N° RG 21/06666 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NZ6D
Décision du Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-TARARE du 20 mai 2021
RG : 2019j109
[O]
[O]
C/
S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 27 Juin 2024
APPELANTS :
M. [D] [O]
né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Mme [V] [P] épouse [O]
né le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentés par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et par Me Nicolas BES de la SCP BES SAUVAIGO & Associés, avocats au barreau de LYON
INTIMEE :
S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG (anciennement dénommée INTRUM JUSTITIA DEBT FINANCE AG), société anonyme de droit suisse, immatriculée au Registre du Commerce du Canton de ZUG (SUISSE) sous le numéro CHE-100.023.266, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualité de droit audit siège
Industriestrasse 13 C
CH-6300 ZUG (SUISSE)
Représentée par Me Marie-Josèphe LAURENT de la SAS SPE SOUS FORME DE SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 27 Septembre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Mai 2024
Date de mise à disposition : 27 Juin 2024
Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Aurore JULLIEN, conseillère
- Viviane LE GALL, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La société OJ [O] a exploité un magasin sous l'enseigne Sport 2000. M. [W] était le gérant associé et Mme [V] [P] épouse [O] était associée.
Le 14 avril 2011, la société le Crédit lyonnais (LCL) a consenti à la société OJ [O] un prêt de 306.000 euros. M. et Mme [O] se sont portés caution du contrat de prêt à hauteur de 25 % chacun de 1'encours dans la limite de 76.500 euros.
Le 1er septembre 2016, la société OJ [O] a été placée en redressement judiciaire. Puis en 3 novembre suivant en liquidation judiciaire.
Le 22 novembre 2016, par lettre recommandée avec accusé de réception, la banque le Crédit lyonnais a informé M. et Mme [O] qu'ils restaient créanciers de la société OJ [O] de la somme de 119.164,65 euros à la date du jugement de liquidation et les a chacun mis en demeure de lui payer sous quinzaine la somme de 59.582,32 euros représentant 50 % de 1'encours majorés des intérêts de retard jusqu'à parfait paiement.
Le 6 juillet 2017, la banque le Crédit lyonnais a cédé sa créance à la société Intrum debt finance AG (société Intrum).
Le 10 janvier 2019, la liquidation judiciaire de la société OJ [O] a été clôturée pour insuffisance d`actif.
Par lettre recommandée avec accusé de réception, la société Intrum a rappelé à M. et Mme [O] que la créance à l'encontre de la société OJ [O] lui avait été cédée et les a mis chacun en demeure de régler la somme de 32.187,53 euros représentant 25 % de l'encours, majorée des intérêts de retard jusqu'à parfait paiement.
Le 14 octobre 2019, la société Intrum a assigné M. et Mme. [O] devant le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare.
Par jugement contradictoire du 20 mai 2021, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a :
- re'u comme régulière et bien fondée la demande de la société Intrum debt finance AG, sous les réserves sus-énoncées,
- débouté M. [D] [O] et Mme [V] [O] de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamné M. et Mme [O] à payer à la société Intrum debt finance AG la somme de 32.l87,53 euros chacun outre intérêts au taux de 6,50 % à compter du 14 octobre 2019, date de l'assignation,
- dit n'y avoir lieu en l'espèce d'ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamné solidairement M. [O] et Mme. [O] à payer à la société Intrum debt finance AG :
' la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
' les entiers dépens de l'instance liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 94,34 euros toutes taxes comprises,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
M et Mme [O] ont interjeté appel par déclaration du 20 août 2021.
Par assignation en référé délivrée le 13 septembre 2021, M et Mme. [O] ont saisi le premier président afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de cette décision.
