N° RG 24/05007 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXPW
Nom du ressortissant :
[W] [K] [S]
PREFET DU RHONE
PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
C/
[S]
PREFTE DU RHONE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND
EN DATE DU 20 JUIN 2024
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Isabelle OUDOT, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Ynes LAATER, greffière,
En présence du ministère public, représenté par Jean-Daniel REGNAULD, substitut, près la cour d'appel de Lyon,
En audience publique du 20 Juin 2024 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
Monsieur le Procureur de la République
près le tribunal de judiciaire de Lyon
représenté par le parquet général de Lyon
ET
INTIMES :
M. [W] [K] [S]
né le 13 Octobre 2000 à [Localité 1] (ALGÉRIE)
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [2]
Comparant, assisté de Maître Marie HOUPPE, avocat au barreau de LYON et de Monsieur [O] [L], interprète en langue arabe expert près la cour d'appel de RIOM
Mme PREFETE DU RHONE
non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître AUGOYARD Marc, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Avons mis l'affaire en délibéré au 20 Juin 2024 à 15h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du 1er février 2023 le tribunal correctionnel de Lyon a condamné [W] [K] [S] à une peine d'un an d'emprisonnement pour des faits de vol avec violence, outrage, menace de mort et violence sur fonctionnaire de la police nationale ainsi qu'à une interdiction du territoire français pendant une durée de 10 ans.
Par décision en date du 19 avril 2024, l'autorité administrative a ordonné le placement de [W] [K] [S] en rétention administrative dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.
Par ordonnance du conseiller délégué en date du 23 avril 2023, et par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 19 mai 2024 confirmée en appel le 21 mai 2024, la rétention administrative de [W] [K] [S] a été prolongée pour des durées successives de vingt-huit, et trente jours.
Suivant requête du 17 juin 2024, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.
Dans son ordonnance du 18 juin 2024 à 15 heures 54, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de l'intéressé au motif que la menace pour l'ordre public était insuffisamment caractérisée, que la situation ne correspond pas à une urgence absolue et qu'aucun élément ne permet de rendre raisonnablement plausible la délivrance à bref délai du laissez-passer consulaire.
Le 18 juin 2024 à 18 H 10 le ministère public a formé appel avec demande d'effet suspensif. Il précise que [W] [K] [S] a été condamné :
- le 1er février 2023 par le tribunal correctionnel de Lyon à la peine de 1 an d'emprisonnement assortie d'un mandat de dépôt et à une peine de 10 ans d'interdiction du territoire français pour des faits de vol avec violences, outrage, menaces de mort et violences à l'encontre d'un fonctionnaire de la police nationale
- le 13 décembre 2023 par le tribunal correctionnel de Lyon à la peine de 9 mois d'emprisonnement pour des faits de violences sur un militaire de la gendarmerie et outrage à personne dépositaire de I'autorité publique.
Il fait valoir qu'au regard de la particulière gravité des faits pour lesquels il a été condamné, [W] [K] [S] représente une menace pour l'ordre public. En outre il est démontré la délivrance des documents de voyage à bref délai puisque l'intéressé a été reconnu par les autorités algériennes par un courrier dans lequel elles déclarent disposées à délivrer un laissez-passer consulaire. Des vols ont été programmés qui n'ont pu prospérer.
Par ordonnance en date du 19 juin 2024 à 14 heures, le délégataire du premier président a déclaré l'appel recevable et suspensif.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 20 juin 2024 à 10 heures 30.
[W] [K] [S] a comparu assisté d'un interprète et de son avocat.
M. l'Avocat Général sollicite l'infirmation de l'ordonnance et reprend les termes des réquisitions du Procureur de la République de Lyon en soutenant qu'il doit être fait droit à la requête de la préfecture dés lors que la menace pour l'ordre public est caractérisée et que si des vols ont été annulés il n'en reste pas moins que le laissez-passer consulaire doit intervenir.
Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, s'associe aux réquisitions du Parquet Général et soutient que la décision doit être infirmée dés lors que les critères de l'ordre public d'une part et celui de la délivrance du laissez-passer consulaire à bref délai sont réunies.
Le conseil de [W] [K] [S] a été entendu en sa plaidoirie pour solliciter la confirmation de l'ordonnance déférée.
[W] [K] [S] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il a déjà fait 62 jours, que le jour des faits qui ont donné lieu à sa condamnation il n'était pas dans son état normal et ajoute que sinon il ne fait pas de bêtises. Sa femme [T] est handicapée et a besoin de lui au quotidien. Il a déjà fait 60 jours de CRA lorsqu'il est sorti de prison en 2023 et exprime sa lassitude.
MOTIVATION
Attendu que l'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ;
Attendu que l'article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;
2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :
a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;
b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.»
Attendu que l'autorité administrative fait valoir dans sa requête que :
- l'intéressé est dépourvu de document d'identité et de voyage, l'obligeant à engager des démarches consulaires en vue de la délivrance d'un laissez-passer consulaire, en ce qu'il a été reconnu par les autorités consulaires algériennes par un courrier en date du 19 janvier 2024 dans lequel elles se déclarent disposées à délivrer un laissez-passer à la réception d'un routing;
- ce routing a été demandé dès l'arrivée de l'intéressé au centre de rétention et un premier vol prévu pour le 15 mai 2024 a dû être annulé faute de laissez-passer consulaire ;
- le 14 mai 2024 les autorités consulaires algériennes ont été relancées et un nouveau routing a été demandé et obtenu pour le 01 juillet prochain,
- le comportement de [W] [K] [S] caractérise une menace pour l'ordre public ;
Attendu que le seul fait d'être frappé d'une interdiction du territoire par une juridiction pénale caractérise la menace pour l'ordre public, étant précisé que cette condamnation est récente pour avoir été prononcée le 01 février 2023 et qu'il est produit également l'extrait de décision pénale qui établit que [W] [K] [S] a été condamné par le tribunal judiciaire de Lyon le 13 décembre 2023 à la peine de 9 mois d'emprisonnement pour des faits de violences sur un militaire de la gendarmerie sans incapacité et outrage à personne dépositaire de l'autorité publique ;
Attendu qu'il est ainsi caractérisé que le comportement de [W] [K] [S] représente une menace pour l'ordre public contrairement à ce que le premier juge a retenu ;
Attendu en outre que les diligences justifiées par la préfecture suffisent à établir que le laissez-passer consulaire doit intervenir dans le bref délai qui subsiste puisque par courrier du 19 janvier 2024 le consulat d'Algérie a formulé son accord pour la délivrance d'un laissez-passer consulaire et que si cette délivrance n'a pas pu prospérer à ce jour pour les routing déjà programmés il ne peut pas être présumé que cette délivrance n'interviendra pas alors qu'il est justifié que le prochain vol est fixé au 01 juillet prochain ;
Qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise est infirmée et qu'il est fait droit à la requête en prolongation de la rétention administrative de [W] [K] [S] qui remplit les conditions légales pour ce faire ;
PAR CES MOTIFS
Infirmons l'ordonnance déférée
Statuant à nouveau
Ordonnons la prolongation de la rétention administrative de [W] [K] [S] pour une durée de 15 jours.
Le greffier, Le conseiller délégué,
Ynes LAATER Isabelle OUDOT