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19/06/2024 | FRANCE | N°21/01915

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 19 juin 2024, 21/01915


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 21/01915 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOYB



[E]

C/

Société SOCIETE MOUNIER DAVID

SOCIÉTÉ D'AFFRETEMENT DE TRANSPORTS FRIGORIFIQUES PERRIN ET PICHON



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 08 Mars 2021

RG :19/00168



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 19 JUIN 2024





APPELANT :



[Z] [E]

[Adresse 1]

[Ad

resse 1]



représenté par Me Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMÉES :



Société MOUNIER DAVID

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Amaury CANTAIS, avocat au barreau de LYON et...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/01915 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOYB

[E]

C/

Société SOCIETE MOUNIER DAVID

SOCIÉTÉ D'AFFRETEMENT DE TRANSPORTS FRIGORIFIQUES PERRIN ET PICHON

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 08 Mars 2021

RG :19/00168

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 19 JUIN 2024

APPELANT :

[Z] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉES :

Société MOUNIER DAVID

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Amaury CANTAIS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Vincent LE FAUCHEUR de la SELEURL Cabinet Vincent LE FAUCHEUR, avocat au barreau de PARIS

SOCIÉTÉ D'AFFRETEMENT DE TRANSPORTS FRIGORIFIQUES PERRIN ET PICHON

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Bernard ROUSSET de la SCP BERNARD ROUSSET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Mars 2024

Présidée par Anne BRUNNER, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Catherine MAILHES, présidente

- Nathalie ROCCI, conseillère

- Anne BRUNNER, conseillère

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [Z] [E] a été engagé à compter du 15 avril 2014 par la société Mounier David, entreprise de travail temporaire, par contrats de mission en qualité de chauffeur Poids Lourd et a été mis à disposition de la société d'Affrètement de Transports Frigorifiques Perrin et Pichon.

La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment de la rupture des relations contractuelles.

À partir du 5 avril 2017, M. [E] a été placé en arrêt maladie.

Le dernier contrat de travail a pris fin le 21 avril 2017.

Le 19 avril 2019, M. [Z] [E], soutenant qu'il avait toujours occupé le même emploi au sein de l'entreprise utilisatrice et qu'il n'avait pas été rempli de ses droits, s'agissant de ses compléments de salaire, a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Etienne, aux fins de voir requalifier le contrat de mission intérim en contrat de travail à durée indéterminée et voir la société Mounier David et la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon condamnées à lui verser :

une indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés afférente ;

une indemnité légale de licenciement ;

une indemnité de requalification ;

un complément de salaire jusqu'au 23 janvier 2019 ;

des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à lui remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés avec astreinte, au paiement des intérêts au taux légal.

La société Mounier David a été convoquée devant le bureau de jugement par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 26 avril 2019.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon a été convoquée devant le bureau de jugement par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 26 avril 2019.

La société Mounier David s'est opposée aux demandes du salarié et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celui-ci au versement de la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon s'est opposée aux demandes du salarié et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de celui-ci au versement de la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 8 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Saint Etienne a :

dit n'y avoir lieu à statuer sur l'exception de procédure soulevée in limine litis par la SARL Mounier David ;

dit que l'action en requalification en contrat à durée indéterminée présentée par M. [Z] [E] n'est pas prescrite ;

débouté M. [Z] [E] de sa demande de requalification de son contrat de mission prenant effet au 15 avril 2014 en contrat à durée indéterminée et rejeté en conséquence, les demandes indemnitaires afférentes ;

débouté M. [Z] [E] de sa demande en paiement de complément de salaire ;

débouté M. [Z] [E], la société Perrin Pichon et la société Mounier David de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

débouté M. [Z] [E], la société Perrin Pichon et la société Mounier David du surplus de leurs demandes ;