Par ordonnance du 25 octobre 2021, leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a été rejetée.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 14 juin 2022, M. et Mme [O] demandent à la cour, au visa des articles L.341-1 et L.341-4 du code de la consommation, l'article L.313-22 du code monétaire et financier, l'article 1244-1 du code civil et les articles 515 et 700 du code de procédure civile, de :
- réformer le jugement rendu le 20 mai 2021 en ce qu'il a :
' débouté M. [O] et Mme. [O] de leurs demandes, fins et prétentions,
' condamner M. et Mme [O] à payer à la société Intrum debt finance AG la somme de 32.187,35 euros chacun outre intérêts au taux de 6,50 % à compter du 14 octobre 2019, date de l'assignation,
' condamner solidairement M. et Mme [O] à payer à la société Intrum debt finance AG :
o la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
o les entiers dépens de l'instance liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 94,34 euros toutes taxes comprises,
' ordonner l'exécution provisoire du jugement.
Et, statuant à nouveau,
à titre principal :
- dire et juger manifestement disproportionné le cautionnement souscrit par M. [O] à l'égard de la banque Crédit lyonnais,
- prononcer en conséquence la déchéance de l'engagement de caution souscrit par M. [O],
- débouter la société Intrum de ses plus amples demandes.
' titre subsidiaire :
o sur l'absence d'information annuel des cautions :
- dire et juger que la société Intrum debt finance AG ne justifie pas que la banque LCL les a informé annuellement,
- dire et juger en conséquence que la société Intrum AG doit être déchue de son droit à intérêts,
- dire et juger en conséquence que les intérêts conventionnels versés par la société OJ [O] durant l'exécution du prêt doivent s'imputer sur le capital dans les rapports entre la société Intrum et les cautions,
- dire et juger que la société Intrum ne produit pas de décompte actualisé comportant l'imputation des intérêts payés par la société OJ [O] sur le principal,
o sur l'absence d'information lors du premier incident de paiement :
- dire et juger que la société ne justifie pas les avoir informés lors du premier incident de paiement, et dire et juger en conséquence qu'elle doit être déchue de son droit aux intérêts de retard,
Sur le rejet du paiement de l'indemnité forfaitaire de 5% :
- dire et juger que la société ne justifie pas de cette demande infondée, et en conséquence qu'elle sera déboutée de sa demande en paiement de 4.625,44 euros à cet égard,
Par conséquent,
- dire et juger en conséquence incertaines les créances de la société Intrum,
- rejeter l'intégralité des demandes la société Intrum à leur encontre,
En toutes hypothèses :
- leur octroyer, en cas de condamnation, les plus larges délais de paiement en application des dispositions de l'article 1244-1 du code civil et de la manière suivante :
' règlement chacun de la somme de 400 euros par mois, pendant 23 mois,
' règlement du solde de la dette à la 24ème échéance.
- rejeter toutes demandes, fins et conclusions de la société Intrum,
- condamner la société Intrum à leur payer la somme de 3.000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 12 septembre 2022, la société Intrum demande à la cour, au visa de l'ancien article 1134, l'article 1960 et 2288 et suivants du code civil et de l'article L.332-1, anciennement l'article L. 341-4 du code de la consommation, de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare le 20 mai 2021 en ce qu'il a :
' re'u comme régulière et bien fondée sa demande,
' débouté M. et Mme. [G] de leurs demandes, fins et prétentions,
' condamné M. et Mme. [G] à lui payer la somme de 32.187,53 euros chacun outre intérêts au taux de 6,50%,
' condamne solidairement M. et Mme. [G] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamnés solidairement les consorts [O] aux entiers dépens de l'instance,
' ordonné l'exécution provisoire,
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare le 20 mai 2021 en ce qu'il a :
' condamné M. et Mme. [G] à lui payer la somme de 32.187,53 euros chacun outre intérêts au taux de 6,50% à compter du 14 octobre 2019, date d'assignation,
' dit n'y avoir lieu en l'espèce à la capitalisation des intérêts.
Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant
- condamner M. et Mme. [G] à lui payer en qualité de caution de la société GMC, la somme de 32.187,53 euros chacun outre intérêts au taux de 6,50%, à compter du 4 juillet 2019 date du décompte,
- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 ancien du code civil,
- débouter M. et Mme. [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamner solidairement M. et Mme. [G] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, d'appel et de ses suites.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 27 septembre 2022, les débats étant fixés au 15 mai 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il est précisé que le litige n'est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est antérieur au 1er octobre 2016.
