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21/06/2024 | FRANCE | N°20/06790

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 21 juin 2024, 20/06790


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 20/06790 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIT2





[C]



C/

S.A.R.L. DMI TECHNIQUE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 10 Novembre 2020

RG : 18/00129











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 21 JUIN 2024







APPELANTE :



[V] [C]

née le 01 Mars 1974 à [Loca

lité 4] - ALGERIE

[Adresse 2]

[Localité 1]



représentée par Me Marie-Laure LE GOFF, avocat au barreau de JURA







INTIMÉE :



Société DMI TECHNIQUE

[Adresse 3]

[Localité 1]



représentée par Me Sandrine CAILLON de la SELARL LEGALTYS SOCIAL, avocat au b...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/06790 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIT2

[C]

C/

S.A.R.L. DMI TECHNIQUE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'OYONNAX

du 10 Novembre 2020

RG : 18/00129

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 21 JUIN 2024

APPELANTE :

[V] [C]

née le 01 Mars 1974 à [Localité 4] - ALGERIE

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Marie-Laure LE GOFF, avocat au barreau de JURA

INTIMÉE :

Société DMI TECHNIQUE

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Sandrine CAILLON de la SELARL LEGALTYS SOCIAL, avocat au barreau d'AIN substituée par Me Patricia IARUSSI, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Avril 2024

Présidée par Régis DEVAUX, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseillère

- Régis DEVAUX, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 21 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société DMI Technique (DMI) exerce une activité de négoce de matériels périphériques pour la plasturgie.

Elle a embauché Mme [V] [C] à compter du 3 juillet 2006, en qualité de secrétaire, sans qu'un contrat écrit ne fût établi. La relation de travail était soumise à la convention collective départementale des mensuels des industries métallurgiques de l'Ain (IDCC 0914).

Par requête reçue le 26 décembre 2018, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de demander la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein, ainsi que la résiliation de ce contrat.

Par lettre recommandée du 31 mai 2019 adressée à la société DMI Technique, Mme [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, en précisant les manquements qu'elle imputait à son employeur.

Par jugement du 10 novembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Oyonnax a :

- dit que la prise d'acte de Mme [C] s'analyse en une démission ;

- débouté Mme [C] de ses demandes d'indemnité de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réel et sérieuse ;

- condamné Mme [C] à payer à la société DMI Technique la somme de 238,81 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- débouté Mme [C] de ses demande de requalification du contrat de travail à temps partiel à temps plein et en dommages et intérêts correspondant au salaire ;

- débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- condamné la société DMI Technique à payer à Mme [C] la somme de 355, 68 euros de rappel de congés sur le mois d'août 2018 ;

- débouté Mme [C] de son autre demande de congés payés ;

- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

- débouté Mme [C] du surplus de ses demandes ;

- condamné Mme [C] aux dépens.

Par déclaration en date du 2 décembre 2020 et reçue au greffe le 3 décembre 2020, Mme [C] a interjeté appel de ce jugement, critiquant celui-ci en toutes ses dispositions.

La procédure de mise en état était clôturée le 10 octobre 2023 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 17 novembre 2023.

Par arrêt du 2 février 2024, la cour d'appel de Lyon a ordonné la réouverture des débats, pour que les parties s'expliquent sur le moyen de pur droit tiré du fait que l'absence de contrat de travail écrit, pour un salarié à temps partiel, fait présumer que l'emploi est à temps complet, en application de l'article L. 3123-14 du code du travail.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 avril 2024, Mme [V] [C] demande à la Cour de réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Oyonnax le 10 novembre 2020 et, statuant à nouveau, de :

- dire que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- requalifier son contrat de travail en contrat de travail à temps plein ;

- condamner la société DMI Technique à lui payer les sommes de :

' 16 821,53 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 3 058,48 euros brut au titre du préavis, outre 305,85 € bruts au titre des congés payés sur préavis ;

' 5 012,47 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

' 3 486,81 euros au titre des congés payés acquis ;

' 9 175,38 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- dire que l'intégralité de ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2018, date de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- condamner la société DMI Technique à établir et remettre à Mme [C] l'ensemble des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir 

- rejeter toutes les demandes de la société DMI Technique ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société DMI Technique à lui payer 355,68 euros à titre de rappel de salaire sur août 2018 ;