condamné M. [Z] [E] aux entiers dépens de l'instance.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 15 mars 2021, M. [Z] [E] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement qui lui a été adressé le 8 mars 2021, mais avait été retourné au greffe par les services postaux, aux fins d'infirmation en ce qu'il l'a débouté de ses des demandes de requalification du contrat prenant effet au 15 avril 2014, en contrat à durée indéterminée, de condamnation solidaire des sociétés d'Affrètement de Transports Frigorifiques Perrin et Pichon et Mounier David au paiement de la somme de 6 000 euros nets au titre de l'indemnité de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de la somme de 6 049,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 604,93 euros au titre des congés payés afférents, de la somme de 30 000 euros nets à titre de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la somme de 2 098,71 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de la somme de 140 euros à titre de rappel de salaire pour les périodes non travaillées séparant les missions de travail temporaire, outre 14 euros au titre des congés payés afférents, de sa demande tendant à se déclarer compétent s'agissant de la demande en condamnation de l'employeur au titre des compléments de salaires et à condamner solidairement les sociétés d'Affrètement de Transports Frigorifiques Perrin et Pichon ainsi que la société Mounier David au paiement de la somme de 17 969,65 euros à titre de rappel de complément de salaire et au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 15 juin 2021, M. [Z] [E] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

dire ses demandes non prescrites,

requalifier le contrat prenant effet au 15 avril 2014 en contrat à durée indéterminée, compte tenu de la violation de l'interdiction de recours au contrat de mission temporaire pour pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;

condamner solidairement la société Mounier David et la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon au paiement de la somme de 6 000 euros nets au titre de l'indemnité de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

condamner solidairement la société Mounier David et la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon au paiement de la somme de 6 049,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 604,93 euros au titre des congés payés afférents ;

condamner solidairement la société Mounier David et la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon au paiement de la somme de 30 000 euros nets à titre de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamner solidairement la société Mounier David et la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon au paiement de la somme de 2 098,71 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

Condamner solidairement la société Mounier David et la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon au paiement de la somme de 140 euros à titre de rappel de salaire pour les périodes non travaillées séparant les missions de travail temporaire, outre 14 euros au titre des congés payés afférents ;

Se déclarer compétent s'agissant de la demande en condamnation de l'employeur au titre des compléments de salaires,

condamner solidairement la société Mounier David et la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon au paiement de la somme de 17 969,65 euros à titre de rappel de complément de salaire ;

condamner solidairement la société Mounier David et la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon au paiement de l'intérêt légal à compter de la saisine pour les sommes revêtant un caractère salarial, à compter du jugement concernant les dommages et intérêts ;

condamner solidairement la société Mounier David et la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me JOSSERAND, Avocat sur son affirmation de droit.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 2 août 2021, la société Mounier David demande à la cour de confirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [Z] [E] de de sa demande de requalification et rejeté les demandes indemnitaires afférentes, rejeté la demande en paiement de complément de salaires et débouté M. [E] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure

A titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement

I. In limini litis, sur l'incompétence du Conseil de prud'hommes et a fortiori de la Chambre sociale de la Cour d'appel pour statuer sur l'appel en garantie formulé par la société Perrin et Pichon

se déclarer incompétent pour statuer sur l'appel en garantie de la société Perrin et Pichon au profit du Tribunal de commerce de Saint-Etienne

II. Sur la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée :

constater qu'elle n'a manqué à aucune des obligations qui lui incombe ;

dire qu'elle n'a nullement manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société Perrin et Pichon ;

En conséquence,

juger que l'indemnité de requalification ne peut être prononcée qu'à l'encontre de la société Perrin Pichon, entreprise utilisatrice ;

fixer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à un maximum de 6 mois de salaires ;

débouter M. [E] de sa demande rappels de salaire intermission et de congés payés y afférents ;

débouter la société Perrin et Pichon de son appel en garantie à son encontre.

