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25/06/2024 | FRANCE | N°22/00405

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 25 juin 2024, 22/00405


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR











N° RG 22/00405 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OB24



Société [6]



C/



URSSAF RHÔNE -ALPES









APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 10 Décembre 2021

RG : 16/00859









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D (PS)



ARRET DU 25 Juin 2024







APPELANTE :



Société [6]

RCS [N

° SIREN/SIRET 2]

[Adresse 1]

[Localité 5]



représentée par Me Bruno SERIZAY de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Adeline NAZAROVA de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS







INTIMEE :



URSSAF RHÔNE -ALPES

[Adresse 3]

[Adresse 3...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 22/00405 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OB24

Société [6]

C/

URSSAF RHÔNE -ALPES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 10 Décembre 2021

RG : 16/00859

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D (PS)

ARRET DU 25 Juin 2024

APPELANTE :

Société [6]

RCS [N° SIREN/SIRET 2]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Bruno SERIZAY de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Adeline NAZAROVA de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

URSSAF RHÔNE -ALPES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Mme [R] [J] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente et Nabila BOUCHENTOUF, conseillère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistées pendant les débats de Claudiane COLOMB, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 25 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, président, et par Christophe GARNAUD, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Suite à un contrôle effectué par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Rhône-Alpes (l'URSSAF), la société [6] (la société) a fait l'objet d'un redressement d'un montant global de 7 127 285 euros de cotisations pour la période de 2012 à 2014 relatif, selon lettre d'observations du 28 octobre 2015, à 20 chefs de redressement.

Le 18 décembre 2015, l'URSSAF lui a adressé une mise en demeure d'avoir à payer, au titre du redressement opéré, la somme de 5 451 749 euros.

La société a saisi la commission de recours amiable pour solliciter :

- d'une part, l'annulation de la mise en demeure et du redressement afférent en raison du non-respect des règles de contrôle et du principe du contradictoire,

- d'autre part, l'annulation des chefs de redressement suivants : n° 3 relatif aux indemnités versées dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnel des emplois et des compétences, n° 4 relatif aux frais professionnels non justifiés et n° 10 relatif aux frais professionnels - indemnités kilométriques / frais professionnels liés à la mobilité / indemnités de transport domicile - lieu de travail.

Par requête enregistrée le 29 mars 2016, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par décision du 27 septembre 2019, notifiée le 17 octobre 2019, la commission de recours amiable a ramené le chef de redressement n° 4 d'un montant de 2 009 244 euros à 1 770 391 euros et rejeté les contestations de la société pour le surplus.

Par jugement du 10 décembre 2021, le tribunal :

- ordonne la jonction de la procédure RG n° 19/3695 et de la procédure RG n° 2016/859,

- rejette les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure,

- confirme le point n° 3 « indemnités versées dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences - GPEC » de la lettre d'observations du 28 octobre 2015,

- confirme le point n° 4 « frais professionnels - indemnités kilométriques / mobilité professionnelle / frais de transport domicile lieu de travail » de la lettre d'observations du 28 octobre 2015,

- confirme le point n° 10 « frais professionnels - indemnités kilométriques / frais professionnels / frais de transport domicile - lieu de travail », de la lettre d'observations du 28 octobre 2015,

- condamne, à titre reconventionnel, la société [6] au paiement de la somme de 652 357 euros à verser à l'URSSAF,

- condamne la même au paiement de la somme de 2 000 euros à l'URSSAF, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire,

- dit que chaque partie conservera la charge des dépens engagés pour la défense de ses intérêts.

Par déclaration enregistrée le 12 janvier 2022, la société a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 2 mai 2024 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a confirmé les chefs de redressement n° 3, 4 et 10,

- la juger recevable en sa demande,

En conséquence,

- ordonner à l'URSSAF de lui rembourser les montants de chefs de redressement correspondants, ainsi que les majorations de retard afférentes,

A titre subsidiaire,

- réduire le montant du chef de redressement n° 4 à hauteur de 905 706 euros,

- réduire le montant du chef de redressement n° 10 à hauteur de 535 363 euros,

En conséquence,

- ordonner à l'URSSAF de lui rembourser le surplus de chacun de ces chefs de redressement, soit la somme de 864 685 euros au titre du chef de redressement n° 4 et 258 411 euros au titre du chef de redressement n° 10,

