La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°23/03736

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 20 juin 2024, 23/03736


N° RG 23/03736 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O6TZ









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 23 mars 2023



RG : 2022f02087







[D]



C/



LA PROCUREURE GENERALE

[Z]

SELARL MJ SYNERGIE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 20 Juin 2024







APPELANT :



M. [R] [I] [D]

né le [Date naissance 4]

1984 à [Localité 15]

[Adresse 5]

[Localité 14]



Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Christian Borel de la SC Jakubowicz & Associés, avocat au barreau de LYON



INTIMES :



Mme LA...

N° RG 23/03736 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O6TZ

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 23 mars 2023

RG : 2022f02087

[D]

C/

LA PROCUREURE GENERALE

[Z]

SELARL MJ SYNERGIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 20 Juin 2024

APPELANT :

M. [R] [I] [D]

né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 15]

[Adresse 5]

[Localité 14]

Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Christian Borel de la SC Jakubowicz & Associés, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 1]

[Localité 7]

En la personne d'Olivier NAGABBO, avocat général

M. [H] [Z]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 12]

[Adresse 10]

[Localité 8]

défaillant

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE ' MANDATAIRES JUDICIAIRES au capital social de 150 000 euros, immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 538 422 056, représentée par Maître [S] [E] ou Maître [M] [B], Mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société C.H.R. CONSEIL HABITAT DU RHONE, SARL immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 792 598 161, dont le siège social est [Adresse 3], désignée à cette fonction par Jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 3 octobre 2019

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 9]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Cécile FLANDROIS de la SELARL SVMH AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 23 Avril 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Mai 2024

Date de mise à disposition : 13 Juin 2024 prorogé au 20 Juin 2024, les parties ayant été avisées

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt par défaut rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société CHR (conseil habitat du Rhône) exerçait une activité de vente et installation de produits se rapportant aux énergies renouvelables, système solaires, combiné chaudières. M. [H] [Z], associé fondateur unique, était le gérant de la société jusqu'au 14 décembre 2015. Le 15 décembre 2015, un procès-verbal de l'assemblée général a désigné M. [R] [I] [D], lequel avait acquis une partie des parts sociales, comme gérant. Le 17 janvier 2017, M. [Z] est redevenu gérant après revente des parts sociales par M. [D].

Le 3 octobre 2019, le tribunal, sur assignation du Pôle de recouvrement spécialisé en raison de dettes fiscales, a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société CHR et a fixé la date de cessation des paiements provisoire au 4 avril 2018, soit 18 mois avant, en raison notamment de l'ancienneté des créances fiscales et sociales. Le tribunal a désigné la Selarl MJ synergie en qualité de liquidateur judiciaire.

Dans le cadre des opérations de liquidation, la Selarl MJ synergie, a été destinataire de déclarations de créances à hauteur de 250.694,72 euros. Aucun actif n'a été recouvré par la liquidation judiciaire.

Le 13 septembre 2022, la Selarl MJ synergie, ès-qualités, a assigné M. [Z] et M. [D] aux fins de sanction devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement réputé contradictoire du 23 mars 2023, le tribunal de commerce de Lyon a :

- dit recevables et bien fondées, les demandes de la Selarl MJ synergie, ès-qualités,

- dit que M. [D] et M. [Z] ont été dirigeants de droit de la société CHR,

- dit que l'insuffisance d'actif de la Société CHR est de 250.694,72 euros,

- dit que M. [D] et M. [Z] ont commis des fautes de gestion, à savoir l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements de la société CHR dans le délai légal concernant M. [Z], le fait d'avoir laissé s'accumuler des créances fiscales et de s'être soustrait aux dites obligations, le fait de ne pas avoir tenu une comptabilité complète et régulière,

- dit que ces fautes de gestion ne constituent pas des cas de simples négligences,

- constaté que ces fautes de gestion sont à l'origine de l'insuffisance d'actif constatée à hauteur de 250.694,72 euros, - condamné en conséquence solidairement M. [D] et M. [Z] à payer à la selarl MJ synergie, ès qualités, la somme de somme de 250.694,72 euros au titre de l'ínsuffisance d'actif,

- dit que Mrs. [D] et [Z] n'ont pas tenu de comptabilité complète et régulière, ont augmenté frauduleusement le passif de la société CHR conseil habitat du Rhône,

- prononcé en conséquence une mesure de faillite personnelle d'une durée de 6 ans l'encontre de M. [D] et M. [Z],

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

- condamné solidairement messieurs [D] et [Z] à payer à la selarl MJ synergie, ès-qualités, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

M. [D] a interjeté appel par déclaration du 4 mars 2023.

Par ordonnance du 3 juillet 2023, la juridiction du premier président a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 19 avril 2024, M. [D] demande à la cour, au visa des articles 16, 114, 654 et suivants, 693 et 694 du code de procédure civile, des articles L.651-2 et L.653-1 et suivants du code de commerce et de l'article 1343-5 du code civil, de :

- déclarer bien fondé son appel à l'encontre du jugement rendu le 23 mars 2023 par le tribunal de commerce de Lyon,

A titre principal,

- annuler l'assignation irrégulièrement qui lui a été signifiée le 13 septembre 2022 par procès-verbal de recherches infructueuses, cette irrégularité lui ayant causé un grief car il n'a pas pu comparaître ni présenter ses moyens de défense en première instance,

- annuler en conséquence le jugement rendu le 23 mars 2023 par le tribunal de commerce de

Lyon dont appel ainsi que tous les actes subséquents.