Il est également précisé que le litige n'est pas soumis au droit du cautionnement issu de l'ordonnance du 15 septembre 2021 puisque le contrat de cautionnement litigieux est antérieur au 1er janvier 2022.
Sur la disproportion manifeste de l'engagement de caution de M. [O]
M. et Mme [O] font valoir que :
- le créancier a un devoir de se renseigner sur la capacité financière de la caution et l'absence de disproportion manifeste,
- selon la fiche de renseignement, sans compter ses charges, M. [O] ne disposait d'aucun patrimoine et d'un salaire de 24.000 euros au jour de son engagement de caution de 76.000 euros, de sorte que la disproportion est manifeste,
- n'étant pas mariés au jour de leur engagement de caution, les revenus et patrimoine de Mme [O] ne doivent pas être pris en compte pour déterminer la disproportion de l'engagement de M. [O],
- il incombe à l'intimée de démontrer qu'il est aujourd'hui en capacité de verser la somme réclamée au titre du cautionnement,
- ses charges courantes, son engagement de caution et le remboursement d'un prêt dépassent largement ses revenus et son patrimoine, de sorte que l'engagement de caution est disproportionné au moment où il est appelé.
La société Intrum réplique que :
- à titre liminaire, Mme [O] ne conteste plus la validité de son engagement de caution,
- la preuve de la disproportion manifeste au jour de l'engagement de caution incombe à l'appelant,
- selon la fiche de renseignement remise préalablement à la régularisation de l'acte de caution et signée, M. [O] a déclaré un ratio charge / ressources de 15% qui n'est pas disproportionné ; la concluante n'a pas à pâtir de la carence de la partie adverse,
- l'appelant ne verse aucune preuve justifiant de ses revenus et patrimoine au moment de la conclusion des actes de cautionnement ; il ne démontre pas de disproportion manifeste à ce moment,
- à titre subsidiaire, l'engagement de caution n'est pas disproportionné au jour où la caution est appelée, puisque l'appelant est propriétaire en indivision de deux biens immobiliers dont la valeur le dépassent largement.
Sur ce,
Selon l'article L 341-4 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription, de le prouver. En revanche, si l'engagement était disproportionné au jour de la souscription, il incombe au créancier qui entend se prévaloir du cautionnement de démontrer que le patrimoine de la caution lui permet d'y faire face au jour où elle est appelée, soit au jour de l'assignation.
La disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de celui-ci et des biens et revenus de la caution.
Si le créancier a recueilli ces éléments auprès de la caution, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.
La disproportion manifeste est invoquée par M. [O] seul.
Il est constant que le couple [O] n'était pas marié lors de la souscription de l'engagement de M. [O] de sorte qu'il ne peut être tenu compte des biens et revenus de Mme [O] à cette date.
La fiche de renseignements signée par M. [O] le 5 février 2011 révèle qu'il était gérant de société, que ses revenus annuels s'élevaient à 24.000 euros soit 2.000 euros par mois, pour des charges annuelles de 3.500 euros, que son unique patrimoine s'élevait à 2.000 euros (placement bancaire).
Compte tenu de la hauteur de l'engagement de 76.500 euros, celui-ci apparaît manifestement disproportionné à ses biens et revenus, lesquels ne dégagent qu'une faible faculté mensuelle de remboursement après déduction de nécessaires dépenses courantes (la somme de 3.500 euros annoncée à titre de charges ne pouvant pas englober toutes ces charges alors que la fiche est peu explicite sur les charges à prendre en compte) et ne permettant pas d'apurer la dette dans un délai raisonnable.
S'agissant de l'absence de disproportion au moment où la caution a été appelée le 14 octobre 2019, il était réclamé la somme de 32.187,53 euros.
La société Intrum justifie par des états hypothécaires établissent que M. [O] était propriétaire indivis à cette date d'un bien immobilier sis [Adresse 2] et acquis en 2013 et d'un bien immobilier sis [Localité 7] acquis en 2016 pour 108.560 euros.
M. [O], dans ses conclusions, n'oppose aucun démenti sur l'existence de ces deux biens dans son patrimoine, se contentant d'affirmer à tort que l'intimée ne rapporte pas la preuve de ses capacités.