En tout état de cause,

- condamner l'URSSAF au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'URSSAF aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures reçues au greffe le 15 mai 2024 et reprises à l'audience sans ajout ni retrait au cours des débat, l'URSSAF demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter la société [6] de l'ensemble de ses prétentions,

- condamner la société [6] au paiement de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR LE CHEF DE REDRESSEMENT N° 3 : « INDEMNITES VERSEES DANS LE CADRE D'UN ACCORD GPEC »

La société recherche la nullité de ce chef de redressement aux motifs suivants :

- l'exonération à tout assujettissement social des indemnités versées en application de la GPEC (gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences) a été validée par la direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle (la DGEFP) selon décision du 28 juillet 2013 ;

- l'URSSAF aurait dû, pendant la phase de contrôle et avant d'opérer le redressement litigieux, consulter la DIRECCTE conformément à l'instruction DSS/DGEFP du 26 mars 2014 ;

- les indemnités de maintien dans l'emploi et les aides à la création d'entreprise versées en application de l'accord de GPEC ont la même nature et la même finalité que les indemnités versées dans le cadre du PSE et étaient donc automatiquement exonérées d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales ;

- l'exonération est, en tout état de cause, justifiée au regard du caractère indemnitaire des sommes.

L'URSSAF répond que :

- elle n'était pas tenue de consulter la DIRRECTE avant d'opérer le redressement dès lors que les indemnités n'ont pas été servies dans le cadre d'un PSE et ne s'assimilent pas à ces dernières ;

- les sommes discutées ont été versées dans le cadre des accords GPEC de sorte qu'elle a fait application des dispositions relatives à ces accords et qu'elle a dûment procédé à la réintégration de l'entièreté des indemnités de maintien dans l'emploi et les aides à la création d'entreprise ;

- la société n'apporte pas la preuve que les indemnités concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.

L'article L. 242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que :

« Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire ».

Sont aussi prises en compte les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur ou à l'occasion de la cessation forcée des fonctions des mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts, ainsi que les indemnités versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail, au sens de l'article L. 1237-13 du code du travail, et les indemnités de départ volontaire versées aux salariés dans le cadre d'un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, à hauteur de la fraction de ces indemnités qui est assujettie à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du même code. « Toutefois, les indemnités d'un montant supérieur à trente fois le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code sont intégralement assimilées à des rémunérations pour le calcul des cotisations visées au premier alinéa du présent article. Pour l'application du présent alinéa, il est fait masse des indemnités liées à la rupture du contrat de travail et de celles liées à la cessation forcée des fonctions (Alinéa 10) [...] ».

L'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable énonce que :

« 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de l'exonération prévue au 22º de l'article 81 et des dispositions suivantes.

Ne constituent pas une rémunération imposable :

1º Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ;

2º Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail ;

3º La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail, qui n'excède pas :

a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ;

b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;

4º La fraction des indemnités de mise à la retraite qui n'excède pas :

a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de cinq fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ;

b) Soit le montant de l'indemnité de mise à la retraite prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi ;

5º La fraction des indemnités de départ volontaire versées aux salariés dans le cadre d'un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les conditions prévues à l'article L. 2242-17 du code du travail, n'excédant pas quatre fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités.

6º La fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui n'excède pas :

a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités ;

b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.

2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis aux 3 et 4 du 1 est imposable ».

Les sommes qui ne sont pas limitativement énumérées à l'article 80 duodecies du code général des impôts en tant qu'indemnités non imposables à l'impôt sur le revenu sont soumises aux cotisations de sécurité sociale, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice.

Il appartient au juge, saisi d'un différend relatif à l'assujettissement de tout ou partie des sommes versées à titre d'indemnité transactionnelle forfaitaire, de rechercher la nature des sommes incluses dans la transaction, nonobstant la qualification retenue par les parties, afin de mettre en évidence tout élément de rémunération, tel que défini par l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que la somme versée a un caractère indemnitaire et à la cour de vérifier, en cas de transaction, les éléments de réciprocité de concessions de part et d'autre.

De plus, il n'y a pas lieu de distinguer selon que ces indemnités sont versées à la suite d'une démission, d'un licenciement, d'une rupture conventionnelle ou autre. Dans chacune de ces situations, la somme versée est soumise à cotisations, sauf si elle entre dans le champ de l'exonération.