- condamner la société DMI Technique à lui payer 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [C] fait valoir que, depuis 2013, elle était rémunérée par la société DMI majoritairement en qualité de travailleur indépendant, et non pas de salarié, alors que la société DMI était son unique cliente et qu'elle se trouvait donc placée dans un lien de subordination envers cette dernière. Elle reproche ainsi à la société DMI d'avoir dissimulé son emploi salarié. Par ailleurs, Mme [C] fait grief à son employeur de ne plus lui avoir fourni du travail à compter du 8 janvier 2018, de l'avoir privée de 60,5 jours de congés acquis, d'avoir retenu indûment 355,68 euros sur le salaire dû au titre du mois d'août 2018, de l'avoir fait travailler partiellement sous le faux statut de travailleur indépendant. Elle soutient que l'ensemble de ces comportements de l'employeur justifient que la prise d'acte emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 mars 2024, la société DMI Technique, intimée demande pour sa part à la Cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Oyonnax, sauf en ce qu'il l'a condamnée au paiement à Mme [C] de la somme de 355,68 euros à titre de rappel de congés sur le mois d'août 2018 ;

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Oyonnax uniquement en ce qu'il l'a condamnée au paiement à Mme [C] de la somme de 355,68 euros à titre de rappel de congés sur le mois d'août 2018 ;

En conséquence :

- constater que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [C] doit être considéré comme une démission ;

- débouter Mme [C] de l'ensemble de ses demandes.

A titre reconventionnel :

- condamner Mme [C] à lui payer 238,81 euros au titre du préavis ;

- condamner Mme [C] à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société DMI fait valoir que Mme [C] ne démontre la réalité d'aucun des griefs, au demeurant anciens, articulés à l'appui de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, si bien que celle-ci doit s'analyser comme une démission. Elle soutient que, depuis le 1er mai 2013, la salariée travaillait à temps partiel et que même, en réalité, celle-ci venait travailler à son gré, avant de ne plus se présenter sur son lieu de travail à compter de novembre 2017. Pour autant, Mme [C] étant l'épouse du gérant de la société DMI, cette dernière a continué à lui verser son salaire. Elle ajoute que Mme [C] a exercé une activité en auto-entreprise, en totale autonomie, en plus de son emploi salarié.

Pour un plus ample exposé des moyens, la Cour se réfère aux dernières conclusions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur l'exécution du contrat de travail

1.1. Sur la demande en rappel de salaire

Mme [C] affirme que la société DMI Technique a déduit du salaire versé pour le mois d'août 2018 la somme de 355,68 euros, pour « absence » pendant 36 heures selon la mention portée sur le bulletin de paie, sans justification (pièce n° 6 de l'appelante).

La société DMI Technique allègue que cette retenue sur salaire correspond à des congés sans solde, sans toutefois le démontrer, puisqu'elle ne produit aucun écrit à ce sujet.

La déduction sur salaire de 355,68 euros n'est donc pas justifiée.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a condamné la société DMI Technique à payer à Mme [C] 355,68 euros à titre de rappel de salaire sur août 2018.

1.2. Sur la demande relative à l'indemnité de congés payés

Mme [C] fait valoir qu'elle avait droit à 2 jours de congés payés pour la période de référence 2016-2017 et à 31 jours de congés payés pour la période de référence 2016-2017, qui n'ont pas été pris et qui n'ont pas été indemnisés, l'employeur les ayant « annulés » en mars 2018. Elle ajoute qu'elle a acquis 27,5 jours de congés payés pour la période de référence 2018-2019, pour réclamer le paiement d'une indemnité égale à 60,5 jours de congés payés.

La société DMI Technique réplique que Mme [C] a bénéficié, en 2018, de tous ses jours de congés, qui lui ont été payés.

La Cour relève que le bulletin de salaire délivré pour le mois de mars 2018 (pièce n° 6 de l'appelante) fait apparaître que Mme [C] a pris 27 jours de congés payés (soit le reliquat de 2 jours acquis sur la période de référence 2016-2017 et 25 jours acquis sur la période 2017-2018), ce qui a donné lieu au versement d'une indemnité de congés payés de 568,20 euros. Le bulletin de salaire délivré pour le mois d'avril 2018 mentionne qu'elle a pris 2,5 jours de congés payés et qu'elle a reçu une indemnité de congés payés de 52,42 euros, celui pour le mois de mai 2018 3,5 jours de congés payés, indemnisé par le versement d'une indemnité de 73,39 euros.

Par la suite, il se déduit des bulletins de salaire délivrés pour les mois de juin, juillet et août 2018 que Mme [C] a reçu chaque mois une indemnité correspondant à 2,5 jours de congés payés. La salariée avait acquis 10 jours de congés payés au 31 janvier 2019 et, lors de la rupture du contrat de travail, l'employeur lui a versé une indemnité compensatrice de 331,31 euros correspondant à 16 jours de congés payés, en notant qu'elle avait pris 7 jours de congés payés au cours du mois de mai 2019, lesquels ont donné lieu à une indemnité de 170,99 euros (pièces n° 1 et 8 de l'intimée).

Si Mme [C] conteste avoir demandé à être en congés payés aux dates mentionnées par l'employeur, il n'en demeure pas moins que ces jours de congés payés ont été régulièrement payés, si bien que le grief tenant à ce que l'employeur aurait purement « annulé » les jours en question n'est pas établi.

En conséquence, la société DMI démontre qu'elle a payé à Mme [C] tous les jours de congés payés acquis et pris et qu'elle a versé une indemnité compensatrice, lors de la rupture du contrat de travail, d'un montant correspondant aux jours de congés payés acquis et non-pris.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande de congés payés.

1.3. Sur la demande en indemnité pour travail dissimulé

Mme [C] prétend au paiement de l'indemnité pour travail dissimulé, arguant que, depuis 2013, son employeur, qui était par ailleurs son époux, lui a demandé de travailler en qualité de travailleur indépendant, en plus de son emploi salarié. Elle verse aux débats des documents démontrant qu'elle a exercé une activité de services, dans le cadre d'une auto-entreprise, du 28 mai 2013 au 14 juin 2018, ce qui a donné lieu à facturation de prestations administratives à la société DMI (pièces n° 7 à 12 de l'appelante).

Mme [C] souligne, sans le démontrer, que son mari lui a demandé de développer son activité en auto-entreprise au moment où la durée mensuelle de son travail salarié passait de 121,33 heures à 52,33 heures.

Mme [C] ajoute, sans le démontrer, qu'elle travaillait exclusivement dans les locaux de cette société et avec un équipement (y compris un téléphone portable) fourni par cette dernière.

Mme [C] indique que la société DMI était la seule cliente de son auto-entreprise, ce qui est établi pour un seul trimestre de l'année 2017 (pièces n° 7 et 8 de l'appelante).

Mme [C] fait valoir qu'elle facturait, chaque mois, à la société DMI un montant fixe (exprimé H.T.) : 600 euros en 2015, 1 000 euros à compter d'août 2016, 850 euros en 2017, sauf pour les mois où son mari lui a demandé de facturer des ventes de matériel, et non plus des prestations administratives (pièces n° 7, 20 et 21 de l'appelante).

La Cour retient que l'appelante échoue à établir qu'elle se trouvait placée dans un lien de subordination à l'égard de la société DMI lors des réalisations des prestations ayant donné lieu de sa part à facturation et, par voie de conséquence, que celle-ci était alors son employeur.

En conséquence, la société DMI n'étant pas l'employeur de Mme [C] dans ce cadre, l'appelante ne saurait lui reprocher d'avoir dissimulé l'emploi salarié correspondant.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé, en ce qu'il a débouté Mme [C] de sa demande en indemnité pour congés payés.

2. Sur la rupture du contrat de travail

2.1. Sur les effets attachés à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

En droit, il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission.

La prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais aussi qu'ils constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

A l'appui de la prise d'acte, le salarié est admis à invoquer d'autres faits que ceux avancés dans le courrier de prise d'acte.

En l'espèce, Mme [C], dans ses conclusions, invoque à l'encontre de la société DMI plusieurs manquements, qu'il convient d'analyser successivement, qui au demeurant sont les mêmes que ceux mentionnés dans la lettre recommandée du 31 mai 2019 par laquelle elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

' S'agissant de la suppression des jours de congés acquis et de la dissimulation de son emploi salarié par la contrainte de créer une apparence d'auto-entreprise, la Cour a déjà retenu que ces faits n'étaient pas matériellement établis.

' S'agissant du fait que son employeur ne lui a plus fourni de travail à compter du 8 janvier 2018, en lui interdisant l'accès à l'entreprise, Mme [C] verse aux débats trois écrits qu'elle dit avoir adressé à la société DMI, qui sont datés des 25 juin, 12 et 20 juillet 2018 (pièces n° 1, 2 et 3 de l'appelante). Elle expliquait qu'elle n'avait pas abandonné son poste de travail et qu'en réalité, c'était son mari, par ailleurs son employeur, qui lui avait interdit de se présenter sur son lieu de travail, en la privant de surcroît de ses clés de bureau, dès qu'il avait appris qu'elle avait engagé une procédure en divorce. Dans le dernier écrit, elle le mettait en demeure de lui permettre de reprendre son poste et de lui restituer ses clés.

La société DMI réplique que Mme [C] n'établit pas lui avoir envoyé ces trois courriers, ce qui est avéré, et qu'en tout cas, elle-même ne les a pas reçus..

Par courrier du 2 octobre 2018, l'avocat de Mme [C] a mis en demeure l'employeur de réintégrer cette dernière dans l'effectif de l'entreprise ou, à défaut, de prendre l'initiative de la rupture du contrat de travail (pièce n° 4 de l'appelante).

Par courrier du 26 octobre 2018, le gérant de la société DMI contestait avoir privé son épouse de ses clés de bureau. Il indiquait que celle-ci n'avait « jamais réellement effectué une quelconque prestation de travail » et qu'en tout cas, elle ne s'était plus présentée sur son lieu de travail depuis fin novembre 2017, ce pour quoi il lui avait demandé de restituer les clés du bureau (pièce n° 5 de l'appelante).

La société DMI admet, dans ses conclusions, qu'elle n'a plus confié de travail à Mme [C] à compter du mois de janvier 2018 mais en affirmant que c'était en raison du fait que la salariée n'avait pas repris son poste. Elle ajoute que, nonobstant son absence, elle avait continué à lui verser son salaire et qu'elle s'était abstenue de lui enjoindre de reprendre son poste ou encore d'engager une procédure de licenciement, en raison de la relation d'ordre familial qui existait entre le gérant et la salariée. Elle indique, sans l'établir, qu'elle a embauché dès février 2018 une autre salariée pour remplacer Mme [C], alors absente, tout en se prévalant du maintien du versement des salaires à cette dernière pendant dix-sept mois.

Ainsi, la société DMI échoue à démontrer qu'elle n'a pas fourni de travail à Mme [C] en raison de l'absence injustifiée de celle-ci. Le fait qu'elle a continué à verser à cette dernière ses salaires est sans effet sur la caractérisation d'un manquement à l'une des principales obligations de l'employeur.

Alors qu'elle a été invitée par l'avocat de la salariée à prendre l'initiative de rompre le contrat de travail, dans le courrier qu'il lui a adressé le 2 octobre 2018, la société DMI n'a pas engagé la procédure de licenciement, alors que la poursuite de la relation juridique découlant du contrat de travail était impossible en l'état.

Le manquement de fournir du travail à la salariée perdurait au jour de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et justifie, à lui seul, que celle-ci produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé, en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de Mme [C] s'analyse en une démission ;

- condamné Mme [C] à payer à la société DMI Technique la somme de 238,81 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

2.2. Sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail

' Il résulte de l'article L. 3123-6 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et applicable au 31 mai 2019, que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur (Cass. Soc., 11 mai 2016 ' pourvoi n° 14-17.496).

En l'espèce, la société DMI a embauché Mme [C] à compter du 3 juillet 2006, sans qu'un contrat écrit ne fût établi. En conséquence, son emploi est présumé être à temps complet.

La société DMI conteste cette présomption, en soulignant que Mme [C] disposait d'une totale autonomie dans l'organisation de son temps de travail, ce qui lui a d'ailleurs permis de développer son activité en auto-entreprise. Elle précise que la salariée travaillait à temps plein lors de son embauche, que la durée mensuelle de son travail était de 121,33 heures d'octobre 2011 à avril 2013, de 52,33 heures à compter du 1er mai 2013. Elle ajoute que Mme [C] se rendait dans l'entreprise à sa guise, de façon irrégulière et pour des durées limitées et produit à l'appui de cette allégation le relevé de l'alarme de l'entreprise (pièce n° 5 de l'intimée).

Toutefois, ce relevé ne comporte aucune donnée nominative, si bien qu'il ne constitue pas une preuve quant à la présence de Mme [C] dans les locaux de l'entreprise.

La Cour relève que la société DMI n'a établi aucun avenant au contrat de travail, si bien que les modifications de durée mensuelle du travail, telles qu'elle les décrit, n'ont pas fait l'objet d'un écrit, étant observé que les mentions portées sur les bulletins de paie ne peuvent suppléer cette absence d'écrit.

Ainsi, la société DMI échoue à rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que Mme [C] n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

Il s'en déduit que Mme [C] occupait un emploi à temps plein au moment de la rupture du contrat de travail et que le montant de son salaire brut devait alors être fixé à 1 521,66 euros par mois (sur la base d'un taux horaire de 10,03 euros).

' En l'absence de faute grave et en application de l'article L. 1234-1 du code du travail, le délai-congé auquel Mme [C], qui avait une ancienneté de plus de deux ans de services continus lors de son licenciement, avait droit est de deux mois.

En conséquence et par application de L. 1234-5 du code du travail, la société DMI sera condamnée à payer à Mme [C] la somme de 3 043,32 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 304,33 euros au titre des congés payés afférents.

' En application de l'article L. 1234-9 du code du travail, Mme [C], qui avait une ancienneté de plus de huit mois, a droit à une indemnité de licenciement.

En vertu de l'article R.1234-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 et applicable au 31 mai 2019, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure, pour un salarié ayant moins de 10 ans d'ancienneté, à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté.

Mme [C] comptait une ancienneté de 11 ans et 9 mois (compte tenu du préavis de deux mois et de la prise en compte de la moitié de la durée du congé parental, en application de l'article L. 1225-54 du code du travail) au moment de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail. Elle a donc droit à une indemnité légale de licenciement dont le montant est de : (1 521,66 / 4) x 11,75 = 4 469,87 euros.

La société DMI sera condamnée à payer à Mme [C] la somme de 4 500 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

' En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, Mme [C], qui avait une ancienneté de 11 années au moment de son licenciement par la société DMI, laquelle employait alors moins de onze salariés, a donc droit à une indemnité dont le montant est compris entre 3 et 10,5 salaires bruts mensuels.

En tenant compte de l'ancienneté de Mme [C] et de son âge (45 ans) au moment de la rupture du contrat de travail, des circonstances de cette dernière, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, la Cour dispose des éléments nécessaires pour fixer l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la rupture abusive de la relation de travail à la somme de 12 000 euros.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a :

- débouté Mme [C] de ses demandes d'indemnité de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réel et sérieuse ;

- débouté Mme [C] de ses demande de requalification du contrat de travail à temps partiel à temps plein et en dommages et intérêts correspondant au salaire.

En outre, la société DMI Technique sera condamnée à établir et remettre à Mme [C] les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt, sans que les circonstances de l'espèce ne justifient que cette condamnation soit assortie d'une astreinte.

3. Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La société DMI Technique, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile. Sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée, tant pour les frais irrépétibles exposés en première instance qu'en cause d'appel.

Pour un motif tiré de l'équité, la société DMI Technique sera condamnée à payer à Mme [C] 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 10 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Oyonnax, en ce qu'il a :

- débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- condamné la société DMI Technique à payer à Mme [C] la somme de 355, 68 euros de rappel de congés sur le mois d'août 2018 ;

- débouté Mme [C] de son autre demande de congés payés ;

Infirme le jugement rendu le 10 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes d'Oyonnax, en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de Mme [C] s'analyse en une démission ;

- débouté Mme [C] de ses demandes d'indemnité de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réel et sérieuse ;

- condamné Mme [C] à payer à la société DMI Technique la somme de 238,81 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

Statuant sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [V] [C] entraîne les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société DMI Technique à payer à Mme [V] [C] :

- 3 043,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 304,33 euros au titre des congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;

- 4 500 euros à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;

- 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à la société DMI Technique d'établir et de remettre à Mme [V] [C] les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt ;

Condamne la société DMI Technique aux dépens de première instance et de l'instance d'appel ;

Rejette la demande de la société DMI Technique en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société DMI Technique à payer à Mme [V] [C] 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 20/06790
Date de la décision : 21/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-21;20.06790 ?
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