Au vu de la valeur des biens immobiliers, le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à ses engagements au jour où elle a été appelée.
Le jugement est en conséquence confirmé par substitution de motifs en ce qu'il n'a pas retenu la disproportion manifeste de l'engagement de M. [O].
Sur l'obligation d'information annuelle de la caution
M. et Mme [O] font valoir que :
- l'intimée ne produit que la copie des lettres d'informations qui leur auraient été adressées par la banque par lettre simple, qui ne justifient pas de leur envoi,
- l'absence d'information annuelle de la caution emporte déchéance des intérêts conventionnels,
- l'absence d'information de la caution est également sanctionnée par l'imputation dans les rapports entre la caution et la banque des paiements effectués par le débiteur principal sur le montant du principal du prêt,
- le fait que les sommes réclamées soient inférieures au capital restant dû est indifférent car l'engagement porte sur un pourcentage de l'encours,
- l'intimée n'opère pas un nouveau calcul de sa créance imputant les intérêts versés par le débiteur principal sur le principal du prêt ; par conséquent, la créance apparaît incertaine ; la demande en paiement doit donc être rejetée,
- en tout état de cause, selon le tableau d'amortissement du prêt, 36.000 euros ont été versés par le débiteur principal au titre des intérêts conventionnels, qui doivent être décomptées du principal du prêt ; il incombe à l'intimée de réactualiser ses demandes, car le montant demeure indéterminé.
La société Intrum réplique que :
- les appelants ont chacun été régulièrement informés chaque année,
- si par extraordinaire elle n'avait pas informé régulièrement chaque année les cautions, les sommes dues par les appelants sont inférieures au capital restant dû de sorte qu'ils seront condamnés à payer la somme de 32.187,53 euros chacun outre intérêts au taux de 6,50% à compter du 4 juillet 2019, date du décompte,
- à titre subsidiaire, les appelants ne seront déchargés que du paiement des intérêts.
Sur ce,
Selon l'article L 313-22 du code monétaire et financier dans sa version applicable à la cause, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à l'effectuer, la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
En l'espèce, la société Intrum produit en pièce 10 des duplicatas de courriers adressés aux cautions. Cependant, si le créancier n'a pas à justifier de la réception de ses courriers, il doit néanmoins justifier de leur envoi.
Un simple duplicata d'un courrier dont rien ne preuve qu'il a été envoyé ne rapporte pas cette preuve de sorte qu'il est retenu que l'information annuelle n'a pas été donnée, contrairement à ce qu'a retenu à tort le tribunal de commerce.
Dès lors, la Banque doit être déchue des intérêts de retard qu'elle a retenus dans son décompte.
Il n'y a pas en sus de déduire une somme de 36.000 euros que les explications des appelants ne permettent pas d'identifier, étant rappelé en tout état de cause que la déchéance en cas d'absence d'information annuelle porte sur les frais et accessoires et non sur les intérêts des échéances payées par le débiteur principal.
Sur l'obligation d'information de la caution au premier incident de paiement
M. et Mme [O] font valoir que :
- l'intimée ne justifie pas de leur information par la banque LCL dès le premier incident de paiement, de sorte que les pénalités et intérêts de retard échus outre intérêts de retard indiqués pour mémoire devront être imputés sur le total des sommes prétendument dues,
- l'intimée ne justifie que de la mise en demeure du 22 novembre 2016, 5 mois après l'arrêt des paiements par le débiteur principal, qui ne peut être qualifiée de lettre les informant d'un incident de paiement puisqu'il ne s'agit que d'une mise en demeure de régler le solde du prêt, indiquant de surcroît des chiffres faux,
- la cession de créance de la banque LCL ne leur avait pas été signifiée, de sorte que la mise en demeure du 4 juillet 2019 n'a aucun effet juridique.
La société Intrum réplique que :
- si par extraordinaire elle n'avait pas informé la caution au premier incident de paiement, les sommes dues par les appelants sont inférieures au capital restant dû, de sorte qu'ils seront condamnés à payer la somme de 32.187,53 euros chacun outre intérêts au taux de 6,50 % à compter du 4 juillet 2019, date du décompte,
- à titre subsidiaire, la caution ne sera déchargée que du paiement des pénalités et intérêts de retard échus entre la date de premier incident et celle à laquelle elle a été informée.