La cour rappelle, par ailleurs, que la GPEC est un dispositif différent de celui du PSE, notamment en ce qu'elle n'a pas la même finalité, qu'elle n'intervient pas au même moment, n'en est pas le préalable obligatoire et, contrairement au second, n'a pas pour effet d'accompagner la sortie des salariés de l'entreprise.

La GPEC a pour but de limiter le recours aux licenciements alors que le PSE intervient quand l'employeur envisage de recourir à des licenciements économiques, étant précisé que, dans le cadre de la première, un accord dit de méthode peut être conclu pour anticiper les licenciements économiques, l'employeur n'étant pas pour autant dispensé d'établir un PSE.

Et contrairement au PSE, la GPEC ne constitue pas une mesure de protection des salariés, ni ne contient un plan de reclassement. Elle ne peut donc se substituer au PSE.

La GPEC n'est donc pas soumise au même régime fiscal et social.

L'indemnité octroyée dans le cadre du PSE est exonérée de cotisations tandis que celle versée dans le cadre de la GPEC ne se trouve exonérée qu'à certaines conditions et à concurrence d'un certain montant.

Enfin, il est constant que les inspecteurs du recouvrement ont le pouvoir de vérifier dans quel cadre les indemnités ont été versées aux salariés pour leur appliquer les législations idoines.

En l'espèce, le groupe [6] a conclu, le 6 mars 2008, un accord GPEC qui s'articule autour de deux volets :

- la gestion anticipative des emplois, des métiers et des compétences : dispositifs et outils visant à favoriser l'orientation, la mobilité et l'employabilité des salariés ;

- procédures et mesures applicables aux projets de restructuration.

Cet accord a été complété par un avenant n° 1 du 30 janvier 2009, détaillant les formations et évolutions des parcours professionnels des salariés (notamment les possibilités de mobilité internes et externes) puis par deux nouveaux accords des 2 juillet 2012 et 9 juillet 2013, le premier couvrant la période du 1er juin 2012 au 31 décembre 2014, et le second courant jusqu'au 1er avril 2015.

Lors du contrôle, les inspecteurs du recouvrement ont constaté que l'ensemble des primes versées dans le cadre de ces accords n'avait pas été intégré dans l'assiette des cotisations, à savoir :

- la prime dite de maintien dans l'emploi versée aux salariés dont l'emploi est menacé et qui acceptent un repositionnement géographique au sein du groupe, sans rupture du contrat de travail : 1 salarié était concerné.

- l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise versée par le biais de l'association [7] financée par l'employeur : 4 salariés étaient concernés pour des sommes allant de 8 000 à 14 000 euros.

Les inspecteurs de l'URSSAF ont considéré que ces indemnités ne faisaient pas partie des exceptions non imposables et qu'elles étaient intégralement soumises à cotisations et contributions sociales, tandis que la société se prévaut de l'exonération de charges sociales des sommes versées dans ce cadre.

En premier lieu, la cour rappelle que les indemnités GPEC ne sont pas similaires à celles du PSE dès lors qu'elles n'ont pas le même objet, ni la même vocation.

La société est donc mal fondée à se prévaloir d'une identité de nature et de finalité pour en déduire que les indemnités allouées dans le cadre du GPEC sont automatiquement exonérées d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales.

Il appartient à la société d'établir la nature des indemnités octroyées dans le cadre du GPEC, étant rappelé que la cour, mais également les inspecteurs du recouvrement, ne sont pas liés par les termes utilisés par les cocontractants.

En l'occurrence, les sommes querellées se sont inscrites dans le cadre d'un dispositif GPEC.

La cour précise que la direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle (la DGEFP) n'a pas à se prononcer sur les conséquences en matière de législation de sécurité sociale de l'accord GPEC. Ainsi, sa décision du 28 juillet 2013 est sans emport sur les sommes ici allouées dans le cadre de la GEPC, étant au surplus relevé qu'elle se réfère en réalité aux indemnités versées dans le cadre de la convention de revitalisation conclue entre la société et l'Etat (qui a pour but de limiter les conséquences des licenciements économiques), et ne concerne que les indemnités versées à l'occasion de la modification du contrat de travail dans le cadre d'un PSE, donc à une situation différente des indemnités versées dans le cadre de la GPEC, comme c'est le cas en l'espèce. Ainsi, la DGEFP n'a pas, dans sa décision, reconnu l'existence d'un PSE ni que les sommes litigieuses devaient être exonérées en application de l'article 80 2° duodecies du code général des impôts. De même, sa décision ne s'est pas inscrite dans un cadre qui aurait pu donner lieu à contestation et ouvrir des voies de recours.