En tout état de cause,

condamner M. [E] à verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 13 septembre 2021, la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon demande à la cour

Au principal,

Infirmer le jugement et déclarer prescrite l'action de M. [E] à son encontre, pour avoir été exercée plus de deux ans après le terme du dernier contrat de mission effectif ;

Subsidiairement,

Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes et débouter Monsieur [E] de toutes ses demandes fins et conclusions, à défaut d'existence des conditions de requalification des contrats de mission temporaire en contrat à durée indéterminée, la preuve d'un emploi durablement pourvu dans le cadre d'une activité normale et permanente de l'entreprise n'étant pas administrée par le salarié ;

Très subsidiairement,

En cas d'infirmation sur le fond du jugement du Conseil de Prud'hommes,

débouter Monsieur [E] de sa demande en paiement d'une indemnité de requalification, de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive du contrat, de sa demande en paiement d'indemnité de licenciement, de sa demande en paiement de salaire au titre des périodes interstitielles, de sa demande en paiement de complément de salaire consécutif à l'arrêt maladie du 5 avril 2017 et de ses demandes en paiement de congés payés au titre du préavis et des compléments de salaire ;

dire que les éventuelles condamnations prononcées seront mises à la charge exclusive de la société Mounier David ;

En tant que de besoin, condamner la société Mounier David à la garantir de toutes condamnations prononcées contre elle ;

débouter M. [E] et la société Mounier David du surplus de leurs demandes fins et conclusions à son encontre ;

condamner M. [E] ou qui mieux le devra au paiement d'une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

condamner M. [E] ou qui mieux le devra aux entiers dépens de l'instance.

La clôture des débats a été ordonnée le 15 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

SUR CE,

Sur la demande de requalification

Sur la prescription de l'action de M. [Z] [E] :

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon soutient que :

le dernier jour travaillé de M. [Z] [E] est le jeudi 30 mars 2017 et s'inscrivait dans le cadre d'un contrat de mission entre le 4 mars et le 1er avril 2017 ;

M. [Z] [E] n'a jamais plus travaillé pour son compte après cette date ;

le salarié prétend qu'il aurait fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie, à compter du 5 avril 2017, de sorte qu'il aurait dû, dans l'hypothèse d'un contrat de mission entre le 2 et le 21 avril 2017, travailler les 3 et 4 avril 2017 ;

le contrat de mission allégué avec un terme au 21 avril 2017 n'a jamais été effectif en ce qui la concerne ;

le terme du dernier contrat de mission est donc le dernier jour de travail, soit le 30 mars ou le 1er avril si l'on se réfère à la lettre du contrat ;

l'action engagée par M. [Z] [E] le 19 avril 2019 est prescrite.

Le salarié fait valoir que :

le point de départ du délai de prescription, d'une durée de deux ans, est le terme du dernier contrat de mission ;

il a saisi le conseil de prud'hommes le 19 avril 2019 ;

il a signé un contrat de mission temporaire du 2 au 21 avril 2017 ;

son action n'est pas prescrite.

La société Mounier David ne fait pas d'observations.

***

Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Aux termes de l'article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de mission à l'égard de l'entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

L'entreprise de travail temporaire verse aux débats le contrat de mission, signé le 7 octobre2016, pour le remplacement d'un salarié absent pour maladie, M. [N], renouvelé le 28 octobre 2016, le 18 novembre 2016, le 11 décembre 2016, le 29 décembre 2016, le 20 janvier 2017, le 10 février 2017, le 3 mars 2017 et enfin, le 31 mars 2017, pour une mise à disposition auprès de la société Perrin Pichon du 2 avril au 21 avril 2017, aux fins de remplacer M. [N].

Le terme du dernier contrat de mission est donc le 21 avril 2017.

Le salarié ayant saisi le conseil de prud'hommes le 19 avril 2019, son action n'est pas prescrite. Le jugement, qui a rejeté l'exception de prescription, sera confirmé.

