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27/06/2024 | FRANCE | N°21/07527

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 27 juin 2024, 21/07527


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR











N° RG 21/07527 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N4JJ



[C]



C/



Association MAISON FAMILIALE RURALE DE [Localité 6] NE DENOMINATION MAISON FAMILIALE RURALE DE [Localité 6])









APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 14 Septembre 2021

RG : 21/00060







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARR

ET DU 27 Juin 2024







APPELANTE :



[R] [C]

née le 18 Novembre 1972 à [Localité 4] ([Localité 4])

[Adresse 2]

[Localité 5]



représentée par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 21/07527 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N4JJ

[C]

C/

Association MAISON FAMILIALE RURALE DE [Localité 6] NE DENOMINATION MAISON FAMILIALE RURALE DE [Localité 6])

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 14 Septembre 2021

RG : 21/00060

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 27 Juin 2024

APPELANTE :

[R] [C]

née le 18 Novembre 1972 à [Localité 4] ([Localité 4])

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Georges MEYER de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sabrine JBOURI, avocat au même barreau

INTIMEE :

Association [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Murielle VANDEVELDE-PETIT de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me William DULAC, avocat au même barreau

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Mars 2024

Présidée par Nabila BOUCHENTOUF et Françoise CARRIER, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Fernand CHAPPRON, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Françoise CARRIER, conseillère honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 27 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente, et par Fernand CHAPPRON, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

L'association Maison familiale apprentissage de [Localité 6] (ci-après, la Maison familiale) est un centre de formation par alternance aux métiers de bouche.

Elle applique la convention collective des Maisons familiales rurales.

Elle a embauché Mme [R] [C] suivant contrat de travail à durée indéterminée du 24 août 2004 en qualité de formatrice.

Suivant avenant du 2 juillet 2005, Mme [C] a été reclassée dans les nouvelles grilles conventionnelles sur la fonction de monitrice.

Le 14 mai 2013, le médecin du travail a déclaré Mme [C] apte à la reprise à temps partiel thérapeutique, soit « sous réserve de ne pas dépasser 25 heures par semaine avec une permanence seulement incluse ».

Par courrier du 9 mars 2015, Mme [C] a fait valoir une différence de 5 points entre son salaire et celui de son collègue M. [Z], pourtant recruté en même temps qu'elle. Le 13 mars suivant, le président de la Maison familiale a refusé de modifier son salaire en conséquence.

Une grève a été menée dans l'établissement du 4 septembre au 2 octobre 2017.

Mme [C] a été placée en arrêt de travail du 6 juin au 17 juillet 2017, puis du 11 octobre 2017 au 28 janvier 2018.

Le 5 décembre 2017, Mme [C] a sollicité une rupture conventionnelle pour raisons de santé, à la suite de laquelle le président lui a demandé d'apporter des précisions sur ce motif invoqué.

Elle a renouvelé sa demande le 21 décembre, sans en évoquer la raison, et s'est heurtée à un refus le 11 janvier suivant.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 25 janvier 2018, présenté le 29 janvier, Mme [C] a notifié à la Maison familiale la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de cette dernière, pour discrimination dans l'évolution de sa carrière et surtout en termes de rémunération.

Par requête du 2 janvier 2019, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourg en Bresse afin d'obtenir à titre principal la requalification de la prise d'acte en licenciement nul et le paiement des sommes à caractère salarial et indemnitaire subséquentes.

Par jugement du 14 septembre 2021, le conseil de prud'hommes l'a déboutée de ses demandes, condamnée à rembourser à la Maison familiale la somme de 8 268,75 euros au titre du préavis non effectué et condamnée aux dépens. Le conseil a débouté la Maison familiale de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 12 octobre 2021, Mme [C] a interjeté appel des dispositions de ce jugement la condamnant.