Il en résulte que le moyen tiré de la décision précitée du 28 juillet 2013 est inopérant et que l'URSSAF n'avait pas à consulter la DIRECCTE avant d'opérer le redressement critiqué, les indemnités n'ayant pas été servies dans le cadre d'un PSE dont la preuve de l'existence pour les années 2013 et 2014 n'est au demeurant pas rapportée par la société.

Ensuite, les accords conclus sont intitulés GPEC sans aucune mention du terme PSE, sauf à indiquer que « le plan de sauvegarde de l'emploi pourra intégrer les mesures préventives prévues dans le présent accord ». Il en ressort que ces accords s'inscrivent bien dans le cadre de la GPEC, pour lesquels il y a lieu d'appliquer, ensemble, les dispositions des articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, 80 duodecies 5° du code général des impôts et L. 2242-7 du code du travail.

La société ne rapporte pas la preuve contraire étant ajouté que, même à admettre l'existence d'un PSE, les indemnités litigieuses concernent des indemnités de maintien dans l'emploi, sans lien avec des indemnités de rupture du contrat de travail. De même, les autres indemnités ne sont pas visées par les exceptions listées par les dispositions légales susvisées. Il n'y est fait aucune référence à d'éventuels préjudices subis par les salariés intéressés quant à une rupture du contrat de travail à l'initiative de la société.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que les accords GPEC englobaient des éléments de rémunération soumis à cotisations et contributions sociales.

Le jugement sera sur ce point confirmé.

SUR LE CHEF DE REDRESSEMENT N° 4 : « FRAIS PROFESSIONNELS NON JUSTIFIES »

La société recherche, à titre principal, la nullité de ce chef de redressement motif pris de la violation du principe de la contradiction. Elle expose qu'elle n'a pas été régulièrement associée au protocole d'échantillonnage puisqu'elle aurait pu apporter les justificatifs qu'elle a produits a postériori de la lettre d'observations, et qui ont conduit à l'URSSAF à réduire le ratio de réintégration.

A titre subsidiaire, elle sollicite la réduction de ce chef de redressement au motif que le ratio devrait s'élever à 3,18% et non à 5,98%, comme retenu en dernier lieu par la commission de recours amiable. Elle précise que la totalité des frais de repas, et non une partie comme le prétend la commission de recours amiable, correspond bien à des frais professionnels et doit être exclue de l'assiette des cotisations sociales.

En réponse, l'URSSAF fait valoir que le principe de la contradiction dans le cadre de la mise en 'uvre de la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation a parfaitement été respecté. Elle ajoute que les éléments de preuve auraient dû être produits lors du contrôle pour permettre leur vérification dans la mesure où ils doivent être mis en cohérence avec d'autres afin de s'assurer d'une réelle utilisation conforme à l'objet en sorte que le montant du redressement ne saurait être révisé.

Dans sa rédaction applicable, l'article L. 242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale dispose que, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire ('). Il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.

L'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, précise en son article 1er que les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

Les sommes à déduire de l'assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés, à l'exception des allocations forfaitaires prévues au 2º de l'article 2 ci-dessous perçues par les personnes visées aux 11º, 12º et 23º de l'article L. 311-3 dudit code pour l'exercice de leur fonction de dirigeant.

Selon l'article 2 de l'arrêté du 20 décembre 2002, modifié par l'arrêté du 25 juillet 2005, l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°) ;

2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3 à 9.

Dès lors, selon le mode de défraiement retenu, l'employeur devra apporter des justificatifs établissant la réalité du caractère professionnel (le « réel » des dépenses remboursées) ou démontrer que les forfaits versés ont été utilisés conformément à leur objet (« forfait »).

En vertu de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatifs aux frais professionnels déductibles précités, l'employeur doit justifier du caractère professionnel des sommes versées aux salariés au titre du remboursement des frais professionnels pour bénéficier d'une exonération de cotisations sociales.

