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25/06/2024 | FRANCE | N°21/09374

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 25 juin 2024, 21/09374


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR











N° RG 21/09374 - N° Portalis DBVX-V-B7F-OA3O



CPAM DE L'AIN



C/



Société S.A.S [5]









APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de BOURG-EN-BRESSE

du 06 Décembre 2021

RG : 16/00004









COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D (PS)



ARRET DU 25 Juin 2024







APPELANTE :



CPAM DE L'AIN
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br>[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]



représentée par Mme [I] [M] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général





INTIMEE :



Société S.A.S [5]

(AT de Mme [N])

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]



représentée par Me Hugues PELISSIER de la SCP FROMONT BRIENS,...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 21/09374 - N° Portalis DBVX-V-B7F-OA3O

CPAM DE L'AIN

C/

Société S.A.S [5]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Pole social du TJ de BOURG-EN-BRESSE

du 06 Décembre 2021

RG : 16/00004

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D (PS)

ARRET DU 25 Juin 2024

APPELANTE :

CPAM DE L'AIN

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Mme [I] [M] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE :

Société S.A.S [5]

(AT de Mme [N])

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Hugues PELISSIER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sandrine NAUTIN, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Mai 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Présidée par Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente et Nabila BOUCHENTOUF, conseillère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistées pendant les débats de Claudiane COLOMB, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Delphine LAVERGNE-PILLOT, présidente

- Nabila BOUCHENTOUF, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 25 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Delphine LAVERGNE-PILLOT, Présidente, et par Christophe GARNAUD, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Le 13 avril 2015, la société [5] (l'employeur, la société) a établi une déclaration d'accident du travail, survenu le 8 avril 2015 à 14h00, au préjudice de sa salariée Mme [N], dans les circonstances suivantes : « [D] était retournée à son bureau pour finir son repas car il faisait chaud au réfectoire. Une fois dans son bureau, elle s'est sentie mal et a été allongée au sol en attendant l'arrivée des pompiers », déclaration accompagnée d'un certificat médical initial rectificatif établi par le docteur [T], le 5 juin 2015, faisant état d'un « malaise vagal ».

Suite aux réserves exprimées par l'employeur, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain (la CPAM) l'a informée, le 31 juillet 2015, qu'une décision relative au caractère professionnel de cet accident ne pouvait être arrêtée dans le délai réglementaire de trente jours prévus à l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale.

Le 29 septembre 2015, la CPAM a pris en charge l'accident de Mme [N] au titre de la législation professionnelle.

Le 20 novembre 2015, la société [5] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis a, le 5 janvier 2016, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu le pôle social du tribunal judiciaire, aux fins de contestation de la décision implicite de rejet de ladite commission.

Par jugement du 6 décembre 2021, le tribunal :

- déclare le recours de la société [5] recevable,

- déclare la décision de prise en charge par la CPAM de l'accident déclaré par Mme [N], survenu le 8 avril 2015, au titre de la législation sur les risques professionnels, inopposable à l'employeur, la société [5],

- déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- condamne la CPAM à payer à la société [5] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la CPAM au paiement des dépens de l'instance.

Par déclaration enregistrée le 30 décembre 2021, la CPAM a relevé appel de cette décision.

Dans le dernier état de ses conclusions reçues au greffe le 10 octobre 2023 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, elle demande à la cour de :

- infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

- déclarer bien fondée et opposable à l'employeur la décision de prise en charge du malaise vagal survenu le 8 avril 2015 au titre de la législation professionnelle,

- rejeter toute autre demande comme non fondée.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 8 janvier 2024 et reprises oralement sans ajout ni retrait au cours des débats, la société [5] demande à la cour de :

- confirmer en toutes dispositions le jugement,

- débouter, en conséquence, la CPAM de l'ensemble de ses demandes,

Et, y ajoutant,

- condamner la CPAM à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour relève liminairement que le jugement entrepris n'est pas remis en cause en ce qu'il déclare le recours de l'employeur recevable.

SUR L'OPPOSABILITE DE LA DECISION DE PRISE EN CHARGE

Au soutien de sa demande d'inopposabilité, la société se prévaut, à titre principal, de l'absence de fait accidentel en lien avec l'activité professionnelle de Mme [N] et, à titre subsidiaire, de l'irrégularité de la procédure d'instruction menée par la caisse (non-respect du délai prévu à l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale).

Poursuivant l'infirmation du jugement, la CPAM oppose pour sa part l'application à l'accident litigieux de la présomption d'imputabilité au travail. Elle ajoute que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail de sorte que la décision de prise en charge doit lui être déclarée opposable.

La caisse excipe par ailleurs de la régularité de la procédure et des délais d'instruction du dossier de Mme [N] et souligne que le non-respect des délais d'instruction ne saurait entraîner une quelconque inopposabilité au bénéfice de l'employeur.

Sur le caractère professionnel de l'accident

Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle.

En application de ce texte, l'accident qui s'est produit au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail.

Celui qui déclare avoir été victime d'un accident du travail doit établir autrement que par ses simples affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel. Il lui appartient dès lors de rapporter la preuve de la réalité de la lésion ainsi que sa survenance au lieu et au temps du travail, c'est-à-dire celui au cours duquel le salarié se trouve soumis au contrôle et à l'autorité du chef d'entreprise. Toutefois, cette absence de témoins ne peut faire obstacle à la reconnaissance d'un accident du travail dès lors qu'un ensemble de présomptions graves et concordantes permet de corroborer, par des éléments objectifs, les déclarations de la victime ou si les circonstances peuvent expliquer cette absence de témoins et que des éléments de preuve sont apportés.