Sur ce,
Le premier incident de paiement est en date de juin 2016.
La société Intrum ne fait pas valoir qu'elle a respecté son obligation d'aviser la caution de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Il y a donc également déchéance des intérêts dans les conditions susvisées, étant relevé que la mise en demeure du 22 novembre 2016 n'a pas avisé de ce premier incident de paiement.
Sur l'indemnité forfaitaire de 5%
M. et Mme [O] font valoir que :
- l'intimée n'apporte aucune explication sur cette somme,
- cette indemnité n'a pas été admise au passif du débiteur principal ; or, ils ne peuvent en qualité de caution qu'être redevables des sommes fixées à son passif,
- en tout état de cause, cette indemnité est une aggravation des obligations du débiteur par la mise à sa charge de frais supplémentaire du seul fait de son placement en procédure collective ; la clause est donc réputée non écrite,
- la déchéance du terme du prêt ne résulte pas de l'application du contrat mais des dispositions légales d'ordre public, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer une quelconque pénalité contractuelle,
- la clause d'indemnité forfaitaire n'est pas incluse dans la liste exhaustive de l'assiette du paiement par la caution stipulée par le contrat, de sorte qu'elle n'a pas vocation à s'appliquer,
- en tout état de cause, cette clause s'analyse en une clause pénale ; compte tenu des circonstances du litige, de l'absence de sérieux dans la gestion de la banque, de l'absence d'information et des fausses informations données aux caution, il est légitime de réduire cette clause à néant.
La société Intrum réplique que :
- l'indemnité forfaitaire de 5% du capital restant dû est prévue par le contrat de cautionnement ; les conditions générales de cautionnement prévoient que la 'caution sera tenue au paiement immédiat des sommes dues par l'emprunteur, y compris celles devenues exigibles par anticipation' ; par conséquent, les appelants seront condamnés au paiement de l'indemnité forfaitaire,
- si par extraordinaire, les appelants ne sont pas redevables des intérêts dus à compter de l'absence d'information des cautions, la déchéance ne peut pas s'appliquer aux sommes réglées avant l'absence d'information et en tout état de cause aux sommes réglées par l'emprunteur ; par conséquent, la somme de 36.000 euros ne peut pas être déduite.
Sur ce,
L'indemnité réclamée d'un montant de 4.625,44 euros est une indemnité contractuelle appliquée sur le capital restant dû dans plusieurs circonstances et notamment en cas de déchéance du terme.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque c'est la procédure collective ayant rendu immédiatement exigibles les sommes dues. L'indemnité, qui aggraverait la situation du débiteur par la mise à sa charge de frais supplémentaires du seul fait de la procédure collective n'a pas été admise au passif de la procédure collective.
Cette indemnité ne peut donc être due par les cautions qui sont redevables des sommes fixées au passif de la liquidation judiciaire et doit être déduite du décompte retenu par le tribunal de commerce.
En définitive, la société Intrum ayant produit un décompte expurgé des intérêts et pénalités, le jugement est infirmé et les époux [O] sont condamnés à payer chacun à la société Intrum la somme de 26.243,36 euros représentant 25 % de l'encours de 104.973,44 euros.
Sur la capitalisation des intérêts et leur point de départ
La société Intrum fait valoir qu'elle est de droit, que le décompte fait état des intérêts capitalisés au 4 juillet 2019 ; que les intérêts courent à compter du dernier décompte, soit le 4 juillet 2019, et non le 14 octobre 2019 retenu par le tribunal.
M. et Mme [O] répliquent qu'en l'absence de notification de la cession de la créance du 6 juillet 2017 par la banque LCL à l'intimée, la mise en demeure du 4 juillet 2019 ne pouvait produire d'effet, que la cession de créance ne leur est devenue opposable qu'au jour de la délivrance de l'assignation, soit le 14 octobre 2019, de sorte que les intérêts ne pouvaient courir qu'à compter de cette date, que la capitalisation des intérêts ne pouvaient être prononcée à compter de la mise en demeure du 4 juillet 2019.
