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25/06/2024 | FRANCE | N°22/00303

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 25 juin 2024, 22/00303


AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE





DOUBLE RAPPORTEUR





R.G : N° RG 22/00303 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OBS7





Société SASU [8]



C/



CPAM DU RHONE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 06 Décembre 2021

RG : 18/00646











































AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
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COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 25 JUIN 2024







APPELANTE :



Société SASU [8]

(MP de M. [H] [E])

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 1]



représentée par Me Franck JANIN de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON





INTIMEE :
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AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : N° RG 22/00303 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OBS7

Société SASU [8]

C/

CPAM DU RHONE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de LYON

du 06 Décembre 2021

RG : 18/00646

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 25 JUIN 2024

APPELANTE :

Société SASU [8]

(MP de M. [H] [E])

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 1]

représentée par Me Franck JANIN de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

CPAM DU RHONE

[Adresse 2]

représentée par Mme [G] [F] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente et Nabila BOUCHENTOUF, conseillère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistées pendant les débats de Claudiane COLOMB, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 25 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, et par Christophe GARNAUD, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [E] (le salarié) a été engagé, le 1er avril 1983, par la société [5] spécialisée dans la fabrication d'installations électriques industrielles. Cette entreprise a été rachetée en 1999 par la société [7], filiale de la société [6], avec laquelle elle a fusionné sous le nom de [4] en 2000. Elle a ensuite été rachetée, le 3 novembre 2005, par le groupe [3] dans le cadre d'une cession de fonds de commerce, la nouvelle société issue de cette opération étant la société [8] (ensuite reprise par le groupe CEFEM).

Le salarié a occupé différents postes dont celui de monteur.

Le 16 août 2017, la société [8] (la société, l'employeur) a été destinataire d'une déclaration de maladie professionnelle établie le 16 mai 2017 par M. [E], déclaration accompagnée d'un certificat médical initial du 21 mars 2017 faisant état d'une « exposition à l'amiante - cancer broncho pulmonaire - tableau MP 30 bis ».

La société a émis des réserves et une enquête a été diligentée par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la CPAM).

Le 28 août 2017, la caisse a informé la société de la mise en 'uvre d'un délai complémentaire d'instruction.

A l'issue de l'enquête, elle l'a alertée, par lettre du 26 octobre 2017, de la clôture de l'instruction et de la possibilité de consulter le dossier.

Le 15 novembre 2017, la CPAM a pris en charge la maladie de M. [E] au titre du tableau n° 30 bis des maladies professionnelles.

Le 8 janvier 2018, la société a saisi la commission de recours amiable en contestation de la décision de prise en charge.

Par requête reçue au greffe le 3 avril 2018, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

Par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal :

- déboute la société [8] de son recours,

- déclare que la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [E] est opposable à la société [8],

- condamne la société [8] aux dépens de l'instance exposés à compter du 1er janvier 2019.

Par déclaration enregistrée le 7 janvier 2022, la société a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 octobre 2023 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

- infirmer la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM,

- juger que l'assuré n'a pas contracté sa pathologie auprès d'elle mais d'un précédent employeur,

- lui déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie de M. [E] du 15 novembre 2017,

- ordonner à la CPAM les formalités utiles auprès de la CARSAT afin qu'il soit procédé au retrait des dépenses imputées sur le relevé de son compte employeur pour l'exercice de la prise en charge de la maladie en cause et les années suivantes, ainsi qu'au remboursement des cotisations indument versées, en tant que de besoin,

- ordonner à la CPAM les formalités utiles auprès de la caisse régionale afin que cette dernière procède au re-calcul des taux de cotisations dues au titre des accidents du travail et maladie professionnelles des années correspondantes, en tant que de besoin.

Par ses écritures reçues au greffe le 2 avril 2024 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la CPAM demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- rejeter toute autre demande de la société [8]

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L'OPPOSABILITE DE LA DECISION DE PRISE EN CHARGE

La société recherche l'inopposabilité, à son endroit, de la décision de prise en charge de la caisse aux motifs de l'absence d'exposition de M. [E] au risque dans le cadre de l'activité exercée auprès d'elle. Elle expose n'avoir jamais utilisé d'amiante au sein de son établissement et ne pas avoir été l'employeur de M. [E] sur la période d'exposition au risque mais seulement à compter du 3 novembre 2005 alors que, depuis 1993, l'utilisation de l'amiante avait cessé au sein de la société [5]. Elle conteste par ailleurs avoir repris l'ensemble du passif, lié notamment au contrat de travail, de la société [4] ayant elle-même repris la société [5]. Elle précise à cet égard que la nature de l'opération intervenue entre les sociétés n'a pas entraîné de continuité entre elle et la société [5] de sorte qu'elle ne peut être considérée comme son successeur.