Aux termes de ses premières conclusions, déposées au greffe le 11 janvier 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

A titre principal, juger que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement nul et condamner la Maison familiale à lui verser les sommes suivantes :

o 1 323 euros de rappel de salaire, outre 132,30 euros de congés payés afférents ;

8 220 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 822 euros de congés payés afférents ;

9 973 euros d'indemnité de licenciement ;

32 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire, juger que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la Maison familiale à lui verser les sommes suivantes :

8 220 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 822 euros de congés payés afférents ;

9 973 euros d'indemnité de licenciement ;

32 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre infiniment subsidiaire, débouter la Maison familiale de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis ;

En tout état de cause, fixer à 2 740 euros son salaire de référence ;

Juger que les sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la demande en justice ;

Débouter la Maison familiale de ses demandes ;

Condamner la Maison familiale à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la Maison familiale aux dépens.

Mme [C] a déposé de nouvelles conclusions le 23 février 2024 (conclusions n°2).

Aux termes de ses dernières conclusions avant clôture, notifiées, déposées au greffe le 18 juillet 2023, la Maison familiale demande à la cour de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté Mme [C] de ses demandes, condamné Mme [C] à lui rembourser la somme de 8 268,75 euros au titre du préavis non effectué et à prendre en charge les dépens, et de condamner Mme [C] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 27 février 2024.

Le 29 février 2024, la Maison familiale a fait notifier et déposer de nouvelles conclusions dans lesquelles elle demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions n°2 et les pièces 41 à 45 de l'appelante, comme tardives, et renouvelle ses demandes précédemment notifiées.

Mme [C] a répliqué par de nouvelles conclusions, notifiées et déposées le 21 mars 2024, par lesquelles elle demande à la cour de déclarer irrecevables ces dernières conclusions au motif que la demande relèverait de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état et, subsidiairement, de débouter la Maison familiale de sa demande.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

Elle n'a pas non plus à fixer le salaire moyen de la salariée, s'agissant en réalité d'un moyen à l'appui des demandes indemnitaires ou salariales.

1-Sur la recevabilité des conclusions et pièces notifiées et déposées par Mme [R] [C] le 23 février 2024

L'article 914 du code de procédure civile prévoit que 'les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :

' prononcer la caducité de l'appel ;

' déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;

' déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;

' déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.

Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.'

L'article 15 du code de procédure civile dispose que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. »

L'article 16 du même code ajoute que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. (') »

Alors que la clôture de la procédure était annoncée pour le mardi 27 février 2024 et que les dernières conclusions de l'intimée lui avaient été notifiées plus de 7 mois auparavant, Mme [C] a déposé un nouveau jeu de conclusions et de nouvelles pièces (41 à 45), le vendredi 23 février à 15h06.

Ce faisant, elle a privé son adversaire de la possibilité d'y répondre avant la clôture. Afin de garantir le respect du principe du contradictoire, ces écrits et pièces doivent donc être déclarées irrecevables.

2-Sur la prise d'acte

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d'une démission.

C'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur. A l'appui de la prise d'acte, il est admis à invoquer d'autres faits que ceux avancés dans le courrier de rupture.

En l'espèce, Mme [C] fait valoir qu'elle a subi une inégalité de traitement avec ses collègues masculins, MM. [Z] et [S] qui s'est poursuivie dans le temps, constitutive d'une discrimination fondée sur le sexe, et d'un harcèlement moral, lesquels ont eu des répercussions sur son état de santé, et subsidiairement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

2-1-Sur la discrimination fondée sur le sexe

Il résulte des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, qu'aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, en raison de son sexe.

En vertu de l'article L. 3221-2 du même code, tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes.

D'après les articles L.3221-8 et L.1144-1 du même code, lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée notamment le sexe.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [C] verse aux débats les contrats de travail, avenants et bulletins de salaire de ses collègues masculins MM. [Z] et [S], ainsi que les siens. Il en ressort les éléments suivants :

Mme [C] et M. [Z] ont été recrutés en août 2004 et M. [S] en août 2007 ;

Tous trois occupent des postes similaires de moniteur (anciennement dénommés formateur) ;

Mme [C] a été recrutée avec un coefficient de 260 points, M. [Z] 255 et M. [S] 295, outre 2 points supplémentaires en raison de ses charges de famille ;

Par avenant, le coefficient de Mme [C] a été porté à 294, de même que celui de M. [Z], ce qui a eu pour effet de neutraliser la différence constatée à l'embauche ;

En décembre 2017, les coefficients des 3 salariés étaient de 375 pour Mme [C] et de 384 pour M. [Z] et pour M. [S].