La présomption d'imputabilité au travail s'applique non seulement à l'accident initial mais à l'ensemble des lésions apparues à la suite de cet accident, lesquelles doivent être prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, sous réserve qu'aucun événement extérieur ne soit exclusivement à l'origine de ces évolutions.

Il revient ensuite à l'employeur ou la caisse qui entend contester la présomption légale d'imputabilité de prouver l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ou que l'assuré n'était pas, au moment de l'accident, sous l'autorité de l'employeur.

Ici, l'employeur conteste l'existence du fait accidentel déclaré comme ayant pu occasionner la lésion et, en tout cas, le lien de causalité direct et certain entre cette lésion et l'activité professionnelle.

Le 21 mai 2015, la société [5] a émis les réserves suivantes :

« Madame [N] prenait sa pause-déjeuner sur notre lieu de restauration en interne. Elle a eu une sensation de chaleur et un sentiment d'oppression. Elle est sortie du bâtiment pour se diriger vers son bureau. Arrivée au bureau de son collègue, la sensation de malaise s'est accrue, elle a été allongée au sol en attendant l'arrivée de l'équipe des membres SST et des pompiers internes [5]. [D] [N] n'a pas perdu connaissance, toutefois la décision a été prise de la faire évacuer à la polyclinique d'[Localité 3] par les pompiers, où elle a été prise en charge. Depuis le 8 avril 2015 inclus, nous avons reçu des arrêts maladies.

Elle a indiqué à sa responsable qu'elle est sujette aux malaises vagaux. En effet la semaine précédente elle avait déjà eu une première alerte de sensation de chaleur pendant une réunion de service. Elle nous a indiqué par téléphone que suite à ce malaise, elle devait réaliser des examens complémentaires pour confirmer l'origine de ces malaises.

(')

Suite à la réception de son arrêt initial « maladie », nous n'avons pas considéré un lien avec l'accident du travail intervenu le mercredi 8 avril car il ne provenait pas de la polyclinique où elle a été transportée suite à son malaise. Nous la considérons à ce jour en arrêt maladie. Compte tenu des éléments qui précèdent, nous vous informons que nous contestons auprès de la CPAM, le caractère professionnel de cet accident ».

Or, il est acquis aux débats que Mme [N] a, le 8 avril 2015 à 14H, été victime d'un malaise aux temps et lieu du travail ; que l'employeur en a été immédiatement informé et que l'accident a été inscrit au registre infirmerie de la société ; qu'un témoin, pris en la personne de Mme [F], était présent ; que Mme [N] a ensuite été transportée à la polyclinique d'[Localité 3] et qu'un certificat médical initial a été établi le jour même de l'accident déclaré.

Il en résulte que la présomption d'imputabilité au travail ainsi que des lésions à l'accident déclaré s'applique et il revient à l'employeur de rapporter la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, ce qu'il échoue à faire. Le fait que la salariée soit sujette à des malaises vagaux fréquents et qu'elle fasse de l'anémie ne permet pas d'établir que l'accident litigieux est sans aucun lien avec les conditions de travail et l'attestation de Mme [G] est également inopérante à cet égard.

Le moyen d'inopposabilité fondé sur l'absence de fait accidentel revêtant un caractère professionnel étant infondé, le jugement sera infirmé en ses dispositions contraires.

Sur la régularité de la procédure d'instruction

Selon l'article R. 441-14 aliéna 1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

L'article R. 441-10 précité, dans sa version applicable, prévoit que la caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie. (')

Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

Il résulte de ces textes et il est constant, comme le relève en l'espèce à bon droit la CPAM, que l'inobservation des délais susvisés n'entraîne pas l'inopposabilité à l'égard de l'employeur de la décision de prise en charge. Celui-ci dispose en effet de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l'expiration du délai de rejet implicite de quatre mois prévu à l'article R. 142-8-5 du code de la sécurité sociale.

L'inobservation des délais d'instruction profite en réalité à la victime en ce qu'elle est sanctionnée par la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident.

Au surplus, et en tout état de cause, l'instruction de la caisse a démarré à réception du certificat médical initial rectificatif du 5 juin 2015, reçu au 6 juillet 2015. Or, la décision de prise en charge est intervenue le 29 septembre 2015, soit dans les délais requis.

Ce moyen d'irrégularité soulevé au soutien de la demande d'inopposabilité est donc également mal fondé.

***

En conséquence, la cour déclare opposable à la société [5] la décision de la caisse de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de l'accident du travail du 8 avril 2015.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La décision attaquée sera infirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'abrogation, au 1er janvier 2019, de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale a mis fin à la gratuité de la procédure en matière de sécurité sociale. Pour autant, pour les procédures introduites avant le 1er janvier 2019, le principe de gratuité demeure. En l'espèce, la procédure ayant été introduite en 2016, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens de première instance.

La société, qui succombe, supportera les dépens d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la décision de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain de l'accident survenu le 8 avril 2015 au préjudice de Mme [N] est opposable à la société [5],

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [5] formée tant en première instance qu'à hauteur de cour,

Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens de première instance,

Condamne la société [5] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 21/09374
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;21.09374 ?
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