De plus, l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose que :

« Les inspecteurs du recouvrement peuvent proposer à l'employeur d'utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Au moins quinze jours avant le début de cette vérification, l'inspecteur du recouvrement remet à l'employeur un document lui indiquant les différentes phases de la mise en 'uvre des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation et les formules statistiques utilisées pour leur application. Il lui remet également l'arrêté mentionné au présent article.

Dès lors que l'employeur entend s'opposer à l'utilisation de ces méthodes, il en informe l'inspecteur du recouvrement, par écrit et dans les quinze jours suivant la remise des documents mentionnée à l'alinéa précédent. Dans ce cas, l'inspecteur du recouvrement lui fait connaître le lieu dans lequel les éléments nécessaires au contrôle doivent être réunis ainsi que les critères, conformes aux nécessités du contrôle, selon lesquels ces éléments doivent être présentés et classés.

L'employeur dispose de quinze jours après notification de cette information pour faire valoir, le cas échéant, ses observations en réponse. A l'issue de ce délai, l'inspecteur notifie à l'employeur le lieu et les critères qu'il a définitivement retenus. La mise à disposition des éléments ainsi définis doit se faire dans un délai déterminé d'un commun accord entre l'inspecteur et l'employeur, mais qui ne peut être supérieur à soixante jours. Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, l'opposition de l'employeur à l'utilisation des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation ne peut être prise en compte.

Lorsque ces méthodes sont mises en 'uvre, l'inspecteur du recouvrement informe l'employeur des critères utilisés pour définir les populations examinées, le mode de tirage des échantillons, leur contenu et la méthode d'extrapolation envisagée pour chacun d'eux.

L'employeur peut présenter à l'inspecteur du recouvrement ses observations tout au long de la mise en 'uvre des méthodes de vérification par échantillonnage. En cas de désaccord de l'employeur exprimé par écrit, l'inspecteur du recouvrement répond par écrit aux observations de l'intéressé.

Le document notifié par l'inspecteur du recouvrement à l'issue du contrôle, en application du cinquième alinéa de l'article R. 243-59, précise les populations faisant l'objet des vérifications, les critères retenus pour procéder au tirage des échantillons, leur contenu, les cas atypiques qui en ont été exclus, les résultats obtenus pour chacun des échantillons, la méthode d'extrapolation appliquée et les résultats obtenus par application de cette méthode aux populations ayant servi de base au tirage de chacun des échantillons. Il mentionne la faculté reconnue au cotisant en vertu du sixième alinéa du présent article.

Dans le délai de trente jours fixé par le cinquième alinéa de l'article R. 243-59, l'employeur peut informer, par lettre recommandée avec avis de réception, l'organisme de recouvrement de sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable ou qu'il a indûment versées pour la totalité des salariés concernés par chacune des anomalies constatées sur chacun des échantillons utilisés.

Lorsque, au terme du délai fixé par l'alinéa précédent, l'employeur n'a pas fait connaître à l'organisme de recouvrement sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux éventuelles observations de l'employeur.

Lorsque l'employeur a fait connaître dans le délai imparti sa décision de procéder au calcul des sommes dont il est redevable, l'engagement de la procédure de recouvrement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de trente jours courant à compter de la réception par l'organisme de recouvrement de la décision de l'employeur. Avant l'expiration de ce délai, ce dernier adresse à l'inspecteur du recouvrement les résultats de ses calculs accompagnés des éléments permettant de s'assurer de leur réalité et de leur exactitude. L'inspecteur du recouvrement peut s'assurer de l'exactitude de ces calculs, notamment en procédant à l'examen d'un nouvel échantillon. La mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai de trente jours et avant la réponse de l'inspecteur du recouvrement aux éventuelles observations de l'employeur.

L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de l'ensemble des courriers et documents transmis par l'employeur et de la réponse de l'inspecteur du recouvrement ».

Ici, les inspecteurs du recouvrement ont constaté des anomalies au titre de notes de frais et ont mis en 'uvre la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation résultant de l'article précité, au titre de l'année 2014.

Ils ont alors retenu un échantillonnage de 120 salariés et demandé à la société de produire les originaux des pièces justifiant le remboursement des frais (factures de restaurant et d'hôtel) et de tout élément complémentaire permettant de justifier de la nature professionnelle de la dépense engagée (programme de travail, liste et qualité des participants, ...).

