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21/06/2024 | FRANCE | N°24/05050

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 21 juin 2024, 24/05050


N° RG 24/05050 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXST



Nom du ressortissant :

[E] [Y]







[Y]



C/

PREFET DE L'ISERE



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 21 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Marianne LA MESTA, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les p

rocédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Ynes ...

N° RG 24/05050 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXST

Nom du ressortissant :

[E] [Y]

[Y]

C/

PREFET DE L'ISERE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 21 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Marianne LA MESTA, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Ynes LAATER, greffière,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 21 Juin 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [E] [Y]

né le 04 Avril 2005 à [Localité 6] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [5]

comparant assisté de Maître Camille DACHARY, avocat au barreau de LYON, commis d'office et de Madame [N] [W], interprète en langue arabe, inscrite sur liste CESEDA et ayant prêté serment à l'audience

ET

INTIME :

M. PREFET DE L'ISERE

[Adresse 1]

[Adresse 3]

[Localité 2]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Cherryne RENAUD AKNI, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 21 Juin 2024 à 15h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit:

FAITS ET PROCÉDURE

Le 7 février 2024, le préfet de l'Isère a édicté à l'encontre de [J] se disant [E] [Y] une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour pendant une durée de 2 ans, cette mesure ayant été notifiée le jour-même à l'intéressé.

Par décision du 6 avril 2024, prise le jour de la levée d'écrou de [E] [Y] du centre pénitentiaire de [Localité 4]-[Localité 7] à l'issue de l'exécution de la partie ferme d'une peine 30 mois d'emprisonnement dont 18 mois assortis d'un sursis probatoire pendant 2 ans, le préfet de l'Isère a ordonné son placement en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour permettre l'exécution de cette mesure d'éloignement.

Par ordonnances des 8 avril 2024, 6 mai 2024 et 5 juin 2024, dont les deux dernières ont été confirmées en appel les 8 mai 2024 et 7 juin 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a prolongé la rétention administrative de [E] [Y] pour des durées successives de vingt-huit, trente et quinze jours.

Suivant requête du 19 juin 2024, enregistrée le jour-même à 14 heures 48 par le greffe, le préfet de l'Isère a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention de [E] [Y] pour une durée de quinze jours.

Dans la perspective de l'audience, le conseil de [E] [Y] a déposé des conclusions aux fins de mise en liberté.

Dans son ordonnance du 20 juin 2024 à 11 heures 22, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à la requête du préfet de l'Isère.

Le conseil de [E] [Y] a interjeté appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 20 juin 2024 à 15 heures 30, en faisant valoir que les conditions de l'article L. 742-5 du CESEDA ne sont pas réunies, dès lors que l'intéressé n'a commis aucune obstruction au cours des 15 derniers jours, que la préfecture n'établit pas qu'un laissez-passer consulaire sera délivré à bref délai et qu'elle ne peut se fonder sur des faits commis antérieurement aux 15 derniers jours de la rétention pour caractériser la menace pour l'ordre public, laquelle ne peut au demeurant reposer sur la présence d'une condamnation pénale isolée.

Il soutient par ailleurs que quand bien même les conditions pour une 4ème prolongation seraient remplies, la rétention ne peut perdurer en l'absence de preuve d'une perspective raisonnable d'éloignement dans le délai de 15 jours de la dernière prolongation.

Il demande en conséquence l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise en liberté de [E] [Y].

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 21 juin 2024 à 10 heures 30.

[E] [Y] a comparu assisté de son avocat et d'une interprète en langue arabe.

Le conseil de [E] [Y], entendu en sa plaidoirie, a soutenu les termes de la requête d'appel.

Le préfet de l'Isère, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.

[E] [Y], qui a eu la parole en dernier, indique qu'il n'a rien à dire.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de [E] [Y], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), est déclaré recevable.

Sur le bien-fondé de la requête en prolongation

L'article L. 741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Ce texte, autonome et de portée générale, s'applique à tous les stades de la rétention administrative.

L'article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.

L'étranger est maintenu en rétention jusqu'à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.

Si l'une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l'avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas quatre-vingt-dix jours.» 