' titre subsidiaire,

- infirmer le jugement rendu le 23 mars 2023 par le tribunal de commerce de Lyon dont appel

en ce qu'il a :

' dit recevables et bien fondées, les demandes de la Selarl MJ synergie,ès qualités,

' dit que M. [D] et M. [Z] ont été dirigeants de droit de la société CHR conseil habitat du Rhône.

' dit que l'insuffisance d'actif de la société CHR conseil habitat du Rhône est de 250.694,72 euros,

' dit que M. [D] et M. [Z] ont commis des fautes de gestion, à savoir l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements de la société CHR conseil habitat du Rhône dans le délai légal concernant M. [Z], le fait d'avoir laissé s'accumuler des créances fiscales et de s'être soustrait auxdites obligations, le fait de ne pas avoir tenu une comptabilité complète et régulière,

' dit que ces fautes de gestion ne constituent pas des cas de simples négligences,

' constaté que ces fautes de gestion sont à l'origine de l'insuffisance d'actif constatée à hauteur de 250 694,72 euros,

' condamné en conséquence solidairement M. [D] et M. [Z] à payer à la selarl MJ synergie, ès-qualités la somme de 250.694,72 euros au titre de l'insuffisance d'actif,

' dit que Mrs. [D] et [Z] n'ont pas tenu de comptabilité complète et régulière, ont augmenté frauduleusement le passif de la société CHR conseil habitat du Rhône,

' prononcé en conséquence une mesure de faillite personnelle d'une durée de 6 ans à

l'encontre de M. [D] et M. [Z],

' condamné solidairement Mrs [D] et [Z] à payer à la selarl MJ synergie, ès-qualités, la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

- débouter la Selarl MJ Synergie, ès-qualités, de l'ensemble de ses demandes,

' titre infiniment subsidiaire ;

- réduire les éventuelles condamnations qui seraient mises à sa charge à la somme de 1'euro symbolique,

- débouter la Selarl MJ Synergie, ès-qualités, du surplus de ses demandes,

- lui octroyer les plus amples délais de paiement pour le montant des condamnations qui pourraient être mises à sa charge, par le biais d'un report de paiement de cette condamnation pour une durée de 24 mois à titre principal ou, à défaut, par la mise en place d'un échéancier de 24 mensualités,

En tout état de cause ;

- débouter la Selarl MJ synergie ès-qualités et M. [Z] de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et prétentions,

- condamner solidairement la Selarl MJ synergie, ès-qualités et M. [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens de la présente instance et de ses suites avec droit de recouvrement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 avril 2024, la Selarl MJ synergie, ès-qualités, demande à la cour, au visa des articles L.651-2, L.653-4, L 653-5 et L 653-8 du code de commerce, de :

- débouter M. [D] de sa demande d'annulation de l'assignation et d'annulation du jugement querellé compte tenu de la validité de la signification de l'assignation en date du 13 septembre 2022,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon le 23 mars 2023 en toutes ses dispositions,

' défaut,

- débouter M. [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

- la dire recevable et fondée en ses demandes, y faisant droit,

- juger que M. [D] et a été dirigeant de droit de la société CHR et qu'une insuffisance d'actif existait au jour de la démission de M. [D],

- juger que l'insuffisance d'actif de la société CHR est de 250.694,72 euros,

- juger que M. [D] a commis des fautes de gestion, à savoir l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements de la société CHR dans le délai légal concernant M. [Z], le fait d'avoir laissé s'accumuler des créances fiscales et de s'être soustrait à ces obligations, le fait de ne pas avoir tenu une comptabilité complète et régulière,

- juger que ces fautes de gestion ne constituent pas des cas de simple négligence,

- constater que ces fautes de gestion sont à l'origine de l'insuffisance d'actif constatée à hauteur de 250.694,72 euros,

- condamner en conséquence M. [D] à lui payer ès -qualités, la somme de 250.694,72 euros au titre de l'insuffisance d'actif,

- juger que M. [D] n'a pas tenu de comptabilité complète et régulière, a augmenté frauduleusement le passif de la société CHR,

- prononcer en conséquence une mesure de faillite personne d'une durée de 6 ans à l'encontre de M. [D].

' défaut,

- prononcer une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 6 ans à l'encontre de M. [D],

En toute hypothèse,

- débouter M. [D] de sa demande de condamnation solidaire de la selarl MJ synergie, ès qualités, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, demande au surplus incompatible avec l'article l 641-13 du code de commerce,

- condamner M. [D] à lui payer ès qualités, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

***

Le ministère public, par avis du 14 mars 2024 communiqué contradictoirement aux parties, a :

- dit ne pas y avoir lieu à prononcer la nullité de l'assignation de l'acte d'huissier mentionnant les recherches faisant foi jusqu'à preuve de l'inscription de faux en écriture publique,

- dit que les manquements, fautes de gestions à l'encontre de M. [D] pendant sa période de gérance sont justifiés,

- formé un avis favorable aux demandes du liquidateur judiciaire.

M. [Z], à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 17 mai 2023, n'a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 23 avril 2023, les débats étant fixés au 2 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de l'assignation et du jugement

M. [D] fait valoir que :

- l'assignation a été délivrée à son ancien domicile mais les recherches menées par l'huissier étaient insuffisantes ; son nouveau domicile était aisément identifiable, notamment par une recherche internet ou les annonces légales de la société 'Sci [D]' dont il est le gérant ; c'est d'ailleurs à cette adresse que l'huissier de justice lui a régulièrement signifié le jugement dont appel, dans un acte mentionnant expressément la société 'Sci [D]'; par conséquent, l'assignation est irrégulière,

- il lui est impossible de démontrer que la recherche internet aurait produit les mêmes résultats qu'aujourd'hui en septembre 2022 ; cependant, il n'a pas modifié ses informations au Kbis de la société 'Sci [D]', ni créé d'autre société active, de sorte qu'il est certain qu'une recherche en 2022 aurait produit les mêmes résultats,

- l'irrégularité de l'assignation lui cause nécessairement un grief, puisqu'il a été jugé sans pouvoir comparaître ni faire valoir d'explications ou moyens de défense ; il a été privé du droit effectif au double degré de juridiction ; ce grief justifie l'annulation de l'assignation laquelle emporte la nullité subséquente du jugement entrepris qui fait échec à l'effet dévolutif.

La Selarl MJ synergie, ès-qualités fait valoir que :

- elle a fait signifier l'assignation à comparaître à l'adresse de M. [D] figurant dans les actes de son administrée et l'appelant ne peut lui reprocher de ne pas avoir fait délivrer l'assignation au siège social de la Sci [D] car elle ne connaissait pas cette seconde adresse, qui ne figurait pas dans ces actes,

- l'huissier a effectué des recherches infructueuses, y compris par internet ; l'appelant ne démontre pas que le résultat de cette recherche aurait dû être différent et l'ordonnance de référé du premier président du 3 juillet 2023 rappelle que la procédure d'inscription des faux est le seul moyen de contester la véracité du procès-verbal de l'huissier,

- en tout état de cause, même si un lien avait pu être établi par l'huissier entre l'appelant et la Sci [D], il n'aurait pu que délivrer l'acte au domicile connu de l'appelant déclaré au greffe pour cette société civile, soit à l'adresse où il a effectivement tenté de signifier l'assignation, aucune disposition légale ne permettant à l'huissier de signifier au siège social de la Sci [D], étrangère à la cause et non employeur,

- le caractère insuffisant des recherches ne peut être prouvé par des éléments postérieurs, de sorte que la signification du jugement est indifférente et ce n'est que dans le cadre de l'appel qu'elle a appris que le siège social de la Sci était également le domicile personnel de l'appelant,

- l'huissier a envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception à l'appelant à la suite du procès-verbal ; peu importe que ce dernier n'ait pu comparaître ou que la lettre ne lui soit pas parvenue.

Sur ce,

Selon l'article 654 du code de procédure civile, 'La signification doit être faite à personne'.

L'article 655 ajoute que 'Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.

L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise'.

Enfin, l'article 659 indique que 'Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.

Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.

Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité...'.

Par ailleurs, la notification d'un acte en un lieu autre que l'un de ceux prévus par la loi ne vaut pas notification.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de signification dressé par la Sas Huissiers Réunis que l'acte a été délivré en application de l'article 659 du code de procédure civile à l'adresse de M. [D] [Adresse 6], indiquée comme dernière adresse connue de ce dernier. Il est précisé que sur place, l'huissier n'a pas constaté de boîte aux lettres au nom du requérant mais des noms différents, qu'il n'a rencontré personne dans le voisinage pouvant lui communiquer de plus amples renseignements, que les recherches sur l'annuaire internet, pages jaunes et blanches, au nom et prénom du destinataire et dans le département de la dernière adresse connue n'ont pas abouti, que les recherches sur le moteur de recherche Google via internet aux nom et prénom du destinataire n'ont pas plus abouti, aucune réponse n'apparaissant sur la page d'accueil, que les services municipaux et postaux ne délivrent plus d'informations et que la situation professionnelle du destinataire est inconnue.

Il apparaît donc que l'huissier ayant délivré l'assignation a relaté ses diligences de manière très précise et complète, et notamment ses différentes recherches sur internet étant rappelé que les procès-verbaux d'huissier font foi jusqu'à inscription de faux. Par ailleurs, il a bien fait délivrer l'assignation à la dernière adresse connue figurant sur les actes de son administrée.

M. [D] se contente d'affirmer sans offre de preuve que des recherches sur internet effectuées à cette date (et notamment sur certains sites qu'il désigne) auraient orienté l'huissier vers la Sci [D] à l'adresse de laquelle l'acte aurait dû être signifié selon lui de sorte que son adresse personnelle était ainsi identifiable. Or, le seul fait que la Sci était déjà constituée à cette date est insuffisant à constituer cette preuve et M. [D] est par ailleurs taisant le fait qu'il n'a pas actualisé son adresse auprès du greffe du tribunal de commerce sur le Kbis de la Sci [D], l'intimée faisant justement remarquer qu'il impute à l'huissier son propre manque de diligence.

Par ailleurs, il est constant que le jugement querellé a pu être signifié à l'adresse [Adresse 5] à [Localité 14] à 'M. [D], [R] [I] SCI [D]' mais ceci ne permet pas d'en déduire qu'à la date de délivrance de l'assignation, l'adresse nouvelle de M. [D] pouvait être déjà identifiée, notamment sur internet. En outre, le présent litige n'a rien à voir avec la Sci dont l'adresse ne pouvait être le lieu de délivrance de l'acte litigieux puisqu'elle n'était pas concernée par le litige et les actes relatifs à cette Sci indiquent par ailleurs comme domicile de M. [D] celui de [Localité 13].

Les jurisprudences alléguées par M. [D] sont par ailleurs inopérantes, ne recouvrant pas les mêmes situations ni les données dont l'huissier pouvait disposer pour identifier l'adresse. Il en est de même de son affirmation selon laquelle les annonces légales auraient pu être consultées de même que le Bodacc, alors que la seule adresse identifiable était toujours celle de [Localité 13]. Enfin, s'agissant de l'absence de recherche avec le deuxième prénom, il n'est pas plus démontré qu'une telle recherche à la date de référence aurait plus abouti.

Il n'est donc pas établi en l'espèce que l'huissier instrumentaire a manqué de diligences pour rechercher la nouvelle adresse de M. [D]. Par ailleurs les courriers recommandés et simples adressés par l'huissier ont bien été produits aux débats.

En conséquence de ce qui précède, M. [D] est débouté de ses demandes de nullité d'assignation et de jugement.

Sur l'insuffisance d'actif au moment de la cessation des fonctions du dirigeant

M. [D] fait valoir que :

- il n'est pas démontré que l'insuffisance d'actif existait au 17 janvier 2017, date de sa démission des fonctions de gérant alors que la date de cessation des paiements a été fixée au 4 avril 2018,

- les faits générateurs des dettes fiscales ont eu lieu postérieurement à sa démission, pendant la gérance de M. [Z], lequel n'a pas procédé à la déclaration de résultat impôts sur les sociétés au titre de l'exercice clos au 31 août 2017, n'a pas répondu aux demandes de 2018 des services fiscaux et n'a pas transmis les documents comptables ; en l'absence de dette fiscale pendant la gérance du concluant, l'insuffisance d'actif n'est pas caractérisée,

- la carence de M. [Z] dans la transmission de documents comptables a considérablement augmenté le passif en entraînant des pénalités.

La selarl MJ synergie, ès-qualités fait valoir que :

- la date de l'état de cessation des paiements a été remontée au maximum autorisé ; de surcroît, l'insuffisance d'actif peut exister sans état de cessation des paiements,

- il résulte de la déclaration de créance de la DGFP que l'insuffisance d'actif existait déjà à la date de la fin des fonctions de gérant de l'appelant ; le redressement fiscal intervenu pour minoration de résultat ne fait que révéler des dettes préexistantes ; l'appelant ne démontre pas ses contestations pour les exercices antérieurs à sa démission,

- l'insuffisance d'actif composée du privilège du Trésor, du privilège des Caisses sociales et des créanciers chirographaires est de 250.694,72 euros ; aucun actif n'a pu être recouvré,

- à la date de la démission de l'appelant, les seuls actifs disponibles étaient les disponibilités bancaires de 3.873,63 euros, de sorte que l'insuffisance d'actif était caractérisée.

Sur ce,

Aux termes de l'article L 651-2 du code de commerce, 'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.'

Il est constant que M. [D] n'a été gérant de droit que sur la période courant entre le 15 décembre 2015 et le 17 janvier 2017. En application des dispositions susvisées, il doit être établi que l'insuffisance d'actif existait déjà à la date où il a été mis fin à ses fonctions, peu en important le montant.

Il est constant que l'insuffisance d'actif s'est finalement élevée à 250.694,72 euros (soit 217.395 euros de privilège du Trésor, 2.262 euros de créances sociales et 31.037,72 euros de créances chirographaires). La date de cessation des paiements mise en avant par l'appelant a été fixée seulement le 4 avril 2018 mais il convient de rappeler qu'il s'agit de la date maximum à laquelle pouvait remonter le tribunal de commerce et en tout état de cause, l'insuffisance d'actif, soit la différence entre le passif admis et celui de l'actif réalisé, est distincte de la date de cessation des paiements caractérisée par l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible de sorte que ce moyen est inopérant.