Sur la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée :

Le salarié fait valoir que :

il a travaillé au sein de la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon, régulièrement, à compter du 15 avril 2014 ;

il a perdu ses contrats de travail dans un incendie mais a conservé ses fiches de paie du mois de mai 2014 au mois de mars 2017 ;

il a ainsi régularisé 16 contrats en 2014, 27 contrats en 2015 et 17 contrats en 2016, ce qui révèle l'absence de caractère exceptionnel du recours aux contrats de mission ;

il a été affecté systématiquement au même poste de travail, de chauffeur Poids Lourd, et au même véhicule ;

sur une période de trois ans, la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon n'a pas eu recours à ses services pendant 5 semaines et 5 jours ;

l'employeur a entendu pourvoir durablement à un emploi permanent.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon fait soutient que :

M. [Z] [E] n'a pas commencé à travailler le 15 avril 2014 mais le 15 mars 2014 ;

les contrats de mission ont été conclus avec des objets différents, soit un surcroit d'activité, soit encore le remplacement de salariés absents ;

aucun véhicule ne lui a été spécifiquement attribué ;

il n'a pas été affecté au même poste de travail même si il accomplissait toujours la fonction de chauffeur poids-lourd.

La société Mounier David estime qu'aucune requalification en contrat de travail à durée indéterminée ne peut prospérer à son encontre. Elle objecte que c'est l'entreprise utilisatrice qui est seule responsable du respect des différentes dispositions visées par l'article L. 1251-40 du code du travail et qu'un salarié ne peut pas solliciter la condamnation de l'entreprise de travail temporaire en raison de la violation des cas de recours incombant à l'entreprise utilisatrice. Elle ajoute qu'en cas de litige sur la véracité du motif du recours, il appartient à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve du motif invoqué.

***

L'article L. 1251-5 du code du travail dispose que le contrat de travail temporaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale permanente de l'entreprise utilisatrice, quel que soit son motif.

Selon l'article L. 1251-6 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7 du même code, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée 'mission' et seulement dans les cas qu'il prévoit, parmi lesquels, 'l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise'.

L'article L. 1251-40 du code du travail dispose que 'lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L1251-5 à L 1251-7 et L1251-10 à L. 1251-12, L1251-30 et L1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.'

Il appartient à l'entreprise utilisatrice, et non au salarié, de justifier de la réalité du motif de recours invoqué et de son caractère temporaire. Le recours aux contrats précaires ne pouvant s'inscrire ni dans un accroissement durable et constant d'activité, ni dans le cadre d'une gestion visant à faire face à un besoin structurel de main-d''uvre.

En l'espèce, la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon admet avoir eu à sa disposition M. [E], à compter du 15 mars 2014 et elle verse aux débats la liste des contrats de mission, conclus depuis cette date, sur laquelle elle a mentionné, la date de début et de fin de chaque contrat, le motif du recours, le nom du client concerné (Casino, Brake ou Prenot) en cas de surcroit d'activité et le nom du salarié remplacé en cas de remplacement, sans que ne soit précisé le motif de l'absence. A partir de 2016, l'immatriculation du véhicule utilisé est indiquée.

Pour justifier de la réalité du motif de recours et de son caractère temporaire, la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon ne verse aucun élément.

En conséquence, au contraire de ce qu'ont dit les premiers juges, le salarié peut faire valoir auprès de la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon, entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Il y a lieu de requalifier les contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée, prenant effet au 15 avril 2014, comme demandé par le salarié. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Le salarié n'invoque aucun non-respect de règles par l'entreprise de travail temporaire. En conséquence, le jugement qui a rejeté la demande de requalification et les demandes subséquentes formulées à l'encontre de la société Mounier David est confirmé.

Sur les conséquences de la requalification :

Sur le rappel de salaire s'agissant des périodes non travaillées entre deux contrats de mission :

Le salarié fait valoir qu'il n'a pas travaillé au sein d'une autre entreprise, entre les missions, compte tenu des très courtes durées les séparant et qu'il devait se tenir à disposition car il ne connaissait ses dates de mission qu'au fur et à mesure. Il ajoute qu'il n'a pas travaillé le 6 mai 2016 et le 27 mai 2016 et formule une demande de rappel de salaire à ce titre.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon estime que toute condamnation devrait être mise à la charge de la société Mounier David, qui devra la garantir en tant que de besoin.

