qu'en tout état de cause, sur la base du salaire contractuel de 1 665,06 € prévu à l'avenant du 25 mars 2019, elle aurait dû percevoir la somme de 1 362,36 €.
L'employeur fait valoir :
- qu'il était convenu que Mme [O] [X] percevrait une prime de 143,81 € bruts mensuels conforme à la convention collective dans ses dispositions applicables jusqu'au 31 octobre 2019,
- que Mme [O] [X] n'est pas fondée à prétendre à un salaire de 1 698 €, s'agissant du salaire minimum du niveau 5 prévu par un avenant du 28 mars 2019 qui n'est entré en vigueur que le 1er novembre 2019,
- que le consentement de Mme [O] [X] n'a pu être vicié, les avenants successifs ayant fait apparaître que l'augmentation de salaire mentionnée au premier avenant correspondait au montant de la prime.
Selon l'article 1188 du code civil, le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.
La convention prévoit que, lorsque les salariés effectuent un remplacement, ils perçoivent une prime leur permettant d'accéder au salaire minimum de la personne qu'ils remplacent.
En l'espèce, l'avenant du 25 mars 2019 mentionne une revalorisation du salaire de Mme [O] [X] mais ne mentionne pas le droit à une prime de remplacement, les avenants suivants ne mentionnant pas de revalorisation de la rémunération prévue au contrat de travail mais seulement le montant de la prime.
La salariée n'a pu lire la revalorisation de son salaire prévue à cet avenant que comme la contrepartie de la responsabilité nouvelle qu'impliquait le changement temporaire de poste. En présence de dispositions conventionnelles spéciales et en l'absence de toute mention d'un droit à prime ou de toute négociation préalable avec l'employeur d'une augmentation de salaire, cette revalorisation ne peut se comprendre que comme incluant la prime conventionnelle dans le salaire de sorte que la convention résultant de cet avenant ne saurait s'analyser comme conférant à la salariée une augmentation de salaire en sus de la prime conventionnelle et que celle-ci doit être déboutée de ses demandes tant principales que subsidiaires de rappel de salaires.
SUR LE RAPPEL DE PRIMES DE REMPLACEMENT
Mme [O] [X] fait valoir que le montant de la prime de remplacement était de 7,27 € par jour ou 160,06 € par mois, et non pas de 143,81 € comme mentionné aux avenants, de sorte qu'elle est fondée à réclamer un rappel de primes.
Là encore, elle ne précise pas quelle pièce communiquée est susceptible de justifier sa prétention.
L'employeur produit la grille tarifaire des primes de remplacement en vigueur dans l'entreprise à compter du 1er janvier 2019 de laquelle il ressort que le montant de la prime de remplacement était de 6,54 €, soit 148,31 € pour un mois, et non de 7,27 € comme le soutient la salariée sur la base d'un document du 20 juillet 2017.
Mme [O] [X] soutient également que les primes qui lui ont été versées étaient incomplètes.
L'employeur justifie toutefois que les primes ont été régulièrement calculées et payées sur la base du nombre de jours travaillés de sorte que la demande de Mme [O] [X] ne saurait prospérer.
SUR LE RAPPEL DE LA PRIME DE FORMATION
Mme [O] [X] fait valoir qu'elle a effectué 3 jours de formation entre le 3 et le 8 juin 2019 et qu'elle aurait dû percevoir 10 € par jour.
L'employeur répond que les primes sont prévues pour les salariés assurant une formation et non pour les béficiaires de la formation.
Mme [O] [X] ne précise pas quelle pièce communiquée serait susceptible de justifier sa prétention mais il ressort de la grille des primes produite par l'employeur que, sous la rubrique 'prime de formation', une prime de 10 € est attribuée au responsable pour la 'fonction exercée' à savoir 'formation', de sorte que le bénéficiaire de cette prime ne peut s'entendre que comme le salarié chargé d'assurer une formation, ainsi que l'a justement retenu le conseil de prud'hommes.
SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS
Mme [O] [X] fait valoir :
- qu'elle a accepté de prendre les fonctions de responsable de magasin au cours de sa période d'essai et qu'elle a exercé cette mission avec professsionnalisme et à la satisfaction de l'employeur,
- que l'employeur a multiplié les irrégularités et les négligences à son égard et qu'il n'a pas 'pris le soin d'accéder à ses demandes',
- qu'elle a été manipulée, qu'elle a signé des avenants sans en connaître les conséquences,
- que l'avenant du 10 juin a été signé le 10 juillet avec un mois de retard, ce qui la prive du droit à indemnisation par Pôle Emploi,
- que sa démission n'est que la conséquence de de la négligence et de la carence de l'entreprise,
- qu'elle a été victime d'un accident du travail 'qu'elle subit encore aujourd'hui' par la négligence de l'employeur.
L'employeur fait valoir :
- que les demandes de Mme [O] [X] étaient toutes injustifiées,
- que la salariée n'a pas assuré des fonctions de responsable de magasin mais d'assistante responsable en remplacement d'une salariée absente, qu'il s'agissait d'une proposition qu'elle était libre de refuser,
- qu'en tout état de cause, Mme [O] [X] ne rapporte pas la preuve du préjudice dont elle se prévaut, que le fait que d'autres salariés se soient plaints de leurs conditions de travail ne saurait faire cette preuve,
- que, par décision du 19 août 2020, la CPAM de Bourg en Bresse a refusé la prise en charge de la nouvelle lésion présentée par Mme [O] [X] au titre de la législation professionnelle.
Selon l'article L. 1222-1 du code du travail le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'exécution loyale du contrat implique, pour l'employeur, notamment le respect de ses engagements.
Selon l'article 1231-1 du code civil, l'inexécution d'une obligation ouvre droit à dommages et intérêts pour le créancier de l'obligation.
La créance de réparation naît du constat d'un préjudice. Elle n'est pas la contrepartie automatique de l'inexécution d'une obligation contractuelle.
Il en résulte qu'il appartient au salarié de justifier non seulement des manquements qu'il impute à l'employeur mais également de la réalité du préjudice que lui ont causé ces manquements.
La seule pièce que Mme [O] [X] vise au soutien de sa demande dans ses conclusions est la pièce adverse n° 6 qui, selon elle, démontrerait qu'elle était en conflit avec l'employeur. Il s'agit d'un courriel de la responsable du service paie à la DRH proposant en effet le versement d'un acompte exceptionnel à la salariée afin d'éviter une nouvelle 'crispation' dans un contexte de 'rapports complexes'.
Toutefois, cette pièce est insusceptible de démontrer les manquements imputés à l'employeur et le préjudice dont se prévaut la salariée.
Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement déféré et de débouter Mme [O] [X] de ce chef de demande.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Mme [O] [X], qui succombe, supporte les dépens de première instance et d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné la société Casa à verser à Mme [T] [O] [X] :
'' la somme de 474,64 € au titre de rappel de salaire pour prime de remplacement et rémunération au niveau 3,
'' la somme de 333 € à titre de dommages et intérêts,
- ordonné la modification des fiches de salaire, de l'attestation Pôle Emploi et du certificat de travail sous astreinte de 20 € par jour à compter du 15ème jour de la notification du jugement par le greffe,
- condamné la société Casa à verser à Mme [T] [O] [X] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Statuant à nouveau,
Rejette l'ensemble des demandes de Mme [T] [O] [X] ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Condamne Mme [T] [O] [X] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier La présidente