En réponse, la CPAM soutient que M. [E] a été exposé au « risque amiante » lors de travaux de découpe et de manipulation de fibres d'amiante pour la réalisation de soudure ou d'éléments de calorifugeage de 1982 à 1993 alors qu'il travaillait pour le compte de la société [5]. Elle ajoute que la société [8] a conservé la même activité industrielle suite à une cession globale de l'actif et du passif de la société [4] et que, depuis 1983, l'activité industrielle est demeurée la même, avec les mêmes salariés soumis à une surveillance médicale spécifique liée à l'exposition à l'amiante. Elle en déduit que la société [8] doit être considérée comme le dernier employeur ayant exposé le salarié au risque lésionnel.

Il résulte des articles L. 461-1, R. 461-9 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable, que la prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle ne prive pas l'employeur auquel elle est opposable de la possibilité, en démontrant qu'elle n'a pas été contractée à son service, d'en contester l'imputabilité si une faute inexcusable lui est reprochée ou si les cotisations d'accident du travail afférentes à cette maladie sont inscrites sur son compte (v. en ce sens 2e Civ., 21 novembre 2021, pourvoi nº20-18.477 ; 2e Civ., 20 juin 2019, pourvoi nº18-17.049 ; 2e Civ., 15 février 2018, pourvoi nº17-10.165 ; 2e Civ., 19 décembre 2013, pourvoi nº12-19.995, Bull. 2013, II, nº245).

Ainsi, au soutien de son action aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l'employeur ne peut se prévaloir que de l'irrégularité de la procédure d'instruction conduite par la caisse ou de l'absence de caractère professionnel de cette pathologie. Le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge (v. en ce sens 2e Civ., 17 mars 2022, pourvoi nº20-19.294).

L'absence d'imputabilité n'est pas un moyen d'inopposabilité.

En l'espèce, le tableau nº 30 B des maladies professionnelles, relatif aux affections professionnelles consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante, vise les " plaques calcifiée ou non péricardiques ou pleurales, unilatérale ou bilatérale, lorsqu'elles sont confirmées par un examen tomodensitométrique ", comprend un délai de prise en charge de 40 ans et édicte une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer la maladie, cette liste étant indicative, des travaux non spécifiquement prévus par celle-ci peuvent être retenus comme susceptibles d'avoir provoqué la pathologie déclarée.

M. [E], exerçant la profession de monteur, a été exposé au « risque amiante » lors de travaux de découpe et de manipulation de fibres d'amiante pour la réalisation de soudure ou d'éléments de calorifugeage de 1982 à 1993 alors qu'il travaillait au sein de la société [5].

Par arrêté du 26 mai 2015, la société [5] a été classée sur la liste des établissements de fabrication, flocage et calorifugeage à l'amiante susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation d'activité des travailleurs de l'amiante pour la période de 1975 à 1993.

Il ressort de l'enquête diligentée par la caisse que, si la société [8] n'était pas l'employeur initial de M. [E], elle l'est devenue à compter de 2005.

De plus, les deux parties s'accordent sur le fait que M. [E] faisait partie des salariés ayant bénéficié d'une surveillance spécifique liée à l'exposition à l'amiante et qu'il a bien été exposé de manière directe à l'amiante de 1982 à 1993 lors de son activité de découpe et de manipulation de fibres d'amiante au sein de la société [5].

L'exposition au risque amiante est donc établie sur cette période d'activité et la société [8] admet le transfert universel de patrimoine de la société [5] vers la société [4], peu important qu'elle n'ait repris, quant à elle, comme elle le prétend, qu'une partie de son activité et seulement la moitié des effectifs, dont M. [E].

La société ne conteste pas la réunion des conditions du tableau de la maladie prise en charge, ni le fait que cette maladie a été contractée au sein de la société [5] dont elle a conservé la même activité industrielle et l'instruction de la maladie déclarée a bien été faite au contradictoire du dernier employeur, soit la société [8], peu important qu'elle ne soit pas l'exposant au risque de celle-ci.

Par conséquent, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de dire que la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [E] lui est opposable et de rejeter, par suite, sa demande, accessoire à celle d'inopposabilité, en inscription des conséquences financières de la maladie litigieuse au compte des précédents employeurs, étant constant que la contestation par l'employeur de l'imputabilité de la maladie professionnelle, au motif que le salarié n'a pas été exposé au risque au cours de sa carrière professionnelle au sein de son entreprise et que sa maladie résulte exclusivement de son exposition au risque pour le compte d'employeurs précédents, relève de la compétence exclusive de la cour d'appel d'Amiens spécialement désignée en matière de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La société, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour et rejette l'ensemble des demandes de la société [8],

Y ajoutant,

Condamne la société [8] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 22/00303
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.00303 ?
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