La société Mounier David objecte que :

cette demande ne peut prospérer à son encontre et ne peut être dirigée qu'à l'encontre de l'entreprise utilisatrice ;

M. [Z] [E] ne rapporte pas la preuve qu'il s'est tenu à disposition de la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon depuis son premier contrat de mission.

***

Il incombe au salarié qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles de rapporter la preuve qu'il est resté à la disposition de l'employeur durant les périodes séparant deux contrats de travail temporaire.

Le salarié s'appuie sur les calendriers récapitulatifs des périodes travaillées, ce qui est insuffisant à démontrer qu'il s'est tenu à disposition de l'employeur. Dès lors, le jugement qui a rejeté la demande de rappel de salaire, au titre des périodes interstitielles, est confirmé.

Sur l'indemnité de requalification

Le salarié fait valoir que :

son dernier salaire, versé au mois de mars 2017, s'est élevé à la somme de 5 863,69 euros ;

il est fondé à solliciter la condamnation solidaire de la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon et de la société Mounier David à lui payer la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité de requalification.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon soutient que :

le salaire perçu au mois de mars inclut une indemnité de fin de contrat ;

la moyenne des 12 derniers mois de travail est 3 024,65 euros brut et c'est cette somme qui doit servir de base à l'évaluation de l'indemnité de requalification ;

toute condamnation devrait être mise à la charge de la société Mounier David, qui devra la garantir en tant que de besoin.

La société Mounier David objecte que la demande de M. [Z] [E] ne peut prospérer à son encontre et cette indemnité ne pourrait être mise, le cas échéant qu'à la charge de l'entreprise utilisatrice.

***

En application de l'article L. 1251-41 du code du travail, M. [Z] [E] a droit à une indemnité de requalification dont le montant ne peut pas être inférieur à un mois de salaire, calculé selon la moyenne de salaire mensuel, dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud'homale.

Cette indemnité est à la charge de l'entreprise utilisatrice.

L'indemnité de fin de contrat est destinée à compenser la précarité du salarié, ce qui exclut son intégration dans le calcul des salaires moyens versés en raison de l'emploi de l'intéressé. En conséquence, il y a lieu de l'exclure de l'assiette de calcul de l'indemnité de requalification.

Sur la base de la moyenne des salaires, au titre du dernier contrat, laquelle s'élève à 2 960,90 euros, la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon sera condamnée au paiement de la somme de 3 500 euros à titre d'indemnité de requalification, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur l'indemnité de licenciement :

Le salarié fait valoir que, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, il convient de retenir une ancienneté de 3 ans et 1 mois. Il soutient que la moyenne des trois derniers mois de salaire ressort à 3 404 euros.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon s'oppose à la demande, estimant que les conditions d'un licenciement abusif ne sont pas remplies et que toute condamnation devrait être mise à la charge de la société Mounier David, qui devra la garantir en tant que de besoin.

***

Conformément à l'article L. 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable du 27 juin 2008 au 24 septembre 2017, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement, dont les modalités de calcul sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail.

Selon l'article R. 1234-2 du code du travail dans sa version en vigueur du 20 juillet 2008 au 27 septembre 2017, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Article R1234-4 du code du travail ; le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

Au vu des fiches de paie du mois d'avril 2016 au mois de mars 2017, la moyenne des 3 derniers mois ressort à la somme de 2 936,05 euros, tandis que celle des 12 derniers mois de salaires ressort à 2 774,05 euros. La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon soutient qu'il y a lieu de retenir la somme de 3 024,65 euros au titre de la moyenne des 12 derniers mois, l'indemnité de licenciement sera calculée sur cette base et la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon condamnée au paiement de la somme de 1 966,02 euros à titre d'indemnité de licenciement, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents :

Le salarié fait valoir qu'il justifie d'une ancienneté de 2 ans et 11 mois de sorte qu'il a droit au paiement d'une indemnité de préavis de deux mois de salaire, soit, sur la base d'un salaire moyen au cours des douze derniers mois s'élevant à 3 024,65 euros, la somme de 6 049,30 euros.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon soutient que cette indemnité n'est pas due d'une part parce que le salarié a cessé de travailler en raison d'un arrêt de travail pour maladie et d'autre part, parce qu'il n'aurait pas été en mesure d'exécuter son préavis.