Selon la proposition de rectification de l'administration fiscale, la société CHR était redevable de la TVA sur l'ensemble de ses encaissements et ces derniers ont été déterminés à partir des crédits mentionnés sur les relevés de comptes bancaires de la société.

La déclaration de créance de la DGFP permet d'établir que l'insuffisance d'actif liée à la dtee fiscale existait déjà au moment où M. [D] a quitté ses fonctions.

Ainsi, à la date de l'exercice clos le 31 août 2016, il existait un passif de nature fiscale de 73.151 euros (rappels de TVA de 57.319 euros et rehaussement de l'impôt sur les sociétés de 15.832 euros). Il n'importe pas que le redressement fiscal soit intervenu postérieurement à la démission de M. [D], puisque le contrôle s'est exercé sur la période du 1er septembre 2014 au 31 août 2017 englobant la période de gestion de M. [D] et ce contrôle a révélé des dettes fiscales dont le fait générateur étant antérieur à la démission, (la TVA étant exigible à l'encaissement des fonds) et ce passif fiscal n'a pas été apuré ensuite.

Il est par ailleurs relevé que selon les comptes déposés au 31 août 2016, la société CHR avait déjà perdu plus de la moitié de ses capitaux propres et que l'actif n'était constitué que des comptes bancaires très faiblement créditeurs (3.873,63 euros à la date de démission de M [D]) d'où un actif bien moindre que le passif à cette date.

Il existait donc déjà une insuffisance d'actif au départ de M. [D], lequel peut dès lors être redevable de sommes à ce titre en application des dispositions susvisées étant rappelé que la condamnation ne peut être prononcée pour un montant supérieur à l'insuffisance d'actif créée sous la direction de la personne recherchée en responsabilité.

Sur les fautes de gestion

M. [D] fait valoir que :

- le tribunal n'a pas individualisé sa motivation concernant les fautes de gestion imputées aux deux dirigeants successifs ; ce qui aurait révélé son absence de faute,

- l'état de cessation des paiements a été fixé au 4 avril 2018, donc, tant son existence que l' absence de déclaration sont imputables à M. [Z],

- il a respecté en tant que gérant les obligations fiscales et sociales de sa société, ce qui est attesté par l'expert-comptable de celle-ci ; les fautes notamment au titre de la TVA sont imputables à M. [Z],

- l'intimée soulève pour la première fois en cause d'appel l'irrégularité de la comptabilité du fait de l'absence de justification des factures entrées en comptabilité et il n'a plus en sa possession ces factures restées dans les archives de la société,

- il ne peut lui être reproché l'absence de communication de pièces comptables pour la période du 1er septembre 2016 au 17 janvier 2017 dès lors que leur compilation et établissement sont réalisées lors de la clôture de l'exercice comptable, après sa démission de la gérance,

- l'obligation de déclaration relative à l'impôt sur les sociétés pour l'exercice clos au 31 août 2015 incombait à M. [Z], gérant de l'époque, ; de surcroît, la société n'ayant à l'époque aucune activité, les déclarations fiscales présentant un chiffre d'affaires nul n'étaient pas mensongères,

- le redressement fiscal au titre de l'exercice clos au 31 août 2016 au motif que les frais et charges n'étaient pas régulièrement appuyés sur des pièces justificatives s'explique par l'absence de communication de ces dernières lors du contrôle fiscal par M. [Z], alors que le concluant et l'expert comptable avaient régulièrement comptabilisés les frais et conservés les justificatifs,

- n'étant plus gérant depuis le 17 janvier 2017, l'absence de déclaration au titre de l'exercice clos au 31 août 2017 ne peut lui être imputée et il n'a jamais été contacté par l'administration fiscale contrairement à M. [Z], lequel a cessé de répondre à cette dernière, entraînant une majoration des droits,

- il n'est pas fautif pour l'absence de remise de documents comptables au mandataire judiciaire alors qu'il n'était plus gérant de la société, ni lui ni son expert comptable n'ont été sollicités à cette fin ; les comptes de l'exercice clos alors qu'il était gérant ont bien été régulièrement déposés,

- le véhicule donné en crédit-bail a été récupéré par M. [Z], son absence de restitution ne peut lui être imputée,

- subsidiairement, il avait spécialement mandaté son expert comptable pour toutes les opérations déclaratives et comptables, et le professionnel n'a pu repérer d'irrégularité, l'existence d'une irrégularité serait au plus une simple négligence.