Sur ce,
Selon l'article 1343-2 du code civil, 'les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise'.
La capitalisation des intérêts est de droit et doit être prononcée. Le jugement est donc infirmé de ce chef.
S'agissant du point de départ des intérêts, les parties s'opposent sur la date à retenir. Le tribunal de commerce a fait courir les intérêts à compter de l'assignation tandis que la société Intrum se prévaut du dernier décompte du 4 juillet 2019.
Cependant, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a retenu la date d'assignation sans prendre en compte la date du 4 juillet 2019, ayant justement relevé que la mise en demeure de cette date ne pouvait produire d'effet alors que la cession de créance intervenue entre la Banque LCL et la société Intrum n'avait pas été signifiée aux cautions à cette date.
Par ailleurs, les intérêts capitalisés ne peuvent courir que dans les conditions de l'article susvisé.
Sur la demande de délai de paiement
M. et Mme [O] font valoir que la quasi intégralité des ressources du couple, salaires, aides sociales et rente est absorbée par ses charges et que la cour peut leur accorder les plus larges délais de paiement selon leur proposition.
La société Intrum réplique que les appelants ne justifient pas être des débiteurs malheureux et de bonne foi ; que les documents qu'ils versent sont non actualisés et incomplets, que le premier président de la cour d'appel de Lyon a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sollicitée par les appelants et qu'en tout état de cause, les appelants sont propriétaires de deux biens immobiliers.
Sur ce,
Aux termes de l'article 1343-5 du code civil, 'le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge....'
En l'espèce, les époux [O] mettent en avant des revenus mensuels de 1.394,56 euros et 1.900 euros, une rente CAF de 472 euros et une rente pour l'épouse de 1.466 euros soit un total de 5.232,56 euros pour des charges mensuelles de 4.717 euros. Ils soutiennent n'avoir perçu aucun revenu locatif. Seul leur avis d'imposition 2020 est versé.
Ils proposent un échéancier de paiement rejetant la majeure partie de la dette à la 24ème échéance et ne justifient du versement d'aucun acompte.
Par contre, ils sont taisant sur leurs biens immobiliers et plus particulièrement sur le sort de l'immeuble de rapport sis aux Deux Alpes qui pourrait utilement les libérer de leur dette et que fait même pas l'objet de locations saisonnières selon leurs dires.
Il est également noté que la juridiction du premier président s'était déjà interrogée sur le prix et le sort du prix de vente d'un bien indivis de l'épouse sis à [Localité 6] et vendu en 2020.
Au vu de ces éléments, la demande de délais non justifiée ne peut être accueillie. Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette prétention.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens sont à la charge des appelants qui restent débiteurs envers leur adversaire.
Il est cependant équitable au vu de ce qui précède de faire droit à une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les demandes sur ce fondement sont rejetées.
Les condamnations de première instance à ce titre sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté M. [D] [O] et Mme [V] [O] de leurs demandes au titre de l'absence d'information annuelle des cautions, de l'information lors du premier incident de paiement et au titre de la pénalité contractuelle de 5%,
- condamné M. et Mme [O] à payer à la société Intrum debt finance AG la somme de 32.l87,53 euros chacun outre intérêts au taux de 6,50 % à compter du 14 octobre 2019, date de l'assignation,
- dit n'y avoir lieu en l'espèce d'ordonner la capitalisation des intérêts.
Confirme le jugement déféré pour le surplus.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que les cautions sont fondées à se prévaloir de l'absence d'information annuelle des cautions et du défaut d'information lors du premier incident de paiement.
Dit que la pénalité contractuelle de 5 % n'est pas due par les cautions.
Condamne [D] [O] et [V] [P] épouse [O], chacun, à payer à la société Intrum Debt finance AG la somme de 26.243,36 euros outre intérêts au taux de 6,50 % à compter du 14 octobre 2019, date de l'assignation.
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
Condamne [D] [O] et [V] [P] épouse [O] aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.
Rejette les demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentées à hauteur d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE