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19/06/2024 | FRANCE | N°24/04979

France | France, Cour d'appel de Lyon, Retentions, 19 juin 2024, 24/04979


N° RG 24/04979 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXNO



Nom du ressortissant :

[K] [U]







[U]



C/

PREFETE DU RHÔNE



COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





ORDONNANCE DU 19 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers





Nous, Marianne LA MESTA, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les p

rocédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,



Assistée de Ynes L...

N° RG 24/04979 - N° Portalis DBVX-V-B7I-PXNO

Nom du ressortissant :

[K] [U]

[U]

C/

PREFETE DU RHÔNE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 19 JUIN 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Marianne LA MESTA, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 4 janvier 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Ynes LAATER, greffière,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 19 Juin 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [K] [U]

né le 24 Novembre 1975 à[Localité 4]E

de nationalité Dominicaine

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de[3]1

comparant assisté de Maître Valentin CARRERAS, avocat au barreau de LYON, commis d'office

ET

INTIMEE :

Mme PREFETE DU RHÔNE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant assisté de Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 19 Juin 2024 à17h00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision en date du 18 avril 2024, prise jour de la levée d'écrou de [K] [U] du centre pénitentiaire de Villefranche-sur-Saône à l'issue de l'exécution d'une peine d'un an d'emprisonnement prononcée le 19 octobre 2023 par le tribunal correctionnel de Lyon pour des faits de détention non autorisée de stupéfiants, transport non autorisé de stupéfiants, conduite d'un véhicule sans permis, circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance et transport, sans motif légitime, d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B, la préfète du Rhône a ordonné le placement en rétention de l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour l'exécution d'un arrêté de remise aux autorités italiennes assorti d'une interdiction de circuler sur le territoire français pour une durée de trois ans édicté et notifié le 18 avril 2024 par l'autorité administrative.

Par ordonnance du 20 avril 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a déclaré régulièrela décision de placement en rétention de [K] [U] et ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours.

Suite à la réception, le 16 mai 2024, de la décision de refus de réadmission de [K] [U] prise le 12 mai 2024 par les autorités italiennes, la préfète du Rhône a édicté et notifié le 16 mai 2024 à l'intéressé une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai.

A la même date, la préfète du Rhône a pris un arrêté rectificatif du placement en rétention administrative.

Par ordonnance du 18 mai 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a prolongé la rétention administrative de [K] [U] pour une durée supplémentaire de trente jours.

Par jugement du 22 mai 024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le recours exercé par [K] [U] à l'encontre de la mesure d'éloignement du 16 mai 2024.

Suivant requête du 14 juin 2024, enregistrée le 16 juin 2024 à 15 heures 13 par le greffe, la préfète du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention de [K] [U] pour une durée de 15 jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 17 juin 2024 à 12 heures 09, a fait droit à la requête du préfète du Rhône.

[K] [U] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration reçue au greffe le 18 juin 2024 à 09 heures 12, en faisant valoir que sa situation ne répond pas aux conditions de la troisième prolongation, telles que visées par l'article L.742-5 du CESEDA.

Il demande en conséquence l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 19 juin 2024 à 10 heures.

[K] [U] n'a pas comparu, ayant fait savoir aux policiers chargés de l'escorter qu'il ne voulait pas se présenter sans donner plus d'explications, ainsi qu'il ressort du procès-verbal établi le 19 juin 2024 à 9 heures 30 par les services de la police aux frontières du centre de rétention administrative n°1.

Entendu en sa plaidoirie, le conseil de [K] [U], qui a accepté de le représenter, a soutenu les termes de la requête d'appel.

La préfète du Rhône, représentée à l'audience par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de [K] [U], relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), est déclaré recevable. 

Sur le bien fondé de la requête

L'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

L'article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4, lorsqu'une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ;

2° L'étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d'éloignement :

a) une demande de protection contre l'éloignement au titre du 5° de l'article L. 631-3 ;

b) ou une demande d'asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public.» 

En l'espèce, [K] [U] soutient que sa situation ne répond pas aux conditions posées par ce texte. Il observe ainsi que sa présence en France n'est nullement constitutive d'une menace pour l'ordre public, puisque sa condamnation du 19 octobre 2023 est la seule dont il a fait l'objet sur le territoire français et qu'il a adopté un comportement irréprochable en détention. Il estime par ailleurs qu'il ne peut être retenu qu'il a fait obstruction à son éloignement, dès lors qu'il est titulaire d'un droit au séjour permanent en Italie où il souhaite se rendre pour rejoindre sa famille et que le refus de réadmission des autorités italiennes est uniquement fondé sur le manque de diligences de la préfecture du Rhône laquelle n'a pas respecté les délais légaux pour la demande de réadmission, ce qui a entraîné un rejet pour irrecevabilité sans examen au fond.