La selarl MJ synergie, ès-qualités fait valoir que :

- l'appelant n'a pas respecté pas ses obligations fiscales, y compris pour les exercices antérieurs à sa démission ; c'est la principale cause du passif en raison des pénalités,

- le redressement fiscal n'est pas dû à un défaut de communication des pièces comptables, mais à une minoration du chiffre d'affaires encaissé, en partie intervenue sous la direction de l'appelant,

- le grand livre et l'absence d'irrégularités relevée par son expert comptable sont inopérants puisque le grand livre et le montant de TVA sont établis sur le fondement des pièces communiqués par le client ; l'appelant ne peut se retrancher derrière la mission confiée à un expert comptable, l'établissement d'une comptabilité complète et régulière, et des déclarations fiscales lui incombent,

- il n'est pas démontré que l'appelant a transmis l'intégralité des archives à M. [Z] et son l'expert comptable devrait avoir en sa possession les factures justifiant le grand livre mais ne les produit pas,

- l'appelant ne justifie pas le taux de charge anormalement élevé relevé notamment par l'administration fiscale,

- l'appelant ne peut lui reprocher de soulever pour la première fois en cause d'appel une critique des éléments comptables, alors qu'il ne les a communiqués que peu de temps avec la date de clôture ; les derniers comptes annuels déposés sont ceux de l'exercice clos au 31 août 2016 ; les éléments produits par l'appelant devant la cour sont insuffisants pour la période antérieure au 1er septembre 2016, et inexistants pour la période postérieure ; l'appelant n'a donc pas tenu de comptabilité régulière et complète,

- la société n'a pas eu recours à la comptabilité super simplifiée durant les exercices antérieurs au 31 août 2016 et eu égard au principe de continuité des méthodes comptables, l'appelant ne peut pas subitement décider de la mettre en oeuvre ; à la supposer applicable, elle ne peut justifier une absence de comptabilité et notamment d'enregistrement des encaissements et décaissements journaliers,

- les fautes établies ne sont pas des simples négligences,

- l'appelant n'explique pas l'absence de restitution du véhicule obtenu dans le cadre d'un crédit-bail qu'il a souscrit et qui a été déclaré au passif.

Sur ce,

Il convient de reprendre successivement les différentes fautes de gestion imputées à M. [D], étant relevé qu'il ne lui est pas reproché la non-déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, faute que le tribunal de commerce n' a retenu qu'à l'encontre de M. [Z] aux termes du dispositif du jugement.

Par ailleurs, M. [D] ne peut imputer au mandataire des reproches tardifs en cause d'appel alors qu'il est manifeste que la société intimée a eu le plus grand mal à obtenir l'ensemble des éléments comptables utiles.

- le non-respect des obligations fiscales

Il est avec constance retenu par la jurisprudence comme une faute de gestion.

Le passif de la société est très majoritairement fiscal et les carences dans les déclarations fiscales se sont succédé. L'administration fiscale a notamment retenu pour expliquer son contrôle fiscal le crédit TVA important en 2016, l'absence de chiffre d'affaires 2017, pour l'impôt sur les sociétés, le dépôt sans chiffre d'affaires 2015 et la défaillance en 2017. Les crédits TVA ont été remis en cause par l'administration fiscale.

Le passif fiscal est ainsi constitué de créances dues au titre de la TVA et de l'IS du 1er septembre 2014 au 31 août 2017 soit un montant éludé de droits de 108.921 euros et des pénalités de 108.474 euros. La société CHR s'est donc soustraite à ses obligations fiscales principalement en ne réglant pas la TVA et en se créant une trésorerie artificielle.

Les causes du redressement sont multiples et les irrégularités sur les déclarations au titre de la TVA et de l'IS concernent en partie la période de direction de M. [D]. Ce dernier n'a donc pas respecté ses obligations fiscales, ce qui est fautif et ne peut constituer une simple négligence au regard des conséquences finales sur le passif de la société.

- l'absence de comptabilité complète et régulière

La tenue d'une comptabilité complète et régulière est une obligation du dirigeant et constitue une faute de gestion. C'est une obligation personnelle, le dirigeant ne pouvant se retrancher derrière les diligences ou l'absence de diligences de son expert-comptable, un argument en ce sens étant inopérant.

Plus particulièrement, le dirigeant doit effectuer chronologiquement l'enregistrement comptable des mouvements patrimoniaux de l'entreprise et établir les comptes annuels.

En l'espèce, le mandataire judiciaire ne s'est vu remettre aucun document comptable.

Le dernier compte annuel a été déposé alors que M. [D] était dirigeant et il ne peut bien évidemment pas se voir reprocher l'absence de dépôt de comptes postérieurs.

Il produit les comptes annuels des exercices clos en août 2015 et 2016, des extraits du grand livre se rapportant à la TVA et un grand livre des comptes et balances des comptes au 31 août 2016. Cependant, la comptabilité tenue pendant sa gouvernance ne peut être considérée comme régulière et complète. La comptabilité entre le premier septembre 2016 et janvier 2017 n'est pas produite, et ainsi que vu supra, les irrégularités fiscales induisent le caractère non fiable des comptes, ce qui a donné lieu à des redressements y compris pour l'exercice clos au 31 août 2016. Plus particulièrement, les déclarations de TVA ne correspondent pas aux encaissements figurant sur les comptes bancaires.

La faute de gestion est en conséquence établie et elle n'est pas une simple négligence au regard de ses conséquences, elle ne peut pas plus être rejetée en totalité sur M. [Z].