En l'espèce, le conseil de [E] [Y] estime dans sa requête écrite d'appel qu'aucune des conditions prévues par le texte précité n'est remplie, puisque celui-ci n'a commis aucun acte d'obstruction dans les 15 derniers jours, que l'autorité préfectorale n'établit pas la délivrance à un bref délai d'un laissez-passer consulaire, que la menace pour l'ordre public doit résulter d'un comportement intervenu au cours de la précédente période de prolongation et qu'en tout état de cause, une seule condamnation pénale ne peut suffire à caractériser une telle menace.

Il soutient en outre que même si les conditions de l'article L. 742-5 étaient réunies, la rétention de [E] [Y] n'est plus justifiée en l'absence de perspective raisonnable d'éloignement dans le délai de 15 jours de la dernière prolongation.

Sur ce dernier moyen, il y a lieu d'observer qu'en l'état des diligences engagées par l'autorité administrative auprès des différentes autorités consulaires et étatiques saisies, qui sont justifiées par les pièces de la procédure et ne sont d'ailleurs nullement contestées par [E] [Y] que ce soit dans leur existence ou leur utilité, il doit être considéré qu'il demeure une perspective raisonnable d'éloignement de l'intéressé, étant souligné que celui-ci se revendique de nationalité algérienne, qu'il a été entendu par le consulat d'Algérie le 17 mai 2024 et que celui-ci n'a pas indiqué qu'il ne le reconnaissait pas comme l'un de ses ressortissants, tandis qu'il est possible qu'un accord implicite de reprise en charge par l'Allemagne puisse être constaté en application du règlement européen UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit Dublin III, puisque la préfecture mentionne dans sa requête du 17 juin 2024 que ce pays n'a pas encore répondu à la demande qui lui a été adressée le 4 juin 2024 par les autorités françaises.

Il sera ensuite relevé que l'interprétation de l'article L. 742-5 du CESEDA faite le conseil de [E] [Y] comme devant s'entendre de la recherche d'une menace pour l'ordre public intervenue dans les 15 derniers jours de la rétention, conduit à dénaturer ce texte dont la mise en oeuvre ne saurait exiger, sauf à lui faire perdre toute substance, que la circonstance prévue par son septième alinéa corresponde nécessairement à des faits commis ou révélés au cours de la précédente période de la rétention administrative, la concrétisation de la menace pour l'ordre public pouvant en effet résulter d'éléments antérieurs à la 3ème prolongation mis en exergue par l'autorité administrative lorsqu'elle soutient que cette menace est toujours présente.

A cet égard, il doit être rappelé que dans l'ordonnance rendue le 7 juin 2024 suite à l'appel interjeté par [E] [Y] à l'encontre de la décision ayant autorisé la troisième prolongation de la rétention, le délégué du premier président a d'ores et déjà retenu que l'autorité préfectorale caractérisait suffisamment la menace pour l'ordre public par la production de la fiche pénale de [E] [Y] faisant apparaître que celui-ci a été condamné le 7 août 2023 par le tribunal correctionnel de Grenoble, dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate, à la peine de 30 mois d'emprisonnement dont 18 mois assortis d'un sursis probatoire pendant 2 ans, un mandat de dépôt ayant été décerné pour l'exécution de la partie ferme de cette condamnation qui vient reprimer des faits de violence aggravée par trois circonstances suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours et violence aggravée par trois circonstances suivie d'incapacité supérieure à 8 jours.

Aucun élément nouveau n'étant invoqué par [E] [Y] depuis le prononcé de cette ordonnance, dont la survenance serait de nature à remettre en cause l'appréciation faite il y a tout juste 15 jours relativement au critère de la menace pour l'ordre public, il convient dès lors de considérer que cette menace est toujours d'actualité.

L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée, en ce qu'elle a retenu que les conditions d'une dernière prolongation exceptionnelle au sens des dispositions de l'article L. 742-5 du CESEDA sont réunies, dans la mesure où il suffit que le retenu réponde à l'un des critères posés par le texte précité pour autoriser la poursuite de la rétention administrative, alors qu'il demeure par ailleurs une perspective raisonnable d'éloignement.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [E] [Y],

Satuons à nouveau,

Confirmons l'ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Ynes LAATER Marianne LA MESTA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/05050
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;24.05050 ?
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