La société Mounier David objecte qu'elle n'a manqué à aucune de ses obligations de sorte qu'aucune condamnation au titre des conséquences indemnitaires d'une éventuelle requalification ne peut être prononcée à son encontre.

***

Selon l'article 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Aux termes de l'article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

L'indemnité compensatrice de préavis se cumule avec l'indemnité de licenciement et avec l'indemnité prévue à l'article L. 1235-2.

Il résulte de l'article L. 1234-5 du code du travail que lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié, qui le demande, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents.

Le licenciement de M. [E] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il a droit à l'indemnité compensatrice de préavis quand bien même il aurait été dans l'impossibilité de l'exécuter en raison de son état de santé.

Il y a lieu de condamner la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon à payer à M. [Z] [E] la somme de 6 049,30 euros à titre d'indemnité de préavis, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le salarié fait valoir que :

compte tenu de la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture du contrat est considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

il justifie d'une ancienneté de près de trois ans et d'un salaire mensuel de 3 404 euros sur la base des trois derniers mois de salaire ;

il a subi un important préjudice.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon soutient que :

seule la situation d'arrêt de travail de M. [Z] [E] est à l'origine de son absence postérieure au 30 mars 2017 ;

c'est la société Mounier David qui a choisi d'affecter M. [Z] [E] dans des conditions non conformes aux exigences légales et jurisprudentielles et doit donc endosser les obligations de l'employeur en la matière.

La société Mounier David objecte que :

la demande de M. [Z] [E] est excessive compte tenu de l'absence de justification de son préjudice ;

la cour ne pourrait attribuer à M. [Z] [E] une indemnité dépassant 6 mois de salaire

***

M. [Z] [E] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement au moins onze salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (33 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de son salaire mensuel brut de 3 024,65 euros, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon à verser à M. [Z] [E] la somme de 19 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur le complément de salaire consécutif à l'arrêt maladie du 5 avril 2017 :

Le salarié fait valoir que :

la convention collective des salariés intérimaires assure un complément de salaire, à hauteur de 50% du salaire de base de la dernière mission, outre s'agissant d'un arrêt supérieur à 95 jours, le bénéfice d'un complément de salaire à hauteur de 25% du salaire de base de la dernière mission ;

cette indemnité se cumule avec les indemnités journalières dans la limite du salaire net de la dernière mission ;

la base de calcul est le salaire brut horaire, outre les primes générales, constantes et fixes , les primes et indemnités liées aux conditions de travail et à la durée du travail, à l'exclusion des remboursements de frais et indemnités de congés payés et de fin de mission ;

il a écrit à la société Mounier David avant de saisir le conseil de prud'hommes ;

le conseil de prud'hommes est compétent pour trancher le différend opposant un salarié à son ancien employeur, relatif aux compléments de salaire servis par l'organisme de prévoyance ;

il a été placé en arrêt maladie depuis le 5 avril 2017, sans interruption ;

il a perçu des compléments de salaire de l'organisme de prévoyance mais n'a pas été rempli de ses droits, le complément ayant été calculé non pas sur la moyenne des douze derniers mois mais de son salaire de base au travers du taux horaire, alors que son salaire était majoré d'heures supplémentaires et d'heures de nuit.

Il détaille le calcul des sommes qu'il estime lui être dues, entre le 5 avril 2017 et le mois d'avril 2019.