C'est dans ces conditions, que les inspecteurs du recouvrement ont relevé plusieurs anomalies relatives :

- aux frais de repas (en dehors de toute situation de déplacement professionnel sans empêchement de regagner le domicile ou lieu de travail, identité des participants non précisée, repas consommés dans une cantine de l'entreprise sans déplacement professionnel) ;

- aux frais de déplacements non justifiés (factures d'hôtel sans déplacement professionnel, frais de carburant sans précision des lieux de déplacement ou correspondant en partie à un usage privé) ;

- aux frais de traiteur pour des repas consommés dans l'entreprise ;

- à la dégustation de vin dans un bar sans déplacement professionnel.

Les inspecteurs ont retenu un ratio de réintégration de 13,57% sur les frais de l'échantillon 2014 lequel a été extrapolé aux années 2012 et 2013, soit une reprise totale en cotisations de 3 865 284 euros. Puis, suite aux justificatifs produits par la société durant la période contradictoire, ce ratio de réintégration a été ramené à 7,04 %, soit un redressement de cotisations de 2 009 244 euros. Enfin, lors de l'examen par la commission de recours amiable, le ratio définitivement retenu a été ramené à 5,98%, soit une minoration de 238 852 euros et la reprise finalement chiffrée à 1 770 392 euros.

1 - La méthode d'échantillonnage et d'extrapolation suit un protocole de 4 phases :

- la constitution d'une base de sondage,

- le tirage d'un échantillon,

- la vérification exhaustive de l'échantillon,

- l'extrapolation à la population ayant servi de base à l'échantillon.

L'employeur doit être associé à chacune de ces 4 phases.

Au cas particulier, la société critique la méthode d'échantillonnage pratiquée par l'URSSAF, qu'elle admet avoir acceptée, considérant n'avoir pas été associée contradictoirement aux 4 phases de la méthode d'échantillonnage et d'extrapolation. Elle précise, notamment, que les inspecteurs ont procédé à une analyse unilatérale des frais et qu'ils ne l'ont pas informée au fur et à mesure, contrairement à ce qu'indique la lettre d'observations. Elle se prévaut ainsi du manquement de l'URSSAF au principe de la contradiction.

Or, l'URSSAF produit en réponse le « descriptif de la mise en 'uvre des techniques d'échantillonnage et d'extrapolation appliquées à la société [6] » signé le 23 juillet 2015 par cette dernière (pièce 11) mais également la preuve des mails adressés à la société, ainsi que leur bonne réception (pièces 12-1 et suivantes). La société n'a jamais émis la moindre protestation durant les opérations de vérification, ni la moindre observation à laquelle les inspecteurs du recouvrement n'auraient pas répondu. Ces mails établissent un échange contradictoire entre les parties, la société y étant de surcroît invitée à présenter ses observations éventuelles et les inspecteurs indiquant rester à sa disposition pour de plus amples informations.

La société ne peut donc prétendre que l'URSSAF n'a pas tenu compte de leurs échanges, ni avoir été induite en erreur du fait des variations à la hausse ou à la baisse qui établissent, au contraire, la réalité d'échanges contradictoires tenant compte des informations transmises au fur et à mesure par la société.

De plus, la lettre d'observations du 28 octobre 2015 mentionne bien, en sa page 19, que « les résultats des investigations ont été communiqués (par mails) au fur et à mesure du déroulement de l'analyse à l'employeur » et l'URSSAF a, au cours des mails échangés, indiqué notamment avoir « pris note que de nouveaux éléments et/ou compléments d'information vont être fournis par votre entreprise, susceptibles de réviser les taux de redressement ».

Ainsi, la société était parfaitement informée de la possible fluctuation du taux au fur et à mesure des investigations menées et des pièces qu'elle communiquait, témoignant là encore du caractère parfaitement contradictoire de la procédure.

En conséquence, la cour confirme, par adoption de motifs, le jugement qui a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'échantillonnage et d'extrapolation et confirmé le chef de redressement en son principe.

2 - La société demande, subsidiairement, l'application d'un ratio de réintégration de 3,18%, soit un redressement d'un montant de 905 706 euros, au motif que l'URSSAF aurait arbitrairement remis en cause l'exonération de sommes allouées à certains salariés.

La cour rappelle que les éléments de preuve doivent être produits lors du contrôle durant lequel se situe la période contradictoire telle que définie à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale. Or, la société ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'éléments contraires aux constatations des inspecteurs lors de la procédure de contrôle. Elle ne procède que par affirmations, sans aucune offre de preuve.