Cet écart dans les coefficients se traduit par une différence dans le salaire des intéressés, alors que lors de leur embauche, Mme [C] avait un coefficient supérieur à celui de M. [Z] et que M. [S] a été recruté 3 ans plus tard.

La salariée verse ainsi aux débats des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination fondée notamment le sexe.

Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

A cet égard, la Maison familiale expose que sur les 9 points d'écart, 4 s'expliquent par le nombre d'enfants à charge, Mme [C] n'en ayant pas alors que ses collègues masculins en ont deux chacun, ce qui n'est pas contesté.

Pour le surplus, la convention collective dispose que « quand le moniteur est engagé alors qu'il justifie avoir exercé en dehors de l'institution une activité professionnelle antérieure de nature à lui donner compétence pour ces nouvelles fonctions, ces années d'expérience peuvent être prises en compte dans la limite de dix années ; elles sont alors valorisées sur la base de 5 points par an. »

Ainsi que le fait valoir la Maison familiale, les 3 salariés n'avaient pas effectué le même parcours professionnel avant leur embauche.

Il ressort en effet de la lecture du curriculum vitae de Mme [C] que celle-ci pouvait se prévaloir d'une expérience de l'enseignement et de la relation avec un jeune public grâce à son contrat de travail à durée déterminée en cours depuis le début de l'année scolaire au sein de la Maison familiale de [Localité 7], d'un an d'intervention auprès des élèves et des enseignants du lycée [8] à [Localité 10] et de plusieurs années d'animatrice de centre de loisirs et d'hébergement, activité s'exerçant essentiellement pendant les vacances scolaires, ainsi que le fait remarquer l'intimée sans être contredite.

Mme [C] ne démontre pas en revanche que son activité dans le domaine du télémarketing a pu lui donner compétence pour ses fonctions de monitrice en Maison familiale apprentissage.

En revanche, M. [Z] a été professeur vacataire pendant 19 mois et surveillant pendant 4 ans. Il a en outre pratiqué le basketball pendant 14 ans en compétition, ce qui a pu développer chez lui diverses qualités appréciables dans l'exercice de son métier de moniteur (travail en équipe autour d'un objectif commun, persévérance, prise en compte des différences').

Enfin, M. [S] s'est enrichi de 18 années en qualité d'éducateur en lycée polyvalent et de formateur en mission générale d'insertion ; il a en outre été animateur sportif pour des associations pendant 3 ans.

L'écart de points de coefficient entre les 3 salariés était donc justifié, sachant que contrairement à ce que soutient Mme [C], la convention collective ne prévoit pas de prendre en considération, dans la détermination du nombre de points, les missions supplémentaires confiées aux moniteurs.

La Maison familiale démontre donc que l'attribution du nombre de points de coefficient à Mme [C] s'est effectuée sur la base de critères objectifs étrangers à toute discrimination.

2-2-Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L.1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'article L.1152-4 du code du travail impose à l'employeur de prendre les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Mme [C] affirme avoir subi un harcèlement moral de la part de son employeur, ayant eu pour conséquences une altération de son état de santé et des arrêts de travail répétés.

Ainsi, la Maison familiale n'aurait pas respecté les préconisations du médecin du travail puisque le temps partiel thérapeutique que celui-ci avait recommandé le 14 mai 2013 n'a été mis en pratique que durant 3 mois, soit jusqu'en août 2013.

La cour relève toutefois que, sur son avis d'aptitude, le médecin du travail n'a pas précisé la durée pendant laquelle le temps partiel devait être mis en 'uvre et Mme [C] ne démontre aucune conséquence de cette reprise à temps plein sur son état de santé.

Mme [C] fait valoir en outre que l'employeur lui a refusé le bénéfice d'un stage dans le cadre du Parcours d'accompagnement à l'entrée dans le métier de directeur, ce qui l'aurait empêchée de valider cette formation et donc de bénéficier de 30 points supplémentaires dans le calcul de sa rémunération.