La société Mounier David objecte que :

le salarié a été placé en arrêt maladie à compter du 5 avril 2017 et son dernier contrat de mission s'est terminé le 21 avril 2017 ;

elle était en charge de verser l'indemnité complémentaire jusqu'à cette date ;

à compter du 22 avril 2017, l'organisme assureur, AG2R, a pris le relais conformément aux dispositions conventionnelles ;

la demande de complément de salaire, qui concerne la période postérieure au 22 avril 2017 ne peut être dirigée qu'à l'encontre d'AG2R ;

l'indemnité de fin de mission, l'indemnité compensatrice de congés payés sont exclues du salaire brut ;

les heures supplémentaires ne peuvent être considérées comme une prime ou une indemnité liée à la durée du travail ;

seules les primes de nuit peuvent être intégrées dans le salaire brut servant de base de calcul du complément de salaire.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon soutient que :

seule la société Mounier David a la qualité d'employeur en droit ;

elle ne saurait être concernée par cette demande qui sera déclaré irrecevable ;

toute condamnation devrait être mise à la charge de la société Mounier David, qui devra la garantir en tant que de besoin.

***

Aux termes de l'article 1.2.3. de l'accord du 10 juillet 2009 relatif aux garanties prévoyance des intérimaires non cadres, dans sa version applicable en l'espèce, pour les arrêts de travail supérieurs à 95 jours, l'indemnité complémentaire est payée directement par l'entreprise de travail temporaire jusqu'au terme prévu de la mission.

L'indemnité complémentaire est payée directement par l'organisme assureur lorsque l'absence pour maladie se poursuit au-delà du terme prévu de la mission.

Le salarié livre un calcul de cette indemnité complémentaire à compter du 5 avril 2017 et jusqu'au mois d'avril 2019 inclus.

La mission ayant pris fin le 21 avril 2017, M. [Z] [E] peut solliciter de la société Mounier David un éventuel rappel sur indemnité complémentaire jusqu'à cette date. Pour le surplus, sa demande est mal dirigée puisqu'elle doit l'être contre l'organisme assureur.

Selon l'article 1.1.4 de cet accord, pendant la durée prévue de la mission ['], l'indemnité complémentaire versée par l'entreprise de travail temporaire est égale à :

' 50 % du salaire de base de la mission suspendue, pendant les 30 premiers jours calendaires d'indemnisation ;

' 25 % du même salaire, pendant les 61 jours calendaires d'indemnisation suivants.

[']

La totalité des indemnités perçues par le salarié (indemnités journalières de la sécurité sociale et indemnités complémentaires) ne peut excéder 100 % du salaire net de la dernière mission.».

Selon l'article 4.0.2 de cet accord, par salaire de base de la mission, il y a lieu d'entendre le salaire brut qu'aurait perçu le salarié s'il avait effectivement travaillé, calculé au jour de l'arrêt de travail, en fonction de la durée du travail prévue au contrat de mission. Le salaire brut comprend le salaire brut horaire de base, les primes présentant un caractère de généralité, de constance et de fixité (par exemple 13e mois) ainsi que les primes et indemnités liées aux conditions de travail (par exemple, prime de froid) et à la durée du travail, à l'exception des remboursements de frais, de l'indemnité de fin de mission et de l'indemnité compensatrice de congés payés.

La durée du travail prévue au contrat de mission est de 35 heures par semaine, et le taux horaire brut de 10 euros.

Les heures supplémentaires ne sont pas inclues dans le salaire de base de la mission selon l'accord de prévoyance et il n'est donc pas établi que le salarié aurait perçu une indemnité complémentaire au titre de la période du 5 avril 2017 au 21 avril 2017, calculée sur une base erronée.

Le jugement, qui a rejeté la demande du salarié au titre du complément de salaire est donc confirmé.

Sur l'appel en garantie de la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon à l'encontre de la société Mounier David :

La société Mounier David soulève l'incompétence de de la chambre sociale pour statuer sur cet appel en garantie en ce qu'il s'agit d'une action diligentée entre deux sociétés commerciales.