Il en résulte que le montant du redressement opéré au titre du point n° 4 de la lettre d'observations ne saurait être révisé et que le jugement sera confirmé en ce qu'il le confirme.

SUR LE CHEF DE REDRESSEMENT N° 10 : « FRAIS PROFESSIONNELS ' INDEMNITES KILOMETRIQUES / MOBILITE PROFESSIONNELLE / FRAIS DE TRANSPORT DOMICILE-LIEU DE TRAVAIL »

La société recherche, à titre principal, la nullité de ce chef de redressement au motif qu'il concerne les indemnités versées en application de l'accord du 16 janvier 2004 prévoyant le versement d'indemnités kilométriques pour les trajets réalisés entre le domicile et le nouveau lieu de travail des salariés en mobilité qui ont fait le choix de ne pas déménager. Elle précise que l'URSSAF ne pouvait écarter l'exonération desdites indemnités car elle avait produit les informations sollicitées pour chaque salarié et qu'elle ne lui apporte aucune indication lui permettant d'identifier les prétendues anomalies relevées.

La société recherche, à titre subsidiaire, la réduction du redressement à la somme de 535 365 euros et prétend produire toutes les informations permettant d'identifier les cas dans lesquels les indemnités versées ont effectivement dépassé le barème fiscal. Elle ajoute que l'assiette du redressement doit être strictement limitée aux différences identifiées.

L'URSSAF réplique que les allocations instituées par un accord collectif ne dispensent par l'employeur d'apporter la preuve que les bénéficiaires remplissent les conditions de fait nécessaires à leur attribution et qu'elles ont effectivement été utilisées conformément à leur objet en application des dispositions réglementaires.

Elle ajoute que la société ne procède que par voie d'affirmations et qu'elle n'a, au temps du contrôle, fourni aucune pièce permettant de confirmer l'assiette de redressement qu'elle entend faire appliquer.

Il est constant que les frais professionnels pris en charge par l'entreprise ne sont pas considérés comme des rémunérations. Ils sont définis par l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale en son article 1 qui dispose que les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

De plus, l'avantage en nature consiste en la fourniture ou la mise à disposition d'un bien ou service, permettant au salarié de faire l'économie de frais qu'il aurait dû normalement supporter. L'économie réalisée par le salarié (ou la personne assimilée au sens du droit de la sécurité sociale) constitue un élément de la rémunération qui, au même titre que le salaire proprement dit, doit donner lieu à cotisations sociales, à CSG et à CRDS.

Les sommes à déduire de l'assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés, à l'exception des allocations forfaitaires prévues au 2º de l'article 2 du dit arrêté.

Il appartient à l'employeur de justifier de la réalité de ces frais professionnels.

Au cas présent, les inspecteurs du recouvrement ont relevé que deux accords de mobilité des 16 janvier 2004 et 14 mars 2013 avaient été conclus au sein du groupe [6] prévoyant, notamment, le versement d'indemnités kilométriques (IK) aux salariés, et que des irrégularités existaient quant à l'application de la législation relative aux frais professionnels.

Ils ont ainsi constaté que le barème de remboursement des IK appliqué par la société excédait le barème fiscal dans la plupart des cas et que les copies de cartes grises n'avaient pas été présentées, ni aucun détail ou justificatif des distances parcourues communiqué.

Les inspecteurs n'ont donc pas été en mesure de vérifier si les limites d'exonérations fixées par le barème fiscal étaient respectées.

Les inspecteurs ont également considéré que les règles relatives à la mobilité ne pouvaient être appliquées aux salariés ayant choisi de ne pas déménager, conservant ainsi leur résidence initiale, et ont demandé à l'employeur d'établir que ces salariés utilisaient leur véhicule par nécessité absolue, en raison d'horaires particuliers de travail ou d'absence de transport en commun, et que l'éloignement de leur domicile ne résultait pas de convenances personnelles.

Considérant que la société n'en avait pas justifié, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations et contributions sociales la totalité des IK versées aux salariés dans le cadre des accords de mobilité précités ramenant, après examen des fichiers transmis par l'employeur, le montant du redressement à 793 776 euros en cotisations et contributions sociales.