Il ressort de l'analyse des pièces de la procédure, et en particulier de la requête en prolongation de la rétention de [K] [U] formalisée par l'autorité préfectorale:

- que celui-ci dispose d'un passeport dominicain valable jusqu'au 7 août 2029 mais aussi d'un titre de séjour en Italie dont la validité a été vérifiée pendant son incarcération par le Centre de Coopération Policière et Douanière (CCPD) de Vintimille auprès des autorités italiennes qui ont répondu positivement le 26 mars 2024, de sorte que la préfète du Rhône a sollicité l'organisation d'un routing vers l'Italie dès le 19 avril 2024 auprès de la Division Nationale de l'Eloignement du Ministère de l'Intérieur,

- que de son côté, [K] [U] a proposé de payer lui-même son billet vers l'Italie avec un départ possible le 12 mai 2024,

- que cette requête de l'intéressé ayant été transmise le 10 mai 2024 à la préfecture du Rhône, celle-ci a saisi le CCPD de Vintimille le 11 mai 2024 pour savoir si la demande de réadmission pouvait être traités en urgence par les autorités italiennes,

- que le 14 mai 2024, la Division Nationale de l'Eloignement a communiqué un plan de voyage pour Rome aux services préfectoraux, le vol étant programmé le 17 mai 2024,

- que le 16 mai 2024, le CCPD de Vintimille a envoyé à la préfecture du Rhône la décision prise le 12 mai 2024 par les autorités italiennes portant refus de réadmission de [K] [U],

- que le jour-même, après avoir édicté une obligation de quitter le territoire français sans délai et pris un arrêté rectificatif de maintien en rétention administrative, la préfète du Rhône a formulé une demande de routing vers la République Dominicaine auprès de la Division Nationale de l'Eloignement qui a répondu positivement le 29 mai 2024,

- que [K] [U] a toutefois refusé d'embarquer à bord du vol programmé le 3 juin 2024 à destination de Saint Domingue, comme l'ont rapporté les services de la police aux frontières dans un rapport établi le 3 juin 2024 à 10 heures 15,

- que l'autorité administrative a saisi le pôle central d'Eloignement d'une nouvelle demande de routing dès le 3 juin 2024,

- qu'un autre plan de voyage est désormais réservé pour le 24 juin 2024,

- qu'en parallèle le 5 juin 2024, la préfète du Rhône a de nouveau adressé une demande de réadmission aux autorités italiennes qui ont immédiatement opposé un second refus.

Au regard de ces éléments circonstanciés, il sera retenu, à l'instar du premier juge, que [K] [U] a fait preuve, au cours de la seconde période de prolongation, d'un comportement d'obstruction à l'exécution de la mesure d'éloignement sur le fondement de laquelle il a été maintenu en rétention par l'autorité administrativeà compter du 16 mai 2024, en refusant d'embarquer à bord du vol à destination de la République Dominicaine prévu le 3 juin 2024.

Cette attitude, expressément visée par l'article L.742-4 2° du CESEDA suffit à elle-seule à justifier la prolongation de la rétention administrative pour une durée supplémentaire de trente jours.

Il sera relevé qu'outre le fait que [K] [U] n'invoque aucun fondement textuel à l'appui de ses allégations selon lesquelles la préfecture du Rhône n'a pas réalisé les diligences attendues auprès des autorités italiennes en vue de sa réadmission sur ce territoire, pas plus d'ailleurs qu'il ne rapporte la preuve de ses affirmations au sujet des motifs de ce refus de réadmission, les griefs qu'il formule à cet égard sont totalement inopérants dans le cadre de la présente procédure, puisqu'ils visent en réalité à contester le pays de renvoi, question sur laquelle le juge judiciaire ne peut porter d'appréciation, sauf à excéder ses pouvoirs, seul le juge administratif étant en effet compétent à cette fin.

Le premier juge doit en tout état de cause être également approuvé, en ce qu'il a souverainement apprécié, par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que la condamnation de [K] [U] à la peine de 12 mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Lyon le 19 octobre 2023 pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et des faits de transport, sans motif légitime, d'arme, munition ou de leurs éléments de catégorie B caractérise suffisamment la menace pour l'ordre public, telle que visée par le dernier alinéa de l'article L. 742-5 dernier alinéa du CESEDA.

La situation de [K] [U] répondant par conséquent à deux des critères posés par l'article précité pour autoriser la troisième prolongation exceptionnelle de la rétention, l'ordonnance entreprise sera confirmée, dès lors qu'il suffisait que le retenu remplisse l'une des conditions prévues par ce texte pour justifier la poursuite de la mesure.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [K] [U],

Confirmons l'ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Ynes LAATER Marianne LA MESTA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Retentions
Numéro d'arrêt : 24/04979
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;24.04979 ?
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