Elle souligne qu'aucune disposition particulière ne permet au conseil de prud'hommes de statuer sur une demande incidente relevant de la compétence du tribunal de commerce, s'agissant d'une action en responsabilité contractuelle entre deux sociétés commerciales.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon réplique que

en cas de condamnation in solidum contre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice, le juge doit déterminer la contribution de chacun des co-obligés dans la réparation du dommage ;

le conseil de prud'hommes aurait été compétent pour trancher les demandes formulées contre la société Mounier David et la Cour l'est également.

***

Aux termes de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

En l'espèce, M. [Z] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de demandes de condamnation solidaires dirigées contre l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice.

Le recours en garantie entre ces deux sociétés relève de la compétence de la juridiction sociale.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon soutient que :

elle a fait choix de recourir à une entreprise de travail temporaire, pour remplacer des salariés absents ou faire face à un surcroit d'activité ;

elle a rémunéré la prestation de la société Mounier David, laquelle a endossé en contrepartie certaines obligations de l'employeur ;

dès lors que des anomalies seraient constatées concernant la gestion des contrats de M. [Z] [E], il serait juste (sic) que la société Mounier David en assume les conséquences.

La société Mounier David fait valoir que

la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon était seule à même d'apprécier l'opportunité de recourir à l'intérim ;

la preuve de la réalité du motif du recours au travail temporaire énoncé dans les contrats de travail incombe à l'entreprise utilisatrice et à elle seule ;

l'entreprise de travail temporaire n'est pas garante du respect par l'entreprise utilisatrice des dispositions du code du travail auxquelles elle est soumise et n'est pas tenue d'une obligation de conseil.

***

Selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, le motif du recours au travail temporaire est imputable à l'entreprise utilisatrice, laquelle n'invoque aucun manquement de la part de l'entreprise utilisatrice à son égard.

Elle sera donc déboutée de son appel en garantie.

Sur la demande d'intérêts au taux légal :

Les intérêts au taux légal portant sur les créances indemnitaires courent à compter du présent arrêt s'agissant de dispositions infirmatives du jugement entrepris.

Les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature salariale courent à compter de la notification à l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement, soit le 26 avril 2019.

Sur le remboursement des indemnités chômage :

Il convient en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, d'ordonner d'office le remboursement par la société Mounier David à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à M. [Z] [E] du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront infirmées.

La société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon, qui succombe partiellement en appel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de condamner la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon à payer à M. [Z] [E], au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance et d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Mounier David, les sommes, non comprises dans les dépens, qu'elle a dû exposer au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Dans la limite de la dévolution,

INFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [Z] [E] dirigées contre la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon, en requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée, en paiement de l'indemnité de requalification, de préavis et congés payés afférents, de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamné aux dépens ;

Statuant à nouveau,

REQUALIFIE les contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée ;

CONDAMNE la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon à payer à M. [Z] [E] :

la somme de 3 500 euros à titre d'indemnité de requalification ;

la somme de 1 966,02 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

la somme de 6 049,30 euros compensatrice de préavis outre 604,93 euros pour de congés payés afférents ;

la somme de 19 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

RAPPELLE que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

DIT que les intérêts au taux légal sur les créances de nature salariale courent à compter de la demande, soit à compter de la notification à la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon de la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes le 26 avril 2019 ;

DIT que les intérêts au taux légal sur les créances de nature indemnitaires courent à compter de ce jour ;

Y ajoutant,

REJETTE l'exception d'incompétence soulevée par la société Mounier David ;

REJETTE les demandes de la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon en condamnation de la société Mounier David à la garantir des condamnations prononcées par la présente décision ;

ORDONNE le remboursement par la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à M. [Z] [E] du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage ;

CONDAMNE la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon aux dépens de première instance et de l'appel ;

REJETTE la demande de la société Mounier David fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société d'affrètement de Transports Frigorifiques Perrin Pichon à verser à M. [Z] [E] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de distraction au titre de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 21/01915
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;21.01915 ?
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