1 - Pour s'opposer, la société excipe, en premier lieu, de l'irrégularité de la lettre d'observations entraînant la nullité du redressement au motif qu'elle ne lui a pas permis d'avoir suffisamment connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue du redressement opéré.

Il ressort de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale que les inspecteurs du recouvrement doivent communiquer à l'employeur un document daté et signé mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, la date de fin du contrôle, la mention des observations effectuées et l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés.

La Cour de cassation a été amenée à préciser que satisfont aux exigences légales les observations qui précisent la nature des chefs de redressement envisagés, le contenu et les modalités d'application des textes législatifs et réglementaire invoqués, les assiettes et les montants de ces redressements par année.

Ces éléments d'information permettent à l'employeur de discuter de façon contradictoire du contrôle. Et ce principe s'applique au présent redressement puisqu'il est intervenu avant le décret du 8 juillet 2016 qui a modifié l'article précité en imposant une motivation du courrier en réponse des inspecteurs lors de la phase contradictoire.

En l'espèce, la lettre d'observations du 28 octobre 2015 énonce chaque chef de reprise, la nature (frais professionnels '), les périodes, le montant du redressement envisagé, outre les bases, taux et textes applicables.

La preuve contraire n'étant pas rapportée par la société, le jugement sera confirmé en ce qu'il écarte le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure.

2 - La société sollicite, subsidiairement, une minoration de la reprise opérée par l'URSSAF.

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale détermine l'assiette des cotisations de sécurité sociale avec comme principe l'assujettissement de toutes les sommes versées aux salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail.

Il revient ici à la société de démontrer que les sommes versées correspondent à des frais professionnels, à savoir qu'ils ont été exposés lors de l'accomplissement d'une mission professionnelle (article 1 de l'arrêté du 20 décembre 2002). Ensuite, selon le mode de défraiement retenu (article 2 du même arrêté), la société doit produire les justificatifs des frais (factures de dépenses (si « réel ») ou démontrer que les forfaits versés ont été utilisés conformément à leur objet en application des dispositions réglementaires (« forfait »), outre toute autre particularité liée au type de frais concerné (IK, transports domicile/travail, repas, mobilité professionnelle ').

Concernant plus précisément les indemnités de transport, l'article 4 de l'arrêté du 20 décembre 2002 énonce que, lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'indemnité forfaitaire kilométrique est réputée utilisée conformément à son objet, dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale.

Ainsi, lorsque le salarié est contraint d'utiliser son véhicule personnel à des fins professionnelles, l'employeur peut déduire l'indemnité forfaitaire kilométrique dans les limites fixées par les barèmes kilométriques annuellement publiés par l'administration fiscale.

Dans ce cas, la présomption d'utilisation conforme s'applique et exonère la société de rapporter des justificatifs des dépenses réelles engagées par ses salariés en raison d'une prise en charge forfaitaire des frais professionnels.

Le salarié doit par ailleurs attester qu'il ne transporte dans son véhicule aucune autre personne de la même entreprise bénéficiant des mêmes indemnités.

L'exonération des indemnités kilométriques est par ailleurs exclue lorsque les salariés fixent leur domicile en un lieu anormalement éloigné pour des raisons de convenances personnelles.

Enfin, il est constant que le procès-verbal de l'inspecteur du recouvrement fait foi jusqu'à preuve du contraire et il incombe au cotisant de communiquer des éléments susceptibles d'infirmer l'estimation du contrôleur.

Au cas d'espèce, pour tenter d'obtenir une réduction de l'assiette du redressement, la société procède par voie d'affirmations, sans aucune offre de preuve, les documents au soutien de sa demande ayant, en tout état de cause, dû être produits lors de la procédure contradictoire du contrôle effectué.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il valide le point n° 10 du redressement litigieux tiré de la lettre d'observations du 28 octobre 2015 et en ce qu'il condamne la société au paiement de la somme globale de 652 357 euros.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile mais infirmée en celles relatives aux dépens.

L'abrogation, au 1er janvier 2019, de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l'espèce, la procédure ayant été introduite en 2016, il n'y avait pas lieu de statuer sur les dépens de première instance.

La société, qui succombe, supportera les dépens d'appel et une indemnité au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en celles relatives aux dépens,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [6] et la condamne à payer complémentairement en cause d'appel à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 2 000 euros,

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,

Condamne la société [6] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 22/00405
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.00405 ?
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