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21/06/2024 | FRANCE | N°24/05052

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 21 juin 2024, 24/05052


N° RG 24/05052 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXSZ



Nom du ressortissant :

[U] [V]



[V]



C/

PREFET DE LA HAUTE SAVOIE



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 21 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Marianne LA MESTA, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les procédur

es ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Y...

N° RG 24/05052 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXSZ

Nom du ressortissant :

[U] [V]

[V]

C/

PREFET DE LA HAUTE SAVOIE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 21 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Marianne LA MESTA, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Ynes LAATER, greffière,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 21 Juin 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [U] [V]

né le 26 Avril 1982 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [3]

comparant assisté de Maître Camille DACHARY, avocat au barreau de LYON, commis d'office

ET

INTIME :

M. PREFET DE LA HAUTE SAVOIE

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Cherryne RENAUD AKNI, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 21 Juin 2024 à15h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 6 avril 2024, prise à l'issue d'une mesure de garde à vue pour des faits conduite d'un véhicule à moteur malgré une suspension judiciaire du permis de conduire, conduite après avoir fait usage de plantes ou substances classées comme stupéfiants et prise du nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites pénales contre lui, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné le placement d'[U] [V] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français prise le 30 août 2023 par le préfet de police de [Localité 4] et notifiée le 1er septembre 2023 à l'intéressé.

Par ordonnances des 8 avril 2024, 6 mai 2024 et 5 juin 2024, dont la dernière a été confirmée en appel le 7 juin 2024 le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a prolongé la rétention administrative d'[U] [V] pour des durées successives de vingt-huit, trente et quinze jours.

Suivant requête du 19 juin 2024, enregistrée le jour-même à 14 heures 48 par le greffe, le préfet de la Haute-Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention d'[U] [V] pour une durée de quinze jours.

Dans la perspective de l'audience, le conseil de d'[U] [V] a déposé des conclusions aux fins de mise en liberté.

Dans son ordonnance du 20 juin 2024 à 11 heures 16, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à la requête du préfet de la Haute-Savoie.

Le conseil d'[U] [V] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 20 juin 2024 à 15 heures 37, en faisant valoir que les conditions de l'article L. 742-5 du CESEDA ne sont pas réunies, dès lors que l'intéressé n'a commis aucune obstruction au cours des 15 derniers jours, que la préfecture n'établit pas qu'un laissez-passer consulaire sera délivré à bref délai et qu'elle ne peut se fonder sur des faits commis antérieurement aux 15 derniers jours de la rétention pour caractériser la menace pour l'ordre public qui ne peut au demeurant reposer sur la présence d'une condamnation pénale isolée venant de surcroît réprimer des faits particulièrement anciens.

Il soutient par ailleurs que quand bien même les conditions pour une 4ème prolongation seraient remplies, la rétention ne peut perdurer en l'absence de preuve d'une perspective raisonnable d'éloignement.

Il demande en conséquence l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise en liberté d'[U] [J].

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 21 juin 2024 à 10 heures 30.

[U] [V] a comparu assisté de son avocat.

Le conseil d'[U] [V], entendu en sa plaidoirie, a soutenu les termes de la requête d'appel.

Le préfet de la Haute-Savoie, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.

[U] [V], qui a eu la parole en dernier, indique qu'il n'a rien de plus à ajouter.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel d'[U] [V], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), est déclaré recevable.

Sur le bien-fondé de la requête en prolongation

L'article L. 741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Ce texte, autonome et de portée générale, s'applique à tous les stades de la rétention administrative.

L'article L. 742-5 du même code dispose quant à lui que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.» 

En l'espèce, le conseil d'[U] [V] estime dans sa requête écrite d'appel qu'aucune des conditions prévues par le texte précité n'est remplie, puisque celui-ci n'a commis aucun acte d'obstruction dans les 15 derniers jours, que l'autorité préfectorale n'établit pas la délivrance à un bref délai d'un laissez-passer consulaire et que la menace pour l'ordre public doit résulter d'un comportement intervenu au cours de la précédente période de prolongation, sachant qu'en tout état de cause, une seule condamnation pénale relative à des faits particulièrement anciens ne peut à elle-seule suffire à caractériser une telle menace.

Il soutient en outre que même si les conditions de l'article L. 742-5 étaient réunies, la rétention n'est plus justifiée en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement à brève échéance.

Sur ce dernier moyen soulevé, il y a lieu de relever qu'il ressort des pièces produites par l'autorité préfectorale à l'appui de sa requête :

- qu'[U] [V] est démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité, mais le préfet de la Haute-Savoie dispose d'une copie de deux passeports tunisiens périmés à son nom et supportant sa photographie, de sorte qu'elle a saisi le consulat général de Tunisie à [Localité 2] dès le 7 avril 2024 aux fins d'obtention d'un laissez-passer consulaire,

- que la préfecture a complété sa demande le 8 avril 2024 par la transmission des empreintes d'[U] [V] au format NIST, puis le 11 avril 2024 par l'envoi de la copie des documents de voyage évoqués ci-dessus lui ayant été communiqués par une autre préfecture,

- qu'après des relances opérées les 17 avril, 26 avril et 23 mai 2024 par les services préfectoraux auprès du consulat général de Tunisie à [Localité 2], celui-ci a fait savoir, dans un courrier du 31 mai 2014, que les recherches effectuées par les autorités tunisiennes compétentes n'ont pas abouti à confirmer la nationalité tunisienne de l'intéressé,

- que le 3 juin 2024, le préfet de la Haute-Savoie a saisi la section consulaire de la Direction Générale des Etrangers en France (DGEF) pour savoir quelles suites donner au dossier d'[U] [V],

- que le 17 juin 2024, le secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie a adressé un courrier au consul de Tunisie à [Localité 2] pour lui relater les démarches effectuées auprès de ses services depuis le placement en rétention d'[U] [V], lui rappeler le courrier du 31 mai 2024 et solliciter à nouveau la délivrance d'un laissez-passer consulaire.

En l'état des diligences décrites ci-dessus, il ne peut être retenu qu'il demeure une perspective raisonnable d'éloignement d'[U] [V], dès lors que les seules autorités consulaires saisies par l'autorité préfectorale ont fait savoir dans un courrier officiel qu'elles ne reconnaissaient pas celui-ci comme l'un de leurs ressortissants malgré la transmission des empreintes de l'intéressé et des copies de ses passeports périmés dont elles n'ont pourtant pas indiqué qu'il s'agirait manifestement de faux documents, tandis que de son côté, la section consulaire de la DGEF n'a pas apporté de réponse aux interrogations de la préfecture, notamment en lui précisant les démarches susceptibles d'être mises en oeuvre dans un tel cas de figure.

Cette absence de perspective raisonnable d'éloignement ne permet pas la prolongation exceptionnelle de la rétention administrative, peu importe que les conditions de l'article L. 742-5 du CESEDA soient ou non réunies.

L'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée, en ce qu'elle a fait droit à la requête du préfet de la Haute-Savoie.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [U] [V],

Infirmons l'ordonnance déférée,

Statuant à nouveau,

Rejetons la requête formée par le préfet de la Haute-Savoie en prolongation de la rétention administrative d'[U] [V],

Ordonnons, en tant que besoin, la mise en liberté d'[U] [V],

Rappelons à [U] [V] qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Ynes LAATER Marianne LA MESTA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/05052
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;24.05052 ?
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