Cette affirmation est inexacte, puisque d'après un courriel qu'elle a elle-même adressé à son conseil le 7 juillet 2018, c'est le fait de ne pas avoir trouvé un poste de directrice pour y effectuer le stage requis, qui a constitué un obstacle à la validation du Parcours, et non un quelconque refus de la part de la Maison familiale. (Pièce 40)

La salariée soutient aussi que sa forte implication lors de la grève à la rentrée 2017 aurait généré des faits de harcèlement moral à son encontre de la part de la direction. Elle ne décrit pas les faits en question, se contentant d'évoquer le refus de l'employeur d'accéder à sa demande de rupture conventionnelle.

Mme [C] échoue donc à établir la matérialité de faits qui, pris dans leur ensemble, laisseraient supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail.

2-3-Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

L'article L.4121-1 du code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Mme [C] soutient que l'employeur n'a pas respecté cette obligation dans la mesure où il a mis fin au temps partiel thérapeutique, où ses arrêts de travail démontrent une dégradation de son état de santé liée à l'exercice de ses fonctions, où elle a été suivie par une psychologue, sans qu'il ne prenne les mesures nécessaires pour faire cesser cette situation et où le conflit social de la rentrée 2017 atteste des méthodes de management et de la piètre qualité du dialogue social.

L'employeur aurait en effet été mieux avisé de demander au médecin du travail des précisions sur la durée du temps partiel thérapeutique avant de prévoir une reprise à temps plein, même si cette reprise semble avoir été effectuée à la fin de l'année scolaire.

Par ailleurs, même si sur les arrêts de travail, le médecin a fait apparaitre un lien entre la maladie et les conditions de travail, même si Mme [C] a toujours été placée en maladie ordinaire : « Trouble anxieux sévère sur harcèlement sur le lieu de travail » (octobre 2017), « Trouble anxieux sévère sur harcèlement au travail, médecin du travail me demande de l'arrêter » (novembre 2017), « Syndrome dépressif sur difficultés professionnelles » (décembre 2017), « Burn out sur difficultés professionnelles sur le lieu de travail-épuisement physique et psychique » (janvier 2018), ce lien ne semble relever que des déclarations de la salariée, puisque celle-ci ne verse aux débats aucun certificat dans lequel son médecin aurait décrit ses propres constatations.

La cour relève en outre que Mme [C] n'avait pas repris le travail lorsqu'elle a envoyé son courrier de prise d'acte à l'employeur et que ces arrêts se sont succédés sans discontinuer, si bien que celui-ci n'a pu en tout état de cause évoquer avec elle son mal-être afin de tenter éventuellement d'y apporter des solutions.

Quant au suivi psychologique, il n'est pas établi que la Maison familiale en a eu connaissance avant l'introduction de l'action en justice.

Enfin, Mme [C] ne rapporte pas la preuve que l'employeur a commis des fautes dans son mode de management et dans sa conduite du dialogue social constitutives de violations de son obligation de sécurité.

2-4-Sur les effets de la prise d'acte

Les développements précédents ont amené la cour à ne retenir ni discrimination ni harcèlement moral au préjudice de la salariée, ni violation par l'employeur de son obligation de sécurité, à l'exception de la reprise précipitée à temps plein en août 2013.

Ce fait est toutefois trop ancien pour justifier une prise d'acte aux torts de l'employeur dans la mesure où il n'est pas démontré que ses effets ont persisté jusqu'à la notification de la rupture.

La prise d'acte doit donc produire les effets d'une démission.

3-Sur l'indemnité de préavis

Il est constant que la prise d'acte a été notifiée à l'employeur le 29 janvier 2018, soit après le terme du dernier arrêt de travail de Mme [C] (28 janvier 2018). Celle-ci était donc en mesure d'effectuer son préavis de 3 mois et se trouve redevable de l'indemnité compensatrice de préavis.

Cette indemnité correspond à la rémunération qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé, soit 8 201 euros.

4-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de Mme [C].

L'équité ne commande pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les conclusions n°2 et les pièces 41 à 45 notifiées et déposées par Mme [R] [C] le 23 février 2024 ;

Confirme le jugement entrepris, sauf sur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Condamne Mme [R] [C] à verser à l'association Maison familiale apprentissage de [Localité 6] la somme de 8 201 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de Mme [R] [C] ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le greffier La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/07527
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.07527 ?
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