Le jugement est en conséquence confirmé sur les fautes de gestion retenues à l'encontre de M. [D].

Sur le lien de causalité avec l'insuffisance d'actif

M. [D] fait valoir que le tribunal n'a pas caractérisé le lien de causalité d'où la décision du premier président de stopper l'exécution provisoire, que le redressement fiscal qui a mené à l'état de cessation des paiements et à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire est postérieur à la démission du concluant et a eu pour unique cause la défaillance de M. [Z] ; par conséquent, aucun lien de causalité ne peut être caractérisé entre l'insuffisance d'actif et une faute du concluant.

La Selarl MJ Synergie, ès-qualités fait valoir que la soustraction des obligations fiscales par l'appelant et par M. [Z] sous leurs gérances respectives est à l'origine de la quasi totalité du passif, tant à titre principal que par les pénalités et que l'absence de fiabilité de la comptabilité tenue puis l'absence de tenue de comptabilité sur la deuxième partie de la gérance de M. [Z] n'a pas permis aux dirigeants d'avoir une vision de la situation financière réelle de la société.

Sur ce,

De manière liminaire, la décision de la juridiction du premier président est sans emport sur le sort du présent litige, étant souligné que l'ordonnance a en fait retenu l'absence de motivation suffisante et l'amalgame fait entre les deux gérants.

Comme vu ci-dessus, M. [D] tout comme M. [Z] s'est soustrait à ses obligations fiscales (manquements dans les déclarations de chiffre d'affaire, ce qui a permis d'omettre une partie de la TVA, a gonflé fictivement les charges et a conduit à des pénalités) et ceci contribué à la création d'un passif fiscal privilégié de 108.921 euros.

C'est donc à tort que M. [D] prétend que seuls les fautes de gestion de M. [Z] ont finalement contribué à l'insuffisance d'actif.

Ces fautes des deux dirigeants successifs ont contribué à la création d'un passif et privé les dirigeants d'une vision exacte de la situation financière de leur société. Le lien de causalité qui peut n'être que partiel est ainsi établi entre les fautes de gestion et l'insuffisance d'actif.

Sur la condamnation au comblement du passif

M. [D] fait valoir que :

- toute condamnation doit être exclue eu égard au contexte et à ses explications, à sa bonne foi et sa diligence en tant que gérant pour avoir confié les obligations fiscales et comptes de la société à un expert-comptable, aux attestations de ce dernier, à la réalisation de bénéfices uniquement durant sa gérance, et aux fautes de M. [Z] qui a déjà fait l'objet d'une mesure de faillite personnelle suite à une liquidation judiciaire,

- l'insuffisance d'actif qui peut être mise à sa charge en tant qu'ancien dirigeant s'apprécie au regard de l'insuffisance d'actif à la date où il a cessé ses fonctions ; le tribunal ne l'a pas déterminé de sorte que le jugement doit être infirmé ; en tout état de cause une très grande partie du passif est né postérieurement à cette date,

- le tribunal a omis d'examiner sa situation personnelle, sa situation financière ne lui permet pas de faire face aux condamnations prononcées compte tenu de ses revenus et de ses charges familiales, dont la scolarité de ses enfants,

- subsidiairement, sa condamnation doit être réduite à 1 euro symbolique.

La selarl MJ synergie, ès-qualités fait valoir que :

- la collectivité des créanciers n'a pas à subir les conséquences de charges telles que le choix d'école des enfants de l'appelant,

- l'appelant ne fait pas état de l'intégralité de son patrimoine notamment au travers de la Sci [D],

- la proportionnalité qui peut être évoquée est celle entre la faute et la condamnation, et non eu égard au patrimoine du dirigeant.

Sur ce,

Ainsi qu'il a été vu supra, les fautes de gestion de M. [D] ont contribué à l'insuffisance d'actif, ce qui mérite sanction. Il est cependant tenu compte pour l'appréciation de la sanction du montant de l'insuffisance d'actif au moment où il a cessé ses fonctions.

M. [D] met en avant des salaires mensuels de 2.900 euros en 2023, une séparation d'avec la mère des ses enfants dont il a la garde alternée, avec des frais de scolarité de 1.300 euros par mois. Si sa situation personnelle peut entrer en ligne de compte dans le cadre du prononcé d'une sanction, M. [D] reste cependant muet à ce stade sur la Sci qu'il a créée et donc sur son patrimoine et il ne peut par ailleurs mettre en avant des dépenses importantes liées au choix de scolarité de ses enfants.

Une somme de 50.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif apparaît ainsi proportionnée aux fautes commises et compatible avec la situation du dirigeant.

S'agissant de la solidarité, il est relevé que si les fautes retenues à l'encontre de M. [Z] apparaissent plus graves au vu du jugement, ces deux dirigeants successifs ont adopté un comportement fautif similaire de sorte que la condamnation solidaire est prononcée, à hauteur de la somme due par M. [D].

Sur la demande de délais de paiement

M. [D] fait valoir que sa situation financière et personnelle justifie un report du paiement des sommes éventuellement mises à sa charge de 24 mois, ou un échéancier de paiement en 24 mensualités.

La Selarl MJ synergie, ès-qualités fait valoir que l'appelant indique ne pas avoir les ressources nécessaires pour une éventuelle condamnation, de sorte qu'aucun échéancier ne semble pouvoir être respecté.

Sur ce,

La demande de délais de paiement apparaît recevable en la matière, aucun texte ne s'y opposant.

M. [D] ne donne cependant pas tous les éléments utiles permettant d'apprécier sa situation et plus particulièrement sa capacité mensuelle de remboursement. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de délais de paiement.

Sur la faillite personnelle

M. [D] fait valoir que :

- aucune faute à son encontre n'est caractérisée et il a été un gérant normalement diligent,

- aucun abus de bien social ne lui est reproché et les textes sur lesquels le tribunal s'est fondé pour prononcer la faillite personnelle ne sont pas applicables,

- le caractère manifeste de l'irrégularité ou du caractère fictif de la comptabilité n'est pas démontré, la condition d'une certaine gravité de sa faute fait défaut,

- les fautes n'ont été caractérisées qu'à l'encontre de M. [Z] mais le tribunal n'a pas opéré de distinction dans la sanction, et le jugement ne motive pas le quantum de sa condamnation,

- il a fait preuve de bonne foi que le tribunal n'a pas pris en compte, le jugement n'a pas pris en considération sa situation personnelle et une sanction de faillite aurait de graves conséquences dès lors qu'il reste gérant de la Sci [D].

La Selarl MJ Synergie, ès-qualités fait valoir que :

- les anciens dirigeants dont l'appelant ont soustrait la société CHR à ses obligations fiscales, conduisant à des pénalités importantes et constituant un cas d'augmentation frauduleuse du passif,

- aucun élément comptable ne lui a été remis ; aucune comptabilité n'a été tenue pour les exercices 2017 à 2019 ; la comptabilité antérieure est manifestement irrégulière, vues les erreurs relevées par l'administration fiscale,

- la comptabilité pour l'exercice 2016 n'est que partiellement produite dans l'instance en cours par l'appelant, et n'est pas produite pour la période du 1er septembre 2016 au 17 janvier 2017 ; elle est donc incomplète,

- l'appelant n'a pas justifié du bien fondé des dépenses mises à la charge de la société, s'élevant pour l'exercice clos en 2016 à 98% du chiffre d'affaires ; ce fait renvoie au cas de faillite personnelle pour avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, d'avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à son intérêt à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle il été intéressé directement ou indirectement,

- ces fautes justifient une faillite personnelle de 6 ans ; à défaut, une mesure d'interdiction de gérer d'une même durée pourrait être prononcée.

Sur ce,

Aux termes de l'article L 653-4 du code de commerce, 'Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après : (...)

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Selon l'article L 653-5 du même code, 'le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : (...)

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ; (...)'.

L'intimée s'appuie sur ces textes pour demander la confirmation de la peine de faillite prononcée en première instance.

La tenue d'une comptabilité fictive et irrégulière a été retenue supra à l'encontre de M. [D] et les irrégularités dans la tenue de la comptabilité ont entraîné un redressement fiscal.

Par ailleurs, les irrégularités fiscales qui ont été établies et se rapportant à la TVA et à l'impôt sur les sociétés ont manifestement augmenté de manière frauduleuse le passif de la société CHR.

Ces fautes graves méritent sanction.

Cependant, la sanction prononcée en première instance apparaît disproportionnée avec les fautes commises par M. [D] qui apparaissent bien moindre que celles de l'autre dirigeant.

Selon l'article L 653-8 du code de commerce, 'Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci'.

En l'espèce, une sanction d'interdiction de gérer d'une durée de quatre ans apparaît proportionnée aux fautes commises par M. [D]. En conséquence, le jugement est infirmé en ce sens.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens d'appel sont à la charge de M. [D], les sanctions étant confirmées dans leur principe.

L'équité commande cependant de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel compte tenu de la réduction des sanctions prononcées.

Les condamnations de première instance à ce titre sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Déboute M. [R] [D] de ses demandes en annulation de l'assignation du 13 septembre 2022 et du jugement dont appel.

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :

- constaté que les fautes de gestion de M. [D] sont à l'origine de l'insuffisance d'actif constatée à hauteur de 250 694,72 euros et condamné solidairement M. [D] et M. [Z] à payer à la Selarl MJ synergie, ès qualités, la somme de somme de 250.694,72 euros au titre de l'ínsuffisance d'actif,

- prononcé une mesure de faillite personnelle d'une durée de 6 ans l'encontre de M. [D].

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [R] [D], solidairement avec M. [Z], à payer à la Selarl MJ Synergie la somme de 50.000 euros au titre de l'insuffisance d'actif.

Prononce une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 4 ans l'encontre de M. [R] [D].

Rejette la demande de délais de paiement de M. [R] [D].

Condamne M. [R] [D] aux dépens d'appel.

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 23/03736
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.03736 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award